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LUTTES DES CLASSES AUJOURD’HUI. ET POURTANT, ELLES LUTTENT.

dimanche 11 novembre 2012

"Daniel Bensaïd confronte la définition de la "lutte des classes", donnée par Marx et Engels, aux critiques de penseurs réputés "post-modernes", selon lesquels Marx aurait réduit l’homme à son appartenance de classe.

Sans doute, Pierre Bourdieu a-t-il eu raison de distinguer l’appartenance objective à une classe sociale de sa représentation par un sujet.

Cependant, la détermination par la relation sociale de production reste décisive même dans des périodes où a été opacifiée la conscience que le prolétariat (ouvrier ou non) a de lui-même.

Avec Lucien Sève, il faut reconnaître que l’extorsion de la plus-value, fondement de la lutte des classes, reste d’actualité et constitue une atteinte à la dignité humaine universelle."

M.MH.


Daniel BENSAID
22 Juin 2000

Séminaire d’Études Marxistes 1999-2000

LES CLASSES
DANS LA DYNAMIQUE DU CAPITALISME

.../... extraits ...

Pourtant, si la lutte des classes est bien un rapport social et non un principe de classement sociologique, l’un ne va pas sans l’autre : le capital sans le travail salarié, la bourgeoisie sans le prolétariat. En se libérant lui-même, le prolétariat est censé ouvrir la voie au dépérissement des classes et de l’Etat. Sa lutte s’inscrit par conséquent dans une perspective d’émancipation universelle dont il est la médiation nécessaire. Selon Lucien Sève, il s’agirait désormais de mener directement “une lutte de classe non plus au nom d’une classe, mais pour l’humanité”. Cette universalité sans médiation, ici et maintenant, paraît présupposer une essence ou une nature humaine dont l’aliénation pèserait également sur tous. Or, si tous et toutes (bourgeois inclus) subissent le fétichisme et la réification marchande, tous et toutes n’en souffrent pas de la même manière, n’ont pas les mêmes désirs (à moins de postuler que les besoins se réduisent à un inventaire de besoins naturels communs donnés une fois pour toutes) et ne portent pas les mêmes chaînes.

Si la visée d’universalité reste légitime et nécessaire, les conclusions que tire Lucien Sève de “l’actualité des fins” sont discutables. Il affirme "des possibilités très originales de rassemblement entre partenaires conservant d’ailleurs les plus fortes différences". Dans la mesure où l’aliénation touche chacun singulièrement en tant qu’individu, il ne s’agirait pas de "rassemblements universels, mais de "rassemblements très largement pluriels". Un tel propos rompt avec l’ouvriérisme étriqué qui remplissait une fonction identitaire évidente pour "le seul parti de la classe ouvrière". Il prend en compte des problèmes sociaux qui ne sauraient recevoir de réponses simples en termes de classe. S’il est possible en effet de dénoncer la marchandisation de l’embryon ou l’appropriation privée du vivant d’un point de vue anticapitaliste, les questions de l’euthanasie, des diagnostics pré-implantatoires, de la procréation assistée, du clonage, etc., relèvent plus généralement de l’idée que nous nous faisons de l’humanité que nous voulons devenir.

Instruit par son expérience au sein du Comité national consultatif d’éthique, Sève considère qu’il s’agit là de positions "à la fois de classe et hors classe" concernant le devenir-universel de l’humanité. Avant de tirer des conclusions hâtives sur un hypothétique "dépassement naissant de clivages ancestraux" entre "gens de gauche et de droite", ce sont ces mots - "à la fois" - et cette conjonction - "et" - qu’il faudrait creuser.

L’obscurcissement de la conscience de classe, résultant d’évolutions sociologiques amplifiées par la dégradation des rapports de forces depuis le début des années quatre-vingt et par le discours dominant dans les sciences sociales, a pour contrepartie la recherche d’appartenances de substitution, communautaires, ethniques, ou religieuses. Le phénomène est encore plus flagrant à l’échelle internationale, où l’extension des rapports marchands se traduit par "une prolétarisation du monde" sans précédent. Cette tendance dominante est contrariée et en partie brouillée par les effets inégalitaires de la mondialisation. La décomposition des appartenances familiales et domestiques sous l’effet de la pénétration du capital ne se traduit pas forcément par une socialisation urbaine et par la formation d’un prolétariat salarié classique, mais aussi par la massification d’une nouvelle plèbe végétant dans le secteur informel et les périphéries chaotiques des mégapoles.

Le discours médiatique tient volontiers pour acquise la disparition du prolétariat. Il ne s’interroge même pas sur celle symétrique de la bourgeoisie. Et pour cause : la concentration de la richesse et du capital (y compris du capital symbolique) atteint des niveaux records. Les trois plus gros patrimoines de la planète (dont Bill Gates) égalent le PNB cumulé des 43 pays les plus pauvres du monde ! Un PDG américain au Mexique gagne plus à lui seul que ses six mille salariés. Nike verse autant à Michael Jordan pour son image qu’à ses 30 000 salariés philippins. La preuve suffisante de la bourgeoisie réellement existante - et de l’antagonisme de classe - c’est le baron Antoine Seillières ou Edouard Michelin. Fût-elle formellement "salariée" et bénéficiaire de stock-options, sa prospérité florissante doit bien avoir pour contrepartie et face cachée l’exploitation toujours actuelle du travail salarié.

La question de l’heure n’est décidément pas celle d’une disparition des classes dans la nébuleuse postmoderne d’une société en miettes, mais celle des métamorphoses du salariat, des incertitudes sur son avenir, des luttes où s’élaborent ses nouvelles représentations.
À quelles conditions les nouvelles formes d’organisation du travail, l’individualisation du revenu et du temps de travail, la privatisation de la consommation, l’atomisation sociale généralisée face aux flux de richesse et d’information, permettront-elles la reconstruction de pratiques et des solidarité dont se nourrit une conscience collective ?
À quelles conditions, la fracture entre le mouvement social et les représentations politiques peut-elle être surmontée dans une société où l’espace public dépérit ?

Les réponses à ces questions se trouvent dans l’amorce d’un nouveau cycle de luttes et d’expériences. Elles ne peuvent être trouvées en dehors de la pratique qui transforme ses propres acteurs :
“Il y a, écrivait Georges Navel, une tristesse ouvrière dont on ne guérit que par la participation politique. ”

Pour accéder au texte, cliquer sur le lien (...)


Voir en ligne : http://www.jourdan.ens.fr/levy/sem9...

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