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Pourquoi sommes-nous morts assassinés un jour de printemps ?

mardi 7 mai 2013

Aux enfants de ma tribu
À Dyla et à Hsisou le renaissant
À Akli et son papa Dda Mekhlouf

Qu’il est tragique de mourir si jeune. Qu’il est tragique de mourir
assassiné un jour de printemps, la poitrine gonflée de désir de
renaître ; surgir aux balbutiements des herbes, au resurgissement des
sources, et à la renaissance du Pays. Etre. Le printemps c’est
renaître ; c’est muer. Bonder. C’est quand la nature vibre au contact
de la musique de la terre. Quand les herbes, les sources, l’air, les
insectes, les êtres, réapprennent à revivre. L’été comme l’hiver
comme l’automne sont des saisons terribles. Plus effroyables depuis que
la guerre a accouché des monstres. Des neiges, des tempêtes, des
canicules, des noyages, des séismes rythment alors la tragique
symphonie de ce pays le vôtre, le nôtre. On dit qu’elle n’est plus.
L’on tait les cadavres et les blessures. L’on ment. On achète tout
même les humains. Mais jamais faire taire le remords ; les poitrines
inassouvies et les enfances. Nos enfances. Elle est encore là. Elle
bouge. Discrète. Quelquefois muette. Mais elle coupe. Elle est là sans
merci. Sans pitié. Elle tranche froidement. . Elle agit selon la
pluviométrie des appétits. La saison du meurtre est encore plus longue
et plus vraie que la creuse phraséologie de cet homme, de ses hommes qui
cadenassent le pays, carnassiers ; faiseur de charniers. Et dont le seul
désir : s’emparer des terres et des hommes ; de l’air et de la mer.
Héritiers de vielles féodalités. On n’impose pas la paix par la
matraque ni par les urnes surtout quand on a crée soi-même la guerre,
quand on la mène contre soi-même, contre les autres. Pour satisfaire sa
mégalomanie, le Roi est capable de l’inimaginable, l’insupportable.
Et ses valets sont prêts à nourrir la folie à la mamelle de
l’allégeance. Mais l’Histoire est aussi froide. Elle tranche aussi
froidement comme la mort. Elle est sans pitié.

C’était un jour de printemps. C’est un jour de printemps…
Renaître pour/dans un pays qui ne cesse de mourir ; -étrange agonie !!! ;
tué ; saigné, et qui renaît avec ses enfances, c’est réapprendre
son profond chant ; reconquérir sa renaissance. Etre digne de sa beauté.
Sa puissance. Sa vérité profonde. Qu’il est tragique d’être tués
impunément par un Etat qui a cessé d’être ce qu’il devait être, -
responsable de protéger ses citoyennes et citoyens des abus - parce que
Pouvoir. Ordre dont la seule légitimité est faite de dates falsifiées,
de noms triturés, morceaux d’une épopée truffée. Imposé au pays la
tyrannie du fusil et l’ignorance du Livre qui désapprend à vivre
debout. Mais même trahie. Confisquée. Son secret survit clandestinement
dans des petits bouts de chair d’enfants. NOVEMBRE est tellement grand
qu’il est endormi dans la poitrine des enfants. Seules capables de le
porter. Une poitrine d’enfant est la maison de la vérité. Petit Omar
du printemps renaissant. Petit Omar de tous les printemps. Qu’il est
tragique de taire ce qui le prend à la gorge : crime, haine, mensonge,
fraude … D’immenses cadavres grouillent dans son crâne. Une tumeur y
naît. . Mais le Cancer d’être de ses enfants est plus grand, plus
vorace parce que sauvage, beau, vrai. Il survit. Il vit au-delà de la
guerre. Depuis fort longtemps, dans ma chair-pays, la guerre n’a jamais
cessé . Elle change de visage, de costume et de nom. Elle voyage, prie,
boit, respire. Elle enfante… l’intolérable.. dans le sang. Des
cadavres, disparitions, tortures à la corruption, à l’altération des
sources ; à la prostitution de la terre et à la destruction, à la
tuerie au feu ; à la profanation du langage des possibles. Aux enfances
brûlées vives. Elle est sans amour et sans pitié. Insatiable jouissance
du meurtre. A force de bouffer des morts, de nous bouffer, oui, Sadek le
grand frère mort au front de l’exil, ce pays souffre a de digestion.
Pourtant, il nous digère. Surtout au printemps, ce jour de printemps. A
force de boire dans la coupe du meurtre l’impunité, l’on trinque avec
de noires divinités : ogresses descendantes de l’obscure Taryel. Il se
tue. Il nous tue. Nous mourrons assassinés. Tragiquement au printemps
quand le monde réapprend à respirer, à goutter au pollen de l’Abeille.
Quand les nids revivent l’idylle des oiseaux . Nous mourrons
assassinés. S’il nous arrive de le vomir, c’est par amour. Nos faims
ne sont sustentées que par un profond appétit à être. Si on le quitte
c’est aussi par amour parce que mourir tués, assassinés dans le giron
du printemps ; dans les genoux de sa Mère-Terre, c’est désespérer de
l’humanité. Regretter son amour. En amour, point de regrets sinon, ce
n’est plus l’amour. C’est de la haine maquillée. La vérité est
nue. Ne plus sentir son cœur battre avec la jouissance de la terre
c’est disparaître définitivement. Il vit de nous. Nous le vivons
jusqu’à à en mourir. Ne le quittons pas, nous le quêtons. Nous le
portons écharde dans la chair ; prairie verte d’espérance, nos folles
espérances. C’est pour ça que nous le payons cher, très cher avec nos
plus belles énergies, notre chair, notre part belle : nos vies. Nous
mourrons alors assassinés. Nous le portons comme une croix sanguinolente.
Dans son giron. Dans l’exil. Dans ses peaux qui nous démangent parce
qu’elles refusent de se trahir. Emeutier-Pachyderme. Descendants de
l’intraitable tribu des Numides. Nous le quêtons indéfiniment. Il
n’y a que l’amour qui est capable d’une si grande histoire. Notre
poème. Notre Asefrou. Notre Asafou. Mais les canons réapparaissent et
exécutent l’ordre du Clan. INJURES. FEUX. MEURTRES. Avions-nous perdu
le sens du Hawfi, Asefrou de Tayri ? Pourquoi, chez nous, le printemps ne
dure pas longtemps ? Et quelquefois, s’il arrive à nous laver des
pourritures, Anza l’accompagne. Et le fusil adossé à l’impunité
tire. En uniforme. Arc-bouté sur le Livre et la Loi, il s’appuie sur la
gâchette de l’Ordre … Des enfants y tombent. Nous y mourrons
assassinés. Pourquoi notre histoire est envahie par des chars, par de
bruits meurtriers, par le deuil et la puanteur de morts sans cadavres ;
des morts sans sépultures ? Un pays vivable est-il encore possible
au-delà de l’obscure loi du meurtre ? Nos champs renaîtront-ils un
jour ? Blé d’avenir. Fleurissement. Nos chants feront-ils écouter leur
vérité ? On brandit des fusils. Et l’on tire. Des enfants y tombent.
Nous y renaissons plus vivants parce que le désir du Pays, un autre Pays
est encore plus fort, invincible. Inatteignable aussi bien par balle que
par le khedmi.

O chair-pays, qu’avions-nous commis comme erreur pour mourir assassinés
un jour de printemps ? Nos chansons sont nos seules armes. Notre misère.
Notre seule richesse c’est nos poitrines o(e)uvertes au possible Pays.
Terre généreuse où chacun saura vivre différemment ; où chacun saura
chanter son qcid sans avoir peur de perdre sa langue, coupée par les
ogres… Vivre ne peut être vrai qu’au pluriel.

Et l’enfance qu’on assassine, qu’on tue au nom d’une obscure loi
désespère-elle de renaître au printemps ? A-t-on légalisé le crime
pour qu’il devienne un langage, un mode d’être ? La guerre n’a pas
quitté son lit. Nos lits. Nos peaux. La Révolution couche avec tout le
monde ; oui mon frère Yahia. Notre chance est en nous. L’autre bout de
nous-mêmes. Nos sacrés sacrifices. Et la vôtre, triste légitimité
d’une histoire mensongère où de successifs parâtes venus dicter au
sabre et à la mitrailleuse élevant des divinités à tout ce qui altère
le Pays. Et le pays renaît dans sa propre déchéance décomposé puant la
putride fumée des saccages. Nos espérances-métempsychose. Geste
répété depuis des siècles et qui ne cesse de durer, de faire durer
l’autre Pays, un possible Pays . Quel héritage avions-nous reçu ? Quel
legs laisserons-nous aux enfants, aux enfants de nos enfances ? Le crime,
le crime, le crime. ET LA CHANSON POUR DURER AU-DELA DES CADAVRES et du
TEMPS... Des enfants y mourraient, y meurent, tués, violés, disparus,
suicidés. La bouche de l’ogresse s’ouvre voracement. Et le conte
devient réalité. Et de meurtrières rafales viennent nuitamment sceller
le désastre. Des enfants y tombent. Assassinés. Et les ronrons de la
nation des mallettes gémirent, jouissant d’avoir vaincu ce qu’ils
n’auront jamais ni par le sperme noir du pétrole ni par le fusil :
l’enfance, l’âge d’or de la beauté. L’érection des enfances
jamais vaincues est plus puissante que vos tristes puits de
pétroles-mosquées, divinités phalliques qui prêchent la mort. Et
enflamme d’une si étrange poudre l’incendie. Notre incendie où nous
y mourrons brûlés. Car elle est promesse de ce qui sera. Ce que nous
serons. Ce que nous sauront fonder, Le Pays . Le nôtre. Le v-autre.
C’était un jour de printemps. C’est un jour de printemps…

Chair-pays, sommes-nous condamnés à n’exister que canon à chair ? Que
morts pourris dans les poubelles de l’histoire où les vainqueurs se
lavent à l’impure eau de l’impunité, de l’inhumanité ? Nos rêves
sont plus grands que votre pays ; notre chanson est aussi sacrée que les
plus belles épopées ; nos mots plus perçants que vos épées. Nous
étions et nous sommes encore chair à canon chair-pays ; nous refusons de
mourir, chiffres de tristes calculettes fortifiant le Pouvoir et la
féodalité de tristes ogres. Ma chair-Pays, je n’ai plus besoin de
t’écrire, te hurler, te brûler, t’embrasser, te respirer, t’es
sang, mon sang, notre sang. Et t’es ma propre mort. Notre mort. Ta mort.
Ma vie. Pourquoi au printemps ? Notre vie. Notre renaissance.
Pourquoi sommes-nous morts assassinés un jour de printemps ?
Des odeurs meurtrières se mêlent à ce printemps naissant. Et le canon
de l’Assassin fait entendre la mort, la disparition et le pays
désapprend à vivre… Des enfants y tombent. Et la guerre exécute ses
tragiques symphonies. D’étranges ogres jaillis d’un temps anonyme
claironnent l’orgie. Ils viennent bouffer des enfants dans le giron du
printemps. Pourquoi sommes-nous morts assassinés un jour de printemps ?
Pour quel crime je suis assassiné ? Ma mort est-elle votre paix, la paix
de vos tristes guéguerres, faux prophètes, faux seigneurs d’une
fausse histoire, d’un faux-pays où seul le mensonge croît ?
La mort ne saura nous atteindre parce que nos raisons de vivre sont plus
fortes que vos canons ; notre chanson ne marche que par ce qui triomphe de
la haine, l’amour et le pays, un autre Pays. Elle est plus belle et plus
vraie que la haine jaillie des hauts-parleurs où l’on fait parler un
obscur Dieu appelant la guerre. Notre Dieu est amour. Notre Dieu c’est
l’enfance qui balbutie le langage de la naissance ; la renaissance.
C’est l’ABSOLU.

Oui. Un pays sans amour est un enfer, c’est l’enfer. On n’a pas
besoin de l’entendre venir de vos tristes chapelles ; on n’a pas
besoin non plus d’aller dans le Livre, dans les froides banquettes
d’écoles pour le connaître, il existe sur terre, inventé par
l’homme, charbon de sa bêtise. Les livres s’écrivent au sang. Nous
sommes morts assassinés. Notre sang est sacré parce qu’il a ruisselé
au printemps. Il rejailli. Dans la terre, il y a notre Livre. Ecrit avec
notre chair. Chaque printemps, il fleurit. Sa musique redouble de
vérité. Nous nous multiplierons. Comme cette terre de siècle en siècle
envahie mais renaissante, nous renaissons, renaîtrons rien que pour
veiller sur ce chant. Et le printemps sera peut-être plus beau. Nous
déterrons nos achewiq et nous chantons une émeute d’être. Nous
n’avons plus peur de vos canons. Nous renaîtrons à chaque salve de
Haine. N’avions-nous pas dit, ce jour de printemps, « Nous n’avons rien
à perdre. Ils peuvent pas nous tuer, car nous sommes déjà morts." Les
morts ne sont pas tout à fait morts. Ils survivent herbes, humus au
printemps surtout quand ils sont enfants, êtres fragiles. Ils repoussent
vite. Fourmillent dans la terre. Pourquoi sommes-nous morts assassinés un
jour de printemps ? Nous vivrons. VIVRONS. VIVRONS. Si nous ne sommes
pas/serons pas assassinés un jour de printemps. Nous survivrons. Et
peut-être le printemps sera beau, plus beau. Et nous vivants. Etres
d’un pays Vivable.

Azeddine Lateb

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