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ABDELHAMID MEHRI NOUS A QUITTÉ

mardi 31 janvier 2012

À l’anonce du décès de cette grande personnalité du mouvement national, Socialgerie s’associe aux condoléances et à l’hommage qui lui a été rendu dans la presse nationale.


Message de condoléances
adressé par Sadek Hadjerès
le 31 janvier 2012

J’ai appris avec émotion le décès de Abdelhamid Mehri, compagnon infatigable de nos luttes nationales, nord-africaines et démocratiques des sept dernières décennies.

Mes condoléances attristées à sa famille et à ses proches, un sentiment partagé avec tous ceux qui ont croisé son itinéraire patriotique et connu ses qualités d’homme politique intègre, ouvert à ses concitoyens et à l’intérêt national.

Il fut une figure respectable et un combattant motivé du mouvement de libération algérien, de l’unité d’action entre peuples nord-africains, de l’intérêt national, des horizons démocratiques et de Paix.

Je garde en mémoire et les évoquerai plus tard, deux ou trois épisodes (en juillet 1953, juin 1981 et avril 1990) à travers lesquels, dans ma relation de militant communiste à lui militant nationaliste, j’ai pu apprécier chez le regretté Si Abdelhamid ces qualités précieuses pour toute nation qui veut se libérer ou se construire dans la coopération de ses composantes, la justice sociale et les droits humains.

D’où ma peine plus grande encore de le voir ravi aux siens et à ses compatriotes à l’heure où la nation et la société algérienne auraient eu besoin de sa contribution clairvoyante, unitaire et de sang-froid face aux lourdes menaces de déchirements et d’agressions multiformes qui pèsent sur la scène interne, régionale et mondiale.

Le meilleur hommage que nous puissions rendre à sa mémoire, au-delà de nos opinions, de nos convergences et divergences respectives, est la réflexion et les échanges que son parcours et ses positions auront suscités.

Honneur et respect à Si Abelhamid !


HOMMAGE À UN GRAND FRERE - par K. SELIM - le 31 JANVIER 2012 - Le Quotidien d’Oran.


DÉCÈS DE ABDELHAMID MEHRI - L’INFATIGABLE MILITANT
- par Nadjia Bouaricha - le 31.01.12 - “El Watan”


“Ce cher frère...” - Salima Ghezali - le Mardi 31 Janvier 2012 - “La Nation”




HOMMAGE À UN GRAND FRERE

par K. SELIM
31 JANVIER 2012
Le Quotidien d’Oran.

Abdelhamid Mehri s’est éteint hier à l’hôpital Aïn Naâdja à Alger. On n’entendra donc plus la voix calme et posée d’un homme qui ne s’est jamais tu devant ce qu’il considérait injuste et inacceptable.
Homme de raison et de modération, Abdelhamid Mehri est l’incarnation de l’abnégation militante au service de la Nation algérienne.
Depuis ses premières armes et ses années de formation à la lutte révolutionnaire, jusqu’à ses années dangereuses mais exaltantes de militant du PPA. Des heures les plus sombres de la division de ce parti à la constitution du GPRA, dont il fut membre influent.
Il a assumé à l’indépendance diverses fonctions : directeur de l’Ecole normale de Bouzaréah, secrétaire général du ministère de l’Education, ambassadeur, à Rabat et Paris notamment, et secrétaire général du FLN.

Cet homme, sincère, modeste et plein d’humour, ne se confiait pas spontanément mais, avec un sourire bonhomme et les yeux pétillants d’intelligence, il avouait volontiers que son passage à la tête de l’Ecole normale représentait la période la plus gratifiante de son parcours professionnel. Il avait repris du service politique actif après la rupture d’Octobre 1988.

Abdelhamid Mehri était déjà convaincu que seules les libertés démocratiques inscrites dans l’appel du Premier Novembre pouvaient permettre de dépasser la crise traversée par le pays. Toute son action à la tête du FLN visait à réhabiliter le vieux parti et à jeter les bases d’un contrat politique renouvelé. Il avait été évincé de son poste de secrétaire général du FLN à la suite d’une grossière manœuvre d’appareil, mais il restait irrésistiblement un militant du parti dont il conservait intact l’esprit du Premier Novembre 1954.

Abdelhamid Mehri souffrait de voir le pays s’enfoncer dans une crise à la dimension tragique et n’avait de cesse de trouver des issues, des compromis et des moyens de conciliation pour dépasser la haine et la division. Pour lui, la paix civile et le progrès ne pouvaient se concevoir en dehors de la démocratie et du droit. Cela lui avait valu d’être cloué au pilori et d’être l’objet d’accusations grotesques et d’une mesquine campagne de dénigrement. Mais l’homme était serein et cuirassé : il considérait ces attaques avec une indifférence souriante et répliquait à ses détracteurs en utilisant l’humour, une de ses armes de prédilection.

Ecouter Abdelhamid Mehri était un plaisir, tant la rigueur intellectuelle, l’immense culture et la mémoire nourrissaient une analyse tout en finesse et retenue. Inlassable combattant pour la démocratie, l’homme ne se départait jamais d’une courtoisie exemplaire qui ne cachait pas son caractère inflexible s’agissant du respect des principes de justice, d’équité et de raison.

L’Algérie perd un de ses grands hommes assurément. Un homme qui était au contact des jeunes et de la modernité. Cheikh Abdelhamid n’aimait rien tant que ses rencontres avec les étudiants et, sans jamais montrer le moindre paternalisme, en vrai pédagogue, il échangeait avec chaleur.
En ces temps d’incertitudes et de basculements, le vieux militant gardait toute sa lucidité et son sang-froid.
Malgré les tempêtes et les drames, Abdelhamid Mehri était toujours positif et plein d’espoir. Il ne manquait jamais d’exprimer son optimisme pour des lendemains meilleurs, il avait confiance en la jeunesse de ce pays et en sa capacité à réaliser l’idéal démocratique pour l’Algérie au sein d’un Grand Maghreb des libertés et du progrès.

Abdelhamid Mehri a vécu dans l’honneur et il est mort dans la dignité.
À sa famille et ses proches, nous présentons nos sincères condoléances.

Que Dieu l’accueille dans Son Vaste Paradis.

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DÉCÈS DE ABDELHAMID MEHRI

L’INFATIGABLE MILITANT

le 31.01.12
par Nadjia Bouaricha
El Watan

C’est sous le ciel de l’Algérie qu’il aimait tant que Abdelhamid Mehri, ancien secrétaire général du Front de libération nationale et homme politique de grande envergure, a rendu son dernier souffle.

Décédé à l’âge de 86 ans à l’hôpital Aïn Naâdja, à Alger, où il avait été admis il y a quelques semaines, l’homme politique, dont l’engagement n’a pas souffert l’ombre d’une lassitude, n’assistera pas à l’édification de cette Algérie libre et démocratique qu’il appelait de tous ses vœux.

Il y a 50 ans, il vit l’Algérie arracher son indépendance, fruit d’un combat auquel il avait participé, mais il ne verra pas le résultat de son autre combat pour la libération du peuple. Il aura tout de même eu la satisfaction méritée d’avoir apporté sa contribution, et pas des moindres, à cette lutte aux âpres allures et aux nobles visées qu’est la démocratie. Avec son allure et sa prestance de grand homme, son immense sagesse, son sens élevé de la mesure et son intégrité, Abdelhamid Mehri faisait partie de ces rares hommes politiques qui forcent le respect à la fois de ses amis et de ses détracteurs. Jusqu’à son dernier souffle, cet homme d’Etat, qui eut à assumer de hautes fonctions, ne s’est pas senti obligé de quelque faveur que ce soit envers un système politique qu’il n’a pas cessé d’appeler à la raison. D’ambassadeur dans les années 1980 (notamment à Paris de 1984 à 1988), puis secrétaire général du FLN, Abdelhamid Mehri a repris son bâton de militant avec l’ouverture du champ politique.

Si la révolte battait son plein dans les rues d’Alger en octobre 1988,
Abdelhamid Mehri fit sa révolution au sein de l’appareil d’Etat qu’est le FLN.
Il mit un point d’honneur à l’arracher des mains du pouvoir et lui donner la vocation d’un parti autonome. Il s’opposa, en 1992, à l’arrêt du processus électoral et opta, au même titre que le Front des forces socialistes, pour un deuxième tour aux législatives. Ce fut son premier affront aux décideurs. En 1995, il participait, au nom du FLN, à la réunion de Sant’Egidio pour la signature du contrat national portant sortie politique de la crise, à laquelle prirent part le FFS, la Ligue des droits de l’homme, le PT et des représentants du FIS. Un autre affront qui lui valut un « coup d’Etat scientifique » au sein de son parti, en 1996. « Notre parti doit s’ouvrir sur les partis signataires du contrat national, car il s’agit de la vraie voie vers la réconciliation. Je suis conscient que les convictions divergent, mais la situation du pays nous y oblige. La situation sécuritaire ne s’est pas améliorée, la situation socioéconomique a atteint un seuil de gravité. La manière avec laquelle on répond à ces questions pousse à l’inquiétude. Il faut un contrat national pour régler tous ces problèmes, sinon rien ne sera possible », disait-il face aux membres du comité central du FLN en 1996.

Abdelhamid Mehri avait proposé que le FLN agisse en parti responsable et autonome et non en appareil d’Etat. Il avait plaidé pour la constitution d’un gouvernement ayant la faveur de toutes les forces politiques et qui aurait pour mission « l’arrêt de l’effusion de sang, l’ouverture d’un dialogue avec les partenaires sociaux, renégocier les accords avec le FMI sur certains aspects, garantir les libertés constitutionnelles aux citoyens et organiser des élections législatives et locales libres, puis se dissoudre », disait-il aux membres du CC du FLN. Abdelhamid Mehri militait pour que le FLN soit libre. « Le président de la République est un candidat indépendant, le FLN n’a pas à lui offrir une majorité ou un quelconque soutien et le parti est libre de ne pas être d’accord avec son programme », disait-il en 1996. Une phrase qu’on ne pourrait entendre au FLN d’aujourd’hui. Ceci lui valut d’être victime d’un coup d’Etat au sein de son parti. Un coup qui ne lui fit pourtant pas courber l’échine. Il ne déserta pas la scène politique et continua de porter haut sa voix. Il profitait du peu de tribunes qui lui étaient offertes pour participer au débat, à la réflexion et au projet d’une solution politique concertée pour sortir le pays de son marasme. C’est d’ailleurs dans ce cadre qu’il avait été signataire, aux côtés de Hocine Aït Ahmed et de Mouloud Hamrouche, en 2007, de « l’initiative politique de sortie de crise ».

Sa dernière salve pour le changement en Algérie a pris la forme d’une lettre au président de la République, en février 2011, dans laquelle il exprimait encore une fois avec lucidité et outrecuidance sa vision d’un changement réel pour sortir de la démocratie de pure forme.

Abdelhamid Mehri quitte ce monde la conscience apaisée d’avoir accompli son devoir, d’avoir dit vrai, de ne pas avoir déserté le terrain de la lutte et ce, jusqu’à la fin. Au confort de la résignation, il avait choisi la résistance. Aux décorations de la compromission, il avait choisi la reconnaissance des justes. Grand il vécut, grand il s’en va.

Nadjia Bouaricha

Sources : El Watan du 31 janvier 2012

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Ce cher frère...

Salima Ghezali
Mardi 31 Janvier 2012

Il aura consacré beaucoup de son temps à écrire. S’inscrivant dans une tradition épistolaire, face à la fermeture de l’espace public et à l’absence de dialogue, il ne renonce pas, pour autant, à faire entendre un avis contraire. Les mots, chez Abdelhamid MEHRI, ne sont pas interchangeables. Quand il écrit « cher frère » à un compatriote avec lequel il est en désaccord sur des choix décisifs, il le fait avec conviction. Dans l’esprit de cette culture particulière que l’on retrouve chez beaucoup de militants et de lettrés du mouvement national. Une culture forgée dans la lutte politique contre le colonialisme. La fraternité, à laquelle il est fait référence, n’est pas seulement de proximité, mais de revendication. Ce « frère »-là revendique bien plus qu’il ne se rapproche. Revendication-affirmation-proclamation d’une fraternité des hommes qu’aucun système, - aussi abominable soit-il -, ne peut réduire. N’a le droit de réduire. Ce « cher frère » sous la plume de Mehri est une leçon d’histoire, de politique et de philosophie.

La qualité de « frères » en humanité (et de combat) a constitué le socle de dignité irréductible pour des êtres, les Algériens, qu’un ordre colonial, basé sur une domination raciste implacable, a niés précisément en leur humanité. Musulman -humaniste-militant, et, par-dessus tout Algérien, quand il dit frère autant que quand il dit camarade, sans rien céder aux enfermements idéologiques. Et sans rien céder de ses combats politiques. Aux frères, comme aux camarades et aux compatriotes, Abdelhamid MEHRI a parlé la langue d’un homme, pour qui, la radicalité réside dans la profondeur d’une réflexion et d’un engagement, dans l’intégrité d’une démarche, dans la constance des convictions et dans la pleine conscience de leur perfectibilité. En plus de soixante ans d’engagement en faveur d’une Algérie qu’il aura voulue libre, forte, juste, démocratique, apaisée, MEHRI ne l’a projetée que fraternelle.

Quand il écrit « cher frère » à Chadli, à Zeroual ou à Bouteflika, il signifie ce qu’il écrit. Le « frère » n’est ni de convention, ni de pur protocole. Il est de rappel.

La courtoisie chez Mehri n’intervient pas au moment où il écrit « cher frère » à un homme à qui sa missive explique qu’il est en désaccord fondamental avec sa démarche politique. C’est, peut-être même, ce « cher frère » qui porte en son sein le reproche le plus implacable. Car la fraternité en question est celle des hommes qui se sont élevés contre la domination et l’injustice. Et qui ne sauraient s’accommoder de ces maux sans se renier. Pour la génération de MEHRI, se sont proclamés « frères », des hommes qui se sont révoltés contre la négation de leurs droits et libertés. Des hommes qui n’avaient souvent en commun que cette fraternité des opprimés à opposer à la violence coloniale. Frères contre l’arbitraire et le déni. Contre l’exclusion. Ce mot que MEHRI a bien dû prononcer et écrire, des milliers de fois, pour en dénoncer la pratique durant les vingt dernières années.

La courtoisie chez MEHRI aura consisté en ce qu’il offre la possibilité, au lecteur, de comprendre, de lui-même, que ce « cher frère » n’implique pas de gommer les différences et les contentieux, comme l’habitude en a été prise, mais, au contraire, oblige à les traiter politiquement. Puisqu’à la base de cette fraternité algérienne se tient l’engagement politique qui rendit possible la libération de l’Algérie et des Algériens, sans lesquels aucun honneur n’aurait été possible.

Ce « cher frère », comme tout ce que nous a laissé Abdelhamid MEHRI, est une leçon d’humanité et de politique. Quand un géant s’en va, il nous reste à méditer sur la grandeur. Et à nous en inspirer.

Sources : “La Nation” - édito du du 31 janvier 2012

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