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LA « COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE » et LAURENT BAGBO OU LE PRIX DE L’IRRÉVÉRENCE.

mardi 28 décembre 2010

L’HALLALI DE LA « COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE » CONTRE LAURENT BAGBO OU LE PRIX DE L’IRRÉVÉRENCE.

par Jean Chrios MOUKALA

Que Laurent Bagbo ait perdu l’élection présidentielle en Côte d’ivoire, cela ne fait aucun doute. Qu’il faille critiqué son coup de force, en se maintenant au pouvoir contre le verdict des urnes, cela va de soi. Toutefois, l’on ne peut néanmoins s’empêcher de rester circonspect face à l’étonnante et subite conversion, de ce que l’on nomme pompeusement la « communauté internationale », à la défense de la transparence électorale en Afrique. Par : Jean-Chrios MOUKALA (Économiste. Docteur en économie et Diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Montpellier).

Ceci invite à d’autant plus de circonspection que cette même « communauté internationale », mais qui en réalité n’est qu’un « petit club au service de la gestion des intérêts stratégiques des grandes puissances », a toujours par le passé (au gré des intérêts de ses mandants et surtout en fonction de la docilité ou non des pouvoirs en place) suscité, toléré, voire couvert les trucages électoraux, les coups d’État sanglants, les dictatures sanguinaires, et tout récemment les successions dynastiques en Afrique.

Et plus près de nous, comme cela a été relevé par quelques journaux moins inféodés à la « pensée unique » en cours concernant l’analyse de la situation politique en Côte d’ivoire, deux scrutins nationaux viennent également de se dérouler récemment en Afrique, et dans des conditions quasi staliniennes aussi bien du point de vue de leur organisation que de leurs résultats ,mais sans susciter le moindre écho…

Quant aux exemples dans le passé, ils sont également légions. Le journal satirique « le canard enchaîné », dans son édition du mercredi 15 décembre 2010, rappelle à juste titre le fait que cette même année d’autres élections présidentielles pimentées de lourdes irrégularités au Soudan (en avril) et au Togo (en février) n’avaient pas suscité de tempêtes diplomatiques. Et le même journal d’ajouter que pas plus qu’en 2009, les scores « mobutuesques » obtenus par les chefs d’États sortant du Congo-Brazzaville (79%), d’Algérie (90%), et de Tunisie (89,60%) n’avaient provoqué le moindre émoi. Et comme pour enfoncer le clou, le même journal rapporte le propos d’un ex-conseiller Afrique du Président Chirac (corroboré par celui de l’ancien responsable des services secrets français au Gabon ), selon lequel, à propos de l’élection présidentielle du Gabon, « les résultats avaient été purement et simplement inversés » en faveur de Monsieur Ali Bongo Ondimba (paradoxalement candidat de l’actuelle vertueuse « communauté internationale »), et au détriment de M. Pierre MAMBOUNDOU. Pourtant authentique démocrate. Et comme nous avons pu tous le noter à l’époque, ce dernier n’avait nullement bénéficié (en dépit de la constance de ses convictions politiques, éthiques et morales et de la longévité de son combat pour l’instauration de la démocratie au Gabon) du soutien de ladite communauté « internationale », qui aujourd’hui s’émeut de la même situation en Côte d’ivoire.

Y aurait-il des bons et des mauvais opposants ? La réponse est assurément oui, au regard de cette attitude du « deux poids - deux mesures » dont a toujours fait montre la communauté dite « internationale ». À la lumière de ce désolant constat qui naturellement ne crédibilise pas l’action de ladite « communauté internationale », force est de constater que ce qui se joue actuellement en Côte d’ivoire a peu à avoir avec la question du respect ou non du verdict des urnes. La mobilisation sans précédent à laquelle nous assistons actuellement au sein de la « communauté » dite « internationale » à propos de la situation en Côte d’ivoire n’est en réalité que la volonté de la France (ex-pays colonisateur) de vouloir réinsérer dans son pré carré un pays qui, avant de se rebeller avec l’arrivée précisément au pouvoir de Laurent Bagbo, faisait figure de vitrine de la France en Afrique, mieux de la françafrique. L’hallali actuel dont est victime M. Laurent Bagbo n’est pas la résultante de son coup de force électoral bien que condamnable, mais plutôt celle de son irrévérence face à l’ancien pays colonisateur, la France.

Son arrivée au pouvoir ayant été considérée par celle-ci comme étant une « effraction », lui qui fut naguère un intransigeant opposant au « vieux » Félix Houphouët-Boigny chantre de la « françafrique », n’a jamais été digérée. Le coup d’État en 2002 des forces dites « nouvelles », derrières lesquelles se dissimulaient une nébuleuse d’intérêts dont on pouvait aisément deviner les ramifications, et qui devait refermer cette « insupportable parenthèse » ayant échoué, Laurent Bagbo était naturellement attendu au tournant.

Sa volonté de se maintenir au pouvoir contre le verdict des urnes qui aurait pu, s’il faisait partie de la noria des bénis Oui-Oui et autres satrapes qui dirigent nos pseudos États africains en particulier francophones, bénéficié de l’onction de ladite « communauté internationale » offre donc incontestablement une occasion rêvée à cette dernière (dans les coulisses de laquelle s’active bien entendu sans ménagement la France) de lui faire payer son irrévérence.

En définitive, la subite et étonnante conversion de la « communauté » dite « internationale » à la défense de la transparence électorale en Côte d’ivoire, et l’hallali contre Laurent Bagbo qui s’ensuit aujourd’hui, n’est que l’expression du prix de cette irrévérence. Que les Africains ne s’y trompent pas.

Quant à la prétendue « communauté internationale », peu importe l’issue de son bras de fer actuel avec Laurent Bagbo, elle ne gagnera fondamentalement en crédibilité que le jour où elle saura se soustraire des injonctions des pays influents utilisant au gré de leurs propres intérêts les canaux du multilatéralisme…Ce n’est que ce jour qu’elle pourra réellement réparer le sentiment d’abandon et de rancœur que partagent à juste titre aujourd’hui nombre d’authentiques démocrates africains vivant dans des pays où les élections n’ont toujours été que des grotesques parodies bénéficiant qui plus est de sa mansuétude…

NOTE :

1 - En Égypte le parti au pouvoir a remporté, presque sans rival, 95% des voix aux législatives. Au Burkina Faso, le président Blaise Campaoré sacré à la faveur d’un putsch vingt-trois ans plus tôt, s’est fait reélire avec plus de 80% de voix au premier tour (canard enchaîné du 15/12/2010).

2 - Cf. le film de Patrick Benquet intitulé la « FRANCAFRIQUE : 50 années sous le sceau du secret » diffusé par « France 2 ».