Accueil > NATION-ALGERIE > DEUX INTERVENTIONS DE HOCINE AIT AHMED

DEUX INTERVENTIONS DE HOCINE AIT AHMED

mardi 29 juin 2010

" LE MAGHREB NE DOIT PAS RESTER EN MARGE DE L’HISTOIRE"

Allocution de Hocine Aït Ahmed
8ème Congrès du Parti du Progrès et du Socialisme

Bouznika (Maroc), 28 mai 2010

Chers camarades,

C’est pour moi un grand plaisir et un honneur de partager avec vous ces quelques moments de réflexion et de débat politique.
Je serai bref.
L’inflation de discours dans un contexte maghrébin aux promesses fabuleuses mais aux réalisations bien maigres a grandement contribué à dénaturer, dans l’écart qui se creuse entre le verbe et le geste, la vraie portée du politique.

Le militant politique n’est pas un faiseur de miracles. Ni un gladiateur des temps modernes. Il est, au mieux et quand les conditions de sa société le permettent, un citoyen conscient des enjeux du moment.

Je dis, quand les conditions de sa société le permettent, car pour un militant politique l’essentiel consiste à être ancré dans sa société sans pour autant se laisser enfermer dans les limites de cette dernière.

Or, en matière de conscience et de luttes politiques, des vies entières de militantisme se sont réduites à expliquer ce que militer veut dire.

Entre des archaïsmes, que l’adoption des nouvelles technologies croit pouvoir masquer judicieusement, et la loi d’airain d’un monde sans pitié pour les faibles, militer pour un monde meilleur, ici et maintenant, passe par une douloureuse et constante explication.
Explication, sans cesse repoussée, par des pouvoirs politiques que leurs choix enchainent à des postures autoritaires puis répressives puis carrément hostiles à l’égard de sociétés qu’ils ne cherchent même plus à comprendre.
Explication biaisée, au sein même de nos sociétés, où elle finit par se confondre avec la longue litanie de tout ce qu’il faudrait changer autour de nous et qui oublie de commencer par ce qui doit changer en nous.

Nous connaissons nos maux : sous-développement politique, économique et culturel. Nous connaissons, ou croyons connaitre, la solution : Le développement, la démocratie, la transformation de nos murs politiques.

Mais une vie entière de militantisme se résume souvent à chercher, chaque jour, le meilleur moyen de tisser des liens entre les mots et les gestes.

C’est en militant optimiste, quant aux possibilités que recèle notre beau Maghreb pour se frayer une place dans le monde de demain, que je vous exprime mon inquiétude de voir s’accumuler les signes de la régression régionale au moment où se redessinent les rapports internationaux.

Alors que des nations s’imposent sur la scène internationale sous le mot magique de pays émergents. Alors que ces nations, comme l’Inde, le Brésil, la Turquie ou l’Iran viennent disputer aux anciennes puissances coloniales et à l’hyper-puissance américaine le droit de régenter le monde, nous donnons encore l’image de tribus qui se cherchent sans cesse querelle et en appellent à l’arbitrage, voire à la protection, de ceux là mêmes auxquels les nations qui ont relevé les défis de la modernité contestent la conduite du monde.

Nous avons, certes, connu des moments plus durs par le passé, mais les temps qui viennent, s’ils ne sont pas abordés avec la lucidité et le sérieux qu’ils nécessitent, risquent de nous laisser en marge de l’histoire du monde.

Un monde où la lutte pour les ressources, pour la puissance, pour la vie tout simplement se fera au profit des nations qui participent à l’écriture de l’Histoire du monde et au détriment des nations en marge de cette histoire.

Une partie importante de nos élites a déjà déserté la bataille collective pour un Maghreb fort, démocratique et uni dans la conquête de ses intérêts.

Ceci n’est pas nouveau dans notre histoire.

Ce qui serait nouveau serait de réussir à repousser nos atavismes meurtriers, nos égoïsmes plus tribaux que nationaux et cette sorte de fatalisme qui nous pousse à accepter le pire quand le mieux nous semble trop lourd à porter.

Je vous ai dit que j’allais être bref, je vais donc m’arrêter là, pour l’instant en vous souhaitant le meilleur pour la conduite de vos travaux.
Après, si vous le souhaitez, nous pourrons parler d’avenir.

Hocine Ait Ahmed


ADRESSE DE HOCINE AIT AHMED
au CONSEIL NATIONAL DU FFS

( Session extraordinaire du 5 juin 2010 )

Chers amies, chers amis ,

Dans mon message adressé à la précédente session du Conseil National tenue le mois de mars dernier, je vous invitais à la préparation et à l’organisation de la Conférence Nationale d’Evaluation du parti . Dans ce message, je tentais de vous faire partager mes questionnements et vous indiquer quelques pistes de réflexion ; je me promettais également de vous transmettre mes propositions concernant cette conférence à laquelle j’attache une importance décisive.

Avant d’entrer dans le détail de ces propositions, permettez moi de faire un détour ou un retour sur les aspects politiques de la situation dans le pays ainsi que dans le parti ; non par coquetterie intellectuelle, mais parce que je voudrais vous alerter, vous inviter à la vigilance et dénoncer l’exploitation faite de certains événements de l’actualité politique nationale.

D’aucuns essayent de mobiliser sur des thèmes à caractère religieux, régionalistes et même ethniques. Ils poussent à une surenchère régionaliste, tout particulièrement en Kabylie, pendant que d’autres instrumentalisent l’extrémisme armé à des fins politiques surtout dans la région du Sahel.

Ces menées aventureuses, ces politiques de hasard procèdent d’une même approche stratégique qui met en péril l’unité et la cohésion du pays. Un éclatement qui serait parfaitement conforme au remodelage des Etats, pensé et voulu par les plus puissants ; surtout quand l’Etat est fragilisé et le pouvoir illégitime.

Les pouvoirs illégitimes, même s’ils auraient des velléités de résistance à ce mouvement, sont incapables de faire face ; ils n’ont d’autre choix que de se soumettre et de soumettre leur société par la violence.

Je réaffirme avec force que les Algériennes et les Algériens ont mené une guerre de libération exemplaire qui a marqué l’histoire des peuples colonisés ; c’est bien la preuve qu’ils étaient une Nation jouissant d’une profondeur historique. Si les femmes et les hommes de notre pays ont refusé l’abdication et la soumission devant une des plus grandes puissances coloniales, non seulement sur toute l’étendue du territoire mais aussi en France, c’est qu’ils formaient un peuple uni et solidaire. Un grand peuple pour un grand pays.

Les apprentis sorciers qui se livrent à ces surenchères oscillent tous entre le délire individuel et la dérive collective.

Ne perdons pas de vue que l’actualité internationale montre que ces dérives politiques se situent, à tous les coups, en amont ou en aval de violations massives des droits de l’homme, de génocides, de crimes contre l’Humanité et de guerres civiles fratricides.

Ni pureté religieuse, ni pureté ethnique et ni pureté idéologique, ne peuvent constituer un projet politique viable.

Il n’appartient pas à un homme ou un parti politique conséquent de réaliser les fantasmes qu’ils soient individuels ou collectifs.

Depuis l’indépendance, nous faisons face au même régime qui mène les mêmes politiques. Depuis le coup d’Etat de janvier 1992, l’histoire balbutie en Algérie. Le pays est malade du vide politique voulu et organisé et de l’absence de gouvernants légitimes. C’est le facteur principal d’instabilité dans le pays.

Chers compatriotes , Mes amis

Demain sera aussi la conséquence et les résultats de nos actes d’aujourd’hui.

Je sais que c’est presqu’un miracle que le peuple algérien ait survécu à ce siècle. C’est presque un miracle que chaque enfant, chaque femme et chaque homme continue malgré tout, à faire face à un quotidien terrible.

Je n’ignore rien de vos meurtrissures, de vos blessures, de vos doutes mais aussi de vos espérances. Mais je connais la force, sans cesse renouvelée qui porte ce peuple à se dépasser. Je connais ses fureurs de vivre, de travailler, de voyager et de lutter.

Je n’oublie à aucun moment que certains ont choisi délibérément la vacance de la démocratie dans le pays. Alors me direz vous : à quoi sert un parti politique dans cet environnement mortifère et hostile ; dans un Etat d’urgence permanent.

Je vous répondrai : Il y a toujours quelque chose à faire pour un peuple, un parti ou des hommes qui ont choisi la construction, la formation et la proposition politiques.

Je vous répondrai : C’est à faire et nous le ferons !

Je vous répondrai : Nous le ferons ensemble, nous le ferons avec tous ceux qui refusent de se soumettre ou de se résigner ; j’ajouterai qu’aux horizons bouchés d’aujourd’hui, il est non seulement de notre devoir mais aussi à notre portée de faire face en traçant des perspectives d’avenir.

Nous voulons nous montrer dignes de ceux qui nous ont précédés et des générations futures. Notre parti s’inscrit dans la continuité historique du mouvement national et constitue un maillon important, un relais dans la chaine des luttes d’émancipation menées par les Algériennes et les Algériens. Nous avons d’abord besoin de débattre et de réfléchir.

Oui nous avons besoin de débattre en toute liberté de nos problèmes, de rejeter tous les conservatismes y compris ceux qui ont cours dans notre parti. Nous devons privilégier l’analyse politique et rigoureuse des faits pour échapper à l’intoxication de l’espace public. C’est le seul moyen de respirer, en phase avec notre société, c’est le moyen d’empêcher que les uns et les autres "décident de nos têtes au dessus de nos têtes".

Nous avons notre projet, nous savons ce que nous voulons, nous avons la conviction profonde qu’un débat élargi s’impose pour répondre en toute lucidité et en toute cohérence aux exigences et défis de la situation.

Oui nous nous devons d’adapter et d’actualiser l’organisation de notre parti à la fois pour organiser ce débat et pour renouveler notre stratégie.

Après le pourquoi, le comment faire pour tenir une conférence nationale d’évaluation crédible.

Je vous propose les thématiques de débat qui m’apparaissent essentielles :

À quoi sert une organisation politique dans un contexte de fermeture brutale de l’espace public ?

Peut-on continuer à considérer possible une voie légale et pacifique vers la démocratie ? Quels types d’actions concrètes dans l’environnement actuel ?

Alternances claniques ou alternatives politiques ; quel contrat politique pour le pays ?

Le débat sur l’économie peut-il ou pas échapper aux conditions qui perturbent les autres champs de la connaissance, en premier lieu l’opacité ?

Quel est le processus de la prise de décision économique ?

Nos statistiques sont-elles fiables ?

Quel bilan économique et quelles propositions ?

La question social : Inégalité et injustice ; Pour un Etat juste responsable donc comptable aux Algériennes et Algériens

Les mécanismes d’alerte et de contrôle.

Dans une société au développement politique insuffisant l’absence de rente induit-elle des comportements plus rationnels et moins maffieux ? Les richesses naturelles induisent-elles systématiquement une situation de rente ?

Il me parait aller de soi que pour l’éthique et l’efficacité, cette évaluation doit répondre aux critères de transparence et de liberté.
Les objectifs assignés et les résultats attendus dépassent le cadre partisan étroit.
C’est pourquoi je vous recommande principalement que la commission d’organisation de la conférence travaille en toute liberté et indépendance ; notamment vis-à-vis des instances exécutives du parti.
Ces instances apporteront l’appui et les moyens nécessaires à la réussite de la conférence d’évaluation.

Je me propose de transmettre au Premier secrétaire, dans les prochains jours, la composition de cette commission.
Tout en vous soumettant pour discussions, enrichissement et adoption ces propositions, je vous salue chaleureusement.

Hocine



Voir en ligne : http://www.ffs-dz.com/Discours-de-H...

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message
  • Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

  • Lien hypertexte

    (Si votre message se réfère à un article publié sur le Web, ou à une page fournissant plus d’informations, vous pouvez indiquer ci-après le titre de la page et son adresse.)