Accueil > ECONOMIE > LA CORRUPTION POLITIQUE EN ALGÉRIE : L’ENVERS DE L’AUTORITARISME

LA CORRUPTION POLITIQUE EN ALGÉRIE : L’ENVERS DE L’AUTORITARISME

par Mohammed Hachemaoui*, REVUE "ESPRIT" juin 2011

jeudi 29 mars 2012


Si la corruption est devenue un sujet de préoccupation et d’études depuis trois décennies, elle reste peu analysée dans le monde arabe.
Alors qu’elle a pris des proportions de plus en plus grandes dans la région – comme le reflètent les récentes révélations sur les avoirs des clans Moubarak en Égypte et Ben Ali en Tunisie et de leurs clientèles respectives –, la corruption demeure, du Maghreb au Machrek, paradoxalement encore une terra incognita. L’étude de la corruption en Algérie ne déroge pas à ce constat.

La thèse défendue dans ce texte ambitionne de construire un pont analytique et conceptuel entre deux régions du savoir maintenues à égale distance l’une de l’autre par la littérature savante consacrée à cette aire : la corruption et l’autoritarisme. L’argumentation déroulée ici s’emploie à démontrer le caractère indissociable des liens noués en Algérie – à l’instar de beaucoup d’autres pays arabes – entre régime autoritaire et corruption politique.

Si la corruption, définie comme abus de positions et de ressources publiques à des fins privées, est un phénomène universel, ses symptômes, eux, sont différenciés : elle peut être personnelle ici et institutionnelle ailleurs, sectorielle dans un pays et systémique dans un autre.
Aussi, l’intelligence de la corruption s’avère-t-elle indissociable de l’analyse des institutions politiques [1].

Or le régime algérien s’avère, en comparaison avec les systèmes politiques arabes en vigueur du Maroc à l’Arabie saoudite en passant par l’Égypte, assurément l’un des plus résistants à l’analyse : son leadership est tantôt militaire, tantôt civil, collectif à certains moments et personnalisé à d’autres ; son mode de gouvernement, rétif aux modèles d’analyse courants, reste une énigme. Depuis les émeutes sanglantes d’octobre 1988, qui ont signifié symboliquement l’effondrement de la « légitimité historique » de l’élite dirigeante [2], le système a connu bien des métamorphoses : du « parti unique » au « multipartisme », de l’« économie socialiste » à l’« économie de marché », la cadence et l’ampleur des changements, sans pareilles dans le « monde arabe et musulman », ont achevé de brouiller la lecture. Tout a cependant changé en Algérie sauf l’essentiel : le système de gouvernement.

Les institutions sont « les règles du jeu dans une société [3] ». Dans la politique algérienne, les institutions établies par la Constitution du pays ne traduisent cependant pas les règles du jeu. En se focalisant sur l’idéologie, l’économie ou le cadre constitutionnel, les spécialistes de la politique algérienne manquent le plus souvent l’essentiel : l’intelligence d’un système de gouvernement qui, à l’ombre du « Parti-État », de la « guerre civile » et de la « transition », a, dès ses fondations, consacré la corruption comme mécanisme central. L’évitement, l’oubli ou le déni de cette logique de gouvernement, favorisent de lourdes erreurs d’interprétation.

Les analyses qui mettent en avant l’« État FLN » et le « changement de régime » peinent à saisir le système de pouvoir qui gouverne le pays derrière la façade institutionnelle. Le paradigme célébré de « l’État rentier [4] » n’est pas davantage d’un grand secours ; fondé sur l’idée que la manne pétrolière façonne l’État, il occulte le système de gouvernement : or celui-ci n’est pas seulement antérieur à l’ère pétrolière mais aussi et surtout indépendant de la rente. Les contre-arguments qui révèlent les apories de ce paradigme sont nombreux [5]. Limitons-nous, dans le cadre de cet article, à trois d’entre eux. Si « l’autoritarisme arabe » dépend réellement de la rente, comment peut-on expliquer alors la survie des États « rentiers » de la région durant la longue et sévère crise fiscale des années 1985-2002 ? Si l’allocation des bénéfices de la rente à la population est prétendument à même de garantir sinon le « consensus » du moins la « dépolitisation », comment peut-on expliquer alors le surgissement, en plein boom pétrolier, des révoltes populaires qui secouent depuis le début de cette année les États « rentiers » de la région tels le Bahreïn, l’Égypte, la Libye et le Yémen ? Pourquoi la distribution de près de 200 milliards de dollars au cours de la décennie 2000 n’a-t-elle pas permis au gouvernement algérien d’« acheter » la paix sociale et de s’immuniser contre la récurrence des fièvres émeutières et des mouvements protestataires [6] ? Aussi nous semble-t-il important d’opérer un renversement de perspective : le système de corruption, qui préside à la mise en œuvre des programmes de développement autant qu’à l’allocation des ressources, génère le mal-développement et accroît l’injustice et les inégalités, lesquelles alimentent le mécontentement des exclus [7].

Le régime autoritaire algérien procède du modèle prétorien [8] : le processus politique y est, depuis l’indépendance à nos jours, préempté par le haut commandement de l’Armée. Les armées prétoriennes se pausent comme « l’unique alternative » au « désordre politique ». Pour assurer la permanence de leur domination, elles exacerbent la faiblesse des partis politiques et de la société civile ; soucieuses de maximiser leur pouvoir, elles s’érigent en organisation indépendante et s’adonnent – quitte à sacrifier la professionnalisation - à la manipulation des forces sociales et politiques [9].

En Turquie, où la révision de la Constitution du 12 septembre 2010 a consacré une avancée importante de la démocratisation et de l’État de droit, l’institution militaire est en voie d’accomplir sa transition d’une armée prétorienne à une autre, plus constitutionnelle [10]. À l’inverse, en Algérie, où la sortie du régime autoritaire qu’avaient entrepris les réformateurs entre 1989 et 1991 a été sabordée par les faucons et leurs alliés objectifs, les radicaux (islamistes), l’Armée demeure encore de celles qui, par le biais des services secrets, dominent le processus politique [11].

La domination des prétoriens sur la politique en Algérie, loin de se réduire à une parenthèse conjoncturelle – ouverte par le « péril intégriste » en 1992 puis refermée par l’élection « pas comme les autres » d’un « président civil » en 1999–, participe des fondamentaux du régime. L’armée prétorienne n’a pas seulement confisqué l’État à l’indépendance mais davantage et surtout préempté le régime. Les règles du jeu politique, permanentes depuis l’indépendance derrière des formules changeantes, se déclinent, pour l’essentiel, suivant deux principes : autoritarisme prétorien et corruption politique.

Le système de gouvernement au miroir de l’affaire Khalifa

En Algérie, la faiblesse de la bureaucratie ne découle pas de la rente ; elle est un effet recherché par le système de gouvernement : la collusion de l’administration participant de l’environnement nécessaire à la prolifération de la corruption politique.

Voulu, l’abaissement institutionnel profite aux magnats et autres entrepreneurs flamboyants (tycoons) qui prolifèrent dans le pays depuis les années 1990 à la faveur du patronage des groupes dirigeants et de l’ouverture de l’économie.
Un exemple emblématique montre bien ce système de corruption : l’« affaire Khalifa » [12]. Rafik Abdelmoumène Khelifa, par qui le « scandale » est arrivé, est un enfant de la nomenklatura algérienne qui aspire, comme beaucoup de ses semblables, à faire fortune ; ayant effectué ses premières armes dans le marché très fermé de l’importation du médicament, il décide de se doter de sa propre banque. Fils de Laroussi Khelifa – qui fut tour à tour membre dirigeant du MALG (ancêtre de la Sécurité militaire), ministre de l’Industrialisation et de l’Énergie, directeur d’Air Algérie et ambassadeur en poste à Londres –, Rafik Abdelmoumène obtient, en juillet 1998, au moment où les banques privées se comptent sur les doigts d’une main, le très précieux agrément du Conseil du crédit et de la monnaie pour ouvrir son établissement bancaire, El Khalifa Bank. Le jeune affairiste, qui sait que le pouvoir préside à l’accumulation de la richesse, s’emploie à construire de puissants réseaux de patronage.

Les gouvernants, après la cooptation d’un président civil, s’emploient, pour redorer le blason du régime, terni par dix ans de « sale guerre » qui a fait plus de 100 000 morts et quelque 8 000 disparus, à vendre une nouvelle image du système : celle d’un pays en reconstruction, ouvert et tourné vers l’avenir, dans lequel les capitalistes peuvent désormais prospérer à la faveur de la paix et de l’ouverture à l’économie de marché. Le bien né Rafik Abdelmoumène Khelifa est coopté pour jouer ce rôle : la success story du golden boy, symbole de « l’Algérie qui gagne ». Deux figures clés du « nouveau pouvoir » se trouvent au cœur du dispositif : Larbi Belkheir, directeur de cabinet de la Présidence, « l’un des hommes les plus puissants d’Algérie [13] », en qualité de « parrain » occulte du jeune patron ; Abdelghani Bouteflika, le frère du chef de l’État, en qualité d’avocat-conseil d’El Khalifa Bank [14].

Le montage de l’« opération Khalifa » trahit une connaissance intime des rouages politico-économico-administratifs, obscurs et complexes, du système algérien. Aussi l’ascension fulgurante d’El Khalifa Bank n’est-elle pas le fait du « blanchiment de l’argent des généraux », mais le produit de la fabrique du système de patronage et de la corruption qui gouverne le pays : le succès instantané de la banque privée est tributaire en effet du flux incessant de dépôts que les directeurs – nommés et révoqués par le pouvoir – des grands – et bien contrôlés – organismes publics avaient été incités, par exercice d’influence ou par échange corrompu, à placer dans la banque de Rafik Khelifa [15]. Grâce aux abondants flux de dépôts publics qui se déversent secrètement dans les coffres de la banque « privée », et atteignent l’équivalent de près de 1,4 milliard d’euros en février 2003 [16], l’« opération Khalifa » peut passer à la vitesse supérieure. C’est le deuxième acte : la mise en orbite d’un immense conglomérat dont les filiales ambitionnent de coiffer le transport aérien (Khalifa Airways), les médias (Khalifa TV), les travaux publics (Khalifa Construction), la location de voitures de luxe (Khalifa Rent a Car), etc. La liste des « fils et filles de » embauchés par « l’empire Khalifa » entre 1999 et 2003 renseigne, s’il en était encore besoin, sur l’intrication des liens noués entre les cercles dirigeants et la nébuleuse Khalifa : le fils d’un puissant ministre dans le bureau de représentation d’El Khalifa Bank à New York ; la fille d’un influent conseiller présidentiel à la direction de l’agence parisienne de Khalifa Airways ; la nièce d’un membre du Conseil de la monnaie et du créditpour diriger le bureau de représentation d’El Khalifa Bank à Milan ; la fille du PDG en exercice de la compagnie étatique de transport aérien à la direction de la monétique de Khalifa Airways ; l’épouse et le fils d’un magistrat à la Cour suprême et membre de la commission bancaire – l’organe de contrôle de la banque des banques – à Khalifa Airways ; les enfants de plusieurs officiers supérieurs de l’Armée dont le neveu d’un puissant général-major en poste ; des journalistes dûment reconnus pour être les « honorables correspondants » de la police politique comme hauts responsables de Khalifa TV, etc. [17]. Avec Khalifa, le « nouveau » pouvoir algérien entend, un peu à l’image de ce qu’ont entrepris bien avant lui le Palais marocain avec SIGER-ONA et le régime égyptien avec les oligopoles de Osman Ahmed Osman et autres Ahmed Izz et Bahgat Group, se doter désormais de son official mogul [18]– d’autant que sur ce registre, les prétoriens ont pris, depuis 1992, de bonnes longueurs d’avance. Khalifa se révèle cependant plus proche du modèle tunisien incarné par Sakhr el Materi et Imad Trabelsi [19].

Au sein de la nébuleuse Khalifa, la banque tient une fonction centrale, celle d’une pompe qui aspire les dépôts publics avant de les injecter dans les filiales domiciliées à l’étranger ; la démultiplication des opérations de commerce extérieur dévolue à Khalifa Airways couvrant, grâce au collapsus institutionnel programmé de la Banque centrale et aux réseaux de complicité construits au sein de la haute administration de l’État, une entreprise systématique d’évasion de capitaux. Les fonds de « l’empire » s’orientent, politique oblige, d’abord vers l’Hexagone, Paris étant le point de mire du plan marketing d’Alger. Le groupe La corruption politique en Algérie : l’envers de l’autoritarisme Khalifa, partenaire de « Al Djazaïr 2003 : l’année de l’Algérie en France », se doit, par ses investissements hauts en couleur, de préparer l’embellissement de l’image du système algérien. Il n’est pour s’en convaincre que de rappeler quelques-unes parmi les dépenses effectuées par le « milliardaire » Rafik Khelifa en France : le leasing de dixhuit Airbus et d’une trentaine d’ATR pour le compte de Khalifa Airways, la jeune compagnie aérienne reconnaissable par son emblème aux formes d’un majestueux condor bleu en vol [20] ; le sponsoring (15millions d’euros sur cinq ans) de l’Olympique de Marseille [21] ; l’achat d’un palace à Cannes pour 35 millions d’euros [22] – pour ne rien dire des cachets copieusement versés aux vedettes du cinéma, de la presse et de la publicité.

Le conglomérat, pour entretenir son image en Algérie, poursuit une politique clientéliste et corruptrice à grande échelle : offrir des cadeaux aux membres importants de l’élite dirigeante (appartements luxueux à Paris, villas et autres assiettes foncières dans les beaux quartiers d’Alger, berlines, prêts bancaires généreux, prises en charge à l’étranger, etc.) ; distribuer des salaires trois à quatre fois plus élevés que ceux pratiqués dans le pays pour les enfants de la nomenklatura et del’aristocratie ouvrière ; arroser les patrons de la presse privée de cachetsen devises ; sponsoriser la sélection nationale et les clubs locaux de football ; offrir des vraies fausses stations de dessalement de l’eau de mer à l’État ; annoncer un don de 10 millions de dinars aux sinistrés des inondations de Bab el Oued (hiver 2001) ; financer des colloques ministériels ; payer les honoraires de stars du cinéma ; signer des conventions spéciales avec la direction générale de la sûreté de l’État et les douanes nationales comprenant la réduction, de moitié, des prix des billets Khalifa Airways au bénéfice des membres des deux institutions ; faire don de trois Mercedes 500 blindées à la Présidence et au ministère de la Défense [23], etc. En Algérie, où prolifère les affairistes à l’ombre de la violence politique et de la libéralisation économique des années 1990, les exploits flamboyants du « jeune milliardaire algérien » font de Rafik Abdelmoumène Khelifa (dit Moumène) l’objet d’une fascination collective ; l’homme d’affaires, complimenté par les gouvernants et adulé par le peuple, devient, après dix ans de « tragédie nationale », le mythe fédérateur du pays. Mais il y a plus. Les promoteurs de l’« opération Khalifa » démultiplient les apparitions publiques du « champion du capitalisme algérien » avec les plus hautes autorités du pays : le « capitaine d’industrie » Khelifa est tantôt avec le chef du gouvernement, tantôt avec le président, tantôt avec le directeur de cabinet de la Présidence [24]. Dans un système de gouvernement qui charrie les messages codés, les affichages de « Moumène » avec les plus hauts dirigeants de l’État sont révélateurs de l’étroitesse des liens qui rattachent l’homme d’affaires aux fameux « décideurs ».

Or El Khalifa Bank, qui trafiquait ses bilans comptables, aurait, entre 1999 et 2003, transféré irrégulièrement de l’Algérie vers l’étranger quelque 689 millions d’euros dont un peu moins de la moitié vers l’Hexagone [25]. TRACFIN, l’organisme dépendant du ministère des Finances français spécialisé dans la lutte contre le blanchiment d’argent, révèle que plus de 50 millions d’euros ont déserté El Khalifa Bank à Alger pour atterrir à la São Paolo de Paris [26]. Parmi les mouvements de fonds douteux, il y a les virements effectués entre 2000 et 2002 au bénéfice du mystérieux « Chakib 03 » de New York d’un montant global de 13 millions de dollars [27].

Un pan de l’affaire renseigne sur l’entreprise systématique d’évasion des capitaux : « l’entrée par effraction » dans le capital de la Société générale Algérie (SGA) par El Khalifa Bank. La SGA est créée en mars 1999 avec trois principaux actionnaires : la Société générale à 61%, la FIBA – holding de participation enregistré au Luxembourg au capital social de 1,5 million d’euros – à 29% et la Société financière internationale – filiale de la Banque mondiale – à 10%. Ce sont les quotidiens français Les Échos et Le Figaro qui révèlent, peu après l’irruption du scandale Khalifa en juin 2003, le rachat, par El Khalifa Bank, des parts détenues par la FIBA dans le capital de la Société générale Algérie.
L’opération, qui n’a pas été annoncée en son temps, s’est faite de façon doublement illégale : en violation de la loi (90-10 du 14 avril 1990) qui rend obligatoire l’accord préalable, pour ce type de transactions, du Conseil de la monnaie et du crédit et au mépris du pacte des actionnaires qui prévoit un droit de préemption. À en croire le réputé sérieux journal économique Les Échos, la banque de Rafik Khelifa a dû débourser 8 millions de dollars pour racheter les actions de la FIBA, au moment où les 61% des parts du capital détenues par la Société générale valaient, elles, 7 millions de dollars [28]. Or la FIBA est dirigée par Ali Benouari : notoirement connu pour ses liens avec l’insubmersible Larbi Belkheir [29]. Le banquier, responsable des marchés financiers à la Banque centrale d’Algérie au milieu des années 1970, entame, un an après l’intronisation de Larbi Belkheir comme secrétaire général de la Présidence, une carrière dans les banques en Suisse : il est, entre 1981 et 1989, tour à tour, responsable de salles des marchés pour Al Saudi Banque et Société générale à Genève. Le puissant directeur de cabinet du prédémissionnaire président Chadli fait nommer le banquier comme ministre du Trésor au lendemain de la sortie du gouvernement de l’équipe des réformateurs Hamrouche et Hidouci. Ali Benouari retourne au début des années 1990 en Suisse pour présider le conseil de surveillance de la FIBA : le holding – acronyme de la fameuse banque à l’origine du scandale d’ELF/Gabon – regroupe plusieurs privés algériens dont un ancien PDG d’une banque étatique algérienne (la BEA [30]) et les enfants d’un ancien ministre. Au moment où le très influent Larbi Belkheir entreprend, à partir de la démission du président Liamine Zeroual en septembre 1998, la promotion du candidat Bouteflika, le banquier d’affaires Ali Benouari, lui, retourne derechef en Algérie, cette fois pour participer au montage d’une banque privée : la Société générale Algérie. L’ancien ministre du Trésor en sera, à partir de mars 1999, le président du conseil de surveillance [31]. La transaction délictueuse, opérée secrètement par la FIBA en octobre 2002, montre, s’il en était encore besoin, que Khalifa était une opération d’évasion des capitaux. L’entrée par effraction de la très opaque El Khalifa Bank dans le capital de la banque française en Algérie sera l’opération de trop : le 23 octobre 2002, Le Canard enchaîné dévoile le contenu des « notes alarmistes » de la DGSE sur les « fonds mal identifiés » de la « compagnie atypique » El Khalifa Airways ; le 30 octobre, Libération publie un dossier sur « La face cachée de l’“empire” Khalifa » en reprenant les rapports confidentiels du gouvernement et des services du renseignement extérieur français ; le 27 novembre, la Banque d’Algérie, dont les instruments de contrôle et de régulation étaient plombés depuis deux ans, interdit El Khalifa Bank de tout transfert de capitaux [32].

Mais pourquoi a-t-on laissé faire une aussi grande entreprise d’évasion de capitaux ? L’examen de « l’ordonnance 96-22 relative à la répression de l’infraction à la législation et à la réglementation des changes et des mouvements de capitaux de et vers l’étranger » du 9 juillet 1996 permet de restituer la chaîne des responsabilités engagées dans l’affaire Khalifa. L’article 7 du texte recense les organes habilités à constater les infractions à la législation des changes : les officiers de police judiciaire ; les agents de douanes ; les fonctionnaires de l’inspection générale des Finances (IGF) ; les agents assermentés de la Banque centrale ; les agents chargés des enquêtes économiques et de la répression de la fraude [33]. Or, hormis les inspections effectuées par la Banque d’Algérie, aucune autre institution habilitée à constater les infractions à la législation des transferts de capitaux n’a enquêté sur le commerce extérieur du groupe Khalifa entre juillet 1998 et décembre 2002 : pas même la police judiciaire qui relève du Département du renseignement et de la sécurité ; l’appareil de la police politique faisant pourtant des enquêtes liées à la grande corruption un « domaine réservé ».

Il a fallu que le « scandale Khalifa » éclate en France pour que les gouvernants algériens se résignent, après un arbitrage laborieux, à lâcher, quatre mois plus tard, le tycoon Rafik Khelifa. Le Président, se rendant compte de la faillite, signe « l’ordonnance 03-01 du 19 février 2003 modifiant et complétant l’ordonnance 96-22 du 9 juillet 1996 relative à la répression de l’infraction à la législation et à la réglementation des changes et des mouvements de capitaux de et vers l’étranger [34] ». L’article 10 de ce texte de loi, revenant au principe instruit par la loi sur la monnaie et le crédit du 14 avril 1990, accorde au gouverneur de la Banque d’Algérie la possibilité de prendre « à titre conservatoire à l’encontre du contrevenant toutes mesures utiles à l’effet de lui interdire toutes opérations de change ou de mouvements de capitaux en provenance de et vers l’étranger ». Dans l’ordonnance du 9 juillet 1996, cette prérogative était exclusivement attribuée au ministre des Finances. L’article 12 de l’ordonnance 03-01, prenant acte de l’impuissance patente de la Banque d’Algérie à l’épreuve d’El Khalifa Bank, ajoute : « Les poursuites pénales pour infraction à la législation des changes et des mouvements de capitaux en provenance de et vers l’étranger ne peuvent être exercées que sur plainte du ministre chargé des Finances ou du gouverneur de la Banque d’Algérie ou de l’un de leurs représentants habilités à cet effet [35]. »

Au final, l’affaire Khalifa, qualifiée par le chef du gouvernement de « scandale du siècle », aurait infligé au Trésor public un préjudice financier estimé officiellement à 1,5 milliard de dollars.

Le « procès de la caisse principale d’El Khalifa Bank », s’il a réussi à tenir la presse en haleine tout au long du premier trimestre de l’année 2007, s’est montré en revanche conforme aux règles du jeu politique algérien ; la procédure judiciaire, viciée, consacrant, de l’instruction au jugement, tantôt les règlements de comptes, tantôt l’impunité des principaux responsables du crime économique.

Les failles sont multiples ; rappelons succinctement les plus importantes
d’entre elles.

  • 1) Le découpage judicaire du procès. Alors que les faits, à commencer par ceux révélés par le tribunal criminel de Blida, montrent bien que la filiale de transport aérien du conglomérat servait de couverture à l’évasion des capitaux du pays vers l’étranger, le parquet, lui, exfiltre la partie de l’affaire relative à Khalifa Airways et circonscrit le périmètre du jugement à la « caisse principale d’El Khalifa Bank ». Or, seule la restitution des liens établis entre les principales filiales de la nébuleuse est en mesure de saisir le système de corruption sous-jacent à « l’opération Khalifa ».
  • 2) Le toilettage du dossier. Celui-ci transparaît nettement dans le procès ; en atteste : l’effacement – opéré dès l’éclatement du scandale par l’administrateur provisoire installé par le gouvernement à la tête d’El Khalifa Bank [36]– de certaines traces à l’instar de celles des dépôts effectués par de grandes entreprises étatiques dans El Khalifa Bank comme cela a pu être révélé accidentellement au cours du procès ou encore de l’entrée par effraction dans le capital de Société générale Algérie par El Khalifa Bank ; la non-convocation de certains acteurs clés de l’affaire Khalifa et l’impunité de hauts responsables du conglomérat ayant des liens de parenté avec les gouvernants civils et militaires ; la convocation de ministres et autres hauts fonctionnaires à titre de « témoins », là où leurs responsabilités, établies au regard de la loi quand elles ne sont pas reconnues par le dossier de l’instruction [37], les rangent dans la catégorie de « prévenus ».
  • 3) Les règlements de compte. Ces derniers sont flagrants comme l’attestent le choix de boucs émissaires et l’impunité de gouvernants hautement responsables de la passivité institutionnelle qui a entouré les infractions répétées du groupe Khalifa.

La corruption en Algérie n’est ni accidentelle ni sectorielle mais procède bel et bien d’un système de gouvernement. Comment donc comprendre le fonctionnement de la corruption dans le système de pouvoir algérien ? Autoritarisme et corruption procèdent, en Algérie comme dans le reste des régimes arabes, de logiques structurantes, qui se renforcent mutuellement : tandis que l’autoritarisme prétorien implique, par-delà les métamorphoses institutionnelles, la détention de la réalité du pouvoir par un groupe restreint, l’impossibilité de lui imputer la responsabilité de ses actes, la faiblesse institutionnelle de l’État et la dirty trick politics fournissent, elles, l’environnement idéal au déploiement de la corruption politique.

Installation et fonctionnement du régime prétorien

La mainmise des prétoriens sur le régime constitue la première règle normative du jeu politique algérien. Elle ne date pas du coup d’État du 11 janvier 1992 ; fondatrice, elle remonte à la formation, à la fin des années 1950, de la fameuse « Armée des frontières » : bureaucratie militaro-policière déployée aux frontières marocaines (Oujda) et tunisiennes (Ghardimaou), elle constitue le socle du régime. L’« Armée des frontières », moderne et bien équipée, parvient très vite à prendre le dessus, lors du conflit fratricide qui l’oppose, au cours de la « crise de l’été 1962 », aux forces, modestes et esseulées, des wilayas (III et IV) qui soutiennent la légalité du gouvernement provisoire de la République algérienne.
La mise en place du régime prétorien s’établit en trois temps : coup de force militaire, longtemps préparé, par l’état-major général (EMG) de l’Armée pour écarter le gouvernement provisoire de la République algérienne – le représentant de l’État indépendant en devenir, jouissant de la reconnaissance internationale et avec lequel le gouvernement français a négocié les accords d’Évian – dès les tous premiers jours de l’indépendance ; cooptation, après la prise sanglante d’Alger, d’un président et d’un gouvernement sous influence ; prise de contrôle total sur l’État à la faveur du putsch du 19 juin 1965 du ministre de la Défense, le colonel Houari Boumediene, ci-devant chef de l’« Armée des frontières [38] ».

Le collège des prétoriens – qui peut tantôt rester informel et tantôt revêtir une forme organisationnelle en épousant les contours de l’état-major de l’Armée – demeure l’institution qui détient les rênes du pouvoir en Algérie. C’est la force prétorienne qui a, tour à tour, fait éclater le gouvernement provisoire de la République algérienne et porte Ahmed Ben Bella à la Présidence à l’issue de la « crise de l’été 1962 » avant de déposer celui-ci trois ans plus tard ; coopte le successeur de Houari Boumediene en janvier-février 1979 ; contraint le président Chadli à démissionner et exécute un coup d’État en janvier 1992 ; consacre sur l’autel de la violation de la Constitution un organe appelé le Haut Comité d’État ; désigne Ali Kafi au lendemain de l’assassinat, dans des conditions on ne peut plus troubles, du président du HCE, Mohammed Boudiaf, le 29 juin 1992 ; nomme le général Liamine Zeroual en janvier 1994 ; fait élire – après la démission de ce dernier – Abdelaziz Bouteflika en 1999 ; négocie depuis les plébiscites successifs du « raïs » en contrepartie du renforcement du Département du renseignement et de la sécurité, véritable État dans l’État tenu depuis la restructuration des services de la police politique en 1990 par l’indéboulonnable général des corps d’armée Mohamed Mediene dit Toufik [39].

Informel et néanmoins réel, le système de pouvoir prétorien se décline suivant le dispositif suivant.

1) L’indépendance institutionnelle de l’Armée. Imposée de facto lors de l’affrontement fratricide de l’été 1962, l’autonomie organisationnelle de l’Armée s’est considérablement renforcée depuis le pronunciamiento du 19 juin 1965. Or, le coup d’État conduit par le ministre de la Défense se trouve motivé essentiellement par la volonté des prétoriens de couper court aux velléités du président Ben Bella sinon de contrôler du moins de réduire leur pouvoir, celles-ci ayant été manifestées entre autres par la nomination, sans leur consultation, d’un chef d’état-major et d’une milice. Le putsch manqué du 14 décembre 1967, qu’avait entrepris le chef d’état-major – ci-devant installé par le président déchu –, ouvre une nouvelle phase dans le renforcement institutionnel de l’Armée. Le colonel Boumediene, primus inter pares du collège des prétoriens, est contraint, pour se prémunir contre toute tentative de renversement de son pouvoir, de prendre une série de mesures : renforcer la sécurité militaire, l’appareil de la police politique qu’il rattache à son cabinet, pour exercer un contrôle très étroit entre autres sur l’Armée [40] ; dissoudre le poste de chef d’état-major pour maintenir la centralisation des forces militaires à son niveau exclusif ; doter l’Armée, jusqu’à l’éclatement en 1975 du conflit avec le Maroc, d’un modeste niveau d’armement pour éviter une modernisation, potentiellement menaçante pour son pouvoir, de l’institution militaire ; assurer la longévité des chefs militaires, sans lesquels il n’aurait pas réussi ses coups de force successifs, dans leurs structures de commandement respectives ; accorder en compensation aux chefs de régions militaires et autres membres de la coalition prétorienne des fiefs et des capitaux. Houari Boumediene, décédé le 27 décembre 1978, laisse derrière lui une seule institution de gouvernement : non plus le FLN, qu’il a pris soin d’immobiliser, mais bien plutôt l’Armée. Aussi n’est-il pas surprenant que ce soit le collège des prétoriens, composé cette fois du patron de la police politique et des principaux hauts officiers de l’Armée, qui s’empare de la cooptation du nouveau chef de l’État : le colonel Chadli Bendjedid, inamovible chef de la deuxième région militaire depuis l’indépendance. Le FLN, réactivé pour meubler le vide politique et institutionnel dévoilé au grand jour par la succession, n’ayant plus qu’à introniser, au cours du congrès de février 1979 – le premier jamais tenu depuis 1964–, l’élu du collège des prétoriens comme secrétaire général du parti ; candidat unique, le colonel Chadli est aussitôt plébiscité président de la République à l’issue d’une « élection sans choix ».
Chadli Bendjedid, président et ministre de la Défense, ne parvient pas à s’émanciper de son statut de primus inter pares. Sous son règne, l’Armée entame une nouvelle phase de son développement. Trois étapes scandent celui-ci. La réinstallation de l’état-major en 1984 tout d’abord ; elle inaugure, sous le patronage de Chadli, le renforcement institutionnel de l’Armée. L’intervention militaire au cours des émeutes d’octobre 1988 ensuite ; elle rend le président tributaire de l’état-major, le commandant des forces terrestres devenant désormais ministre de la Défense moins de deux ans plus tard. L’état de siège de juin 1991, enfin, suivi de la déchéance du président six mois plus tard ; elle marque l’accomplissement terminal de l’indépendance institutionnelle de l’Armée.
Le coup d’État du 11 janvier 1992 consacre, comme celui du 19 juin 1965, la domination de l’armée prétorienne sur l’État, le régime et la société. La force prétorienne, s’accommodant des « standards » de l’ère néolibérale, gouverne à l’ombre des façades institutionnelles. Tandis que la formule consacre le turnover des dirigeants civils, consommant trois chefs d’État en sept ans (1992-1999) – là où le régime n’en a connu que trois en trente ans d’existence (1962-1992) –, elle n’en garantit pas moins la longévité des prétoriens. L’inamovible patron de la police politique, en poste depuis 1990, a ainsi survécu à une période particulièrement sombre : spirale de violence qui a emporté plus de 100 000 morts en dix ans ; série d’homicides politiques ayant atteint entre autres un chef d’État, un responsable de la sécurité extérieure et des officiers supérieurs en exercice, un ex-patron de la police politique et d’anciens ministres de l’Intérieur ; turnover de six chefs d’État et treize premiers ministres ; tenue de quatre élections présidentielles et législatives [41].

2) La réalité du pouvoir. Le pouvoir prétorien, dépassant de loin les limites du domaine militaire stricto sensu, couvre, notamment depuis le putsch du 19 juin 1965, l’ensemble des activités civiles, à commencer par la politique et l’économie. Le dispositif de pouvoir prétorien pénètre tous les pores du corps étatique. Il comprend, par-delà la cooptation des chefs d’État et de gouvernement, la conduite des grandes opérations commerciales et financières extérieures. Le contrôle de ce champ de la décision stratégique passe par la désignation aux fonctions suivantes : gestionnaires des capitaux d’État, chefs des grandes sociétés nationales ; ambassadeurs et attachés militaires, ministres, secrétaires généraux et directeurs centraux des ministères de souveraineté ; responsables d’antennes commerciales à l’étranger et chargés de l’intermédiation financière [42], etc. La police politique qui a, dès avant l’indépendance, installé ses éléments « intouchables » dans tous les ministères, contrôle ce domaine, réservé, en permanence [43]. Ce champ comprend un deuxième chaînon, celui des « intermédiaires institutionnels » : « bandits sédentaires » liés aux dirigeants, qui tirent de colossaux bénéfices de corruption à travers le jeu des pots-de-vin et des commissions auquel donne lieu la conclusion, par l’État mono-exportateur d’hydrocarbures, des gros contrats relatifs à l’achat d’armement, d’équipement, d’usines et d’infrastructures clés en main [44]. Ce système de patronage et de corruption profite, depuis la libéralisation économique, aux tycoons et autres magnats du régime, ces derniers obtenant des monopoles taillés sur mesure [45]. Le troisième niveau de ce dispositif de pouvoir concerne le contrôle de la chaîne de recrutement et de promotion, les « fiches d’habilitation » délivrées par le DRS conditionnant les nominations aux postes de responsabilité, tous secteurs confondus.
Alors que la Constitution du 23 février 1989 stipule, dans son article 86, que « la durée de l’état d’urgence ou de l’état de siège ne peut être prorogée qu’après approbation de l’Assemblée populaire nationale », le maintien dix-neuf ans durant de l’état d’urgence, décrété le 9 février 1992 pour une période de douze mois seulement, en dit long sur la prévalence – sur l’autel du viol constitutionnel – de la politique prétorienne. Mais il y a plus : le glissement de l’état d’urgence à l’état de siège. L’arrêté interministériel non publiable du 25 juillet 1993 s’inscrit dans ce sillage : le dispositif accorde à l’Armée le pouvoir d’apprécier la menace à l’ordre public et de prendre les mesures en conséquence [46].
C’est dire que la levée de l’état d’urgence sous la contrainte des révoltes arabes, le 23 février 2011, ne traduit en rien le démantèlement de l’arsenal prétorien. L’impressionnant quadrillage policier, déployé depuis pour étouffer dans l’œuf toute manifestation protestataire et pacifique, suffit à refléter la panoplie des dispositifs coercitifs dont dispose le régime autoritaire algérien.

3) La dirty trick politics. Ce répertoire comprend, entre autres, les manipulations, les infiltrations, les complots, l’intimidation, les purges, la torture et l’homicide politique. Les services de sécurité ont en fait une spécialité. La fin du parti unique, ne s’accompagnant pas du démantèlement de la police politique, consacre la dirty trick politics ; celle-ci devant, à l’ombre de l’ordre prétorien, déjouer l’émergence d’une « société politique [47] ». Aussi, la politique en Algérie se révèle-t-elle truffée de manipulations : de l’« insurrection d’octobre 1988 » au « complot scientifique » du FLN en 1996 en passant par la « grève insurrectionnelle » de mai-juin 1991, la liste est longue. Le dernier exemple en date étant l’élection présidentielle d’avril 2004 : la police politique, pour crédibiliser le scrutin, est parvenue, par une manipulation politico-médiatique de très grande envergure, à accréditer la thèse de la « neutralité de l’Armée ».
L’homicide politique n’est pas en reste. Entamé lors de la guerre menée par le FLN contre le MNA du père du nationalisme algérien Messali Hadj, l’assassinat politique s’impose avec le meurtre de Ramdane Abane, l’avocat de la doctrine de « la primauté du politique sur le militaire », comme un instrument de règlement des conflits. Les assassinats et les morts suspectes n’ont cessé d’émailler depuis la politique algérienne : des opposants Mohammed Khider en 1967 à Abdelkader Hachani en 2000 en passant par Krim Belkacem en 1970, Ali Mécili en 1987 et Mohammed Boudiaf en 1992…

La corruption politique

La survie puis la consolidation du régime prétorien avaient un coût : l’institutionnalisation de la corruption politique. Dans un contexte marqué par les conflits de répartition du pouvoir et de la richesse, l’allocation corrompue des ressources de l’État permet aux prétoriens d’atteindre un objectif politique impérieux : obtenir le silence sinon la complicité des anciens acteurs de la guerre d’indépendance dont la réaction après leur mise à l’écart pouvait être nuisible à la stabilité du régime. La concurrence sur le partage des prébendes se pose, face à la répression politique et à l’institutionnalisation de la peur et de l’insécurité des élites, comme le seul jeu admis par le système, the only game in town. La nationalisation des intérêts étrangers et l’appropriation du parc de logements et de biens immobiliers colonial fournissent aux prétoriens, qui contrôlent les principaux ministères de souveraineté, un précieux butin de guerre. Les mouvements de fonds et de biens que rendent possibles l’appropriation du patrimoine colonial, d’une part, et la réorganisation étatique des circuits financiers et commerciaux qu’implique la « nationalisation » d’actifs internes et externes, de l’autre, permettent, par le patronage et l’influence, d’opérer le premier transfert de richesses de l’Algérie indépendante. L’opération de répartition des prébendes, qui dure jusqu’au début des années 1970, est sous le contrôle des services de la sécurité militaire [48]. Les clients cooptés qui obtiennent, à bas prix, droits d’acquisition et concessions, forment le premier noyau du secteur privé. Celui-ci est constitué pour l’essentiel d’anciens chefs maquisards, seigneurs de guerre, marchands d’armes et leurs parentèles respectives. Ces derniers sont ainsi dotés de capitaux et incités, en violation de la doctrine officielle du régime « socialiste », à s’enrichir dans le privé. La corruption politique concerne, aussi, l’élite militaire en place. Le groupe dirigeant, craignant les tentatives de putsch, est contraint – notamment depuis le « coupmanqué » de décembre 1967 – de céder aux chefs des régions militaires des fiefs et des circuits d’enrichissement en compensation de la monopolisation grandissante du pouvoir réel.

La corruption, loin d’être occasionnelle ou marginale, s’est posée, bien avant l’avènement de l’ère pétrolière en 1971-1973, comme un mécanisme de régulation des conflits, un marché de substitution à la participation politique, une compensation économique à l’exclusion du pouvoir, un dispositif de contrôle, bref une ultima ratio pour adoucir l’ordre prétorien en permettant de récompenser les fidèles, compromettre les concurrents et corrompre les opposants. La corruption permet, en tant que telle, d’atteindre des objectifs politiques cruciaux pour le régime : offrir une compensation financière à ceux qui ont été exclus du pouvoir afin de prévenir la prise de parole ; renforcer la vulnérabilité et la dépendance des acteurs à l’égard du centre ; fragmenter et domestiquer l’élite stratégique ; couper l’élite dirigeante des masses et discréditer les concurrents aux yeux du peuple. Ce mode de gouvernement est actionné à chaque succession. Il en est ainsi du fameux épisode de la Cour des comptes – appelée par l’humour populaire « cour des règlements de comptes » – à travers laquelle le « nouveau régime » a sacrifié au début des années 1980 quelques figures de l’ère Boumediene dont Bouteflika. Il en est de même du procès de l’ancien compagnon du président Chadli, le général Belloucif, dans la foulée du coup d’État de janvier 1992. Il en est de même des « scandales » de corruption de Betchine, général et conseiller présidentiel, surgis quelques semaines avant la démission du président Zeroual en septembre 1998.
La corruption politique nécessite, en tant que système de gouvernement, plusieurs rouages.

Un pouvoir qui ne rend aucun compte

Le régime politique algérien est un système de gouvernement proprement non responsable : ses dirigeants effectifs ne sont pas contraints à rendre des comptes. Ce mode de gouvernement, au fondement du système politique depuis l’indépendance, est très résistant : en effet, si le régime a substitué le « multipartisme » au « parti unique », il se refuse toujours à substituer la reddition des comptes (accountability) à la non-imputabilité.

L’organisation, tous les cinq ans depuis 1997, de « législatives pluripartistes » sert moins à institutionnaliser la responsabilité politique du gouvernement vis-à-vis du parlement qu’à se doter de façades institutionnelles démocratiques et offrir, en guise de « pluralisme limité », d’étroites avenues de participation et de capture des bénéfices de la rente à la population à travers la mobilisation de réseaux clientélistes [49].
Aussi, en dépit des préjudices financiers colossaux engloutis dans les affaires de corruption survenues en cascade ces dernières années, le parlement, contrôlé en amont et en aval, n’a-t-il jamais constitué de commissions d’enquête pour tenter de faire la lumière sur les responsabilités engagées dans ces entreprises corruptives.
Ce n’est pas tout : alors que les cours du brut sont passés de 40 dollars/baril en 2004 à 80 dollars/baril en 2007, les lois de finances des années 2004 à 2007 ont été élaborées sur la base d’un prix de référence du baril de pétrole à 19 $ seulement ! Alors que les cours annuels du pétrole oscillent en moyenne entre 60 et 75 dollars le baril ces deux dernières années, les lois de finances de cette même période sont calculées, elles, sur la base d’un baril à 37 dollars.
Si un instrument, le Fonds de régulation des recettes (FRR), a été institué en 2000 pour capter le différentiel entre les revenus prévisionnels et les revenus réels d’exportation des hydrocarbures, et servir à rembourser la dette extérieure du pays, sa gestion se fait en revanche dans une totale opacité.
Au moment où le parlement s’apprêtait à adopter, en décembre 2006, la loi de finances de 2007, les réserves du fonds de régulation des recettes avaient atteint officiellement 40 milliards de dollars…, soit l’équivalent du budget officiel. Alors que le FRR, échappant à tout contrôle, s’apparente désormais à une immense caisse noire, jamais le parlement – dans lequel siègent des « partis d’opposition » – n’a exigé des comptes au gouvernement au sujet de la gestion de ce fonds. Les députés, élus dans le cadre d’« élections pas comme les autres », ont vu leurs indemnités augmenter en septembre 2008 – soit un mois à peine avant l’amendement constitutionnel par lequel le raïs a fait sauter le verrou de la limitation, à deux, des mandats présidentiels – de 300% pour atteindre 300 000 dinars/mois, le smig étant, lui, de 12 000 dinars (120 euros [50]).

L’institutionnalisation des monopoles

Les gouvernants algériens, exerçant les pouvoirs d’État sans contrôle ni imputabilité, ont érigé ou pris possession de multiples monopoles.
La jouissance de ces monopoles commerciaux connaît deux phases. La première couvre l’époque de l’économie dirigée. La maîtrise des « barons » du régime sur les monopoles passe durant les années de « socialisme » par le contrôle sur les tutelles ministérielles et les grandes entreprises publiques.
Le gouvernement conduit par le « groupe des réformateurs » entre le 9 septembre 1989 et 4 juin 1991 se donne pour objectif quasi déclaré le démantèlement des assises de ce système de monopoles. Plusieurs mesures sont engagées dans cette perspective : l’adoption par référendum quatre mois après les émeutes d’octobre 1988 d’une Constitution qui consacre les principes de l’État de droit ; l’institutionnalisation de l’indépendance de la Banque d’Algérie à travers, entre autres, la gestion autonome des transactions sur les capitaux ; la suppression des « fiches d’habilitation » établies par la police politique ; la mise en œuvre de l’autonomie des entreprises publiques vis-à-vis des tutelles ministérielles ; la suppression des monopoles d’importation ; la création de l’Observatoire du commerce extérieur ; la tentative d’auditer les comptes de Sonatrach par des organismes internationaux, etc.

Ces mesures, en s’attaquant aux leviers de la corruption politique, déclenchent l’hostilité des maîtres du système. Ces derniers parviennent, par le truchement de la dirty politics et l’intervention derechef de l’Armée le 4 juin 1991, à faire échec à l’entreprise de sortie du régime de corruption autoritaire. L’avortement de la réforme du système de rente et de corruption en juin 1991 ouvre la voie à la restauration prétorienne, la privatisation de la violence, l’affaiblissement institutionnel et la corruption politique.

Les prétoriens rentiers, au moment de la chute des cours du pétrole, expérimentent une nouvelle ressource : la rente stratégique. Les faucons, agitant les spectres du « péril vert », parviennent à obtenir, avec l’appui du gouvernement français, acquis à la thèse du « fascislamisme », un programme d’ajustement structurel du FMI. Les financements exceptionnels permettent, au moment où l’économie algérienne est désormais sous influence de réseaux de « bandits sédentaires et vagabonds », d’injecter de 1994 à 1998, 22 milliards de dollars [51].

Alors que la compétition pour la capture des pouvoirs d’État fait rage entre les prétoriens, les monopoles changent de statut, passant du secteur public aux magnats privés. L’appareil commercial des monopoles est ainsi remplacé par des oligopoles directement liés aux principaux chefs prétoriens. Le marché des importations, qui représente, durant ces années de violence, entre 10 et 11 milliards de dollars, tombe ainsi sous le contrôle d’hommes d’affaires liés à l’élite militaire et civile de l’État prétorien [52]. Les gouvernants, jouissant d’un pouvoir non contrôlable et non imputable, érigent, à l’ombre de l’extraversion de l’économie et de la privatisation de la violence, des oligopoles commerciaux grâce auxquels ils sont très rapidement devenus, l’insécurité favorisant la prédation rapace, de puissants (protecteurs de) magnats dans l’importation qui des produits alimentaires, qui du médicament, qui des matériaux de construction, etc. Les marchés d’importation sont ainsi répartis entre prétoriens au gré des rapports de force.

Le marché des produits pharmaceutiques est un exemple archétypique.
Contrôlé jusqu’au début de la décennie 1990 par trois sociétés publiques, l’importation des médicaments se voit dominée, à partir de 1995, à 85%, par une dizaine d’importateurs étroitement liés aux chefs prétoriens [53]. Les exemples ne manquent pas : Mustapha Ait Adjedjou, patron du Laboratoire pharmaceutique algérien, est réputé par son « amitié » avec le chef d’état-major de l’Armée Mohamed Lamari ; l’homme d’affaires fournit par ailleurs équipements et services aux forces militaires ; la compagnie privée Errahma, appartenant à son fils, assure la surveillance électronique de Sonatrach [54]. Apotex appartient à la famille du général Mohamed Ghenim, secrétaire général du ministère de la Défense. Pharmalliance est l’entreprise de la fille du redoutable général-major Smaïn Lamari, patron de la direction du contre-espionnage (décédé en 2009). KRG appartient à Rafik Abdelmoumène Khelifa, comme on l’a vu. Il en est de même des fils du général-major en retraite Ali Bouhadja et du ministre de l’Intérieur Mostefa Benmansour [55] ; de la fille du colonel Ali Tounsi, patron de la police assassiné en 2010, et du fils du général Ghreïb [56].

Le marché de l’importation des produits agro-alimentaires n’est pas en reste. Le général Mohamed Bétchine, ministre-conseiller du chef de l’État (1994-1998), contrôle, à travers les lignes de crédits généreusement alloués par une banque publique (CPA) à sa société GERIC – spécialisée au départ dans les travaux publics – une bonne part de l’import des pâtes alimentaires [57]. CEVITAL, groupe familial qui comprend une vingtaine de filiales créées depuis le début des années 1990, appartient à Issaad Rebrab, homme d’affaires kabyle. Rebrab, bénéficiant, grâce à l’appui d’influents généraux kabyles, d’un généreux financement public en devises et de faveurs fiscales taillées sur mesure, fait fortune depuis les années 1992-1993 dans le très lucratif secteur de l’importation [58] (du rond à béton, du sucre, du blé dur et des véhicules). Le groupe familial occupe, grâce à ces appuis, une position dominante dans les secteurs économiques les plus rentables (l’agro-alimentaire, la concession automobile, l’électroménager, etc.). Issaad Rebrab, fort de ces appuis, pouvait ainsi déclarer dans le très influent journal El Khabar du 26 avril 2003, avoir bénéficié, grâce à l’intervention d’un « grand général », d’un abattement fiscal de quelque 2 milliards de dinars, soit près de 200 millions d’euros. CEVITAL – accusé publiquement par le ministre du Commerce et le secrétaire général du FLN, tous deux apparentés au groupe Bouteflika, d’être « à l’origine du déclenchement des émeutes » qui ont éclaté dans le pays au début de janvier 2011 des suites du renchérissement des prix de l’huile et du sucre – détient, au terme d’une décennie de faveurs et de patronage, des parts de marché estimées à près de 65% pour l’huile et 70% pour le sucre raffiné [59] – le tiers restant étant partagé pour l’essentiel par trois privés proches du « clan présidentiel » dont le moins important d’entre eux n’est pas Kouninef. Or cette situation monopolistique est en flagrante violation de la loi qui plafonne la « concentration » des ventes en biens et services effectuées sur le marché intérieur à 40% [60].

L’affaiblissement institutionnel de l’État

La faiblesse des institutions n’est donc pas seulement un effet pervers à l’allocation des bénéfices de la rente à la population, mais aussi, et surtout, un effet recherché par des gouvernants kleptocrates pour mettre leurs « affaires » à l’abri de toute velléité de contrôle. Le bras de fer remporté par les prétoriens sur les réformateurs du régime en juin 1991 marque à ce titre un moment déterminant dans le processus d’affaiblissement institutionnel de l’État et par conséquent dans la survie du système de corruption.

Les prétoriens, ne se contentant pas de reprendre le contrôle du gouvernement, des banques publiques et des douanes, entreprennent, dans le sillage du coup d’État du 11 janvier 1992, l’évidement du dispositif institutionnel mis en place par le « groupe des réformateurs » – entre janvier 1988 et juin 1991. Au moment où le contrôle de l’économie algérienne passe – notamment depuis la libéralisation du commerce extérieur et l’application du programme d’ajustement structurel en avril 1994 – des monopoles publics aux oligopoles privés, les prétoriens, qui détiennent les rênes du pouvoir, mettent en place un dispositif d’affaiblissement des institutions de contrôle et d’imputabilité. Deux cibles stratégiques sont visées en priorité : la Banque d’Algérie et le Centre national d’observation des marchés extérieurs et des transactions commerciales du ministère de l’Économie [61].

Les réformateurs, pour assainir les finances publiques et mettre terme à l’arbitraire monétaire du gouvernement, élaborent le texte de loi relatif à la monnaie et au crédit ; la loi du 14 avril 1990, annulant la législation antérieure qui subordonnait l’institut d’émission au gouvernement, instaure, en rupture avec les règles du jeu établies, l’autonomie et l’indépendance de la Banque d’Algérie [62]. La loi, véritable pièce maîtresse des réformes, stipule dans son article 20 que le gouverneur est nommé (pour un « mandat » de six ans) et relevé de ses fonctions (pour « incapacité dûment constatée ou faute grave ») par décret du président de la République [63]. Six mois après le putsch de janvier 1992, le gouverneur de la Banque d’Algérie, nommé le 15 avril 1990, est limogé par le pouvoir de fait le 21 juillet 1992, en flagrante violation non plus seulement de la loi relative à la monnaie et au crédit mais aussi de la Constitution. Ce n’est pas tout : alors que l’économie s’ouvre à l’international et que le contrôle du marché des importations – qui représente alors entre 10 et 11 milliards de dollars – fait l’objet, à l’ombre des luttes de pouvoir et de la privatisation de la violence, d’un partage de fiefs entre patrons, les gouvernants décident coup sur coup : de dissoudre, dès février 1992, l’Observatoire instauré deux ans plus tôt par les réformateurs pour combattre la corruption qui gangrène le commerce extérieur du pays ; de désarmer la banque des banques, en dépossédant, à travers « l’ordonnance 96-22 » du 9 juillet 1996, le gouverneur de la Banque d’Algérie de la double prérogative de prendre des mesures conservatoires et de porter plainte pour infraction à la réglementation des changes et transferts de capitaux au profit du ministre des Finances – nommé et révoqué par le collège des prétoriens [64].
Une ordonnance présidentielle en date du 27 février 2001 achève d’évider la loi sur la monnaie et le crédit : le texte, en abrogeant le « mandat » du gouverneur, complète le processus d’affaiblissement institutionnel programmé de la banque des banques [65].

La régulation de la concurrence est un autre indicateur de l’affaiblissement programmé des institutions étatiques. Le chef de l’État Liamine Zeroual, voulant, dans son bras de fer avec le collège des prétoriens qui l’a coopté, combattre les monopoles des tycoons, institue, en janvier 1995, le Conseil de la concurrence. L’organe, qui jouit de l’« autonomie administrative et financière », peut « se saisir d’office ou être saisi par tout agent économique » pour se prononcer sur les pratiques de la concurrence. Après examen des affaires en question, l’institution est désormais habilitée à prendre des « mesures de fermeture provisoire des établissements objet de litige ». L’article 24 de l’ordonnance précise que le Conseil de la concurrence a la prérogative d’engager « toute autre mesure en vue de faire cesser la pratique anticoncurrentielle […], le cas échéant la transmission du dossier au procureur de la République territorialement compétent, aux fins de poursuites judiciaires [66] ». Le Conseil de la concurrence dont le rapport annuel est, comme le stipule l’article 17 du texte, rendu public un mois après sa transmission au président de la République et à l’Assemblée, n’a jamais vu le jour ! Otage des rapports de force entre la Présidence et le DRS, le Conseil de la concurrence est depuis vidé de ses prérogatives : placé en juillet 2003 sous la coupe du chef du gouvernement avant de se voir confié en juillet 2008 au ministre du Commerce, l’organe, qui n’existe que sur le papier, a brillé par son absence lors de la crise dite des prix de l’huile et du sucre – qui a servi de prétexte au déclenchement des « émeutes » de janvier 2011.

La faiblesse de la classe politique et de la société civile

En Algérie, où l’état d’urgence instauré dans la foulée du coup d’État de janvier 1992 demeure encore en vigueur, les affaires de (grande) corruption n’ont suscité ni démission(s), ni commission(s) d’enquête parlementaire. La révélation des « scandales de corruption » dans la presse privée algérienne donne pourtant l’impression de l’existence sinon d’un espace public libre, du moins d’un journalisme d’investigation indépendant. À la vérité, le feuilleton des « affaires de corruption » reflète moins les percées d’une presse libre que le rapport de force entre les deux principaux centres du régime : le DRS, qui exerce le monopole des enquêtes liées à la grande corruption, et le président Bouteflika, qui, élu à l’issue d’« élections pas comme les autres » et affaibli par l’implication de ses proches dans des affaires de grande corruption, n’est parvenu ni à prendre le contrôle sur la police politique ni à constituer un appareil présidentiel d’investigation. Le surgissement des « scandales », loin de refléter l’essor d’une presse indépendante, sert au contraire de substitut à l’absence d’une classe politique et d’une société civile fortes et autonomes.

À l’heure où les réformateurs orientent le régime vers la sortie de l’autoritarisme, les faucons, qui s’opposent farouchement au « retour de l’Armée aux casernes », s’emploient à travers l’appareil de la police politique, à contrôler le passage du parti unique au multipartisme.
Écoutons le témoignage de Sid Ahmed Ghozali, chef du gouvernement de juin 1991 à juillet 1992 : « Tous les partis, hormis le FFS, sont la création des décideurs […] même une partie du FIS relevait des décideurs [67]. » L’allié des prétoriens sait de quoi il en retourne : deux membres fondateurs du FIS – parti agréé en violation de la loi trois jours avant la nomination du gouvernement des réformateurs – ayant fait partie de son équipe gouvernementale : Saïd Guechi, responsable de l’organique du mouvement islamiste en qualité de ministre du Travail et Ahmed Merani, membre du Majliss Echoura du « parti de Dieu », en qualité de conseiller, ce dernier devenant un an plus tard ambassadeur en Arabie saoudite… L’état d’urgence instauré avec la caution des « républicains » achève le reste : le laminage de la société politique ébauchée par le FLN des réformateurs Mehri et Hamerouche, le FFS de l’opposant historique Aït Ahmed et le FIS du modéré Hachani.

Les « enquêtes de corruption », révélées par la presse algérienne en 2010 sous la bannière enchantée d’une campagne « mains propres », ne dérogent pas aux règles du jeu politique algérien : menées par la police politique et non par une justice indépendante, elles ciblent exclusivement le « clan Bouteflika » – soupçonné de manœuvrer pour prendre le contrôle du DRS – tout en épargnant scrupuleusement les secteurs contrôlés par les prétoriens. Ces « scandales », s’ils rappellent l’épisode antérieur à la démission du président Zeroual en septembre 1998 ou encore celui de la « cour des règlements de comptes » du début de l’ère post-Boumediene, n’en révèlent pas moins un fait majeur : l’ampleur de la corruption en Algérie n’est ni conjoncturelle ni sectorielle ; institutionnelle et généralisée, elle colonise l’État, s’impose aux acteurs comme norme contraignante et procède d’un système de gouvernement.

Aussi n’est-ce pas étonnant que le « programme de réformes » annoncé par le pouvoir algérien dans le sillage du « printemps arabe » ait fait l’impasse sur la question centrale du système de corruption. La remise en selle, à partir des émeutes de janvier 2011, du Haut Conseil de sécurité, l’organe dans lequel siègent les principaux chefs militaires et civils, traduit les tendances lourdes du régime : un président diminué (autant par la maladie que par les affaires de corruption qui éclaboussent son « clan ») et en bout de course ; des prétoriens, détenant la réalité du pouvoir, à la manœuvre [68]. Les prétoriens, observant avec satisfaction la reprise en main, par l’Armée, du processus politique subséquent à la chute du raïs Moubarak, semblent, malgré les frictions internes qui se manifestent çà et là, s’acheminer vers un compromis : préparer l’après-Bouteflika pour opérer un renouvellement générationnel de l’élite dirigeante et reconfigurer le système en surface sans toucher aux fondamentaux.

La corruption qui se répand en Algérie à l’instar des autres pays arabes, n’étant dépendante ni d’une « culture » intemporelle, ni d’une « ressource » naturelle, pas davantage d’une « transition » économique, relève en dernier ressort d’un système de gouvernement : tandis que la logique corruptive participe dès les indépendances d’un marché de substitution à la participation et à la contestation, les régimes autoritaires arabes s’avèrent n’être désormais guère plus en mesure de fonctionner sans corruption. Une tension potentiellement déstabilisatrice travaille cependant ce système en profondeur : le répertoire de la corruption politique permet certes la domestication des élites (par le système de prébendes), la neutralisation des conflits de classe (à travers les réseaux clientélaires verticaux de distribution des bénéfices), mais le système de corruption, qui préside à l’allocation des ressources sinon à l’implémentation des programmes de développement, accroît, lui, les inégalités sociales et génère le mal-développement, lesquels nourrissent la prise de parole et la défection.

Les révoltes populaires que connaît le monde arabe depuis le début de l’année confortent cette hypothèse : les deux configurations tunisienne et égyptienne révèlent d’une part les liens structurels entre corruption et autoritarisme, de l’autre, la centralité qu’occupe la question de la corruption dans le discours protestataire.

Mohammed Hachemaoui


* Politologue, professeur invité à l’université Paris 8.


[1Mohammed Hachemaoui, la Corruption politique en Algérie. Structures, acteurs et dynamiques d’un système de gouvernement, ouvrage à paraître ; Michael Johnston, Syndromes of Corruption. Power, Wealth, and Democracy, Cambridge, Cambridge University Press, 2005.

[2Tandis que la police a été curieusement démobilisée, l’intervention de l’armée, la première depuis le coup d’État du 19 juin 1965, a fait plus de cinq cents morts en moins d’une semaine (du 5 au 10 octobre 1988). Voir Abed Charef, Octobre, Alger, Laphomic, 1989.

[3Douglass North, Institutions, Institutional Change, and Economic Performance, Cambridge, Cambridge University Press, 1990, p. 3.

[4Hazem Beblawi, Giacomo Luciani (eds) et al., “The Rentier State” New York, Croom Helm, 1987 ; Terry Lynn Karl, “The Paradox of Plenty. Oil Booms and Petro-State”, Berkley, University of California Press, 1996 ; Michael Ross, “Does Oil Hinder Democracy ?”, World Politics, avril 2001, 53, p. 325-361.

[5Lire pour une critique de ce paradigme dominant, M. Hachemaoui, « La rente entrave-t-elle la démocratie ? Réexamen des thèses de l’“État rentier” et de la “malédiction des ressources” », article à paraître.

[6La gendarmerie nationale a recensé, selon la presse algérienne, près de 10 000 émeutes et mouvements de protestation au cours de la seule année 2010. Le programme de développement économique prévoit pour la période 2010-2015 un budget de 286 milliards de dollars.

[7Je défends cette thèse dans M. Hachemaoui, “La Corruption politique en Algérie…”, op. cit.

[8Sur la politique prétorienne : Felipe Agüero, Soldiers, Civilians and Democracy. Post-Franco Spain in Comparative Perspective, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 1995 ; Samuel Huntington, Political Order in Changing Societies, New Haven, Yale University Press, 1968, en particulier le chapitre “Praetorianism and Political Decay”, p. 192-263 ; Amos Perlmuter, “The Praetorian State and the Praetorian Army. Toward a Taxonomy of Civil-Military Relations in Developing Polities”, Comparative Politics, avril 1969, vol. 1, no 3, p. 382-404 ; Alain Rouquié, l’État militaire en Amérique latine, Paris, Le Seuil, 1982 ; Alfred Stepan, The Military in Politics : Changing Patterns in Brazil, Princeton, Princeton University Press, 1971 ; id., Rethinking Military Politics, Princeton, Princeton University Press, 1988.

[9Voir F. Agüero, Soldiers, Civilians and Democracy…, op. cit. ; S. Huntington, Political Order in Changing Societies, op. cit. ; A. Perlmuter, “The Praetorian State and the Praetorian Army…”, art. cité ; A. Rouquié, l’État militaire en Amérique latine, op. cit. ; A. Stepan, The Military in Politics…, op. cit. ; id., Rethinking Military Politics, op. cit.

[10La révision de la Constitution, approuvée par référendum à 58% des voix, limite les
prérogatives de la justice militaire et modifie la structure de deux instances judiciaires : la Cour constitutionnelle et le Conseil supérieur de la magistrature, ce dernier nommant juges et procureurs. La réforme, importante entre toutes, permet, de jure, de juger les auteurs du coup d’État de 1980, survenu 30 ans auparavant – jour pour jour. Voir Le Monde, 12 septembre 2010. Cet événement, de grande importance régionale, est passé sous silence par les médias algériens.

[11M. Hachemaoui, « Permanences des règles du jeu politique en Algérie », Politique
étrangère, juin 2009
, no 2, p. 309-321.

[12Voir Florence Aubenas, José Garçon, Renaud Lecadre, Cédric Mathiot, « La face cachée de l’“empire” Khalifa », Libération, 30 octobre 2002 ; J. Follorou, « Enquête sur le mystère du groupe de services algérien Khalifa Entreprises », Le Monde, 31 décembre 2002 ; Clement Moore Henry, “The Political Economies of the Maghrib”, dans David Sorenson (ed.), Interpreting the Middle East, Boulder, Westview, 2010, p. 185-213 ; Clement Moore Henry et Robert Springborg, Globalization and the Politics of Development, Cambridge, Cambridge University Press, 2e éd., 2010 [2001], p 133-136.

[13Le Monde, 7 mars 2002. Larbi Belkheir, issu d’une richissime famille du makhzen colonial de l’ouest algérien, fut tour à tour sous-officier puis déserteur de l’armée française (1958), chef d’état-major de la IIe région militaire sous Chadli, directeur de l’école militaire d’ingénieurs entre 1975 et 1979, secrétaire permanent du Haut Conseil de sécurité de 1980 à 1982, directeur de cabinet et secrétaire général de la Présidence de 1982 à 1986, directeur de cabinet de la présidence de 1986 à 1991, ministre de l’Intérieur d’octobre 1991 à juillet 1992.
Fait rarissime : ses fonctions civiles ne l’empêchant pas de poursuivre sa carrière militaire, Larbi Belkheir est promu le 5 juillet 1991 au grade, alors le plus élevé de la hiérarchie militaire algérienne, de général-major.
Homme d’influence converti avec succès dans les affaires, Larbi Belkheir parvient,
au lendemain de la démission, en septembre 1998, du président Liamine Zeroual, à vendre à ses pairs du collège des prétoriens la candidature d’Abdelaziz Bouteflika à la présidence.
Le « parrain du régime » est nommé, quelques mois après l’élection « pas comme les autres » de Bouteflika en avril 1999, directeur de cabinet de la présidence ; « pilier du système », il y jouera un rôle important notamment dans le succès du groupe Khalifa.
Plébiscité en avril 2004, Bouteflika décide d’écarter Belkheir en le nommant, en septembre 2005, ambassadeur à Rabat. Larbi Belkheir décède, des suites d’une longue maladie, le 29 janvier 2010 à Alger. Le documentaire de Jean-Baptiste Rivoire, « Khalifa : l’étrange milliardaire algérien », diffusé (pour la première fois le 3mars 2003) par Canal +, montre plusieurs apparitions non officielles de Rafik Khelifa avec Larbi Bekheir.

[14Voir F. Aubenas, J. Garçon, R. Lecadre, C. Mathiot, « La face cachée de l’“empire” Khalifa », art. cité ; J. Follorou, « Enquête sur le mystère… », art. cité.

[15Le procès d’El Khalifa Bank, qui a eu lieu au tribunal criminel de Blida entre janvier et mars 2007, a bien montré cet aspect de l’affaire.

[16El Watan, 24 janvier 2007. Chiffre donné par le tribunal criminel de Blida au cours du procès de la caisse principale d’El Khalifa Bank.

[17L’Express, 17 juillet 2003 ; Jeune Afrique, 13 mars 2005, no 2305 ; El Watan, 19 février 2007.

[18Sur cet idéal-type, lire M. Johnston, Syndromes of Corruption…, op. cit., p. 155-185.

[19Sur les liens entre pouvoir et richesse dans les pays du Maghreb, lire Mélanie Claire Cammett, Globalization and Business Politics in Arab North Africa. À Comparative Perspective, Cambridge, Cambridge University Press, 2007 ; Myriam Catusse, le Temps des entrepreneurs. Politique et transformations du capitalisme au Maroc, Paris, Maisonneuve et Larose, 2008 ;
Clement Henry, “The Political Economies of the Maghrib”, dans David Sorenson (ed.), Interpreting the Middle East, Boulder, Westview, 2010, p. 185-213 ; C. Moore Henry, R. Springborg, Globalization and the Politics of Development…, op. cit., p. 198-202 et 215-226 ; Béatrice Hibou, la Force de l’obéissance. Économie politique de l’obéissance, Paris, La Découverte, 2006 ; John Waterbury, “Corruption, Political Stability and Development : Comparative Evidence from Egypt and Morocco”, “Government and Opposition,” 1976, vol. 11, no 4, p. 426-445.

[20J. Follorou, « Enquête sur le mystère… », art. cité.

[21Libération, 3 avril 2003.

[22Entre autres : L’Express, 17 juillet 2003, p. 86 ; chiffre donné également par le tribunal criminel de Blida lors du procès de la caisse principale d’El Khalifa Bank (El Watan, 22 février 2007, p. 2).

[23Ce don a fait l’objet d’un échange de courrier officiel entre le chef du gouvernement et le liquidateur d’El Khalifa Bank que l’auteur a consulté.

[24Il en est ainsi du match amical de la sélection algérienne avec l’OM en février 2001 ou de l’inauguration de la vraie fausse station de dessalement de l’eau de mer à Alger en mai 2002.

[25La somme de 289 861 525,72 euros, selon les données transmises par le liquidateur d’El Khalifa Bank (Moncef Badsi) à la justice française et rapportées par Le Monde, 31 juillet 2004 et 9 février 2005.

[26L’Express, 28 juin 2004.

[27Jeune Afrique, 13 mars 2005, no 2305.

[28Les Échos, 10 mai 2004.

[29Entretien avec Sid Ahmed Ghozali (chef du gouvernement de juin 1991 à juillet 1992), Alger, novembre 2010. Entretien anonyme avec un ancien gouverneur de la Banque d’Algérie, 2008.

[30Liberté, 10 octobre 2004.

[31http://www.alibenouari.ch. Ali Benouari ne mentionne pas sur son curriculum vitae qu’il a été responsable de la FIBA.

[32M. Hachemaoui, Clientélisme et corruption dans le système politique algérien, op. cit.

[33Journal officiel de la République algérienne, 10 juillet 1996, no 45, « Ordonnance no 96-20 relative à la réglementation des changes et des mouvements de capitaux de et vers l’étranger », p. 10.

[34Ibid., 23 février 2003, no 12, p. 14-16.

[35Ibid.

[36Il sera hissé quelques mois plus tard à la tête de la plus grande banque publique algérienne.

[37Document consulté par l’auteur.

[38Voir Mohammed Harbi, le FLN, mirage et réalités, Paris, Jeune Afrique, 1980 ; Gilbert Meynier, Histoire intérieure du FLN, Paris, Fayard, 2002.

[39Mohamed Mediene, kabyle, a été, sous le patronage du directeur du cabinet présidentiel Larbi Belkheir, chef du Département des affaires de défense et de sécurité à la présidence de 1987 à fin 1988, directeur tout au long de l’année 1989 de la Direction centrale de la sécurité de l’armée, puis chef, depuis 1990, du Département du renseignement et de la sécurité.

[40Entretien avec le général-major et ancien ministre de la Défense Khaled Nezzar, Alger, octobre 2010.

[41Voir Isabelle Werenfels, Managing Instability in Algeria. Elites and Political Change since 1995, Londres, Routledge, 2007.

[42Ce dispositif fait l’objet depuis la fin des années 1970 d’un décret non publiable. Entretien avec Ghazi Hidouci (numéro 2 du secrétariat général du Plan dans les années 1970, chef du département économique de la présidence de 1985-1989, tête pensante du « groupe des réformateurs » et ministre de l’Économie de 1989 à 1991), Paris, novembre 2009.

[43Ghazi Hidouci, Algérie, la libération inachevée, Paris, La Découverte, 1995, p. 40.

[44Sur les « intermédiaires », lire, outre l’ouvrage déjà cité de G. Hidouci, le témoignage de
Bélaïd Abdesselam qui a été tour à tour ministre de l’Énergie et de l’Industrie entre 1965 et 1977, puis chef du gouvernement entre juillet 1992 et août 1993 : voir Mahfoud Bennoune et Ali El Kenz, le Hasard et l’histoire. Entretiens avec Bélaïd Abdesselam, Alger, ENAG, 1989, t. 2.

[45Sur la privatisation des entreprises publiques, voir I.Werenfels, Managing Instability in Algeria…, op. cit.

[46L’existence de ce texte a été révélée par la commission d’enquête sur la répression des
émeutes de Kabylie d’avril-mai 2001. Le rapport de la commission présidée par le défunt juriste Mohand Issaad est disponible sur le site www.algeria-watch.org.

[47Le concept de « société politique » est emprunté à A. Stepan qui en fait l’une des « arènes » de la démocratisation dans son Rethinking Military Politics, op. cit. Voir aussi Juan Linz et AlfredStepan, Problems of Democratic Transition and Consolidation : Southern Europe, South America, and Post-Communist Europe, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1996.

[48Entretien avec G. Hidouci, Paris, novembre 2009, mai 2011. Mohammed Harbi, l’Algérie et son destin, Paris, Arcantères, 1992.

[49M. Hachemaoui, « La représentation politique en Algérie. Entre clientélisme et prédation », Revue française de science politique, février 2003, vol. 53, no 1, p. 35-72.

[50Le RCD de Saïd Saadi, qui avait menacé de quitter l’Assemblée dans le cas où le pouvoir refuserait de convoquer des observateurs internationaux pour superviser l’élection présidentielle de 2009 et appelé dans la foulée du « printemps arabe » à la chute du régime, siège toujours à la chambre basse du parlement.

[51G. Hidouci, « L’Algérie peut-elle sortir de la crise ? », Maghreb-Machrek, juillet-septembre 1995, no 149, p. 33.

[52Voir Bradford Dillman, State and Private Sector in Algeria. The Politics of Rent-Seeking and Failed Development, Boulder, Westview Press, 2000.

[53B. Dillman, State and Private Sector in Algeria…, op. cit., p. 95.

[54Maghreb Confidentiel, 16 janvier 1997 cité par B. Dillman, State and Private Sector in Algeria…, op. cit., p. 149.

[55Djilali Hadjaj, Corruption et démocratie en Algérie, Paris, La Dispute, 1999, p. 170.

[56El Watan économie, 19 septembre 2005.

[57Djilali Hadjaj, Corruption et démocratie en Algérie…, op. cit., p. 186.

[58Entretien avec Abdesselam Bélaïd (chef du gouvernement entre juillet 1992 et août 1993),
Alger, mai 2003.

[60Tandis que l’article 12 de l’ordonnance 95-06 du 25 janvier 1995 relative à la concurrence plafonne le seuil de concentration à 30% (Journal officiel de la République algérienne, 22 février
1995, no 09, p. 13), l’article 18 de l’ordonnance 03-03 du 19 juillet 2003 relative à la concurrence élève ce plafond à 40% (Journal officiel de la République algérienne, 20 juillet 2003, no 43, p. 24).

[61La structure, créée par le ministre de l’Économie, est plus connue sous le nom d’Observatoire du commerce extérieur.

[62Journal officiel de la République algérienne, 18 avril 1990, no 16, loi 90-10 relative à la monnaie et au crédit.

[63Ibid., articles 20 et 22, p. 452.

[64Ordonnance no 96-22 correspondant au 9 juillet 1996 relative à la répression de l’infraction à la législation et à la réglementation des changes et des mouvements de capitaux de et vers l’étranger, Journal officiel de la République algérienne, 10 juillet 1996, no 43, p. 8-10. Quatre ministres des Finances se sont succédé entre 1996 et 2001, là où le mandat du gouverneur de la Banque d’Algérie est de six ans.

[65Ordonnance 01-01 du 27 février 2001 modifiant et complétant la loi no 90-10 du 14 avril
1990 relative à la monnaie et au crédit, Journal officiel de la République algérienne, 28 février 2001, no 14, p. 4-5.

[66Ordonnance 95-06 du 25 janvier 1995 relative à la concurrence, déjà citée, p. 15.

[67Interview de Sid Ahmed Ghozali à El Khabar Hebdo, 20-26 juillet 2002, no 177.

[68Sur les rapports entre président et prétoriens, voir M. Hachemaoui, « Permanences des règles du jeu politique en Algérie », art. cité.

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message
  • Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

  • Lien hypertexte

    (Si votre message se réfère à un article publié sur le Web, ou à une page fournissant plus d’informations, vous pouvez indiquer ci-après le titre de la page et son adresse.)