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MAI 2011 - OPINIONS & DÉBATS

mardi 17 mai 2011

LIBYE : APRES DEUX MOIS DE FRAPPES, "BLOCAGE COMPLET" Al-Oufok, rédaction, le 18 mai 2011.

LA « SUCCESS STORY » IRAKIENNE - “BILAN IRAKIEN” Ahmed Halfaoui, “Les Débats” le 15 mai 2011.

“تونس تحت حكم قايد السبسي، رئيس حكومة "الثورة على الثورة؟”
ياسين تملالي"الأخبار"، بيروت، 18 مايو 2011

LA LIBYE, LA GAUCHE EUROPÉENNE ET LE RETOUR DE L’ IMPÉRIALISME HUMANITAIRE par JEAN BRICMONT.

L’AMBITION DÉMESURÉE ET CRIMINELLE DES ÉTATS-UNIS - LE CONTROLE MILITAIRE DE LA PLANÈTE, SAMIR AMIN, le 17 février 2003, mis en ligne par "mondialisation.ca..

INVESTIG’ACTION - michelcollon.info.

L’EGYPTE DERRIERE L’ACCORD HAMAS-FATAH - ALAIN GRESH, dans Nouvelles d’Orient, blog du Monde Diplomatique.


LIBYE : APRES DEUX MOIS DE FRAPPES, "BLOCAGE COMPLET"

mercredi 18 mai 2011
“AL OUFOK” - La Rédaction

Eric Denécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), estime que l’opération sous commandement de l’Otan a réussi à empêcher un bain de sang en Libye, mais a abouti à un "blocage complet".

Quel bilan après deux mois de frappes aériennes en Libye ?
"L’opération aérienne a permis qu’il n’y ai pas le bain de sang que toute le monde prédisait, ce qui était l’objectif initial de la zone d’interdiction aérienne. Mais si l’objectif non dit était d’éliminer Kadhafi et de faire gagner le CNT, là elle a totalement échoué. Il n’y a absolument aucun changement de terrain. Kadhafi est toujours au pouvoir, même si on a détruit une partie de son arsenal. Il s’est passé des choses essentiellement la première semaine et depuis en gros la mi-mai. Il y a eu plusieurs tentatives d’éliminer Kadhafi depuis la mort de son fils, mais pour l’instant on ne voit rien de vraiment concret".

Les insurgés du Conseil national de transition (CNT) sont-ils en mesure de s’imposer militairement ?
"Le CNT, c’est une stratégie de front. Avec 20 à 25% de démocrates, un autre quart qui sont des islamistes, un quart de la monarchie senousis, elle-même assez proche d’un islam radical, et le quatrième quart d’anciens (partisans) de Kadhafi, mouillés jusqu’à la moelle dans ses affaires.

Au moins cinq nations - Egypte, Etats-Unis, Grande-Bretagne, France, Italie - ont des conseillers militaires auprès des insurgés. Mais ils ont face à eux des individus absolument incompétents, même s’ils sont pleins d’enthousiasme. Dès lors que nous sommes entrés dans une logique de guerre civile, les insurgés arrivent à tenir leurs positions à Misrata ou Ajdabiya, mais ils sont incapables d’avancer. D’ailleurs, ils sont de plus en plus favorables à une intervention terrestre de l’Otan, quand ils ne la réclament pas ouvertement".

Des négociations en vue d’une solution politique peuvent-elles aboutir ?
"Pour l’instant, personne n’a voulu discuter avec Kadhafi. Les gens du CNT se font un point d’honneur à refuser toute négociation avec lui et son entourage, ils mettent en préalable le fait que Kadhafi quitte le pouvoir (...).

Nous sommes dans une situation de blocage complet. De toute façon, l’opération aérienne va devoir s’arrêter faute d’adversaires. Sur le terrain, on est à peu près arrivé à une ligne de partage qui correspond au partage géographique - à part Misrata (à l’est de Tripoli) qui est une épine dans le pied de Kadhafi. Mais quand on discute avec les gens de là-bas, personne ne veut de la partition.
Du coup, on risque de voir une situation de fait se mettre en place. Est-ce qu’elle sera entérinée plus tard ?"

(Mercredi, 18 mai 2011 - Avec les agences de presse)

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LA « SUCCESS STORY » IRAKIENNE

Les relations internationales ne relèvent pas de la simple mathématique.
Cela devrait couler de source, mais, dans les faits, et malgré l’expérimentation du principe que les gentilles puissances occidentales se préoccupent de sauver les peuples opprimés par des despotes, la leçon n’arrive pas à passer.
L’idée est bien ancrée. L’action libératrice ne peut venir que des Etats-Unis assistés de leurs satellites.

En août 2009, le président des Etats-Unis annonce fièrement « la fin de la mission de combat en Irak », ainsi qu’une réelle satisfaction, en déclamant ceci : « A travers ce remarquable chapitre de l’histoire des Etats-Unis et de l’Irak, nous avons assumé nos responsabilités. »
Il est suivi par le Premier ministre irakien qui déclare solennellement que l’Irak était désormais « un pays souverain et indépendant ».

La vérité est ailleurs.
À commencer par cette, ô combien symbolique, construction d’un mur de béton percé de huit postes de contrôle, autour de la capitale Bagdad, qui devrait être terminé en 2011.
Avec, au sein de la ville, l’ambassade des Etats-Unis qui occupe plus de 420 km2, avec six immeubles résidentiels, une piscine de luxe, une installation de traitement des eaux, une station d’épuration et la présence d’une miniarmée dotée de 24 hélicoptères Black Hawk et d’une cinquantaine de véhicules anti-bombes.

La cause de cette défiance se trouve tout autour.

Les statistiques du gouvernement irakien sont édifiantes.
Elles dénombrent 70% de chômeurs, 4 millions de sous-alimentés, 70% d’habitants qui n’ont plus accès à l’eau potable, 5 millions d’orphelins, 3 millions sont réfugiés (ou déplacés) à l’intérieur du pays, et 80% des Irakiens ne disposent plus d’aucun système sanitaire (égouts et eaux usées).

Depuis 1990, début des sanctions imposées par l’ONU, le taux de mortalité infantile a augmenté de 150%.

Sur 34 000 médecins inscrits en Irak, 20 000 ont quitté le pays suite à l’invasion, 2 000 seulement sont revenus et 2 000 ont été tués pendant la guerre.

De plus, l’uranium appauvri utilisé lors de l’offensive « démocratisatrice » pollue l’air, les terres, l’eau et les organes vitaux des personnes.

Sur le plan économique, les ressources naturelles de l’Irak sont hypothéquées pour les 50 années à venir, au profit de compagnies pétrolières internationales, au détriment d’un pays en ruine où les investisseurs étrangers détiennent 100% des actifs, avec le droit d’expatrier l’intégralité des profits.

Concernant la corruption, un rapport de Transparency International parle de « plus grand scandale de corruption de l’histoire », et concernant l’hypothétique reconstruction, selon l’inspecteur général spécial pour la reconstruction de l’Irak, le Département de la Défense américain est incapable de produire la moindre comptabilité crédible.

Au plan politique, les divisions religieuses se sont exacerbées et les minorités religieuses sont quasiment contraintes à l’exil, alors que les manifestations démocratiques sont réprimées.

Cette situation est le fruit de l’intention déclarée de mettre à bas un tyran.

Elle se répète en Libye.

par Ahmed Halfaoui

Sources : “Les Débats”

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تونس تحت حكم قايد السبسي، رئيس حكومة "الثورة على الثورة"؟

ياسين تملالي

"الأخبار"، بيروت، 18 مايو 2011

"من أنتمْ؟"، قال القذافي للمتظاهرين الليبيين قبل أن ينعتَهم بـ "الجرذان" ويُطلِق عليهم ميليشياتِه، فاتحا على ليبيا والمنطقةِ كلِّها أبوابَ التدخل الأجنبي. لكن هل هو الوحيدُ الذي يفكّر بمنطق أب روماني مستبدّ، يملك حقّ الحياة والموت على "أبنائه" ؟ لا، كلّ الحكام العرب يفكّرون بذات المنطق، ومنهم الوزيرُ الأول التونسي، الباجي قايد السبسي. ألم نسمعه يردّ على تصريحات القاضي فرحات الراجحي حول عدم تغيّر نواة الحكم في تونس واستعدادها للقيام بانقلاب عسكري للاحتفاظ بمواقعها، قائلا : "عندما دخلتُ معتركَ السياسة في 1956 لم يكن هذا الرجل قد وُلد بعدُ"، أي بعبارة أخرى ما مؤدَّاه : "من أنت، حتى تتكلم عن هذه الأمور؟".

يؤمن "قائدُ ثورة الفاتح" بأنّه مُخرج ليبيا من العدم وصانعُ دولتها الحديثة وأنّه من هذا المنطلق "أحقُّ بها" من كلّ الليبيين. ويؤمن قايد السبسي بأنّه أعرفُ من "السذَّج" من أمثال الراجحي بما ينفع تونس والتونسيين لا لشيء سوى أنَّه كان أحدَ رفاق الحبيب بورقيبة، "أبِ الدولة التونسية الحديثة"، وأنّه، منذ الاستقلال، تقلَّب في مناصب رفيعة عديدة (مديرية الأمن ووزارة الدفاع ورئاسة البرلمان، الخ)، عكسَ هذا القاضي الخمسيني الذي لم يدم مرورُه شبه السريالي في وزارة الداخلية أكثر من شهرين (27 يناير-28 مارس 2011). الفرقُ بين الحالتين أن انتفاضةَ الليبيين لم تعصف بعدُ بالاستبداد كانتفاضة التونسيين. الفرقُ بينهما أن الوزيرَ الأول التونسي قال ما قاله عن الراجحي قرابةَ أربعة شهور بعد رحيل بن علي، ناسيا ربّما أن هذه الثورة (التي لم يشارك فيها، ولا ترقّب حدوثَها ولا حتى تمنّاه)، فجرها شبابٌ لم يتقلّدوا أية مسؤولية في أية حكومة كانت وأنّها أعادته إلى واجهة السياسة بعد أن طواه النسيان ومكّنته من تسيير البلاد في ظرف أقلّ ما يوصف به أنّه مصيري.

وإذا كان قايد السبسي يصول ويجول مهدّدا خصومَه ويتّهم اليسار بإثارة أعمال الشغب ويطلق يدَ الشرطة على المتظاهرين ويتيحُ للبوليس السياسي مداهمةَ بيوت الناشطين ومراقبةَ بعض مجموعات الفايسبوك، فما يمكنّه من ذلك تحديدا هو أنْ لا شيء تغيّر في دائرة الحكم ("الحقيقي" لا الصوري) منذ هروب الرئيس التونسي السابق، بالرغم من حلّ التجمع الدستوري الديمقراطي وتجميد أرصدته ومنع كثير من قيادييه من الترشّح للانتخابات. لا أدلّ على ذلك من أنّ سياسيا مثلَه يترأس اليومَ الحكومة الانتقالية بعد أن ترأس في أوائل التسعينيات برلمانَ بن علي (المنتخب ديمقراطيا كما يعلم الجميع) ومن أنّ رفيقَه فؤاد المبزع، أحد أساطين الحزب الرسمي الأسبق، يترأّس الجمهوريةَ بأكملها. أيُعقل أن يقبل الاثنان بنقل السلطة ديمقراطيا إلى الشعب وألاّ يحاولا التشبّث ولو بشيءٍ منها حفاظا على مصالحِ بورجوازية سئمت بن علي وعصابتَه لكنها تريد "نظاما جديدا" على مقاسها، لا يحيد عن وجهة الليبرالية و"الشراكة مع أوروبا"، نظاما أغلبيةُ التونسيين فيه لاعب ثانوي (وبالأخص منهم سكان مناطق الداخل كسيدي بوزيد والقصرين)؟ لا، بطبيعة الحال فحتّى المسؤولون المنتخبون ديمقراطيا لا يفرّطون بسهولة في الكرسي فما بالك ممن لم ينتخبهم أحد.

هل قال الراجحي سوى هذا ؟ هل قال شيئا سوى أن السلطةَ لم تتبدل جوهريا وأن قيادةَ الجيش، ممثَّلة برئيس الأركان، الجنرال رشيد عمار، جزءٌ لا يتجزأ منها، عكس ما يعتقد بعض "غير السذج" ؟ لم يقل غير ما يعتقدُه كثير من التونسيين فأُقيمت عليه الدنيا ولم تُقعد. اتّهمه قايد السبسي بـ "الكذب" و"انعدام روح المسؤولية" وأعلنت المؤسسةُ العسكرية عزمَها على متابعته أمام العدالة وبدأت بالفعل إجراءاتُ رفع الحصانة القضائية عنه. ربّما كان الرجل "قليل التجربة" لكن أليس لمن لم يُكتب له أن يكون وزيرَ دفاع بورقيبة أو وزيرَ داخليّته الحقُّ في التعبير عن آرائه في "تونس الجديدة" ؟ يُعاب عليه أنه لم يُقدّر "وضعَ البلد الحرج" وأنّ كلامَه أدّى إلى حدوث اضطرابات فيها، لكن هل كان الأمنُ والاستقرار يعمّان ربوعَها قبل أن يتكلّم ؟ تُعاب عليه "سذاجته"، لكن الحقيقةَ أنه لا يشتغل بالسياسة كما يشتغل بها المحترفون ممّن يتلوّنون بتلوّن الأوضاع، فيستوزرون لبورقيبة ويترأسون برلمان بن علي ويقودون الحكومةَ التي تكونت بعد فراره.

ما لا يطيقُه قايد السبسي وغيرُه من رموز البوررقيبة الذين قبلوا التعامل مع بن على ليس كلامَ الراجحي بل مجرّد إمكانية أن يقال وهم في السلطة. ما لا يطيقونه هو بروز جيل جديد من السياسيين غير المحترفين ممن تملأهم سذاجةُ الأمل في تغيير حقيقي، وأن يُؤذِنَ صعودُه بانتهاء دورهم كآباء قسريين للتونسيين، لا زالوا بعد الثورة يتكلمون وكما لو كانوا أسيادَ البلاد الأبديين.

Sources Al-Khabar, le 18 mai 2011

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LA LIBYE, LA GAUCHE EUROPÉENNE

ET LE RETOUR DE L’ IMPÉRIALISME HUMANITAIRE

par JEAN BRICMONT (*)


Douze ans plus tard, c’est l’histoire du Kosovo qui se répète. Des centaines de milliers de morts irakiens, l‘OTAN mise dans une position intenable en Afghanistan, et ils n’ont rien appris !
La guerre du Kosovo a été lancée pour stopper un génocide inexistant, la guerre afghane pour protéger les femmes (allez vérifier leur situation actuellement) et la guerre d’Irak pour protéger les Kurdes.

Quand vont-ils comprendre qu’on a toujours affirmé que les guerres sont justifiées par des raisons humanitaires ? Même Hitler « protégeait les minorités » en Tchécoslovaquie et en Pologne.

Ils sont tous là : les « Verts » avec José Bové, maintenant allié à Daniel Cohn- Bendit, qui a toujours soutenu les guerres de l’OTAN, et bien sûr Bernard-Henry Levy et Bernard Kouchner, appelant à une sorte « d’intervention humanitaire » en Libye, mais aussi, parfois, les partis de la gauche européenne (qui regroupe les partis communistes européens « modérés ») ; différents groupes « radicaux » reprochent à la gauche d’Amérique Latine, dont les positions sont bien plus sensées, d’agir comme idiots utiles du tyran libyen. Un article récent de la Ligue Communiste Révolutionnaire (belge), parlant de « faillite du chavisme », est un bon exemple de cette attitude.

Alors que les trotskistes n’ont jamais connu la responsabilité du pouvoir, et n’ont jamais eu l’obligation de répondre au peuple qu’ils prétendent représenter, ils se lancent dans des critiques virulentes de Chavez, qui est régulièrement élu à la tête d’un grand pays (et les trotskistes n’adorent-ils pas la démocratie ?) sans chercher à comprendre pourquoi la gauche latino-américaine voit, avec raison, l’ingérence américaine comme « l’ennemi principal » et, sans doute parce qu’elle est mal informée, ne fait pas confiance aux trotskistes européens pour arrêter l’OTAN.

Douze ans plus tard, c’est l’histoire du Kosovo qui se répète. Des centaines de milliers de morts irakiens, l‘OTAN mise dans une position intenable en Afghanistan, et ils n’ont rien appris ! La guerre du Kosovo a été lancée pour stopper un génocide inexistant, la guerre afghane pour protéger les femmes (allez vérifier leur situation actuellement) et la guerre d’Irak pour protéger les Kurdes. Quand vont-ils comprendre qu’on a toujours affirmé que les guerres sont justifiées par des raisons humanitaires ? Même Hitler « protégeait les minorités » en Tchécoslovaquie et en Pologne.

Et, comme lors du Kosovo, on s’oppose à l’intervention avec toutes les mauvaises raisons possibles et imaginables : par exemple, qu’une intervention va renforcer Kadhafi - mais on a aussi dit cela pour Milosevic et Saddam, et ce n’est pas exactement ce qui s’est passé.

Ou qu’il faut « soutenir l’insurrection » mais s’opposer à l’intervention, alors qu’il est évident qu’un soutien purement verbal est sans effet. Ou encore que les insurgés ne nous demandent pas d’intervenir ; d’abord, cela semble ne plus être vrai et, s’ils perdent, ils nous demanderont surement d’intervenir. Mais devons-nous intervenir partout dans le monde si on nous le demande ? Le fait-on avec les Palestiniens ?

Par contre, le secrétaire d’état des Etats-Unis, Robert Gates, a déclaré qu’on « doit examiner la tête » de tout futur secrétaire d’état qui conseillerait au président américain d’envoyer des troupes en Asie ou en Afrique. L’amiral Mc Mullen a également conseillé la prudence.

Le grand paradoxe de notre époque, c’est que le QG du mouvement de la paix se trouve au Pentagone et au Département d’Etat tandis que le parti pro-guerre est constitué d’une coalition de néo-conservateurs et d’interventionnistes de toutes sortes, comprenant la gauche de l’ingérence humanitaire de même que certains Verts ou des communistes repentis. La même combinaison se retrouve d’ailleurs dans le cas de l’Iran. Ce sont les militaires qui conseillent la prudence et les « humanitaires » qui lancent des cris de Taïoo au nom des droits de l’homme (ou de la femme).

Evidemment, les Etats-Unis feront ou non la guerre pour des raisons qui sont indépendantes des opinions de la gauche pro-guerre. Contrairement à ce qui est souvent affirmé, le pétrole n’est sans doute pas le facteur principal affectant leur décision, car tout futur gouvernement libyen devra vendre du pétrole et la Libye n’en produit pas assez pour peser significativement sur les cours du pétrole. Bien sûr, le chaos en Libye mène à la spéculation qui elle-même affecte les prix, mais cela est un autre problème.

Toute l’idée de « guerre pour le pétrole » souffre de simplisme. En Irak, par exemple, les compagnies chinoises peuvent investir tout autant que les autres, et la Chine achète du pétrole un peu partout dans le monde au prix du marché, sans dépenser un centime en interventions militaires.

Si les Etats-Unis ont fait la guerre pour « contrôler le pétrole » et affaiblir la Chine, ils s’y sont vraiment mal pris ! En plus, tout l’argent qu’ils dépensent pour leurs guerres est, en pratique, emprunté à la Chine, ce qui contribue encore plus à leur déclin. Drôle de façon de maintenir son hégémonie.

L’argument principal en faveur de la guerre, du point de vue des Etats-Unis, est que, si tout se passe vite et facilement, cela réhabilitera l’OTAN et l’ingérence humanitaire, dont l’image a été ternie par l’Irak et l’Afghanistan. Une nouvelle Grenade ou au plus, un nouveau Kosovo, est exactement ce qu’il faut. Un autre motif d’intervention c’est de mieux contrôler les rebelles en venant les « sauver » dans leur marche vers la victoire.

Mais cela a peu de chance de réussir : Karzaï en Afghanistan, les nationalistes kosovars, les Shi’ites d’Irak et bien sûr, Israël, sont parfaitement contents de bénéficier de l’aide américaine quand ils en ont besoin mais, après cela, ils poursuivent leur propre agenda. Et une occupation militaire totale de la Libye après la « libération » est peu réaliste, ce qui, bien sûr, du point de vue des Etats-Unis rend l’intervention moins attrayante.

Mais si les choses tournent mal, ce sera probablement le début de la fin de l’Empire américain, d’où la prudence des gens qui le gèrent et qui ne se contentent pas d’écrire des articles dans Le Monde ou de pester contre les dictateurs devant des caméras.

Il est difficile pour des citoyens ordinaires de savoir exactement se qui se passe en Libye, car les médias occidentaux se sont complètement discrédités en Irak, en Afghanistan, au Liban et en Palestine, et les sources d’informations alternatives ne sont pas toujours crédibles non plus. Cela n’empêche pas bien sûr la gauche pro-guerre d’être absolument convaincue de la vérité des pires informations sur Kadhafi, comme elle l’était il y a douze ans à propos de Milosevic.

Le rôle négatif de la Cour Pénale Internationale est manifeste, comme l’a été celui du Tribunal Pénal International pour la Yougoslavie dans le cas du Kosovo. L’une des raisons pour laquelle il y a eu relativement peu de sang versé en Tunisie et en Egypte, c’est qu’il y avait une porte de sortie possible pour Ben Ali et Moubarak. Mais la « justice internationale » veut rendre impossible une telle sortie pour Kadhafi et probablement pour les gens proches de lui, les poussant ainsi à combattre jusqu’au bout.

Si « un autre monde est possible », comme la gauche européenne le proclame sans arrêt, alors un autre Occident devrait être possible aussi, et la gauche européenne devrait commencer à le construire.

La rencontre récente de l’Alliance Bolivarienne pourrait servir d’exemple : la gauche d’Amérique Latine veut la paix et ils veulent empêcher l’intervention des Etats-Unis car ils savent qu’ils sont dans leur ligne de mire et que leur processus de transformation sociale exige d’abord et avant tout la paix et la souveraineté nationale.

Donc, ils ont suggéré d’envoyer une délégation internationale conduite éventuellement par Jimmy Carter ou Lula (qu’on ne peut pas accuser d’être des marionnettes de Kadhafi) pour commencer un processus de négociation entre le gouvernement et les rebelles. L’Espagne s’est dite intéressée par cette idée, qui est bien sûr rejetée par Sarkozy. Cette proposition peut sembler utopique, mais si l’ONU mettait tout son poids derrière elle, ce ne serait peut-être pas le cas.

Et ce serait une façon pour l’ONU de remplir sa mission, ce qui est actuellement rendue impossible par l’influence des Etats-Unis et de l’Occident. Cependant, il n’est pas impensable que maintenant, ou lors d’une prochaine crise, une coalition de nations non interventionnistes, par exemple, la Russie, la Chine ou l’Amérique Latine et peut être d’autres puissent œuvrer ensemble pour construire des alternatives crédibles à l’interventionnisme occidental.

Contrairement à la gauche d’Amérique Latine, la gauche européenne a complètement perdu le sens de ce que veut dire faire de la politique. Elle n’essaie pas de proposer des solutions concrètes aux problèmes et est seulement capable d’adopter des positions morales, en particulier de dénoncer de façon grandiloquente les dictateurs et les violations des droits de l’homme.

La gauche social-démocrate suit la droite avec au mieux quelques années de retard et n’a aucune idée indépendante. La gauche « radicale » réussit souvent à dénoncer à la fois les gouvernements occidentaux de toutes les manières possibles et à demander que ces mêmes gouvernements interviennent militairement partout dans le monde pour défendre la démocratie.

Un des arguments les plus ridicules avancés par cette gauche est que Kadhafi a collaboré avec les Européens pour limiter l’immigration africaine et que, par conséquent, il faut le « dénoncer » (un des sports favoris de la gauche radicale étant de « dénoncer » tous ceux qui ne leur plaisent pas, manœuvre purement verbale et dénuée d’effets positifs). Mais ce sont évidemment ces méchantes puissances européennes, ou américaines, qui vont intervenir en Libye, pas la gauche radicale qui n’a aucune force militaire à sa disposition.

Et si, au lieu de dénoncer Kadhafi, ce qui ne mange pas de pain, cette gauche se fixait la tâche (un peu plus ardue il est vrai) de convaincre les opinions publiques européennes de la nécessité d’ouvrir leurs frontières à quelques millions d’Africains ?

La gauche radicale n’a aucun programme cohérent et ne saurait pas quoi faire même si un dieu les mettait au pouvoir. Au lieu de « soutenir » Chavez et la Révolution Vénézuélienne, une affirmation vide de sens que certains se plaisent à répéter, ils devraient humblement se mettre à leur école et, avant tout, réapprendre ce que faire de la politique veut dire.

Jean Bricmont
11/03/2011

Note : Une première version de ce texte est parue en anglais sur le site Counterpunch le 8 mars 2011 ... et a été traduite en français. Cette version-ci développe et précise la version précédente.
Nouvelle version transmise par l’auteur - mise en ligne 12/03

(*) Jean Bricmont enseigne la physique en Belgique et est membre du Tribunal de Bruxelles. Son livre "Humanitarian Imperialism" est publié par Monthly Review Press la version française « Impérialisme Humanitaire » l’est aux éditions Aden.

http://www.legrandsoir.info/La-Libye-la-gauche-europeenne-et-le-retour-de-l-imperialisme-humanitaire.html

Source : Publié dans www. internationalnews.fr afrique/africa
Internationalnews
Le Grand Soir

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L’AMBITION DÉMESURÉE ET CRIMINELLE DES ÉTATS-UNIS

LE CONTROLE MILITAIRE DE LA PLANÈTE

lundi le 17 février 2003,
par : Samir AMIN

Dès les années 1980, alors que s’annonce l’effondrement du système soviétique, se dessine une option hégémoniste qui gagne l’ensemble de la classe dirigeante des États-Unis (ses establishments démocrate et républicain).
Emportés par le vertige de leur puissance armée, désormais sans concurrent capable d’en tempérer les fantasmes, les États-Unis choisissent d’affirmer leur domination d’abord par le déploiement d’une stratégie strictement militaire de « contrôle de la planète ». Une première série d’interventions - Golfe, Yougoslavie, Asie Centrale, Palestine, Irak - inaugure dès 1990 la mise en œuvre de ce plan de « guerres made in USA », sans fin, planifiées et décidées unilatéralement par Washington.

La stratégie politique d’accompagnement du projet en prépare les prétextes, qu’il s’agisse du terrorisme, de la lutte contre le trafic des narcotiques ou de l’accusation de production d’armes de destruction massive. Prétextes évidents quand on connaît les complicités qui ont permis à la CIA de fabriquer un adversaire « terroriste » sur mesure (les Taliban, Ben Laden - la lumière sur le 11 Septembre n’ayant jamais été faite ...) ou de développer le Plan Colombie dirigé contre le Brésil. Quant aux accusations de production éventuelle d’armes dangereuses, portées contre l’Irak, la Corée du Nord et demain n’importe quel Etat, elles font pâle figure face à l’usage effectif de ces armes par les Etats Unis (les bombes de Hiroshima et Nagasaki, l’emploi d’armes chimiques au Viet Nam, la menace avouée de l’utilisation d’armes nucléaires dans les confits à venir ...).
Il ne s’agit donc là que de moyens qui relèvent de la propagande au sens que Goebels donnait au terme, efficaces peut être pour convaincre l’opinion niaise aux Etats Unis mais de moins en moins crédibles ailleurs.

La « guerre préventive » formulée désormais comme un « droit » que Washington se réserve d’invoquer, abolit d’emblée tout droit international.
La Charte des Nations Unies interdit le recours à la guerre, sauf dans le cas de légitime défense ; et soumet sa propre intervention militaire éventuelle à des conditions sévères, la riposte devant être mesurée et provisoire.
Tous les juristes savent que les guerres entreprises depuis 1990 sont parfaitement illégitimes et donc qu’en principe ceux qui en ont pris la responsabilité sont des criminels de guerre.
Les Nations Unies sont déjà traitées par les Etats Unis, mais avec la complicité des autres, comme le fut naguère la SDN par les Etats fascistes.

L’abolition du droit des peuples, déjà consommée, substitue au principe de leur égalité celui de la distinction entre un « Herrenvolk » (le peuple des Etats Unis, accessoirement celui d’Israël) qui a le droit de conquérir « l’espace vital » qu’il juge nécessaire et les autres, dont l’existence même n’est tolérable que si elle ne constitue pas une « menace » pour le déploiement des projets de ceux appelés à être les « maîtres du monde ».

Quels sont donc ces intérêts « nationaux » que la classe dirigeante des Etats Unis se réserve le droit d’invoquer comme bon lui semble ?

A vrai dire cette classe ne se reconnaît que dans un seul objectif - « faire de l’argent » - l’Etat nord américain s’étant ouvertement mis au service prioritaire de la satisfaction des exigences du segment dominant du capital constitué par les transnationales des Etats Unis.

Nous sommes donc tous devenus, aux yeux de l’establishment de Washington, des « Peaux Rouges », c’est à dire des peuples qui n’ont droit à l’existence que dans la mesure où ils ne gênent pas l’expansion du capital transnational des Etats Unis.
Toute résistance sera réduite par tous les moyens allant jusqu’à l’extermination si nécessaire, nous promet-on. Quinze millions de dollars de sur profits supplémentaires pour les transnationales américaines, en contre partie trois cents millions de victimes, aucune hésitation. L’Etat « voyou » par excellence, pour reprendre le langage des Présidents Bush père, Clinton et Bush fils, c’est bel et bien celui des Etats Unis.

Ce projet est certainement impérialiste au sens le plus brutal, mais il n’est pas « impérial » au sens que Negri donne à ce terme, car il ne s’agit pas de gérer l’ensemble des sociétés de la planète, pour les intégrer dans un système capitaliste cohérent, mais seulement de piller leurs ressources.
La réduction de la pensée sociale aux axiomes de base de l’économie vulgaire, l’attention unilatérale portée à la maximisation de la rentabilité financière à court terme du capital dominant, renforcée par la mise à la disposition de celui-ci des moyens militaires qu’on connaît sont responsables de cette dérive barbare que le capitalisme porte en lui, dès lors qu’il s’est débarrassé de tout système de valeurs humaines auquel il a substitué les exigences exclusives de la soumission aux prétendues lois du marché.
Par l’histoire de sa formation le capitalisme nord américain se prêtait à cette réduction mieux encore que celui des sociétés européennes. Car l’Etat américain et sa vision politique ont été façonnés pour servir l’économie et rien d’autre, abolissant par là même le rapport contradictoire et dialectique économie/politique.
Le génocide des Indiens, l’esclavage des Noirs, la succession de vagues des migrations substituant la confrontation des groupes partageant de prétendues identités communautaires (manipulées par la classe dirigeante) à la maturation de la conscience de classe, ont produit une gestion politique de la société par un parti unique du capital, dont les deux segments partagent les mêmes visions stratégiques globales, se partageant la tâche par leurs rhétoriques propres à l’adresse de chacune des « constituencies » de la petite moitié de la société qui croit suffisamment au système pour se donner la peine d’aller voter.
Privée de la tradition par laquelle les partis ouvriers sociaux démocrates et communistes ont marqué la formation de la culture politique européenne moderne, la société américaine ne dispose pas des instruments idéologiques qui lui permettraient de résister à la dictature sans contre poids du capital.
C’est au contraire celui-ci qui façonne unilatéralement le mode de pensée de la société dans toutes ses dimensions, et en particulier reproduit en le renforçant son racisme fondamental qui lui permet de se voir en « Herrenfolk ». « Play boy Clinton, Cow boy Bush, same policy » ; se slogan entendu en Inde à juste titre place l’accent sur la nature du parti unique qui gère la prétendue démocratie américaine.

De ce fait le projet nord américain n’est pas un projet hégémoniste banal qui partagerait avec d’autres, qui se sont succédé dans l’histoire moderne et ancienne, les vertus d’une vision d’ensemble des problèmes permettant de leur donner des réponses cohérentes stabilisatrices, fussent-elles fondées sur l’exploitation économique et l’inégalité politique.
Il est infiniment plus brutal par sa conception unilatérale simple à l’extrême et, de ce point de vue, se rapproche davantage du projet nazi, également fondé sur le principe exclusif du « Herrenfolk ».
Ce projet des Etats Unis n’a rien à voir avec ce qu’en disent les universitaires libéraux américains, qualifiant cette hégémonie de « benign » (« indolore ») !

S’il doit se déployer pendant encore un certain temps ce projet ne pourra générer qu’un chaos grandissant appelant une gestion de plus en plus brutale au coup par coup, sans vision stratégique de long terme.
A la limite Washington ne cherchera plus à renforcer des alliés véritables, ce qui impose toujours savoir faire des concessions.
Des gouvernements fantoches, comme celui de Karzai en Afghanistan, font mieux l’affaire tant que le délire de la puissance militaire permet de croire à « l’invincibilité » des Etats Unis.
Hitler ne pensait pas autrement.

L’examen des rapports de ce projet criminel aux réalités du capitalisme dominant constitué par l’ensemble des pays de la triade (Etats Unis, Europe, Japon) permettra d’en mesurer les forces et les faiblesses.

L’opinion générale la plus courante, véhiculée par ceux des médias qui n’appellent pas à réfléchir, est que la puissance militaire des Etats Unis ne constituerait que le sommet de l’iceberg, prolongeant une supériorité de ce pays dans tous les domaines, notamment économiques, voire politiques et culturels.
La soumission à l’hégémonisme auquel il prétend serait donc de ce fait incontournable.

L’examen des réalités économiques infirme cette opinion. Le système productif des Etats Unis est loin d’être « le plus efficient du monde ». Au contraire presque aucun de ses segments ne serait certain de l’emporter sur ses concurrents sur un marché véritablement ouvert comme l’imaginent les économistes libéraux.
En témoigne le déficit commercial des Etats Unis qui s’aggrave d’année en année, passé de100 milliards de dollars en 1989 à 450 en 2000. De surcroît ce déficit concerne pratiquement tous les segments du système productif.
Même l’excédent dont bénéficiaient les Etats Unis dans le domaine des biens de haute technologie, qui était de 35 milliards en 1990, a désormais laissé la place à un déficit. La concurrence entre Ariane et les fusées de la Nasa, Airbus et Boeing témoigne de la vulnérabilité de l’avantage américain.
Face à l’Europe et au Japon pour les productions de haute technologie, à la Chine, à la Corée et aux autres pays industrialisés d’Asie et d’Amérique latine pour les produits manufacturés banals, à l’Europe et au cône sud d’Amérique latine pour l’agriculture, les Etats Unis ne l’emporteraient probablement pas sans le recours à des moyens « extra économiques » qui violent les principes du libéralisme imposés aux concurrents !

En fait les Etats Unis ne bénéficient d’avantages comparatifs établis que dans le secteur des armements, précisément parce que celui-ci échappe largement aux règles du marché et bénéficie du soutien de l’Etat. Sans doute cet avantage entraîne-t-il quelques retombées pour le civil (Internet en constitue l’exemple le plus connu), mais il est également à l’origine de distorsions sérieuses qui constituent des handicaps pour beaucoup de secteurs productifs.
L’économie nord américaine vit en parasite au détriment de ses partenaires dans le système mondial. « Les Etats Unis dépendent pour 10 % de leur consommation industrielle des biens dont l’importation n’est pas couverte par des exportations de produits nationaux » (E. Todd, Après l’Empire, p. 80).

La croissance des années Clinton, vantée comme étant le produit du « libéralisme » auquel l’Europe aurait malheureusement trop résisté, est en fait largement factice et en tout cas non généralisable, puisqu’elle repose sur des transferts de capitaux qui impliquent la stagnation des partenaires.
Pour tous les segments du système productif réel, la croissance des Etats Unis n’a pas été meilleure que celle de l’Europe. Le « miracle américain » s’est exclusivement alimenté de la croissance des dépenses produites par l’aggravation des inégalités sociales (services financiers et personnels : légions d’avocats et de polices privées etc ...).
En ce sens le libéralisme de Clinton a bel et bien préparé les conditions qui ont permis l’essor réactionnaire et la victoire ultérieure de Bush fils.
De surcroît, comme l’écrit Todd (p. 84) « gonflé par les fraudes le PNB américain commence à ressembler, pour la fiabilité statistique, à celui de l’Union soviétique » !

Le monde produit, les Etats Unis (dont l’épargne nationale est pratiquement nulle) consomment.
« L’avantage » des Etats Unis est celui d’un prédateur dont le déficit est couvert par l’apport des autres, consenti ou forcé.
Les moyens mis en œuvre par Washington pour compenser ses déficiences sont de nature diverses : violations unilatérales répétées des principes du libéralisme, exportations d’armements (60 % du marché mondial) largement imposées à des alliés subalternes (qui de surcroît - comme les pays du Golfe - n’utiliseront jamais ces armements !), recherche de sur-rentes pétrolières (qui supposent la mise en coupe réglée des producteurs, motif réel des guerres d’Asie centrale et d’Irak).
Il reste que l’essentiel du déficit américain est couvert par les apports en capitaux en provenance de l’Europe et du Japon, du Sud (pays pétroliers riches et classes compradore de tous les pays du tiers monde, plus pauvres inclus), auquel on ajoutera la ponction exercée au titre du service de la dette imposée à la presque totalité des pays de la périphérie du système mondial.

Les raisons qui rendent compte de la persistance du flux des capitaux qui alimente le parasitisme de l’économie et de la société américaine et permettent à cette super puissance de vivre au jour le jour sont certainement complexes. Mais elles ne résultent en rien de prétendues « lois du marché » à la fois rationnelles et incontournables.

La solidarité des segments dominants du capital « transnationalisé » de tous les partenaires de la triade est réelle, et s’exprime par leur ralliement au néo-libéralisme globalisé. Les Etats Unis sont vus dans cette perspective comme les défenseurs (militaires si nécessaire) de ces « intérêts communs ».
Il reste que Washington n’entend pas « partager équitablement » les profits de son leadership. Les Etats Unis s’emploient au contraire à vassaliser leurs alliés, et dans cet esprit ne sont prêts à consentir à leurs alliés subalternes de la triade que des concessions mineures.
Ce conflit d’intérêts du capital dominant est-il appelé à s’accuser au point d’entraîner une rupture dans l’alliance atlantique ? Pas impossible, mais peu probable.

Le conflit prometteur se situe sur un autre terrain. Celui des cultures politiques. En Europe une alternative de gauche demeure toujours possible. Cette alternative imposerait simultanément une rupture avec le néo-libéralisme (et l’abandon de l’espoir vain de soumettre les Etats Unis à ses exigences, permettant ainsi au capital européen de livrer bataille sur le terrain non miné de la compétition économique), comme avec l’alignement sur les stratégies politiques des Etats Unis.
Le surplus de capitaux que l’Europe se contente jusqu’à ce jour à « placer » aux Etats Unis pourrait alors être affecté à une relance économique et sociale, à défaut de quoi celle-ci restera impossible. Mais dès lors que l’Europe choisirait, par ce moyen, de donner la priorité à son essor économique et social, la santé artificielle de l’économie des Etats Unis s’effondrerait et la classe dirigeante américaine serait confrontée à ces propres problèmes sociaux.
Tel est le sens que je donne à ma conclusion « l’Europe sera de gauche ou ne sera pas ».

Pour y parvenir il faut se débarrasser de l’illusion que la carte du libéralisme devrait - et pourrait- être jouée « honnêtement » par tous et que dans ce cas tout irait mieux. Les Etats Unis ne peuvent pas renoncer à leur option en faveur d’une pratique asymétrique du libéralisme, parce que celle-ci est le seul moyen pour eux de compenser leurs propres déficiences. La « prospérité » américaine a pour prix la stagnation des autres.

Pourquoi donc, en dépit de ces évidences, le flux des capitaux au bénéfice des Etats Unis se poursuit-il ?
Sans doute pour beaucoup le motif est-il simplement que les Etats Unis sont « un Etat pour les riches », le refuge le plus sûr. C’est le cas pour les placements des bourgeoisies compradore du tiers monde.
Mais pour les Européens ? Le virus libéral - et la croyance naïve que les Etats Unis finiront par accepter « le jeu des marchés » - opère ici avec une puissance certaine auprès des grandes opinions publiques.
Dans cet esprit le principe de « libre circulation des capitaux » a été sacralisé par le FMI, en fait simplement pour permettre précisément aux Etats Unis de couvrir leur déficit par le pompage des surplus financiers générés ailleurs par les politiques néo-libérales, auxquelles ils ne se soumettent, eux, que très sélectivement !
Néanmoins pour le grand capital dominant l’avantage du système l’emporte sur ses inconvénients : le tribut qu’il faut payer à Washington pour en assurer la permanence.

Il y a des pays qualifiés de « pays pauvres endettés », qui sont contraints de payer. Mais il y a aussi un « pays puissant endetté », dont on devrait savoir qu’il ne remboursera jamais ses dettes. Ce véritable tribut imposé par le chantage politique des Etats Unis demeure, de ce fait, fragile.

Le choix militariste de l’establishment des Etats Unis se situe dans cette perspective. Il n’est rien d’autre que l’aveu que les Etats Unis n’ont pas d’autres moyens à leur disposition pour imposer leur hégémonie économique.

Les causes qui sont à l’origine de l’affaiblissement du système productif des Etats Unis sont complexes.
Elles ne sont certainement pas conjoncturelles, pouvant de ce fait être corrigé par exemple par l’adoption d’un taux de change correct, ou par la construction de rapports salaires / productivités plus favorables.
Elles sont structurelles. La médiocrité des systèmes de l’enseignement général et de la formation, produit d’un préjugé tenace favorisant systématiquement le « privé » au détriment du service public, est l’une des raisons majeures de la crise profonde que traverse la société des Etats Unis.

On devrait s’étonner donc que les Européens, loin de tirer les conclusions que le constat des insuffisances de l’économie des Etats Unis impose, s’activent au contraire à les imiter. Là également le virus libéral n’explique pas tout, même s’il remplit quelques fonctions utiles pour le système, en paralysant la gauche.
La privatisation à outrance, le démantèlement des services publics ne pourront que réduire les avantages comparatifs dont bénéficie encore la « vieille Europe » (comme la qualifie Bush).
Mais quels que soient les dommages qu’elles occasionneront à long terme, ces mesures offrent au capital dominant, qui vit dans le court terme, l’occasion de profits supplémentaires.

L’option militariste des Etats Unis menace tous les peuples. Elle procède de la même logique qui fut naguère celle d’Adolf Hitler : modifier par la violence militaire les rapports économiques et sociaux en faveur du « Herrenfolk » du jour.
Cette option, en s’imposant au devant de la scène, surdétermine toutes les conjonctures politiques, car la poursuite du déploiement de ce projet fragiliserait à l’extrême toutes les avancées que les peuples pourraient obtenir par leurs luttes sociales et démocratiques.
Mettre en échec le projet militariste des Etats Unis devient alors la tâche première, la responsabilité majeure pour tous.

Le combat pour mettre en échec le projet des Etats Unis est certainement multiforme.

  • Il comporte ses aspects diplomatiques (défendre le droit international),
  • militaires (le réarmement de tous les pays du monde pour faire face aux agressions projetées par Washington s’impose - ne jamais oublier que les Etats Unis ont utilisé les armes nucléaires quand ils en avaient le monopole et y ont renoncé pendant le temps où ils ne l’avaient plus)
  • et politiques (notamment pour ce qui concerne la construction européenne et la reconstruction d’un front des Non Alignés).

Le succès de ce combat dépendra de la capacité des esprits à se libérer des illusions libérales. Car il n’y aura jamais d’économie mondialisée « authentiquement libérale ». Et pourtant on tente et on continuera à tenter par tous les moyens de le faire croire.
Les discours de la Banque mondiale opérant comme une sorte de Ministère de la propagande de Washington concernant la « démocratie » et la « bonne gouvernance », ou la « réduction de la pauvreté » n’ont d’autres fonction comme le bruit médiatique organisé autour de Joseph Stiglitz, découvrant quelques vérités élémentaires, affirmées avec autorité arrogante, sans néanmoins en tirer la moindre conclusion remettant en cause les préjugés tenaces de l’économie vulgaire.
La reconstruction d’un front du Sud, capable de donner à la solidarité des peuples d’Asie et d’Afrique et à la Tricontinentale, une capacité d’agir sur le plan mondial, passe, elle également, par la libération des illusions d’un système libéral mondialisé « non asymétrique » qui permettrait aux nations du tiers monde de surmonter leurs « retards ».
N’est-il pas ridicule de voir des pays du Sud réclamer « la mise en œuvre des principes du libéralisme ; mais sans discrimination aucune », bénéficiant alors des applaudissements nourris de la Banque mondiale ?
Depuis quand la Banque mondiale a-t-elle défendu le tiers monde contre les Etats Unis ?

Le combat contre l’impérialisme des Etats Unis et son option militariste est celui de tous les peuples, de ses victimes majeures d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine, des peuples européens et japonais condamnés à la subordination, mais tout également du peuple nord américain.
Saluons ici le courage de tous ceux qui « au cœur de la bête », refusent de se soumettre comme leurs prédécesseurs ont refusé de céder au Mac-Carthisme des années 1950. Comme ceux qui ont osé résister à Hitler ils ont conquis tous les titres de noblesse que l’histoire peut décerner.
La classe dominante des Etats Unis sera-t-elle capable de revenir sur le projet criminel auquel elle s’est ralliée ? Question à laquelle il n’est pas facile de répondre. Peu, sinon rien, dans la formation historique, de la société des Etats Unis l’y prépare.
Le Parti unique du capital dont le pouvoir n’est pas contesté aux Etats Unis n’a jusqu’ici pas renoncé à l’aventure militaire.
Dans ce sens la responsabilité de cette classe prise dans son ensemble ne peut être atténuée. Le pouvoir de Bush junior n’est pas celui d’une « clique » - les pétroliers et les industries de l’armement.
Comme dans toute l’histoire moderne des Etats Unis le pouvoir dominant n’a jamais été autre que celui en particulier d’une coalition d’intérêts segmentaires du capital (mal qualifiés de « lobbies »). Mais cette coalition ne peut gouverner que si les autres segments du capital l’acceptent.
A défaut tout arrive dans ce pays d’autant moins respectueux en fait du droit qu’il paraît l’être en principe.
Evidemment quelques échecs politiques, diplomatiques, et peut être même militaires, pourraient encourager les minorités qui, au sein de l’establishment des Etats Unis, accepteraient de renoncer aux aventures militaires dans lesquelles leur pays s’est engagé.
Espérer plus me paraît aussi naïf que pouvaient l’être les attentes qu’Adolf Hitler finisse par s’assagir !

S’ils avaient réagi en 1935 ou 1937, les Européens seraient parvenus à arrêter le délire hitlérien.
En réagissant seulement en Septembre 1939, ils se sont infligés les dizaines de millions de victimes.

Agissons pour que face au défi des néo-nazis de Washington, la riposte soit plus précoce.

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Samir Amin est un collaborateur régulier de Mondialisation.ca.

Articles de Samir Amin publiés par Mondialisation.ca

© Droits d’auteurs Samir Amin, Alternatives, 2003

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L’empressement à exécuter Ben Laden et à faire disparaître son cadavre laisse perplexe

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LES ÉTATS-UNIS FINANCENT L’OPPOSITION SYRIENNE DEPUIS 2006 - Cécile Chams
Six millions de dollars versés aux opposants... Quelle générosité !

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L’EGYPTE DERRIERE L’ACCORD HAMAS-FATAH - Alain Gresh
L’accord entre le Hamas et le Fatah reflète aussi et surtout la nouvelle politique extérieure égyptienne

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"Si on s’obstine à reproduire le même modèle de développement, on aura certainement les mêmes résultats."

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Après vingt-cinq ans de silence, la “pop star” Cat Stevens revient avec un autre nom.

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L’EGYPTE DERRIERE L’ACCORD HAMAS-FATAH

par Alain Gresh
le 6 mai 2011


Le mercredi 4 mai, les représentants de treize factions palestiniennes devaient signer au Caire l’accord auquel elles sont parvenues. Cette cérémonie fait suite à l’entente entre le Hamas et le Fatah survenue quelques jours plus tôt, sous l’égide de l’Egypte.

Le texte prévoit la formation d’un gouvernement de technocrates ou d’indépendants ; la tenue d’élections présidentielle et législative d’ici un an ; la réforme de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et une solution à la division des organes de sécurité. Comme il est prévu par les accords d’Oslo, c’est l’OLP et elle seule qui est habilitée à négocier des solutions de paix avec le gouvernement israélien.

Ce texte facilitera sans aucun doute la campagne de l’Autorité en faveur de la reconnaissance par l’Assemblée générale des Nations unies d’un Etat palestinien indépendant dans les frontières de juin 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale. Il a donc suscité un rejet immédiat de la part des Israéliens — qui ont déjà commencé à prendre des mesures de rétorsion, notamment en arrêtant les paiements de taxes qu’ils collectent au nom de l’Autorité palestinienne — et un accueil très froid par l’administration américaine. Il est encore difficile de savoir comment il sera appliqué, mais le texte reflète les profonds changements qui affectent la région.

L’accord entre le Fatah et le Hamas a pris par surprise tous les observateurs qui regardaient les deux parties négocier depuis des années, sans jamais aboutir. Les raisons de cette entente sont nombreuses, certaines tenant à la situation palestinienne, d’autres à l’évolution régionale du fait, notamment, des changements en Egypte.

Les raisons du Fatah et du Hamas

Les deux partis ont été confrontés, depuis les révolutions dans le monde arabe, à la montée d’un mouvement de contestation, certes limité, mais réel. Ici, le but n’était pas « la chute du régime » mais « la chute (la fin) de la division ». Les deux y ont répondu par un mélange de pressions et de répression, mais aussi en reprenant à leur compte les demandes populaires.

Plus largement, les deux organisations sont dans une impasse stratégique. Le processus de paix est mort et toute la politique du Fatah et de l’Autorité palestinienne de négociations se heurte à un refus sans faille du gouvernement israélien. Celle du Hamas aussi, qui parle de résistance, mais cherche à maintenir un cessez-le-feu avec Israël et même à l’imposer aux autres forces palestiniennes.

La frustration de Mahmoud Abbas est bien illustrée par l’article de Newsweek (24 avril) écrit par Dan Ephron, « The Wrath of Abbas ». Il y raconte notamment sa conversation avec Barack Obama, qui lui demandait de retirer de la discussion du conseil de sécurité de l’ONU la résolution condamnant la colonisation israélienne. Il dénonce les pressions et même les menaces du président américain. Rappelons que cette résolution a été rejetée par une voix (prépondérante), celle des Etats-Unis, contre quatorze voix de tous les autres Etats. Il est aussi évident que le président palestinien a dû tenir compte des évolutions en Egypte — j’y reviens plus bas.

Le Hamas est aussi en difficulté sur le terrain. En plus de l’impasse stratégique, il doit faire face à des groupes salafistes, certains liés à Al-Qaida, qui lui reprochent à la fois de ne pas résister et de ne pas assez islamiser la société. D’autre part, la poursuite du blocus israélien et les difficultés quotidiennes de la population érodent en partie son influence à Gaza.

Mais d’autres raisons, liées aussi à la révolte arabe, le poussent au compromis. Les manifestations en Syrie et leur violente répression par le régime affaiblissent un de leurs alliés principaux, un allié qui abrite la direction extérieure du Hamas depuis son expulsion de Jordanie. Le fait que le cheikh Youssef Al-Qardhawi, un des prêcheurs les plus populaires de l’islam sunnite, considéré comme lié aux Frères musulmans (dont le Hamas est issu), ait fortement condamné Assad ne peut qu’amener l’organisation à prendre quelque distance, même si elle a démenti toute intention de s’installer ailleurs (Sur la situation en Syrie, on lira dans Le Monde diplomatique de mai, l’article de Patrick Seale, « Fatal aveuglement de la famille Al-Assad en Syrie »).

D’autre part, les événements du Bahreïn, la violente propagande anti-chiite menée par les pays du Golfe, ont aggravé les tensions entre chiites et sunnites dans la région. Or le Hamas est non seulement partie prenante de la mouvance des Frères musulmans, mais une partie de ses fonds vient des riches hommes d’affaire du Golfe, qui ne voient pas d’un bon œil son alliance avec l’Iran. Dans ces conditions, un rapprochement avec le Fatah et surtout avec l’Egypte est une nécessité pour le Hamas.

Changements en Egypte

L’accord entre le Hamas et le Fatah reflète aussi et surtout la nouvelle politique extérieure égyptienne. Le Caire, sans rompre avec les Etats-Unis, sans remettre en cause le traité de paix avec Israël, se dégage de la politique de soumission aux intérêts israéliens et américains. Moubarak s’opposait à l’unité entre le Fatah et le Hamas, notamment parce qu’il craignait l’influence des Frères musulmans dans son pays ; il considérait Gaza comme un problème sécuritaire et participait à son blocus. Alors que les Frères musulmans s’apprêtent à participer aux élections de septembre en Egypte, et peut-être même au gouvernement, ces craintes ne sont plus de mise. D’autant que le climat démocratique en Egypte permet l’expression plus forte de la solidarité avec les Palestiniens et du refus massif du blocus, dont le gouvernement doit tenir compte.

Le ministre des affaires étrangères égyptien a affirmé avec force que le point de passage de Rafah serait ouvert, qualifiant de « honteux » le blocus israélien (« Egypt to throw open Rafah border crossing with Gaza », Ahram online, 29 avril). Presque plus importante est la déclaration du chef d’état-major égyptien Sami Anan : celui-ci a mis en garde Israël contre toute tentative d’interférer dans la décision prise par Le Caire (« Egypt warns Israel : Don’t interfere with opening of Gaza border crossing », Haaretz, 30 avril). Une autre source israélienne lui fait dire : « Le gouvernement israélien doit faire preuve de retenue quand il discute des pourparlers de paix. Il doit s’abstenir de s’ingérer dans les affaires intérieures palestiniennes. »

Cette inflexion se traduit dans les relations de l’Egypte avec l’Iran, puisque l’on parle de reprise des relations diplomatiques entre les deux pays. Téhéran, comme Damas, a d’ailleurs salué l’accord interpalestinien. « Il y a un nouveau sentiment en Egypte, que l’Egypte doit être respectée comme une puissance régionale », explique un spécialiste égyptien de relations internationales, cité par David Kirkpatrick, « In Shift, Egypt Warms to Iran and Hamas, Israel’s Foes ».

Source :
{ Nouvelles d’Orient}

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