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L’APPEL DE RIM FATHALLAH « FAISONS DU 18 JUIN "LA JOURNÉE NATIONALE DES DROITS DE L’HOMME !" »
jeudi 19 juin 2014
… RIM, fille de Youcef FETHALLAH n’a qu’un souhait : « Faire du 18 juin la journée nationale des droits de l’homme. »
« Le 18 juin 1994, on n’a pas seulement assassiné un homme. On a assassiné un symbole, une figure emblématique. On a assassiné les droits de l’homme. On a assassiné une certaine idée de la justice », plaide la jeune avocate…
HONNEUR A TOI, CAMARADE YOUCEF,
LÂCHEMENT ASSASSINE IL Y A VINGT ANS
APPEL DE RIM FETHALLAH :
« FAISONS DU 18 JUIN
“LA JOURNÉE NATIONALE DES DROITS DE L’HOMME !” »
« Le 18 juin 1994, on n’a pas seulement assassiné un homme. On a assassiné un symbole, une figure emblématique. On a assassiné les droits de l’homme. On a assassiné une certaine idée de la justice »
L’hommage à notre regretté camarade de L’ORP et du PAGS, à son parcours patriotique au FLN du temps de guerre, à son attachement permanent et courageux à la juste cause des droits humains, c’est l’hommage à la lutte et aux sacrifices de tous ceux qui n’ont rien épargné pour la défense de ces nobles valeurs.
L’appel pathétique de Rim Fathallah est un appel unitaire à l’opinion, qui monte des jeunes générations instruites par l’Histoire, au-delà de leurs expériences et de leurs sensibilités idéologiques.
Elles prennent lucidement le relais de leurs prédécesseurs qui du temps du colonialisme ou de l’indépendance se sont dressés contre le mépris des libertés et droits humains.
À l’exemple de ceux et celles comme Chebbah Mekki des Aurès des années trente, Abbassia Fodil et Baya Allaouchiche des années quarante, Noureddine Rebah, Laïd Lamrani, Georges Raffini et Henri Alleg, combattants des années cinquante, Bachir Hadj Ali et Mohamed Teguia résistants à l’arbitraire des années 60, Sadek Aïssat et ses camarades des années 70 à 90, plus tard encore les syndicalistes autonomes et jusqu’à nos jours les syndicalistes et militants comme Osmane Redouane, les leaders des travailleurs et des luttes antichômage, des initiatives sociales et démocratiques des "Moubadarat".
Tous et toutes ont conjugué la flamme, la droiture et la sagesse des jeunes, l’ardeur du combat et la raison du militant avec l’exigence du respect des droits de l’Homme et du citoyen, en toutes circonstances et d’où que proviennent les violations de ces droits, s’abattant le plus souvent sur eux de plusieurs côtés à la fois, simultanément ou successivement.
L’hommage va aussi au travail ingrat et dangereux des journalistes et publicistes qui dans les moments les plus difficiles n’ont pas cédé aux menaces et pressions visant à les soumettre au silence coupable de l’omerta.
Les luttes et les sacrifices en faveur des droits de l’Homme n’ont pas été vains.
Il y a vingt ans, les adversaires de la démocratie politique et sociale, qu’ils soient religieux ou laïcs, les diabolisaient en les qualifiant de luxe « droit de l’hommiste » dont ne sont pas dignes nos compatriotes.
Aujourd’hui, le respect effectif des droits de l’Homme est devenu de plus en plus sur la scène politique un des critères principaux de la crédibilité des acteurs et des projets de société. Au point que cette cause fait l’objet de toutes sortes de diversions et d’instrumentalisations pour la vider de son contenu démocratique, social et anti-impérialiste. Comme par le passé, c’est la mobilisation et la solidarité à la base de tous les milieux frappés par les violations de leurs droits qui feront triompher ces droits.
Outre l’appel reproduit ci-dessous de Rim Fathallah, Socialgerie joint le témoignage commentaire de Messaoud Benyoucef, ainsi qu’un rappel de publications passées, dont l’article de Sadek Hadjerès publié dans ElWatan du 14 juillet 1994, sous le titre “ Les droits de l’homme, question secondaire ou fondamentale ?”
À cette époque, cet article avait soulevé la réaction furieuse et grossière d’un "courageux" plumitif, lui même inspiré par un des membres de l’officine du FAM (« Front de l’Algérie Moderne »), qui à travers leurs efforts pour discréditer et imploser le PAGS, visaient à porter un coup fatal à l’ensemble des droits et libertés algériennes.
Les journalistes comme Benfodil et tant d’autres sauvent l’honneur non seulement d’une profession lourdement frappée dans le passé mais de toute l’opinion algérienne éprise de paix et de liberté.
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Cérémonie de recueillement à El Alia |
LE JOUR OU ON A TIRÉ SUR LES DROITS DE L’HOMME
Il y a 20 ans était assassiné Youcef Fethallah,
président de la LADH
Mustapha Benfodil
El Watan
le 18 juin 2014
"On est le 18 juin. 1994. Un samedi. Il est 9h. Maître Youcef Fethallah s’apprête à rejoindre son cabinet, situé au 3e étage d’un immeuble de la rue Larbi Ben M’hidi, à quelques mètres de la statue de l’Emir Abdelkader.
À peine a-t-il commencé à gravir les marches de l’escalier en marbre menant vers son étude notariale qu’une ombre maléfique embusquée dans la cage d’escalier ouvre le feu. Un pistolet silencieux, selon certains récits. Le président de la Ligue algérienne des droits de l’homme (LADH) est atteint de trois balles dans la tête. Me Fethallah pousse un cri sourd qui déchire le ciel et s’écroule. Il rendra l’âme pendant son transfert vers l’hôpital Aïn Naâdja. Il avait 64 ans.Me Fethallah a laissé une fille : Rim. Vingt ans après, c’est maître Rim Fathallah qui occupe aujourd’hui le fauteuil de son père. Tout un symbole !
Rim nous reçoit aimablement dans son cabinet. Elle arrive légèrement en retard « à cause de ces maudits embouteillages », s’excuse-t-elle. Il faut dire qu’elle en impose par sa personnalité, sa liberté de ton, son raffinement,et son charisme naturel qu’elle tient sans doute de son père. L’âme de Fethallah-père est là. On la sent presque. Une présence tutélaire et bienveillante. On la sent surtout à travers les dossiers qui emplissent le bureau, le mobilier pittoresque, les murs qui murmurent les versets du droit humaniste transmis de père en fille.
Et, par dessus tout, les mots, les gestes, l’émotion, la mémoire intacte du temps intérieur, et le regard profondément lucide de Rim sur les hommes et sur le monde, celle qu’il appelait affectueusement « qorratou ayni » (la prunelle de mes yeux). « Il disait : la meilleure chose que j’ai faite dans ma vie est une fille », susurre-t-elle dans un sourire. Elle parle de son père et mentor avec simplicité, sans fausse pudeur et sans pathos. « C’était quelqu’un à la fois d’exigeant et d’humble », témoigne-t-elle. « Il était très large d’esprit mais sévère quand il le fallait, surtout côté études. Il m’a inculquée la culture de l’effort, du mérite », appuie-t-elle.
Etudes de droit à Baghdad avec Saddam et Tarek Aziz
D’ailleurs, son ascension professionnelle, elle ne la doit qu’à elle-même. Toujours cette attitude ascétique, stoïque, devant la vie. Elle qui s’arrêta (s’interdit ?) de pleurer deux jours seulement après le drame « parce que je suis la fille de Youcef Fethallah et que je me devais d’être digne et courageuse ». Elle qui se vit expulsée violemment de l’adolescence et dont l’esprit était taraudé par une seule question : « Les balles, est-ce que ça fait mal ? Est-ce que papa a souffert ? » Dans sa voix, une tendresse contenue. Aujourd’hui, c’est une avocate bien installée. « J’ai prêté serment en 2002 », dit-elle. Il eût été impensable qu’elle choisisse un autre métier.
Pourtant, du vivant de son père, jamais elle ne se serait imaginée en robe noire. « J’étais une matheuse à la base », précise-t-elle. « Et puis, à la mort de mon père, j’ai décidé de faire droit. Pour moi, cela allait de soi que j’emprunte son chemin. Je voulais perpétuer son nom. Je voulais que le nom de maître Fethallah continue à résonner, même si je n’ai pas l’étoffe de mon père. Je pense d’ailleurs que personne ne peut l’égaler. Normal, c’est mon père ! » lâche-t-elle avec une fierté mesurée.
Rim nous avoue que certains détails biographiques lui échappaient tant la vie de son père était trépidante. Pour elle, Youcef Fethallah était d’abord son papa, ce n’était pas un personnage public. « Quand il est mort, j’avais seize ans et demi. Je n’avais pas vraiment conscience de ce qu’il représentait, de son poids politique. Pour moi, c’était juste mon père. C’était un peu Monsieur tout le monde. Lui-même était très discret. Il ne parlait jamais de lui, de ce qu’il faisait. Ce que je sais de lui, je l’ai appris par des tiers », confie-t-elle. Des tiers à l’image des historiens Mohamed Harbi, Lemnouar Merrouche ou encore le sociologue Tahar Zeggagh. « Ils étaient inséparables. »
Selon une note biographique élaborée par Lemnouar Merrouche, que Rim a bien voulu mettre à notre disposition, Me Youcef Fethallah est né le 31 août 1930 au village de Bounda, dans la wilaya de Bordj Bou Arréridj. A l’âge de 15 ans, il part en Tunisie et s’inscrit à la Zitouna. Il est encore tout jeune lorsqu’il adhère au PPA puis au FLN. C’est à Baghdad qu’il fait des études de droit et, en partie, au Caire. « Durant ses études de droit en Irak, il fait la connaissance, sur les bancs de l’université de Baghdad, de Saddam Hussein et de Tarek Aziz, dont il devient très proche. Ils sont restés amis jusqu’à la mort de mon père », assure la jeune avocate.
Il bloque El Moudjahid pour protester contre Boumediène
Militant acharné de la cause nationale, il devient un membre très actif au sein d’une association d’étudiants algériens au Caire. « Par son action au sein du mouvement étudiant algérien et de l’Union des étudiants arabes, il noue avec les intellectuels du Machrek des liens qui ne se démentiront jamais et contribueront à élargir la solidarité arabe avec l’Algérie en lutte », lit-on dans une déclaration rendue publique peu après sa mort. Le document porte les signatures de Mohamed Harbi, Lemnouar Merrouche, Tahar Zeggagh, Haider Hassani et El Hadi Chalabi. Rim ajoute : « Il a même collaboré à la radio Sawt el Arab, au Caire. »
À l’indépendance, Youcef Fethallah rejoint l’équipe du journal “El Moudjahid”, dans sa version en langue arabe, et en devient le secrétaire de rédaction. Lemnouar Merrouche, qui était à l’époque rédacteur en chef dans ce même journal, rapporte qu’à la suite du coup d’Etat du 19 juin 1965, Youcef Fethallah et lui-même avaient décidé de ne pas faire paraître le journal en signe de protestation contre le pronunciamiento du colonel Boumediène.
Youcef Fethallah est contraint à l’exil. Il rejoint la France où il reste jusqu’en 1974. Militant de gauche, il adhère, dans l’intervalle, à l’Organisation de la résistance populaire (ORP) fondée clandestinement par Mohamed Harbi et Hocine Zehouane au lendemain du coup d’Etat. En 1966, il adhère au PAGS. « Il devint alors l’un des animateurs dans l’émigration en France de l’opposition de l’ORP, créée à la même période, pour défendre les options progressistes et les droits démocratiques de la révolution algérienne… À ce titre, il eut pour tâche, entre autres, d’alerter l’opinion arabe progressiste au Moyen-Orient et au Maghreb, notamment sur les cas de torture subie par Hocine Zahouane et Bachir Hadj Ali », témoigne Tahar Zeggagh dans un texte écrit en hommage à Me Fethallah, que sa fille nous a communiqué.
Défenseur acharné des prisonniers palestiniens
Dès son retour en Algérie, Youcef Fethallah s’inscrit au barreau d’Alger. Il s’associe avec Me Aziz Benmiloud et Hocine Zehouane. Parallèlement à son métier d’avocat puis de notaire, il s’affirme comme un défenseur intransigeant des droits humains. À ce titre, il s’implique activement dans la création de la Ligue algérienne des droits de l’Homme (LADH) dont il deviendra président, par la suite, succédant à Me Miloud Brahimi. En plus de la dénonciation des atteintes aux droits humains en Algérie, Me Fethallah se distingue par un engagement tous azimuts pour la défense des causes justes dans le Monde arabe. Il est particulièrement habité par la cause palestinienne et s’illustre par la défense de nombreux prisonniers palestiniens.
« Tous ceux qui l’ont connu peuvent témoigner de sa ténacité dans la défense des droits démocratiques des progressistes arabes qu’il a défendus pendant leurs années de prison aussi bien en Tunisie qu’au Maroc, en Egypte, en Jordanie, à Damas, à Baghdad. Tous connaissent la solidarité active et le dévouement permanent avec lesquels il a défendu les militants palestiniens en Jordanie, à Damas et à Beyrouth. Sa défense était d’autant plus efficace que lui-même connaissait la majorité des dirigeants arabes qu’il avait rencontrés pendant ses études et son militantisme au FLN au Caire, à Baghdad et à Tunis pendant la guerre d’Algérie », souligne Tahar Zeggagh, lui-même ancien détenu politique et plus jeune prisonnier du FLN en France. On lui doit, d’ailleurs, un ouvrage-clé à ce propos : “Prisonniers politiques FLN en France pendant la guerre d’Algérie 1954-1962
“La prison, un champ de bataille” (Paris, Publisud, 2012).
Le combat de Me Fethallah pour les libertés et les droits humains ne sera que plus exalté après le soulèvement d’Octobre 1988. « Il continuera le combat contre l’arbitraire policier et pour la liberté d’expression, à la tête de la LADH. Tous ses efforts visaient à dégager cette organisation de l’emprise étouffante du pouvoir et à lui faire jouer son rôle non pas de victime instrumentalisée, mais de réelle organisation de défense des libertés », lit-on dans l’hommage collectif qui lui a été rendu peu après sa disparition (Harbi, Merrouche, etc.).
Plaidoyer contre les camps du Sud
Le même texte poursuit : « Ses positions nettes, exprimées dans les médias Algériens et étrangers contre l’internement des militants islamistes, contre la torture et pour la prise en compte des mouvements islamistes comme composante incontournable de la société algérienne montrent avec quel courage, quelle ténacité et quelle sincérité il a assumé sa tâche difficile dans des conditions qu’il savait pleines de risques, y compris pour sa vie. »
Rim Fethallah est formelle : « C’est mon père qui a fait fermer les camps d’internement du Sud. Il s’était même déplacé à Reggane. »
Après l’assassinat du président Mohamed Boudiaf le 29 juin 1992, Me Youcef Fethallah est désigné membre de la commission d’enquête (dite Commission Bouchaïb) chargée de faire la lumière sur ce crime d’Etat. « Le président Boudiaf l’avait même contacté pour lui proposer le poste d’ambassadeur dans un pays arabe. Il savait qu’il aurait le Moyen-Orient dans sa poche vu son carnet d’adresses dans les capitales arabes », confie Rim.
L’assassinat de Si Tayeb El Watani en décidera autrement. « La période la plus difficile que j’ai eue à vivre, c’était quand il a été nommé membre de la commission d’enquête sur l’assassinat de Boudiaf. On m’empêchait d’aller seule au lycée. Mon père avait peur pour moi. Son comportement avait changé. Il se montrait prudent. Il devait sûrement savoir quelque chose qu’on ne savait pas ». se souvient Rim. « C’était quelqu’un de très secret. Ce qu’il vivait à l’extérieur de la maison restait à l’extérieur. Il n’y avait ni document ni parole qui filtraient » ajoute-t-elle, avant d’asséner : « Il est mort avec ses secrets ! »
D’aucuns estiment que la vérité sur l’assassinat de Boudiaf et la vérité sur l’assassinat de Me Fethallah sont intimement liées. Difficile de leur donner tort…
« Faire du 18 juin la journée nationale des droits de l’Homme »
Aujourd’hui, Rim n’a qu’un souhait : « Faire du 18 juin la journée nationale des droits de l’homme. »
« Le 18 juin 1994, on n’a pas seulement assassiné un homme. On a assassiné un symbole, une figure emblématique. On a assassiné les droits de l’homme. On a assassiné une certaine idée de la justice », plaide la jeune avocate. Rim regrette que la mémoire de son père n’ait pas eu droit aux égards qu’il mérite de la part de son propre pays.
Elle a, a contrario, une pensée reconnaissante pour le président tunisien Moncef Merzouki. Lors de sa visite en Algérie le 12 février 2012, le chef de l’Etat tunisien fit un geste que la famille Fethallah n’est pas près d’oublier.
« Dès son arrivée à l’aéroport d’Alger, il a pris aussitôt la direction du cimetière El Alia pour se recueillir sur la tombe de mon père. C’est un geste que je n’oublierai jamais. Il avait promis que c’est la première chose qu’il ferait s’il lui était donné de visiter l’Algérie et il a tenu parole. Il connaissait mon père et était même venu dîner une fois à la maison », raconte la fille Fethallah.
« À l’occasion, ils se sont même donné la peine d’embellir la tombe de mon père », glisse-t-elle malicieusement. Et ce n’est pas tout. Mme Fethallah et sa fille sont contactées par l’ambassade de Tunisie à Alger. Merzouki souhaitait les rencontrer, comme au bon vieux temps. La rencontre a lieu à Zéralda. « Le président Merzouki avait tenu à nous voir. Il nous a très bien reçues. Il a même rappelé à ma mère le plat qu’il avait mangé quand mon père l’avait invité à la maison. C’était un plat irakien, du biryani. » « Ce geste est une claque au gouvernement algérien qui n’a rien fait pour honorer sa mémoire », assène Rim Fethallah. Il faut dire que ces marques de sollicitude ne font qu’enfoncer le régime amnésique algérien, oublieux de tous les généreux de la trempe de Youcef Fethallah à qui l’Algérie de la « moussalaha » doit tellement…"
MUSTAPHA BENFODIL
Sources : El Watan - le 18 juin 2014
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- Me Youcef Fethallah
APPEL DE RIM FETHALLAH :
« FAISONS DU 18 JUIN
LA JOURNÉE NATIONALE DES DROITS DE L’HOMME ! »
blog braniya chiricahua
de Messaoud Benyoucef
le 18 juin 2014
Le 18 juin 1994, était assassiné à Alger Me Youcef Fethallah, président de la LADH (ligue algérienne des droits de l’homme). Le crime fut sans conteste l’œuvre d’un tueur professionnel, qui attendait l’homme de Droit dans les escaliers de l’immeuble où est situé son étude, armé d’un pistolet muni d’un réducteur de bruit.
Il a fallu attendre vingt ans pour que le silence soit enfin levé sur la trajectoire politique de Youcef Fethallah, et ce grâce à l’article de Mustapha Benfodil, journaliste d’“El Watan” et écrivain (article que l’on trouvera reproduit in extenso, ci-après) ! Honneur à lui, à lui qui a permis de faire « entendre » la voix de Me Rim Fethallah -la fille du martyr et praticienne du Droit, bon sang ne sachant mentir- ainsi que les témoignages des historiens Mohamed Harbi et Lemnaouer Merrouche, entre autres.
J’ai évoqué dans ce blog (cf, Gouverner par le complot, Le martyre de la LADH in Chroniques de la guerre des lâches), et à plusieurs reprises, la figure de Me Fethallah. Voici une autre anecdote éclairante.
Lorsqu’il avait pris la tête de la LADH (dont il était membre fondateur) à la place de Me Miloud Brahimi, je faisais partie du comité de section d’Oran de ladite ligue. J’avais, alors, et dans un cercle restreint, exprimé ma satisfaction de voir la ligue sortir ainsi formellement du giron de Hadi Khediri. Quelqu’un me répondra que nous n’avions pas gagné au change maintenant que la ligue avait pour président « un baathiste irakien » (sic).
Quelques jours plus tard, Me Ghouadni, président de notre comité de section, vint me voir et me tint ce langage : « Je sais que tu veux me déstabiliser, mais je te préviens que j’ai un polygone de sustentation suffisamment large pour tenir le coup... » (sic).
Me Ferhat se mit, lui aussi, à me témoigner une méfiance ostensible.
Je me suis abstenu de répondre à l’un et à l’autre mais je n’ai pas été sans remarquer que leur changement d’attitude à mon égard coïncidait avec la présence assidue de deux individus qui avaient pris prétexte de leur « arrestation » par la SM en octobre 1988 pour s’incruster en permanence dans les réunions du bureau. C’étaient, à l’évidence et comme la suite des événements le montrera, des mouchards introduits dans notre section. J’en ai fait part à Me Ferhat qui n’en revenait pas et je lui ai demandé d’affranchir Me Ghouadni. Or, l’un de ces spécialistes de la division n’était autre que celui qui avait traité Me Fethallah de « baathiste irakien ». Voilà.
Avant de faire place à l’article de Mustapha Benfodil et à l’appel de Rim Fethallah de faire du 18 juin la journée nationale des droits de l’homme, un simple mot pour demander aux Algériens, conservateurs ou modernistes, civilisés -ceux qui rejettent la violence et l’intolérance, ceux qui sont prêts à s’accepter et à vivre ensemble dans la différence de leur conception du monde et de la vie- d’acquiescer à cet appel, de le relayer et de le faire leur.
Qui mérite mieux cet hommage que l’homme qui a donné sa vie dans une défense intransigeante et universelle -sans exclusive d’aucune sorte- des droits humains ?
De la dénonciation du coup d’état de Boukharrouba et de ses tortionnaires à celle des camps de concentration du Sahara, des disparitions forcées et des exécutions sommaires de la guerre des lâches, du refus d’endosser le rapport de la commission Bouchaïb sur l’assassinat de Boudiaf à son témoignage devant Amnesty International sur la situation des droits de l’homme en Algérie, Youcef Fethallah a rempli son devoir avec un courage et une abnégation rares.
Gloire à toi, Maître.
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LES DROITS DE L’HOMME,
QUESTION SECONDAIRE OU FONDAMENTALE ?
par Sadek HADJERES
article paru dans El Watan du 14 juillet 1994
La tragédie algérienne va-t-elle connaître un tournant ? Les citoyens angoissés essayent d’y voir clair dans un enchevêtrement dramatique : des actes d’une violence insensée, des négociations aux rebondissements imprévisibles, des efforts de sauvetage d’une économie sinistrée, des pressions internationales en tous sens.
Sur cette toile de fond, poser le problème des droits de l’Homme ou celui des libertés des citoyens, est-il une diversion ou une question fondamentale par rapport à la question-clef qui domine toutes les autres : comment agir pour arrêter la spirale infernale et sortir de la crise ?
Dans les affrontements en cours, les atteintes aux droits de l’Homme sont quotidiennes et massives. Une grave banalisation fait que l’opinion n’en retient le plus souvent que les plus spectaculaires ou les plus porteuses de symboles. Cheïkh Bouslimani, Abdelkader Allaoua et Youssef Fathallah n’étaient pas des combattants armés. Leurs paroles et leurs actes visaient la paix civile.
Les citoyens qui ont défilé le 29 juin dernier à Alger s’exprimaient pacifiquement. Quoi qu’on pense de leurs opinions, les bombes meurtrières sont-elles la réponse adéquate à leur démarche ? À quelle logique humaine ou divine obéit l’assassinat de ressortissants étrangers ? Les auteurs de ces crimes accepteraient-ils que cette même logique s’applique à nos compatriotes séjournant dans des pays étrangers en crise ?
La violence de la hausse des prix frappe chaque jour d’innombrables bébés et vieillards dont les organismes épuisés par la malnutrition ne peuvent supporter la maladie.
Mais comme si l’article 120 n’était pas enterré, on continue à vouloir réduire au silence les travailleurs et les syndicats qui revendiquent pour leurs enfants le droit à la vie et à la santé. Certains osent prétendre que c’est le chemin inévitable pour la modernisation économique. Des femmes à la dignité irréprochable sont insultées, mutilées, assassinées, on ne leur reconnaît pas la qualité d’être humain parce qu’elles ne sont pas habillées de telle ou telle façon, ne veulent pas abandonner leur profession utile au pays.
Jamais notre peuple n’a éprouvé autant le besoin d’être protégé par des droits civiques clairement définis et garantis. Le pire serait de banaliser la barbarie, de s’y habituer.
Il ne sert pourtant à rien de s’en ternir à l’indignation, encore moins aux lamentations médiatiques. À quoi mèneraient aussi les cris de vengeance des familles de radicaux ou modérés républicains ou islamistes foudroyées par le malheur ?
Reste le plus difficile, réfléchir sérieusement, collectivement aux solutions et aux sorties de crise, sans être des rêveurs ni accroître les divisions de clans.
Peut-être est-ce ainsi, seulement, que l’Algérie gagnera un peu de temps et n’attendra pas quinze ans d’horreur comme le Liban.
Là-bas, des groupes sociaux qui avaient sans doute des intérêts légitimes à défendre, ont cru plus efficace de le faire en s’entretuant au nom de projets de société volontaristes et hégémonistes, dans un langage politique ou religieux sacralisé. Il a bien fallu ensuite dans ce pays épuisé, harmoniser ces projets antagoniques avec les besoins de la vie courante, les aspirations profondes et communes des citoyens, les rapports de forces locaux, régionaux et internationaux, la diversité de la société et de ses rythmes d’évolution.
Il est vital, pour la survie de notre société, de prendre conscience de cette logique dangereuse qui transforme ces affrontements politiques, somme toute normaux pour le pouvoir, en course tragique à la destruction du tissu national.
Dans la propagande, chacun admet que l’Algérie est gravement malade. Dans les faits, les guérisseurs revendiquent chacun la plus grande responsabilité dans l’avenir du patient, mais ils ne sont pas d’accord sur la nature des soins à lui apporter : chacun préconise un traitement de choc, une rupture qu’il comprend à sa manière et qu’il veut réaliser immédiatement, sans préparation ni transition, seul et sans contrôle.
Le premier concerné, le peuple affaibli par les traitements successifs violents et contradictoires, pourra-t-il donner une opinion sur sa propre survie ?
Ne lui faudrait-il pas moins de chocs et plus de soins adaptés à son état pour supporter les graves opérations qu’on le somme d’engager sans délai ? Comment libérer les énergies qu’il porte en lui ? Comment prendre une saine décision au milieu de cette confusion et des intérêts inavoués ?
Tous ceux qui tiennent à ce que l’Algérie reste en vie, parviendront-ils à imposer une démarche de raison ?
Dans un climat empoisonné par les anathèmes, les procès d’intention, les manœuvres de toutes sortes, nombreux sont pourtant les citoyens qui ont vécu ou sont prêts à vivre les idéaux de l’Islam et de la démocratie d’une façon sereine et sans les opposer. Nombreux sont prêts au-delà de toute appartenance ou allégeance partisane passée ou présente, à faire de ces deux idéaux une lecture historique saine, conforme aussi bien au patriotisme de notre peuple, à son attachement à certaines valeurs respectables de notre culture et de notre société qui rejette l’injustice et l’arbitraire, qu’à l’ouverture sur des valeurs plus universelles.
Nombreux sont aussi ceux qui n’opposent pas leurs convictions modernistes à la soif ardente de justice sociale, de démocratie et de paix des jeunes déshérités, même lorsqu’elle est dévoyée par le désespoir.
C’est le cas en particulier parmi tous ceux qui ont partagé et défendu leur cause fermement, quoique de façon constructive, pendant les dures années noires où le système du parti unique les accusait de démagogie populiste et les excluait constitutionnellement de leurs droits et libertés civiques.
En cette période, la défense des droits de l’Homme expose à des pressions énormes de toutes parts.
La folie meurtrière et des exactions voudraient se perpétuer avec la justification explicite ou implicite de la loi du Talion ou du premier agresseur : modernistes et traditionalistes se retrouvant alors dans la même sentence ravageuse : « al aïnou bil aïni wal badiou adhlam » , « œil pour œil, celui qui a commencé étant le plus coupable ». La priorité est-elle aujourd’hui, dans la pratique, de répondre à la question : qui a commencé le cycle des violences ?
Chacun a son opinion sur les raisons du déploiement de la violence ouverte et massive après l’interruption du processus électoral comme sur les multiples formes de violences réelles, masquées ou potentielles avant décembre 1991. Le débat sur cette question, sil parvient à une relative sérénité, sera salutaire pour nos futures institutions.
Mais aujourd’hui, une urgence plus grande est ressentie par notre peuple. Comment sortir de ce cycle où l’ennemi le plus redoutable est devenu la montée des haines et la confusion politique qui rendent l’avenir du pays mortellement incontrôlable ?
Dans ces circonstances, la question des droits de l’Homme prend une signification politique plus grande.
Ce n’est pas seulement une question humanitaire pour chaque famille algérienne frappée ou menacée par les deuils et les angoisses ; Il est vrai que les larmes sont aussi amères pour la mère du militant islamiste assassiné à sa sortie du camp que pour celle de l’agent de la circulation, du journaliste ou du jeune appelé du service national massacrés devant leurs familles.
Cette question est souvent rabaissée au rôle d’un simple instrument de propagande pour discréditer le camp adverse. On sait fort bien que les violations des droits de l’Homme et des libertés ne sont pas reconnues de la même façon par les individus ou les groupes selon que ces derniers en sont les victimes ou les auteurs.
S’il en est ainsi, c’est parce que l’attitude envers les droits de l’Homme (individus ou collectivités) révèle de plus en plus à l’opinion jusqu’à quel point les porteurs de projets de société se conforment ou non, par leurs actes, aux valeurs morales de justice et de dignité humaine qu’ils proclament.
Mieux que des discours, elle montre à tous ce que chacun est prêt à faire s’il dispose du pouvoir.
Du même coup, cela ouvre aussi un champ de recomposition politique sur des bases plus salutaires à toute la société. Quand les uns accusent les autres de violation de ces droits et valeurs, y a-t-il meilleure preuve d’attachement à ces droits, pour tous, que d’œuvrer ensemble à dégager le pays de la spirale de la violence ?
Y aurait-il tâche plus noble que de guider ce pays vers un transition dont la fonction principale serait d’établir les règles formelles et informelles qui lui éviteront des tragédies aussi douloureuses et coûteuses ?
Mais n’est-ce pas faire preuve de naïveté que de croire à un quelconque respect des droits de l’Homme quand l’engrenage meurtrier de la violence s’est enclenché ? D’aucuns disent : comment parler de droits de l’Homme quand le droit à la vie est lui-même mis en cause ?
Il s’agit précisément de défendre ce droit à la vie comme le premier et suprême des droits de l’Homme. Sa violation est la forme extrême de privation de tous les autres droits et libertés.
La politique et l’humanisme se rejoignent quand il s’agit d’unir et de mobiliser tous les citoyens et croyants qui estiment qu’aucun être humain n’a le droit de se substituer à Dieu, à la nature ou à toute la société pour décider d’ôter la vie à un autre humain.
Nul ne peut s’octroyer le droit de juger la ferveur de la foi et des convictions intimes de ses concitoyens ou monopoliser par la violence la gestion de leurs affaires personnelles, familiales et publiques.
Le droit d’inspiration divine comme le droit d’inspiration républicaine se donne comme finalité théorique de protéger la dignité de l’être humain.
N’est-ce pas là une chance unique de coopération pour tous ceux qui invoquent sincèrement l’un ou l’autre de ces droits ou les deux à la fois ?
Ce n’est pas une tâche facile de proposer à ceux qui sont engagés dans des conflits de pouvoir et d’intérêts, des passerelles de bon sens qui renvoient à la sauvegarde des intérêts majeurs de toute la société. Mais les fondements d’une telle démarche existent dans les aspirations et les besoins profonds de la société à différents niveaux. Toute force politique qui n’en tient pas compte s’expose à voir rétrécir sa base sociale, même si dans les débuts, sa démarche étroite paraît lui apporter quelque avantage.
L’une des raisons pour lesquelles les démocrates de toutes sensibilités idéologiques (nationale, islamique, sociale ou culturelle) n’ont pas pu reconstituer un pôle politique autonome suffisamment influent et crédible dans le pays c’est que, souvent, ils ont enfermé leurs différents projets démocratiques dans des objectifs et des horizons partisans étroits. Ils les ont subordonnés au triomphe préalable de leur projet de société. Mais ces projets partisans, aussi fondés soient-ils, restent l’expression d’un groupe social ou d’opinion. Cela est tout à fait normal et légitime. Mais ils ne peuvent jouer un rôle de programme et de norme pour toute la société, ne deviennent crédibles et mobilisateurs que s’ils sont devenus à l’émanation de cette société, c’est-à-dire, le résultat de sa maturation sociale et politique de son travail, de ses luttes, de ses choix affirmés.
L’idéal est que cela se fasse dans des conditions, avec des institutions, des règles de fonctionnement et des mécanismes de décisions les plus démocratiques possible. C’est cela l’enjeu immédiat de la transition, des débats publics ou des obscures tractations actuelles.
Les courants démocratiques qui ignoreraient cet enjeu ou le sous-estimeraient, seraient exposés au risque de voir les mots d’ordre de voie pacifique, de dialogue, de consensus national pris en charge, utilisés et déformés à des fins d’intérêts étroits par les courants les moins démocratiques et les moins acquis au progrès social.
Il est temps que notre peuple dépasse le tragique dialogue de sourds et les pressions opposées dont il a fait les frais jusqu’ici.
Qu’il ne se laisse pas enfermer dans le dilemme des extrêmes suivants : dénier à l’Etat le devoir d’assurer la sécurité des personnes et des biens ou, au contraire, refuser à l’Etat le devoir d’initier des voies politiques pacifiques pour rétablir une vie constitutionnelle normale et démocratique.
Les deux volets sont inséparables dans toute démarche qui voudrait ouvrir la voie à un projet de société constructif.
Cette démarche n’est pas celle de la facilité. Elle exige la mobilisation des plus grandes ressources politiques, sociales et morales de la société, au lieu de s’en remettre à la seule loi des armes, parfois inévitable mais si fragile, si trompeuse et surtout si destructrice par elle seule.
Tous les intérêts économiques et de pouvoir, tous les courants de pensée sont acculés par les événements à se prononcer : notre pays doit-il vivre selon des règles connues et acceptées de tous, ou doit-il être livré à l’arbitraire du plus fort ou du plus riche spéculateur ?
Qui dit règle du jeu et Etat de droit dit qu’il faut définir et respecter un minimum d’intérêts communs et de discipline commune.
Doit-on considérer nos différences comme des antagonismes au nom desquels il faut continuer à s’entretuer, ou des complémentarités qu’il faut gérer ensemble (aussi difficile que cela soit) pour bâtir notre maison Algérie, car nous n’en avons pas d’autre ?
Chaque courant, aussi important soit-il dans notre société, ne détient qu’une des clefs des nombreuses serrures qui ferment la porte de notre avenir. La porte ne s’ouvrira qu’avec les clefs et la volonté de tous.
Doit-on épuiser l’Algérie par une logique qui ne laisse pas de choix aux adversaires politiques que la capitulation ou l’extermination ? N’est-il pas urgent d’amorcer une autre logique, celle de l’assainissement de la société et de l’Etat, celle de la construction et de la réforme de l’économie et des autres activités du pays ?
Pourquoi ne pas édifier la souveraineté populaire sur des mécanismes nouveaux, de façon que son expression électorale ne mette pas en danger la paix civile ?
Autrement dit, gagner la confiance des citoyens dans le système à venir, en protégeant les droits des administrés et des minorités du moment contre l’arbitraire des majorités et des pouvoirs en places ?
Il appartiendrait à l’armée et aux forces politiques représentatives de la société civile de garantir conjointement ces mécanismes, notamment l’application de lois qui permettent le fonctionnement constructif de contre-pouvoirs influents dans les institutions et la société.
Notre peuple, ses militants, ses hommes politiques de toutes les mouvances idéologiques sont-ils prêts à assumer cette démarche d’avenir ?
Dans le désastre des violences actuelles, les parties directement affrontées se jettent à la face l’accusation de totalitarisme. Quelle est la meilleure façon d’opérer les clarifications souhaitables et de mettre au pied du mur tous ceux qui refusent la tyrannie et le« taghoutisme » ? Quel meilleur barrage dresser contre le totalitarisme de quelque nature qu’il soit et le déferlement des haines ? Comment faire converger vers les mêmes objectifs salvateurs, la sincérité de la foi religieuse et des convictions démocratiques de tous ceux qui, ces dernières années, que ce soit dans les affrontements armés ou les manifestations pacifiques, se sont dit au service de choix concrets de libertés politiques et de justice sociale ?
Chacun dans son langage et son mode de pensée appelle ses concitoyens à « promouvoir le bien et se détourner du mal ».
Parviendront-ils dans les faits à mobiliser, par-delà les frontières d’exclusion idéologique, tous ceux qui souhaitent pour l’immédiat :
- la paix civile, le refus de la violence comme moyen de règlement des problèmes,
- le respect de tous les droits de l’Homme et du citoyen et des libertés démocratiques élémentaires,
- la recherche de solutions politiques, de mécanismes consensuels de transition et d’un climat culturel de tolérance.
Quels que soient les développements des semaines et mois à venir, tout laisse à penser que ce sera une œuvre difficile de longue haleine.
Mais c’est une œuvre vitale. Seules la destruction et la haine sont faciles.
Sadek HADJERES
article paru dans El Watan le 14 juillet 1994
mise en ligne socialgerie le 3 décembre 2013, article “DÉBATS ET ENSEIGNEMENTS AUTOUR DE LA DÉCENNIE NOIRE”
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DE MOHAMED BOUDIAF A YOUCEF FATHALLAH
publié par Saoudi Abdelaziz
le 9 Juin 2014
Mis en ligne le 29 juin 2012
le 9 Juin 2014
- Djillali Liabès
Après la mort de Boudiaf, une opération systématique de "nettoyage" a visé tous ceux qui, dans le premier cercle de ses conseillers, pouvaient témoigner des circonstances politiques et des commanditaires de sa liquidation. Djillali Liabès (photo), son plus proche conseiller, sera abattu huit mois après. Et d’autres encore…
Appelé au pouvoir par des « décideurs » incapables de maîtriser le processus politique qu’ils ont déclenché, Mohamed Boudiaf a contribué à éloigner la grande masse des jeunes du chemin sans issue de la lutte armée. Il y a réussi parce que sa volonté de rupture contre l’injustice sociale était crédible. Il avait engagé les premiers pas dans cette direction.
Son action au cours des six mois de sa présidence a sans doute permis d’éviter la guerre civile frontale sur une grande échelle. Mais elle a permis au système de gagner du temps et aux mokhs de mettre au point leur stratégie de guerre civile contrôlée.
Pendant ces six mois, Mohamed Boudiaf avait élaboré et commencé à mettre en route un processus qui menaçait frontalement les réseaux d’intérêt qu’il appelait maffia politico-financière. Il avait sans doute sous-estimé le niveau de pénétration de ces réseaux dans l’Etat algérien. Ces réseaux se sont constitués pour pomper les devises pétrolières rendues accessibles par l’infitah engagé en 1981, après les accords Chadli-Mitterrand. Ces réseaux sont désignés généralement par le terme Hizb frança. Ce terme ne recouvre pas une obédience linguistique mais les flux financiers illicites : on sait par exemple que de nombreux responsables « baathistes » du FLN –pour l’arabisation à outrance- faisaient parti de ce hizb très matérialiste.
Il ne fait aucun doute que l’opération anti-corruption qu’il se préparait à engager sur une large échelle lui a coûté la vie. La campagne de détournement médiatique menée autour du personnage de Hadj Bettou, un vulgaire contrebandier du Sud, a servi à occulter les véritables cibles de Boudiaf.
Au sein de la commission d’enquête sur l’assassinat, certains exigeaient d’aller jusqu’au bout des investigations. L’un d’entre eux, l’avocat marxiste Youcef Fathallah fut assassiné le 18 juin 1994, à l’entrée de son bureau à Alger, à la porte de son bureau où l’attendait un tueur avec un pistolet muni de silencieux. Dans son rapport de 1996, Amnesty International écrit que l’avocat avait exprimé des réserves sur le rapport final et avait refusé de l’endosser.
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