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QUI SÈME LE VENT RÉCOLTE LA TEMPETE

LES MESURES PRISES PAR LE GOUVERNEMENT ? LOIN DES EXIGENCES DE LA SITUATION ET DE L’INDIGNATION POPULAIRE !

UN CONTENU AU SERVICE DES MONOPOLES PRIVÉS SUR LES PRODUITS ESSENTIELS

lundi 10 janvier 2011

Le conseil interministériel (du 8 janvier 2011), agissant au nom du gouvernement a, avec l’accord du chef de l’Etat, arrêté des mesures prenant effet du 1 janvier au 31 août 2011..

QUE SIGNIFIENT CES MESURES ?
C’est l’objet de l’analyse faite à chaud par Redouane Mimouni au lendemain de l’annonce de ces mesures.
Cette analyse est complétée par un article du même auteur écrit pour Alger Républicain en mai 2008. Il a eu le mérite d’éclairer et décrypter par avance les dessous de la stratégie d’un pouvoir complaisant, sinon soumis, aux appétits des cercles privés qui oeuvrent à asseoir leur monopole sur les produits essentiels, au détriment de l’intérêt général et national.
D’où la conclusion, casser les privilèges des monopoles et leurs conséquences néfastes sur les besoins de la population, en premier lieu dans ses couches les plus démunies, et par voie de conséquence sur la cohésion et sur la sécurité nationales.

Ces deux articles sont utilement complétés par une mise en perspective des évolutions d’une économie algérienne durement maltraitée au cours des décennies précédentes.
Ce texte est parvenu à Socialgerie, sous la signature de "Al MOUHALLIL" ("L’analyste") et titré opportunément : "Qui sème le vent récolte la tempête !"


I. ANALYSE DES MESURES GOUVERNEMENTALES,
PRISES DANS L’URGENCE DE LA COLERE POPULAIRE

Le conseil interministériel (du 8 janvier 2011), agissant au nom du gouvernement a, avec l’accord du chef de l’Etat, arrêté les mesures suivantes (du 1 janvier au 31 AÔUT) :

  • suspension des droits de douane (de 5%) à l’importation et de la TVA (taxe sur la valeur ajoutée de 17%) sur le sucre roux et les matières de base entrant dans la fabrication des huiles alimentaires,
  • exonération de l’IBS (impôt sur les bénéfices des sociétés de 19% pour les activités de production et 25% pour les activités de distribution)
    Soit un total des charges de 41% en déduction des prix de revient qui doit être répercuté, en urgence, sur les prix de vente aux consommateurs,
  • le gouvernement définira, avec les opérateurs concernés un système de stabilisation permanente des prix du sucre et des huiles alimentaires, pour faire face à l’avenir et de façon durable à toute fluctuation des cours sur le marché international,
  • exonération temporaire exceptionnelle des droits de douane et de TVA exigibles à l’importation du sucre blanc, en vue de mettre un terme à la situation de quasi monopole sur le marché local du sucre blanc.

En outre les grossistes sont informés qu’ils n’ont nullement à présenter au producteur de sucre ou d’huile alimentaire ni une documentation nouvelle ni à procéder au règlement de leurs commandes par chèque, cette dernière mesure ne devenant obligatoire qu’à la fin du mois de mars prochain.

Enfin le gouvernement pour contenir la spéculation apparue sur la farine informe que le quota de blé tendre fourni à chaque minoterie est porté de 50% à 60% de leur capacité de trituration.

QUE SIGNIFIENT CES MESURES ?

1 -Les mesures prises par le gouvernement dans l’urgence et la précipitation démontre que le pouvoir a été pris de court par les émeutes et leur ampleur. Le pouvoir tente de faire croire que la protestation des jeunes a seulement pour origine la flambée des prix de l’huile et le sucre. Alors qu’en réalité ce sont presque tous les prix des produits alimentaires qui s’envolent depuis des mois et des mois sans réaction notable des pouvoirs publics. Il y a une baisse sans précèdent du pouvoir d’achat des couches les plus démunies. L’envolée des prix du sucre et du l’huile n’a été que la goutte qui a fait déborder le vase qui a fait déborder à son tour le « ras le bol » !

2- La crise n’est pas seulement celle des produits alimentaires, mais celle des produits et services de première nécessité comme les médicaments et les services de santé, l’eau, l’électricité et le gaz, les loyers, les articles scolaires, les vêtements, les transports…

3- La crise est économique et sociale : le chômage s’aggrave de jour en jour, surtout pour les jeunes, alors que le pouvoir veut faire croire qu’il est en recul, le logement est de plus en plus inaccessible pour une grande partie de la population et les jeunes sans emploi n’ont aucune chance d’en décrocher un pour pouvoir se marier un jour !

4- La crise profonde débouche sur le désespoir , la drogue, le suicide, la harga ou suicide dans l’eau, alors que d’autres jeunes s’immolent par le feu : résultats de la hogra, des passe droit, de l’injustice, de l’arbitraire et de la corruption, des inégalités sociales insoutenables, des enrichissements sans travail et le luxe insultant affiché par les nantis, les grands scandales révèles quotidiennement…

5- Comment s’étonner alors qu’un jour cette colère gagne la rue, qu’il y ait de la casse et des destructions. Aucun algérien sensé n’est pour la casse. Mais pourquoi les jeunes cassent des fois lors des émeutes, car ce ne sont pas de simples manifestations.
Les jeunes qui sont sortis dans la rue ces derniers jours sont le pur produit des résultats des trois mandats présidentiels. Comment voulez-vous qu’ils apprennent à manifester pacifiquement, alors que les manifestations sont interdites depuis près de 20 ans (pour eux comme pour leurs aînés), que les associations sociales, culturelles et politiques sont tenues en laisse. Il est loin le temps ou les jeunes avaient leurs organisations de jeunes ; de lycéens, d’étudiants et se battaient pour leurs droits tout en lançant le magnifique mouvement de volontariat !

6- Ce que nous voyons aujourd’hui est la destruction de la cohésion sociale, avec la politique néolibérale sauvage, la destruction du secteur économique d’état , le désinvestissement et la casse de l’industrie nationale…

Quant on analyse les dernières mesures annoncées le 8 janvier par le gouvernement, on remarque certaines choses très édifiantes, avec des relents de contenu de classe qu’on ne peut cacher : ainsi les matières premières pour fabriquer des produits alimentaires de première nécessité sont taxées au prix fort de 17% supporté par le citoyen.
Le gouvernement a supprimé l’IBS, impôts sur les bénéfices des sociétés alors que les patrons n’ont rien demandé à ce sujet ! Quel cadeau ! Peut-il faire la même chose pour l’IRG des salariés et des retraités ? Faut pas rêver ! Mais AGIR pour faire la clarté sur les enjeux concrets et les mécanismes réels !

Le recul devant les barons

Le gouvernement a reculé devant les détenteurs du monopole et de l’informel qui ont provoqué la crise sur l’huile et le sucre et qui continuent de dominer l’importation, la production et la distribution de gros. De simples mesures administratives pour la facturation des transactions et le paiement par chèque à partir de 500 000 dinars ont bouleversé le marché. Les barons de l’informel, les rois de la « chkarra », ceux qui engrangent l’argent par sacs poubelles entiers viennent de mordre la main qui les nourrit. Ils émergent en tant que force politique…

Le porte-parole de l’Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA) est clair à ce propos : « surseoir aux nouvelles conditions imposées en début d’année aux marchands de gros, dans le cadre des transactions commerciales, c’est continuer à encourager le maintien du flou sur les revenus de certains opérateurs et l’absence de contrôle du mouvement des devises avec tous les risques que cela comporte pour l’économie nationale » (el watan du 9 janvier).

Puis il ira droit au but « pour les prix, le meilleur moyen de les maîtriser c’est de limiter la marge bénéficiaire au début de la chaîne, c’ est à dire au niveau de la production et à l’importation, puis au niveau des grossistes,comme nous l’avons toujours revendiqué »

Combien gagne Cevital par litre d’huile et kg de sucre ? Question simple qui demande une réponse simple.

L’amère vérité est que le citoyen est le dindon de la farce : 41% de taxes et combien de marges bénéficiaires cumulées dans la chaîne qui fait du sucre et l’huile de super produits de luxe ?

Rédouane Mimouni, 9 janvier 2011


II. IL FAUT CASSER LA STRATÉGIE DES MONOPOLES PRIVÉS SUR LES PRODUITS ESSENTIELS

( article de Mimouni Redouane, Mai 2008

C’est un article, rédigé le 8 mai 2008 pour Alger républicain, qui
essayait d’aller au fond des problèmes pour montrer les graves dérives
du pouvoir en matière économique et sociale, des dérives avec un
contenu de classe certain.
Ça explique aussi pourquoi Alger
républicain est affamé comme le peuple, privé de publicité pas
seulement par les barons et les monopoles (de l’importation, de la
production et de la distribution) mais aussi par ceux qui détiennent
le monopole de répartition de la publicité des entreprises publiques
et des organes de l’Etat…

Les dessous des pénuries et de la flambée des prix

Il faut casser les monopoles sur les produits essentiels

Tout père ou toute mère de famille aura remarqué la hausse
vertigineuse des prix sur les produits essentiels, vitaux et de
première nécessité et la pénurie pour certains autres : huile, café,
lait, céréales, légumes secs, fruits et légumes de saison, mêmes les
médicaments sont de la partie, comme d’ailleurs les matériaux de
construction (ciment et rond à béton notamment).

Il est vrai que cette situation est liée en partie à la conjoncture
mondiale (spéculation et dictats des monopoles capitalistes mondiaux)
qui risque d’entraîner dans la famine des dizaines de millions d’êtres
humains supplémentaires.

Mais il est vrai aussi que cette situation trouve sa source aussi chez
nous. Il n’y a qu’à ouvrir les yeux pour voir.

Le slogan creux de l’autosuffisance alimentaire (certains iront
jusqu’à parler d’autosatisfaction) a pris l’eau de toute part au point
ou l’on n’arrive plus à fournir aux consommateurs la pomme de terre à
des prix raisonnables. On a endormi le peuple avec les fameux plans
agricoles et le PNDRA (fonds nationale de régulation et de
développement agricole). Des centaines de milliards de dinars ont été
déversés sur le secteur sans résultats notables et les scandales de
plus en plus gros et de plus en plus nombreux éclatent enfin. Le
ministre de l’Agriculture a essayé de minimiser ces scandales, devant
le Conseil de la Nation, le 3 avril « les malversations et
détournements de fonds…ne représentent que 2 à 2,5%. Soit des
tricheries qui ne concernent que des montants minimes (de 5 à 20
millions de centime) ».

On connaît le scandale de la CGA qui a éclaboussé d’importantes
personnalités publiques, on suit avec intérêt le procès de cadres
supérieurs de l’OAIC et du patron de la semoulerie industrielle de la
Mitidja (SIM) devant le tribunal d’El Affroun, scandale portant sur
plusieurs milliards de centimes.

Plus terre à terre, cette information, près de 1171 décisions
d’attributions de subventions au titre du PNDRA (sur un total de 5256
décisions délivrées depuis le lancement du Fonds en 2000) ont été
annulées. Mais attention, les bénéficiaires ont touché et dépensé la
cagnotte et ce n’est que maintenant que pourraient être intenté des
actions en justice pour la récupération du montant des subventions
accordées !

Et si on faisait un bilan pour les 48 wilayas on arriverait à quel
nombre d’annulation de décisions et pour quel montant faramineux ?

Les barons du médicament sont là !

Nous savons que la sécurité sociale est littéralement « détroussée »,
comme nous l’écrivions dans notre précédente édition, par les barons
du médicament « les grands laboratoires mondiaux de médicaments et
leurs représentants pompent honteusement les ressources des caisses :
les dépenses pour les médicaments ont atteint 54 milliards pour 2006
et 60 milliards pour 2007 ». Les malades démunis ne peuvent plus
acheter de médicament et ce soigner. La facture risque de passer à 1,2
milliards de dollars, avertissent les professionnels qui ajoutent « une telle hausse de la facture devrait généralement signifier que la
population a doublé » en un an ! Silence total des autorités pour qui
tout va bien !

Le syndicat national algérien des pharmaciens d’officines (SNAPO)
lance un appel pour faire face aux pénuries, aux hausses des prix
inconsidérées, à la déstabilisation du marché, derrière lesquels se
trouvent disent-ils « les barons du médicament ». Il demande aux
pouvoirs publics d’intervenir pour réguler le marché qui est livré à
lui-même. On se rappelle que Saidal avait lancé l’alerte concernant
le quasi sabotage de la production nationale de médicaments, notamment
du générique.

Les barons de l’huile ou les « huiles » de l’agroalimentaire

Au cours des derniers mois le prix de l’huile a doublé. Ce produit
essentiel dans la cuisine est devenu un produit de luxe. A ce niveau
nous avons aussi affaire à un monopole au niveau de la production
exercé par trois ou quatre producteurs, et Cevital parle du contrôle,
par son groupe de 70% de la production locale et que sa production est
égale à 110% des besoins du marché local.

Du coté des pouvoirs publics on a observé encore un silence total.
Des journalistes ont essayé de comprendre en interpellant le ministère
du commerce, réponse « le ministère du Commerce n’a pas pour vocation
d’intervenir sur les prix ». « Notre interlocuteur fera remarquer que
l’Algérie ne peut prendre des dispositions qui vont à contresens de
ses engagements internationaux tels que les négociations pour son
adhésion à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). » « On ne peut
pas dire à Rebrab de ne pas vendre son huile à 1000 DA. S’il dépose
plainte à l’OMC, il aura gain de cause ». (El Watan du 10 mars). Et
dire que nous n’avons pas encore adhéré à l’OMC ;
Il a fallu l’extrême mansuétude du patron de Cévital pour que les
prix de l’huile, qui avaient doublé il y a quelques semaines, « diminue »… d’un DA par litre ! _ En répercutant ainsi dit-il au
consommateur une diminution du cours de la matière première sur le
marché mondial.

Combien gagne Cévital sur un litre d’huile produit et sur un litre exporté ?

Qui peut éclairer le pauvre citoyen algérien qui ne peut saisir l’OMC ?

Il a fallu du temps pour que le gouvernement réagisse en annonçant la
prochaine subvention de l’huile de table, du lait en poudre, du
concentré de tomate et des légumes secs.

De même le gouvernement a soumis à l’APN un projet de loi relative à
la concurrence qui fixe à 45% le seuil des parts de marché pour un
opérateur. Les députés ont suggéré 40% ou 35%. Aux Etats-Unis ce taux
est de 30% !

Entre une loi votée par l’APN et son application sur le terrain il y a
un monde.

Les barons du ciment et du rond à béton sont parmi nous

La pénurie et la flambée des prix du ciment et du rond à béton sur le
marché interne persistent depuis des mois. Il y a des mains invisibles
qui tirent les ficelles. Sur ces deux produits certains ont bâti des
fortunes et d’autres monopoles. N’est- ce pas ?

Justement deux hommes politiques pointent le doigt sur une
multinationale qui contrôle la production et l’importation du rond à
béton et indirectement le ciment.

Le Président du FNA a affirmé que l’existence d’une crise du ciment a
été causée par Mittal Stell. Réfutant d’abord l’octroi « dans
l’opacité totale » d’El Hadjar à la multinationale, Moussa Touati
affirme que le manque de ciment de qualité est du au fait que les
déchets des hauts fourneaux (laitier) devant renforcer la qualité du
ciment sont exportés vers l’étranger à raison de 0,5 dollar (soit 30
DA) la tonne et « le contrat ne concerne pas moins de 500 000 tonnes
 ». Il note que le prix de vente pour les entreprises algériennes est
de 300 DA la tonne avec des quantités restreintes.

Personne n’a osé parler encore d’exportation frauduleuse de devises
pour ces prix allant de un à dix !

« Quel intérêt avons-nous à donner nos usines à des étrangers s’ils ne
servent pas notre propre marché », s’interroge M. Touati qui y voit
l’expression de l’absence de visibilité et de stratégie d’avenir. (El
Watan du 2 avril)

Encore Mittal Steel

Un ancien ministre des Finances, M. Benachenhou a donné fin avril à
l’ISGP une conférence sur les problèmes économiques du pays.
Lui aussi parlera de Mittal Steel. Il dira que « le potentiel de substitution
aux importations est extrêmement important ».
Il cite le rond à béton.
La production locale est évaluée à 400 000 tonnes et la consommation
estimée à 2 millions de tonnes. « Le rond à béton, ce n’est pas une
technologie qui nous dépasse. », relevant le manque d’acier en
quantité suffisante. Paradoxalement, l’Algérie a une capacité de
laminage de 1,5 million de tonnes à l’arrêt. « Pendant ce temps nous
continuons à importer du rond à béton ». Pourquoi, s’interroge-t-il ?

« Parce que nous n’avons pas assez suivi la post-privatisation d’El
Hadjar. Nous avons vendu 70% du capital à M. Mittal, et puis nous
l’avons oublié et quand vous l’oubliez il fait ce qu’il veut. Mittal
n’a pas été suivi. Du coup nous manquons d’acier et M. Mittal importe
du rond alors qu’il y a des laminoirs pour 1,5 million de tonnes.
Qu’ont fait les administrateurs algériens pour tirer la sonnette
d’alarme ? » Conclut-il. (Liberté du 30 avril)

Il important de signaler cette intervention de l’ex ministre des Finances.
Enfin pour une fois Alger Républicain n’est la mouche du coche et
souvent seul à dévoiler cette grave affaire de Mittal Steel.
M. Benachenhou aurait pu et du poser, en son temps, la dernière question
à son collègue en charge du dossier, c’est-à-dire l’actuel ministre
de l’industrie qui s’est plus occupé de privatisations ratées que
d’investissements industriels alors qu’il se targue de piloter
l’élaboration d’une stratégie industrielle nationale.
Les accords de
cession de 70% des actions d’El Hhadjar faisaient obligation au
repreneur d’atteindre les capacités de production contractuelles.
Après le bilan de cinq ans d’activité personne au pouvoir n’a exigé
de Mettal Steel de payer les millions de dollars d’indemnisation dus
à l’Algérie, pour manque à gagner.

Nous sommes partis des préoccupations des citoyens qui ont constaté
une agression sans pareille contre leur pouvoir d’achat et leur vie de
tous les jours, et petit à petit nous avons été happés par l’appétit
sans pitié des monopoles et spéculateurs internes et externes, les
fruits amères des privatisations catastrophiques, l’absence
d’investissement productifs et la fuite en avant des partisans du
libéralisme débridé, du désengagement de l’Etat de la sphère
productive. ( Si les capacités de production de l’ENCG (entreprise
publique des corps gras) avaient été protégées et développées, jamais
Cevital n’aurait établi sa domination insupportable sur l’économie et
les consommateurs.)

C’est à toutes ces dérives qu’il faudra s’attaquer. Du pain sur la
planche pour tous ceux et celles qui refusent de se rendre !

Redouane Mimouni


III. LEÇONS PREMIÈRES DES ÉMEUTES :

QUI SÈME LE VENT RÉCOLTE LA TEMPÊTE

25 années de politiques économiques libérales, de "basculement " à l’économie de marché et autres" création de climat des affaires", en fait de démantèlement systématique des outils économiques, fruit des décennies de développement, ont dangereusement affaibli les capacités de riposte de l’État national, réduit à une simple interface avec "les forces du marché mondial" et leurs bras locaux.
Tandis que les couches de néo-riches engraissées dans les "niches libérales", accroissent leur ponction sur la "rente pétrolière", par tous les rouages du mécanisme, le pouvoir d’achat des salariés est détruit, avec des prix inflationnistes alignés, exclusivement à la hausse, sur ceux des biens et services importés, exacerbant les inégalités sociales et la paupérisation des catégories les plus exposées socialement, poussant aux émeutes et au développement du phénomène des harraga

Le démantèlement du secteur public

Alors qu’en 1990, on dénombrait dans le secteur industriel et des services 1,4 millions d’employés, ils ne sont plus que 450 000 à fin 2007.

La part de la population occupée dans l’industrie a chuté de 20,1% en 1987 à 12,6% en 2009. Entre mi - 1994 et mi - 2000, les secteurs du BTPH et des Services ont perdu plus de la moitié de leurs effectifs, ceux de l’agriculture et de l’industrie, 43% et 18% respectivement.

En 2006, l’industrie hors hydrocarbures a produit, en termes constants, pratiquement la même valeur que celle produite vingt ans auparavant, en 1985. La part des industries manufacturières dans le produit global est tombée de 22,5% en 1984 à 5,3% en 2005.
Durant près de 30 ans, l’investissement public dans l’industrie a été bloqué. Selon les responsables du secteur, la part de l’industrie régresse chaque année de 3%.

En revanche, la population occupée dans le commerce passe dans la même période, entre 1987 et 2009, de 8,4% à 16,60%.

Alors qu’en 1987, l’emploi industriel représentait l’équivalent de plus d’une fois et demie l’emploi dans la branche du commerce, en 2000, il n’en constitue plus que les neuf dixièmes.

Selon une étude du FCE rendue publique le 18/5/09, le secteur informel emploierait 1,7 million de personnes, soit 22% de la population active et, selon une définition plus large, il atteindrait 32% de l’emploi total. L’approvisionnement des 2/3 de la population provient du secteur informel. Les revenus annuels du secteur informel avoisinent les 6 milliards d’euros, soit 17% de l’ensemble des revenus primaires nets des ménages algériens. Le secteur privé est désormais majoritaire dans l’activité économique, mais ne participe qu’à hauteur de 7% à 8% aux contributions sociales du fait des pratiques informelles. Trois quarts des occupés dans le secteur privé ne sont pas affiliés à la sécurité sociale.

Régression sociale et précarisation accrue

La consommation par tête d’habitant a chuté de 1145 dollars en 1985 à 968 dollars en 2007. La répartition du revenu national a subi une profonde polarisation. Le degré de concentration s’accroit considérablement à l’avantage des profits des patrons et barons de l’import-import et des spéculateurs. Selon les indicateurs de base de l’UNICEF pour la période 2000-2007, les 20% les plus riches de la population s’approprient 42% du revenu des ménages, pendant que les 40% les plus pauvres doivent se partager 18% de ce revenu.

Le poids relatif des salariés permanents dans la population occupée a baissé de 22 points, chutant de 57% à 35% durant cette période, pendant que celui des salariés non permanents faisait un bond de 19%, passant de 12% à 31%, et que celui des patrons gagnait près de 4 points, s’élevant de 25,8% à 29%. Le poids relatif des salaires dans le revenu disponible des ménages baisse à une allure accélérée ; il tombe de 44,8% en 2002 à 38,5% en 2006. En revanche, celui des patrons gagne dans la même période 12 points, passant de 43,4% à 55,3%.

Déclin programmé de la sphère productive et essor du négoce

L’ouverture a donné un coup de fouet à l’essor des groupes privés algériens ou étrangers, surtout dans les secteurs de l’agroalimentaire et de la pharmacie, importateurs en règle générale qui ont pleinement mis à profit à la fois la forte croissance du revenu disponible des ménages (+10%/an), et le démantèlement des entreprises publiques dans toutes ces branches : disparition de l’Eriad (minoteries), de l’Enasucre, et de l’Encg (huile et corps gras) au profit notamment de la domination de Cevital.

Coupée pratiquement de l’amont local, ce qu’on appelle abusivement “industrie agro alimentaire”, c’est le capital privé positionné dans les créneaux à très faible valeur ajoutée mais à profits très élevés de l’aval, avec des taux d’intégration de 10% ; dans la majorité des filières, les activités de transformation ne se font qu’à la marge. En 2009, on recensait 32.000 importateurs ; 70% des importations étaient effectuées par des opérateurs privés, soit près de 31milliards de dollars sur les 40 milliards de dollars représentant les produits importés. Le marché national des produits de 1ère nécessité fait l’objet d’un quasi monopole par le capital privé. Dans l’agroalimentaire, ils sont 747 importateurs à se partager les 8 milliards de dollars de l’enveloppe d’importation, avec 11 millions de dollars pour chacun, en moyenne.

Quasiment calées sur l’essor des recettes devises pétrogazières, portées par la forte remontée des prix pétroliers des années 2000-2008, les importateurs de biens de consommation prospèrent, leurs profits, aussi. En six années, la "facture" de l’import-import a augmenté de 300% !

Nos "partenaires" d’outre mer n’ont pas de quoi se plaindre d’une telle évolution qui préserve leurs profits sur les marchés acquis de l’Algérie. Pourquoi le capital étranger s’aventurerait-il à investir dans la sphère de production industrielle et les activités génératrices d’emplois qualifiants, quand les débouchés algériens lui sont acquis sans livrer bataille depuis des décennies. La remarquable stabilité de leurs parts de marché (en valeur relative évidemment), de 1978 à 2008, soit sur 30 bonnes années, en témoigne éloquemment. En moyenne, 19% pour la France, 9% pour l’Italie, 5% pour l’Espagne, 7% pour les USA. Les entreprises françaises font 4 à 5 milliards d’euros par an en Algérie.
En somme une économie de négoce, irriguée par les dollars du pétrole, prolifique en importations de biens de consommations, sources de super profits de monopole, et en emplois précaires et sous qualifiés, et creuset des inégalités sociales. Sans ancrage productif national, de la mousse sans noyau, pour résumer le tout.

Le gouvernement a imposé la TVA et un autre impôt aux importateurs, ceux-ci les répercutent sur les prix intégralement, sachant qu’ils opèrent dans un contexte monopoliste privé où aucun "concurrent" n’essaiera de jouer à la baisse des prix, en ne répercutant pas ou en ne répercutant qu’une partie de l’imposition. C’est aux consommateurs de payer, sachant que la majorité d’entre eux proches du seuil de pauvreté, ne tiendront pas le coup et se révolteront contre les hausses et contre leur responsable qui est pour eux le gouvernement. Celui-ci s’est depuis longtemps privé, l’un après l’autre, des moyens institutionnels et organisationnels d’intervenir dans la régulation de l’économie, du temps où les couches bourgeoises parasitaires qui le dominaient avaient fait converger leurs intérêts, à court et à long terme, avec ceux du grand capital étranger. Il affiche à présent, ouvertement, le désir de rendre les activités d’import-import moins rémunératrices et donc d’amener, par des pressions d’ordre économique, le capital privé à aller vers les branches productives, rendues, ainsi, plus rémunératrices. Pour que cette manœuvre réussisse, il aurait fallu qu’il dispose du moyen d’intervenir sur le marché via ses propres Entreprises, ce qui n’est pas le cas.

Derrière cela, il y a la question du partage de "la rente pétrolière", le capital privé ne voulant à aucun prix concéder le moindre % dans ce partage.
Le gouvernement a pris, depuis la crise mondiale de l’été 2008, une série de mesures de sauvegarde, rectificatives de la politique d’abandon libérale et visant à remettre la sphère productive au centre de la politique économique, mais qui ne lui ont pas permis (encore ?) de se donner la base sociale capable de lui fournir l’appui nécessaire pour se défaire des compradores et de leurs “petites mains”.
Le capital étranger s’exprime par l’entremise de ces émeutes. Pour lui également, l’extorsion de la plus-value dans sa périphérie algérienne c’est du non négociable. Le gouvernement doit céder ! Et s’il s’avise de le faire comme une manœuvre tactique, on ne lâche pas prise, on l’attend au prochain tournant…
Entre l’appétit vorace d’une bourgeoise avide de tenir le haut du pavé et la détresse sociale qui menace de s’étendre à une vitesse grand V, il devra choisir. Il s’agit de choix tout à la fois d’ordre conjoncturel et stratégique.
Des recompositions d’envergure, en réalité… L’État national est en jeu.

El Mouhallil
Alger le 07-01-2011

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