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8 MAI 1945 - MAI 1985, 40ème ANNIVERSAIRE

REVUE SOCIALISTE, N° 21, MAI 1985

samedi 12 juin 2010



1. 40ème ANNIVERSAIRE DU 8 MAI 1945
UNE DOUBLE SIGNIFICATION

Le 8 Mai 1945 a une charge émotive très grande pour nous. Il évoque avant tout la volonté de lutte de notre peuple et les massacres commis par le colonialisme français : des dizaines de militants d’Algériens froidement assassinés en particulier à Sétif et dans sa région, et à Guelma pour le seul "crime" de revendiquer l’indépendance de leur pays.

Mais l’hommage que nous rendons à nos milliers de martyrs de Mai 45, victimes de la répression barbare et précurseurs de la guerre de libération, est lié à la célébration par l’humanité progressiste du 40ème anniversaire de la victoire sur le fascisme qui a eu une portée considérable dans la vie de tous les peuples du monde. Nous partageons, avec de très larges secteurs de l’opinion publique mondiale, la conviction que la victoire antifasciste de Mai 45 a été pour toute l’humanité un moment décisif. Elle a non seulement mis fin aux terribles souffrances dues à la guerre et aux méthodes barbares de l’agression fasciste, mais elle a été aussi un puissant facteur d’émancipation nationale et sociale. Elle a été un facteur de démocratisation dans la vie de chaque peuple et de l’instauration de nouveaux rapports entre les nations.

Pour notre peuple, ce 40ème anniversaire a donc une double signification : victoire mondiale sur le fascisme et lutte pour l’indépendance. Ce lien indispensable entre ces deux enseignements doit être perçu d’une façon scientifique conforme à la vérité historique objective et avec un esprit d’ouverture, en faisant reculer les interprétations unilatérales et étroitement partisanes.

victoire antifasciste mondiale :
stimulant pour la libération
nationale et sociale

Dans cet esprit, l’enseignement majeur qui se dégage pour nous, de ce double anniversaire, c’est que la victoire antifasciste, comme l’a montré la suite, a été un puissant facteur d’impulsion et de maturation pour notre mouvement de libération nationale et sociale dans toutes ses composantes.

En effet cette victoire antifasciste a abattu l’impérialisme le plus agressif et le danger le plus mortel et le plus menaçant pour les peuples du monde : le fascisme hitlérien, le nazisme. Elle nous a épargné le risque d’une occupation coloniale encore plus tragique. Elle a surtout créé un nouveau rapport de forces international plus favorable à notre lutte, d’autant plus que la France, puissance colonisatrice, a vu son poids affaibli dans le monde (objectivement et aux yeux de nos compatriotes).

Dans le même temps, cette victoire a accru le prestige de l’URSS et des organisations progressistes résistantes, en premier lieu les partis communistes qui tels le parti communiste français (PCF) et le parti communiste algérien (PCA), avaient déployé de grands efforts pour propager les idées libératrices du socialisme. C’est en grande partie, sur la pression de la lutte gigantesque menée par l’URSS et la poussée démocratique irrésistible déclenchée par la guerre des peuples contre l’agression et l’occupation fascistes, qu’a été inscrit dans la Charte de l’Atlantique le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, défendu jusque là essentiellement par le mouvement communiste et ouvrier international.

Grâce à la lutte antifasciste il s’est établi entre les années 1942 et 1945 dans notre pays (après le débarquement des troupes anglo-américaines) une situation où les soutiens les plus directs du fascisme (c’est-à-dire les colons et autres ultra-colonialistes) ont été neutralisés relativement. Cette situation a ouvert la voie à un essor et à une expression jamais vus jusque là :

  • de la revendication nationale (développement des "Amis du Manifeste et de la Liberté" (AML) regroupant tendances nationalistes révolutionnaires et réformistes dont le PPA (Parti. du Peuple Algérien de Messali), les Oulemas (association dirigée par des chefs religieux musulmans), le courant bourgeois libéral essentiellement avec Ferhat Abbas.
  • des revendications sociales ouvrières et paysannes contre les méfaits du colonialisme (luttes soutenues activement par le PCA et les syndicats CGT).
  • des revendications culturelles (activités de scoutisme, médersas-écoles impulsées par les Oulémas enseignant la langue arabe et l’Islam, associations sportives, etc.).

En ce sens, la lutte antifasciste ne pouvait pas et ne devait pas être indifférente au peuple algérien. Elle ne devait pas être laissée aux seuls antifascistes français ou alliés de la France installés sur notre territoire, elle devait être prise en charge et renforcée par les patriotes algériens dans une voie juste et conforme aux aspirations et aux intérêts immédiats et à long terme de notre peuple.

le 8 Mai 1945
une manifestation
de la conscience nationale

Les évènements de Mai 1945 dans notre pays (1er Mai à Alger et 8 Mai et les jours suivants dans le Constantinois ont été avant tout une manifestation de la conscience nationale de notre peuple et de sa volonté d’indépendance et de libération sociale et culturelle.

C’est là le fait dominant et le plus significatif, dont devait tenir compte prioritairement toute prise de position politique envers ces évènements. Cela aurait dû être évident à l’époque et se passe aujourd’hui de démonstration.

À côté de cette caractéristique majeure, d’autres facteurs réels ont influé sur la forme, l’enchaînement ou l’ampleur de ces événements dans telle au telle région ; mais ces facteurs ne doivent pas masquer au fausser la signification profonde da l’évènement :

  • Ainsi, il ne fait pas de doute qu’il y a eu provocations délibérées et minutieusement préparées par les ultra-colonialistes (qui se tenaient jusque là sur la défensive et attendaient leur moment). Ces derniers ont fait jonction avec le néo-colonialisme gaulliste qui s’était efforcé de cacher par ses propositions de réformes (déclaration de Brazzaville) sa volonté intransigeante de défendre par tous les moyens l’intégrité de "l’empire français" !
  • La direction du mouvement nationaliste a connu pendant cette période des flottements, une impréparation et un manque de cohésion (dans les mots d’ordre politiques comme dans les consignes pratiques et d’organisation). On ne peut que mesurer le manque à gagner causé par l’erreur faite par les communistes en ne réalisant pas la jonction avec les autres composantes du mouvement national sur la base de ce qu’il y avait de révolutionnaire dans leur Programme : la revendication de l’indépendance.

Avec le recul, on peut penser qu’ils auraient sans doute contribué à une meilleure orientation du mouvement des masses de façon à désamorcer partiellement la provocation ainsi qu’à faire fructifier plus rapidement et plus efficacement les manifestations patriotiques dans l’opinion française et internationale ou à atténuer certaines conséquences immédiates de la provocation (reflux temporaire du mouvement dans l’opinion nationale).

A la source des erreurs et faiblesses des nationalistes, il y a la sous-estimation de l’importance pour la cause nationale de la lutte antifasciste. Certains (très minoritaires) ont appelé à des prises de position en faveur de la coalition hitlérienne. On peut cependant affirmer que la position la plus répandue était une position attentiste vis-à-vis de la lutte antifasciste, elle avait une signification essentiellement antifrançaise et non de ralliement aux thèses du fascisme.

D’ailleurs les patriotes qui avaient pu se faire des illusions sur les proclamations d’amitié avec les arabes prodiguées par la propagande nazie à notre peuple pour le détourner de la lutte antifasciste, n’ont pas tardé à comprendre ce que signifiaient de telles proclamations. Dès l’instauration du régime pro-hitlérien de Vichy en France et de ses représentants en Algérie, le régime colonial a été extrêmement aggravé. La grosse colonisation a vu ses positions renforcées, plus que jamais, alors que le mouvement national, dans toutes ses composantes, a subi les rigueurs d’une répression impitoyable : incarcération de très nombreux démocrates et responsables, militants des différents partis et organisations nationaux, dans les prisons militaires et camps de concentration où beaucoup sont morts de maladies et de mauvais traitements, misère plus atroce pour les larges masses de notre peuple…

Ces faiblesses du mouvement nationaliste, liées à une inexpérience assez normale et à l’impréparation idéologique, ont pu fournir des prétextes supplémentaires aux provocations colonialistes. Mais elles ne pouvaient en aucune façon être assimilées à une collusion entre les ultracolonialistes fascistes et les dirigeants nationalistes initiateurs ou organisateurs des manifestations de masse...

Cet amalgame grossier a pourtant été fait dans les premiers jours des événements par les communistes français et par les communistes algériens. Cet amalgame a constitué une grave erreur de jugement politique. Cette erreur prolongeait une erreur plus ancienne qui consistait à mettre sur le même pied certains mots d’ordre nationalistes avec les mots d’ordre des fascistes français, sous prétexte qu’ils se prononçaient les uns et les autres contre certaines positions de la gauche française.

Il est bien vrai que certaines positions étroites ou sectaires du PPA dans certains domaines contrastaient avec les activités plus ouvertes de l’Etoile Nord Africaine à ses origines. Mais l’erreur d’appréciation des communistes avait surtout ses racines dans la sous-estimation du mouvement national, de sa force et de son rôle anti-impérialiste, pour des raisons diverses.

Les communistes (en particulier français, dont le poids était alors très grand en Algérie) ont lié d’une façon trop exclusive les appels à la lutte antifasciste à l’objectif partiel de la libération de la France occupée. Ils subordonnaient ainsi mécaniquement la lutte pour la satisfaction (ultérieure) des aspirations nationales de notre peuple à la libération de la France.

L’expérience a montré enfin que si le renforcement de la lutte antifasciste dans le monde contribuait puissamment à favoriser les luttes de libération, cela ne pouvait constituer en soi la garantie que la victoire antifasciste déboucherait automatiquement sur l’octroi de l’indépendance par la puissance coloniale ou par ses alliés.

Cette erreur d’appréciation sur la signification patriotique des manifestations du 8 Mai 45 fut heureusement corrigée dans l’action. Dès les premiers jours, malgré l’amalgame signalé plus haut, la répression colonialiste a été très activement dévoilée. Puis la responsabilité unique du complot colonialiste fut dénoncée, dénonciation suivie par des prises de positions et des initiatives dont la justesse ira en s’approfondissant au cours des mois suivants.

ce que le 8 Mai 1945
nous a appris

Le fait essentiel demeure que la signification profonde des manifestations de Mai 1945 et leur prolongement dans les mois suivants ont créé de nouvelles conditions et une nouvelle qualité dans la lutte de notre peuple et de toutes ses organisations.

Les enseignements du 8 Mai 1945 ont appris à notre peuple et à l’ensemble de ses organisations nationales à s’unir, à s’organiser et à se mobiliser pour forger les conditions de la victoire contre le colonialisme français.

La haine de notre peuple contre le colonialisme français se confirma et se renforça après les massacres du 8 Mai 45.

Les masses populaires et de nombreux dirigeants patriotiques constatèrent que la libération du joug colonial ne serait pas le résultat d’une explosion populaire demi spontanée (ainsi qu’il était pensé fréquemment dans des milieux nationalistes) ou par une France progressiste après sa libération (thèse défendue avec force par les communistes français et non combattue par le PCA).

Il devenait plus clair que l’indépendance serait le fruit de luttes longues et difficiles, dans lesquelles le colonialisme n’hésiterait pas à renouveler les méthodes sanglantes qu’il perpétuait depuis plus d’un siècle.

Cependant que faire dans l’immédiat ? Cette question se posait de façon aiguë aux patriotes. Certains étaient partagés entre le désarroi le pessimisme et l’attentisme qui avaient gagné momentanément de larges milieux, d’autant que la répression avait désorganisé les rangs nationalistes. Certains autres dirigeants exprimaient la volonté de recourir à des actions armées plus ou moins improvisées, dont les conditions n’avaient pas encore mûri dans toutes les régions du pays. Ces actions armées isolées ne pouvaient à ce moment là que renforcer les arguments et la position des ultra-colonialistes sans mobiliser suffisamment les masses.

les comités
d’amnistie

C’est dans ces conditions "flottantes" que fut lancé le mot d’ordre d’action des communistes en faveur des "comités d’amnistie" et une campagne de dénonciation politique de la répression et du complot colonialiste, en s’appuyant sur toutes les possibilités d’un mouvement de masse légal. Ce mouvement prit rapidement une grande ampleur, entraînant en particulier les milieux patriotiques divers, encouragés par cette forme de lutte. Cette action apparut à beaucoup comme un maillon intermédiaire opportun entre la situation difficile du moment et une nouvelle période où le mouvement national pourrait reprendre l’offensive. C’est ce même type d’action unitaire qu’engagèrent les communistes et le journal "Alger Républicain" quelques années plus tard après les arrestations de centaines de membres de l’organisation spéciale, branche armée du PPA.

Ainsi cette orientation et forme de lutte se confirmait dans l’action. La répression reculait effectivement avec la libération de milliers d’emprisonnés et d’internés sous la pression de l’opinion nationale et internationale. Il se posa alors la question des perspectives de lutte de plus en plus clairement à toutes les organisations patriotiques, et provoquant à leur niveau des réajustements et des décantations.

le réajustement
de la politique réformiste
du P C A

À l’occasion de son 3ème congrès de Mars 1946 (et le CC de Juin 46 notamment), le parti communiste algérien a rompu ouvertement et publiquement avec les grandes lignes de la politique réformiste qu’il poursuivait depuis 1936 alors que pendant les années 20 et le début des années 30, il se prononçait pour l’indépendance en application des orientations de la IIIème Internationale Communiste. Ces justes orientations furent déformées à travers le double écran qu’ont constitué :

  • d’une part la composition ethnique (à dominante européenne) du mouvement ouvrier en Algérie, reflet d’une forte colonie de peuplement. Ce mouvement ouvrier eut le mérite d’animer des luttes sociales importantes et d’introduire les idées socialistes en Algérie. Plus encore, l’organisation des communistes d’Algérie a été la seule sur le territoire national à revendiquer l’indépendance jusqu’en 1936. De nombreux communistes d’origine européenne sont tombés les armes à la main au cours de la guerre de libération, ont connu la prison et la torture et participé activement dans des formes diverses au combat libérateur ;
  • d’autre part, l’influence déterminante qu’exerçait alors le PCF par divers canaux sur ce mouvement ouvrier et sur le PCA de naissance toute récente. En effet les dirigeants du parti communiste français appliquèrent à l’Algérie de façon mécanique dans les mêmes formes et à l’image de ce qui convenait à leur propre pays les justes orientations antifascistes du mouvement communiste international. Cela n’a pas facilité la tâche du PCA. Cela ne lui a pas permis d’imprégner ces orientations antifascistes et son action des particularités nationales résolument anticolonialistes comme cela fut réalisé par exemple par les communistes au VietNam. Ces derniers ont su appliquer et adapter les principes du marxisme-léninisme à leurs réalités nationales.

Ce réajustement radical de la ligne du PCA après 1945 se poursuivit et trouva son couronnement au début des années 50 (6ème congrès de février 1952), en liaison avec la montée du mouvement ouvrier algérien et des courants progressistes au sein de notre mouvement national.

Pour ce qui est du mouvement communiste et ouvrier algérien on peut affirmer que les événements du 8 Mai 1945 ont été déterminants pour forger progressivement dans les faits (et pas seulement en principe) sa ligne nationale et son caractère révolutionnaire. Ils ont beaucoup contribué à créer les conditions pour que le PCA soit en état de définir et de suivre une ligne juste pendant la guerre de libération nationale. La lutte menée par le PCA a pu ainsi être partie intégrante de celle de notre peuple. Le PCA a su intégrer son action propre dans celle du FLN en tant que large rassemblement patriotique. Ses militants armés ont été intégrés dans l’ALN, à la suite d’un accord réalisé entre les directions du FLN et du PCA en juin 1956.

Au sein des formations nationalistes se poursuivirent également les décantations. Le mouvement des AML, se scinda avec une aile réformiste (effrayée en particulier par la poussée populaire de Mai 1945) qui constitua l’Union Démocratique du Manifeste Algérien (UDMA) et l’aile majoritaire plus radicale et populaire, représentée par le PPA et sa branche légale le Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques (MTLD). Au sein de ce dernier mouvement, se poursuivirent d’autres décantations.

C’est ainsi qu’au congrès du PPA de février 1947, furent critiqués les flottements et certaines initiatives aventuristes de la direction qui avaient caractérisé les orientations du mouvement pendant et après les événements de 1945. A ce congrès marqué par des débats houleux fut adopté également le principe de la préparation de la lutte armée. L’application de ce principe subit elle aussi plus tard les contrecoups des luttes entre tendances révolutionnaires et réformistes au sein du principal mouvement nationaliste.

le lien vivant
entre le national
et l’international

Nous rendons hommage à la mémoire de nos 45. 000 compatriotes tombés en Mai 1945 sous les balles et le feu des colonialistes, comme nous rendons hommage à celle des millions d’autres morts dans le combat antifasciste, ainsi qu’à tous les peuples du monde, en premier lieu les peuples de I’URSS. La victoire contre le fascisme, celles remportées par d’autres peuples comme le VietNam face au colonialisme français, ont encouragé notre peuple pour se dresser et mettre fin au cauchemar colonialiste, au prix de plus d’un million de martyrs. La reconquête de notre indépendance a, à son tour favorisé en Afrique une longue série de victoires anticolonialistes renforçant ainsi le Front Mondial contre l’Impérialisme. Ainsi s’alimentent réciproquement les luttes de chaque peuple et celles du large front des trois grandes forces révolutionnaires mondiales.

En célébrant ce double anniversaire du 8 Mai 45, celui de la victoire mondiale antifasciste et celui de la monstrueuse répression colonialiste contre les patriotes algériens qui célébraient cette victoire en réclamant l’indépendance, nous tirons deux enseignements, étroitement liés au plan national et international :

  • l’importance qu’il y a d’assurer correctement l’orientation du large mouvement de masse par une organisation et une direction révolutionnaires sensibles et ouvertes aux aspirations populaires, idéologiquement formées, politiquement expérimentées. C’est en ce sens que les communistes estiment qu’il faut maîtriser le contenu de classe à donner aux luttes de libération à chacune de leurs étapes. C’est ce qui explique l’importance que notre parti attache, encore aujourd’hui à la réalisation des tâches nationales démocratiques et à l’approfondissement de leur contenu social.
  • l’importance qu’il y a de comprendre et d’assurer correctement le lien entre la lutte des forces patriotiques et progressistes sur le sol national et la lutte qui se déroule à l’échelle internationale contre l’impérialisme.

Chaque fois qu’il a su assurer ce lien, le mouvement national algérien a tiré bénéfice de la lutte générale contre l’impérialisme et pour la paix mondiale. C’est ce qu’a souligné l’appel du 1er Novembre 1954 du Front de Libération Nationale, qui appréciait la détente internationale comme un facteur favorable au passage de notre peuple à la lutte armée.

Nous devons d’autant plus prendre en considération ce facteur international, que l’impérialisme et la réaction internationale ne se sont à aucun moment résignés aux reculs qu’ils ont enregistrés après la victoire antifasciste de 1945. Ils sont prêts à remettre en cause localement et dès qu’ils le peuvent, les conséquences du nouveau rapport de forces international, en noyant dans le sang les aspirations des travailleurs et des peuples. Comme ils l’avaient fait dès 1945-1946 en Algérie, en Grèce, en Indochine, à Madagascar et ailleurs.

La grande portée historique de la victoire antifasciste réside justement dans le fait que malgré toutes les tentatives de faire tourner en arrière la roue de l’histoire, ces 40 dernières années ont vu la naissance et le renforcement considérable du système socialiste mondial et le démantèlement presque total du système colonial, un déploiement sans précédent des luttes démocratiques et sociales et un puissant mouvement pour la paix, pour la vie et pour le développement économique jusqu’aux coins les plus reculés du globe et au cœur même des bastions de l’impérialisme.

Mais il nous appartient à tous, nationalistes, communistes et autres patriotes, de voir que rien n’est définitivement acquis sans la vigilance et la mobilisation active des peuples, sans des orientations anti-impérialistes claires et résolues au niveau des gouvernements et des organisations politiques.

des tâches pressantes et vitales
pour tous les peuples

Il nous faut donc continuer à faire reculer les sectarismes, les interprétations étroites et unilatérales d’où qu’elles viennent, pour empêcher l’impérialisme de reprendre l’initiative, de vouloir chercher à mettre le monde entier à genoux comme avait tenté de le faire la coalition fasciste et militariste allemande, italienne et japonaise.

Une des formes les plus nocives de ce sectarisme, ce sont les calomnies et manœuvres de diversion anticommunistes qui tendent à nier, minimiser au déformer l’action menée par les communistes, que ce soit à l’échelle internationale dans leurs luttes passées contre le fascisme, et leurs luttes actuelles pour la préservation de la paix mondiale, que ce soit au plan national dans leur apport patriotique et unitaire à la cause de la libération nationale et sociale.

C’est ensemble que nous devons agir à temps pour empêcher l’impérialisme de rompre l’équilibre stratégique mortel… dans le domaine des armements et des vecteurs nucléaires. Nous devons l’empêcher de décréter cyniquement chaque zone du monde comme vitale pour les USA et de vouloir impunément y faire agir ses "forces d’intervention rapide !" pour s’y installer ou mettre en place des régimes réactionnaires fantoches rejetés par les forces patriotiques et de progrès.

Les acquis de notre indépendance obtenue au prix le plus cher sont mis en danger par les agissements agressifs et de division de l’impérialisme au Maghreb, en Méditerranée et dans le Monde Arabe. Ils sont mis en danger par le chantage à « l’arme alimentaire », à la technologie, par les pressions financières (sur les prix du pétrole, manipulations du dollar, etc..), par l’invasion culturelle et idéologique directe ou par régimes arabes réactionnaires ou semi démocrates européens interposés.

Nous voyons donc que le lien est étroit et permanent (même s’il ne reste pas très visible, car l’impérialisme fait tout pour le cacher), entre l’intérêt national, l’indépendance dans la démocratie celui de l’édification économique et le progrès social, avec tous ces facteurs internationaux qui de notre peuple et des autres sont déterminants pour l’avenir des peuples de notre région.

En tirant correctement les leçons de la victoire antifasciste mondiale et des 40 années qui l’ont suivie, mettons à profit chaque succès des forces de paix et de progrès dans le monde pour réaliser un succès correspondant dans notre pays ! Et à notre tour, contribuons de multiples façons par notre solidarité internationale, à mettre .en échec les plans de toute coalition impérialiste, sioniste, raciste et réactionnaire, qui rêverait de reprendre le relais des visées fascistes monstrueuses et des crimes contre l’humanité des années 1940 !


2. LE 8 MAI 1945 EN ALGÉRIE
ORIGINES, FAITS, ET CONSÉQUENCES

Le 8 Mai 45 se situe dans la trajectoire du long combat qui a opposé notre peuple à l’occupant colonial.

La lutte pour la reconquête de la liberté a commencé le jour même où le colonialisme s’est implanté dans le pays. Les batailles ont été nombreuses, depuis celles dirigées par l’Emir Abdelkader jusqu’à l’insurrection des Aurès en 1916, en passant par celles de Fatma N’Soumer en Grande Kabylie (1857), des Ouled Sidi Cheikh (I864), El Mokrani et Cheikh El Haddad (1871), Bouâmama (1881), Beni Chougrane (1911), etc... Les révoltes et insurrections ont marqué toute la fin du XIXème et les débuts du XXème siècles.

Cette farouche volonté de défendre son indépendance est bien exprimée par cette exclamation des membres de la tribu des Nemencha à laquelle appartenait l’Emir Abdelkader, adressée au maréchal Bugeaud :

"Ce continent est le pays des Arabes ; vous n’y êtes que des hôtes passagers. Y resteriez-vous trois cents ans, comme les Turcs, il faudra que vous en sortiez !".

Chaque fois battus les Algériens ont repris la lutte, profitant de la moindre occasion, du moindre changement dans le rapport des forces, global ou local.

Jamais l’espoir n’a été perdu jamais la présence du colonialisme n’a été admise, même si ce dernier a réussi à se concilier, ici et là, les faveurs de chefs ou de groupes particuliers.

Cette réalité profonde, un journaliste français da la fin du XIXème siècle l’a bien saisi : "Nous étions, dit-il, l’ennemi en 1894, nous le serons jusqu’à la fin des siècles. Nous serons éternellement pour l’Arabe, les gens qui lui ont volé ses terres, ses biens et sa liberté et cela s’apprend dans les écoles afin que les enfants s’en souviennent. Nous avons des tendances à l’oublier nous, mais là-bas, on le répète journellement et la plaie de la défaite saigne toujours. Faut-il que l’on soit insensé pour s’imaginer qu’un peuple de fanatiques , ajoutait le journaliste, qui a lutté trente ans pour son indépendance, qui a livré autour de ses étendards des combats de géants, qui a déjoué dans dix campagnes la science de nos généraux et l’héroïsme de nos meilleures troupes, se change tout à coup en un troupeau de petits apôtres dans les mains de nos pacifiques administrateurs ! .. On croit les musulmans réconciliés parce que décapités de leurs chefs et énervés dans leur force ; ils penchent prudemment la tête sous notre puissance et parce que dans les cortèges officiels, on voit parfois caracoler une douzaine d’Imams bariolés que l’on applaudit, sans se douter qu’ils sont en exécration à leurs coreligionnaires et traités par eux de traîtres et de chiens vendus aux chiens. Qui donc ici pourrait deviner quelle profondeur de ruse cache cette apparente soumission, quelles espérances de revanche brûlent sous cette résignation forcée et avec quelle fervente adoration dessous la tente, on chante, en langage mystérieux, les exploits du grand chef Abdelkader, en cherchant dans le ciel le signe infaillible de son successeur pour le triomphe de l’Islam et l’extermination des infidèles."

On peut considérer que les années 1915-1920 marquent la fin d’une phase dans le combat de notre peuple. Le rôle des villes est plus important, les nouvelles couches formées au sein de notre peuple par son contact avec la colonisation (lettrés, bourgeoisie moderne, prolétaires urbains et ruraux etc..) sont au-devant de la scène politique. Pendant deux décennies, de 1920 à 1940, vont se former les bases du mouvement national moderne avec la constitution des syndicats et partis politiques, la création des associations culturelles et religieuses, avec l’expérience des luttes électorales, la confrontation aux idées modernes de démocratie, de socialisme, etc.

On sait le rôle joué dans cette phase par les travailleurs algériens émigrés en France, notamment avec la création de l’Etoile Nord Africaine (l’ENA), née en liaison avec le dynamisme révolutionnaire du prolétariat mondial. Bien sûr dans la réalité les choses sont plus complexes que le schéma qu’on peut en dégager ; la lutte politique n’excluait pas par exemple l’utilisation de la violence ; mais dans l’ensemble, la forme violente de lutte était devenue adjacente, secondaire au cours de cette période.

Si on examine les événements du 8 Mai 45 dans cette perspective, en fidélité à cette logique populaire de résistance anticolonialiste à l’œuvre depuis plus d’un siècle, ils apparaissent comme l’annonce d’une nouvelle phase : celle où se réalise le début de jonction entre lutte politique et lutte armée, entre villes et campagnes, entre le nationalisme populaire des couches. petites bourgeoises et semi prolétariennes des villes avec l’irréductibilité de la paysannerie sans terre et de la petite paysannerie pauvre.

LA SITUATION EN ALGÉRIE
ENTRE 1939 et 1945.

Au moment où débute la 2ème guerre mondiale, en 1939, l’espoir est retombé au sein du mouvement national de voir une amélioration du sort du peuple algérien telle qu’elle avait pu se dessiner en 1936 avec l’instauration du Front Populaire en France. Après les conquêtes sociales arrachées par la classe ouvrière française, le Front Populaire, sous la direction des socialistes, évolue rapidement vers un abandon des aspirations populaires. En Algérie, les travailleurs qui s’étaient mobilisés ont eux aussi réussi à imposer certains acquis sociaux et syndicaux importants dont ils se serviront pour donner un nouvel essor à leurs organisations politiques. Mais le mouvement marqué par le Congrès Musulman Algérien regroupant les Oulémas, les Communistes et la Fédération des Elus, reflua à la suite de l’échec du projet Blum-Violette et des obstacles opposés par le gouvernement socialiste qui cède aux pressions de la grosse colonisation. Un fort mécontentement se crée.
Dès le début de la guerre franco-allemande, les partis nationaux sont interdits : PPA et PCA sont dissous, leurs dirigeants arrêtés ou contraints à la clandestinité. La mobilisation militaire commence, des dizaines de milliers de jeunes algériens iront sur le front.

Très rapidement, avec la défaite des armées françaises, en 1940, une situation nouvelle va s’ouvrir où les choses ne seront plus comme avant. Peu à peu, l’aggravation de la situation économique et sociale dans le pays, l’évolution de la guerre, les transformations politiques internes, vont converger pour créer une situation de crise.

l’aggravation
de la situation
économique et sociale

Entre 1939 et 1945, on assiste à une très rapide dégradation de l’activité économique et une détérioration catastrophique des conditions de vie des masses algériennes.

Du fait de la dépendance étroite de l’économie algérienne par rapport à la puissance coloniale, la rupture des relations commerciales consécutives à la guerre va entraîner une pénurie de pièces de rechange, etc. Des usines et ateliers sont contraints d’arrêter leur production ou de la réduire substantiellement.

Le chômage se développe, aggravé progressivement par le retour des soldats et ouvriers démobilisés.

Durant cette période la production agricole connaît une chute constante due notamment à des années répétées de sécheresse (en 43, 44 et 45). Des produits essentiels tels sucre, café, huile, savon, ..tissus, etc. manquent. On institue des mesures de restrictions et de rationnement de la consommation : c’est le régime du "bon de ravitaillement". Mais ce rationnement est détourné par des fonctionnaires corrompus, des caïds et des administrateurs rapaces. Le "marché noir" et la corruption font leur apparition au détriment des plus pauvres et surtout dans les campagnes au seuil de la famine. De véritables fortunes se constituent grâce au "marché noir", aussi bien chez les Européens que parmi certains Algériens.

Alors que le prix des produits alimentaires ne cessent d’augmenter, les salariés restent avec des revenus très bas ; c’est le cas particulièrement des chômeurs et des ouvriers agricoles dont beaucoup se nourrissent de "talghouda" (sorte de pommes de terre sauvages).

En plus des difficultés économiques, se développe une épidémie de typhus qui fait des centaines de milliers de victimes en quelques années. La sous-alimentation, l’absence d’hygiène, le dénuement physique constituent un terrain favorable à cette maladie. Les statistiques donnent pour 1941, plus de 153 000 décès et pour 1942, plus de 203 000 ! Encore ces chiffres sont-ils en dessous de la réalité car beaucoup de gens enterraient leurs morts sans les déclarer.

Le tableau humain de cette période est dramatique ; la misère est présente presque partout, on découvre tous les matins des morts de malnutrition ou de froid au bord des chemins ; des paysans se déplacent par groupes entiers d’une région à une autre à la recherche du minimum vital. L’exode rural est très fort et dans les agglomérations urbaines se concentre une masse de "désœuvrés", qui ont froid et demandent du travail.

Sur cet arrière-fond économique et social, les effets de la guerre mondiale, son évolution ont un impact très fort, avec des alternances d’espoir et de déceptions au sein de notre peuple.

l’évolution de la guerre
et l’attitude des Algériens

La défaite rapide des armées françaises face à l’Allemagne a été accueillie avec un grand intérêt par les masses algériennes : c’était d’abord la défaite de l’ennemi et la preuve que la France était vulnérable. Un fort courant de sympathie existait envers l’Allemagne, basé sur le raisonnement simpliste que l’ennemi de mon ennemi est mon ami ! Une active propagande hitlérienne dirigée vers l’Afrique du Nord, cultivait et exploitait ce sentiment d’espoir des peuples colonisés par la France. "Radio-Berlin" présentait Hitler et l’Allemagne comme la force qui allait libérer l’Algérie. "Houna-Berlin" était religieusement écouté.

Après la constitution du régime collaborationniste du Maréchal Pétain en France (gouvernement de Vichy), les changements qui s’en suivirent dans l’administration coloniale en Algérie et l’installation des commissions d’Armistice allemande et italienne à Alger, la réalité ouvrit les yeux des Algériens. Les promesses de "Radio-Berlin" étaient loin d’être tenues et au contraire, l’Allemagne nazie s’allia et soutint le gouvernement colonialiste de Vichy et la grosse colonisation qui releva ainsi la tête. L’oppression et la répression s’intensifièrent : les représentants des partis nationaux furent envoyés dans les camps : Kaddour BELKAIM, secrétaire du PCA et M. DOUAR, dirigeant du PPA, y perdront la vie. Comme il le faisait en France occupée, le fascisme voulait mettre à contribution l’Algérie pour faire vivre sa machine de guerre désormais tournée principalement contre l’URSS.

Le régime des réquisitions s’installa : les fellahs devaient, fournir moutons et céréales en grandes quantités, une bonne part, de la production de la vigne était envoyée en Allemagne. Les colons et administrateurs, par esprit de revanche pour la peur qu’ils avaient eu en 1936, se faisaient arrogants et provocants vis à vis des Algériens. "Radio-Berlin" s’était tue. Le peuple algérien comprit la signification de la victoire du fascisme : loin de le libérer ou d’apporter une amélioration à son sort, comme on le lui promettait, cette victoire n’a fait qu’accroître l’oppression coloniale. Les organisations et courants politiques qui fondaient quelque espoir sur l’aide des hitlériens, ou plus prudemment sur la générosité du gouvernement de Vichy, ont vite perdu leurs illusions.

Avec le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord, en novembre 1942, l’espoir pour la libération est investi dans l’intervention des Alliés et en particulier des Américains. L’étalage de la puissance et de la richesse des Américains face à la faiblesse de 1a France, fait penser aux Algériens qu’une possibilité réelle de se débarrasser du colonialisme se présente.

Avec la libération des détenus et la reprise de certaines activités politiques et syndicales, conséquences des premiers grands revers du fascisme, une action militante intense se développe. La "Charte de l’Atlantique", dont l’un des articles se prononce en faveur « du droit de chaque peuple de choisir la forme de gouvernement sous laquelle il doit vivre » constitue la référence principale de la campagne de propagande. Les Américains avaient pris l’initiative, en relation avec leurs intérêts impérialistes à long terme, de faire connaître cette "charte" aux Algériens. Très vite, elle sera traduite en français et en arabe et diffusée à travers tout le pays.

La conviction que la France affaiblie pouvait être battue se développe : il suffisait simplement, pensait-on, de mobiliser et organiser les masses populaires et de les faire manifester leur volonté d’indépendance. Etant donnés l’état moral et physique dans lequel se trouvait notre peuple., les difficultés d’organisation et de luttes .politiques, l’expérience amère du Front Populaire, les gens n’envisageaient de possibilité de se libérer du colonialisme français que par l’intervention d’une autre puissance ; ce fut d’abord l’Allemagne, ensuite les Etats-Unis. On ne percevait pas bien encore la nature profonde du colonialisme et la solidarité fondamentale qui le liait aux autres pays impérialistes quelle que soit la forme de leur système politique.

la reprise et l’essor
des activités du Mouvement National

Dès novembre 1942, et jusqu’à 1945, on assiste à un développement impétueux, en surface mais surtout en profondeur, du mouvement national.

Les syndicats reprirent leur travail de mobilisation et d’organisation. Ils s’implantèrent à travers tout le pays aussi bien parmi les travailleurs de l’industrie et des services que parmi les ouvriers agricoles. Dès novembre 43, la CGT comptait 73 000 adhérents et son journal "Le Travail" était largement diffusé.

II en fut de même pour les partis politiques. Malgré les restrictions persistantes - lois coloniales et lois de Vichy qui ne furent pas toutes abrogées - le PCA, le PPA et les autres courants du mouvement national multiplièrent leurs activités, soit de façon publique, soit semi-clandestine.

Pour le PCA, l’impératif de l’heure était le soutien à l’effort .de guerre des Alliés en vue de la victoire sur le nazisme et le fascisme, ennemis de tous les peuples.
Le PCA visait à élargir les libertés démocratiques, à épurer l’administration des éléments profascistes, à condamner les sabotages et méfaits des gros colons, administrateurs et Caïds. Régulièrement « Liberté » rendait compte en détail et dénonçait la situation économique et sociale dont souffraient les masses. Bien qu’au plan des principes le PCA réaffirma son attachement à l’indépendance nationale -notamment à travers l’expression de son adhésion intégrale et sans réserve aux clauses de la "Charte de l’Atlantique" à l’occasion de la conférence de Reprise en Août 1943- il estimait le moment inopportun pour mettre cette question au premier plan.

Les nationalistes du Parti du Peuple Algérien (PPA), encore dans une semi-clandestinité, élargissent leur influence à travers le territoire national touchant les villages et campagnes en particulier dans le Constantinois. Le PPA édite clandestinement le journal "Action Algérienne", des tracts et organise des campagnes d’inscriptions murales et de boycott de lieux fréquentés par les européens (bars, cinémas, etc..). Cette action du PPA était relayée par un ensemble d’organisations contrôlées par ses militants, telles que les scouts musulmans Algériens (SMA), la Fédération des Petits Commerçants et Artisans, de nombreuses Associations culturelles et sportives.

Au bout de quelques temps seulement après le débarquement, le PPA reconstitue l’essentiel de son organisation, érige une nouvelle direction et élargit ses effectifs qui comptent plusieurs milliers d’adhérents en 1943.

Son programme politique est résumé dans les mots d’ordre suivants : Libération de Messali - Application de la charte de l’ Atlantique - Indépendance de l’Algérie.

Cet éveil de l’activité politique, ce mouvement profond de mobilisation qui traverse le pays, dans ses différentes couches sociales, va se manifester et se cristalliser à travers la création et l’Association des « Amis du Manifeste et de la Liberté »(A.M.L).

De tous les courants qui avaient convergé dans l’action commune au Congrès Musulman en 1936, seules les personnalités de la « Fédération des Elus » (Abbas, Bendjelloul, etc.. ) et certains Oulémas, ont maintenu une activité légale depuis 39. Au moment du régime de Vichy, des illusions ont amené ces personnalités à des contacts et démarches en vue de réformer le statut colonial de l’Algérie. Après l’échec, et le changement de situation, de nouveau ils perçoivent la présence des Américains comme une planche de salut.

Ainsi, dès février 1943, Ferhat ABBAS et ses amis politiques, exprimant cette fois le sentiment de larges courants nationalistes, rédigent le « Manifeste du peuple algérien ». Dans ce document, il était demandé :

  • condamnation et abolition de la colonisation ;
  • application pour tous les pays, petits et grands, du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ;
  • dotation de l’Algérie d’une Constitution propre ;
  • participation immédiate et effective des musulmans algériens au gouvernement de leur pays ;
  • libération de tous les condamnés et internés à quelque parti qu’ils appartiennent.

Le "Manifeste" était adressé beaucoup plus aux Américains et aux nations Alliées qu’à la France elle-même. Il était fondé sur l’idée qu’étant donnée la position difficile de la France, des pressions internationales, conformes aux dispositions de la Charte de l’Atlantique, pourraient aboutir à libérer l’Algérie de la domination coloniale.

Une année après, en mars 44, à la suite d’un accord entre F. Abbas, Cheikh Ibrahimi et Messali, était fondé le mouvement des A.M.L. Dans l’article 4 du document fondateur on lit : « Créer un courant d’opinion en faveur du Manifeste, rendre familière l’idée d’une nation algérienne et désirable la constitution en Algérie d’une république autonome fédérée à une république française anticolonialiste et anti-impérialiste ».

Autour de ce mouvement se regroupent les "Élus", les Oulémas et le PPA. Les communistes inquiets des manœuvres néocolonialistes américaines, insuffisamment liés aux aspirations profondes de notre peuple et pour d’autres raisons, ne se sont pas associés à cette initiative. Ils rompaient de la sorte avec la tradition unitaire qu’ils avaient mis en oeuvre depuis la fondation de l’ENA et de l’expérience du "Bloc Ouvrier et Paysan" avec l’ Émir Khaled (1926) jusqu’au Congrès Musulman de 1936. Fait plus grave, le PCF et le PCA ont considéré que ce mouvement faisait diversion aux exigences du combat prioritaire contre le fascisme et donc rendait service à ce dernier.

Rapidement, le mouvement des AML connaît un immense succès : dans tout le pays se constituent des sections et très vite, il apparaît que les militants PPA y jouent un rôle déterminant. En avril 45, plus de 250 sections sont recensées regroupant, selon certaines estimations, environ 500 000 adhérents. L’hebdomadaire des AML "Égalité" tire à 130 000 exemplaires !

La poussée profonde et impétueuse du mouvement de revendication nationale s’alimente et aggrave en même temps l’affaiblissement de l’ordre colonial. Mais la résistance da la grosse colonisation et les tendances pro-colonialistes françaises ne sont pas vaincues.

En relation avec cette situation en Algérie et qui se retrouve, dans des conditions et formes différentes, en Indochine, Madagascar etc. se tient, en janvier 1944, à Brazzaville, une rencontre des hauts fonctionnaires français sous la présidence du Général De Gaulle. Le but était de mettre au point une politique permettant à la France, aux prix de quelques réformes, de conserver son empire colonial. Des oppositions fermes à toute évolution du statut colonial s’y expriment également, telle cette affirmation de Pleven, commissaire aux colonies au sein du gouvernement provisoire français : « Nous lisons de temps à autre que cette guerre doit se terminer par ce qu’on appelle un affranchissement des peuples coloniaux. Dans la grande France coloniale, il n’y a ni peuples à affranchir, ni discriminations raciales à abolir. Il y a des populations... qui n’entendent connaître d’autre indépendance que celle de la France".

Après le discours de De Gaulle à Constantine, à la même période, un plan de réformes est envisagé pour l’Algérie. Mais les gros colons et la haute administration réussissent à en empêcher la mise en œuvre. Cela ne fait qu’aiguiser encore la contradiction entre l’ordre colonial et le mouvement national ascendant. Au point que l’ordonnance de mars 1944, abrogeant le code de l’indigénat et octroyant la citoyenneté française à quelques dizaines de milliers d’Algériens, il est désormais trop tard. Même les éléments modérés et assimilationnistes du mouvement national ont changé de camp : « L’assimilation est à éliminer. Depuis 115 ans, nous en sommes toujours au même point. Reste l’autonomie que les AML réclament » déclare F. Abbas dans un meeting à Sétif.

Effondrement de la puissance mondiale de la France, affaiblissement de l’ordre colonial, possibilités nouvelles crées par le rapport des forces internationales d’un côté, situation économique et sociale catastrophique, puissant essor du mouvement de revendication nationale de l’autre côté : les éléments principaux d’une situation de crise sont en place. Cette dernière va se développer dans la première moitié de 1945, au moment même où se réalise en Europe l’écrasement des armées nazies et fascistes.

LES ÉVÈNEMENTS DU 8 MAI 1945
ET LEURS CONSÉQUENCES IMMÉDIATES

les prémices

Les premiers mois de 1945 précipitent l’évolution en cours depuis les deux dernières années. La perspective de la fin de la 2ème guerre mondiale avec la victoire des Alliés, la tenue de la conférence de San Francisco des Nations Unies le 24 avril, ce1le d’Alexandrie le 22 avril, qui doit poser les fondements de la Ligue Arabe, agissent comme des stimulants pour chacun des protagonistes -ordre colonial d’un côté, mouvement national de l’autre- en vue d’une solution à la crise.

Au début 1945, le mouvement se radicalise encore et à la conférence des sections AML en mars, les thèses du PPA l’emportent. La résolution adoptée ne fait plus référence à une « Algérie fédérée à la France » comme le stipulait le texte fondateur des AML. La conférence exprime aussi sa conviction que « les victoires (des Alliés) assureront bientôt la liberté à tous les peuples sur tous les continents ».

Le courant modéré des AML, représenté par F. Abbas, Boumendjel, Ibrahimi, etc. est débordé. Il n’a plus de prise sur l’orientation du mouvement. D’ailleurs c’est un mouvement dont la maîtrise échappe à tous, même si le PPA y joue un rôle dominant. La propagande menée durant des années a mis en éveil la profonde irréductibilité paysanne qui sommeillait au sein des masses. Des rumeurs incontrôlées se développent. On parle de "La nécessité de collecter des armes", de "constituer des maquis", de "se tenir prêt pour le passage à l’action", etc.

Une atmosphère fiévreuse règne au sein du mouvement dont deux caractères se dégagent : d’une part une extension en surface très large et très rapide, englobant des militants prêts à passer à l’action armée ; d’autre part, une organisation, une orientation et une direction relativement confuses.

Cet état de choses amène la direction des AML, dans le numéro de « L’Égalité » du 22 mars 45, à appeler à la vigilance : « Ému par les informations qu’il reçoit quotidiennement (le bureau central) demande à tous les militants de ne pas répondre aux provocations et aux provocateurs. Les AML doivent prendre conscience de leurs lourdes responsabilités, travailler dans le calme et la dignité et s’en tenir aux directives de leurs dirigeants ». De nouveau le 9 avril, le bureau central des AML exprime sa mise en garde contre les « rumeurs alarmantes qui se développent » et il déclare que les Amis du Manifeste et de la Liberté entendent n’assumer aucune responsabilité dans les incidents que des éléments suspects pourraient provoquer).

Peu de temps auparavant, en février 45, les communistes inquiets de l’évolution de la situation et des dangers qu’elle comportait, lancent un appel, à l’occasion de la rencontre des 3 partis communistes du Maghreb, dans lequel ils attirent l’attention sur la volonté des « éléments fascistes et des gros colons de susciter des émeutes de la faim et des troubles ... et justifier ainsi une répression sauvage et la suppression des premiers et récents progrès accomplis dans la voie de la démocratie ».

L’allusion de la direction des PC et du PCA aux « suspects, provocateurs, fauteurs de troubles », visaient en particulier les éléments infiltrés au sein .du mouvement et manipulés par la police.

Et il est vrai que l’administration coloniale ne restait pas les bras croises face à l’évolution de la situation. Grâce à ses services de renseignements (on le sait maintenant) elle était au courant des faits essentiels concernant le mouvement, ses projets, ses moyens. Après une période d’hésitation sur l’attitude à avoir (dissoudre les AML ou non ?), l’option avait été prise de laisser les choses se faire et casser le mouvement au moment propice.

« Dès le début avril , dit dans un rapport le Secrétaire Général du Gouvernement Général Gazagne, nous avons réagi. Il nous était impossible de prendre des mesures non justifiées par des faits précis. Le Gouvernement ne nous aurait pas suivi et aurait relâché les intéressés ».

La grosse colonisation pousse dans le sens de la répression : Abbo, un de ses représentants, déclare : « Il y aura des événements et le Gouvernement sera obligé de revenir sur l’ordonnance du 7 mars » , ordonnance qui rend citoyen français pouvant voter au 1er collège quelques milliers d’Algériens. De son côté le sous-préfet de Constantine, Lestrade-Carbonne l’avoue, en avril : « il y aura des troubles et un grand parti sera dissous » .

Divers éléments montrent que l’administration coloniale mettait en place, de façon calculée, les moyens d’une répression du mouvement…..

A l’occasion du transfert provocateur de Messali Hadj, des incidents éclatent à Ksar Chellala qui permettent à la police d’opérer une cinquantaine d’arrestations de militants du PPA. « Les évènements de Ksar Chellala, note Gazagne, nous ont donné une occasion unique pour prendre légalement des mesures qui ont décapité le mouvement PPA clandestin et nous ont vraisemblablement évité l’insurrection dans le département d’Alger, insurrection qui aurait gagné l’Oranie ».

Des arrestations ont eu lieu également à Alger (notamment après le 1er Mai) et dans l’Oranie. Parallèlement, le G.G fait venir, en avril, des troupes stationnées en Tunisie et les consigne a Constantine.

L’administration coloniale était persuadée, comme le note un rapport de police, que « les partis nationalistes veulent profiter de cet évènement (l’armistice) pour créer des incidents et se mettre sous l’autorité des Alliés »

Elle réagissait en conséquence et avait elle-même déterminé le lieu de l’affrontement.

les « événements »

À la suite des affrontements qui ont lieu à Alger le 1er Mai et au cours desquels des soldats français tirent sur le défilé des AML -une dizaine de morts- la direction des AML décide de laisser aux organisations locales le choix des modalités pratiques des manifestations prévues pour le 8 Mai à travers la plupart des grandes villes. Elle insiste seulement sur la nécessité de veiller à ne pas tomber dans le piège de la provocation policière et pour cela recommande de ne pas être armés.

Cette décision, inspirée par la prise de conscience des risques encourus, venait clore un débat et des divergences qui se développaient depuis plusieurs semaines. Le problème portait sur le contenu, les objectifs et les formes à donner à ces manifestations.

Le courant modéré voulait une démonstration pacifique de la volonté des Algériens de voir appliquer à leur profit les dispositions de la charte de l’Atlantique, tandis que les courants radicaux, représentés notamment par Lamine Debaghine, estimaient qu’il fallait faire une démonstration de force, voire même passer à l’action directe.

Ces deux tendances exprimaient la réalité profonde du mouvement, fort hétérogène dans ses conceptions et méthodes. C’est pourquoi, la faiblesse de l’organisation et la difficulté des communications aidant, une confusion certaine a régné sur le terrain.

Rappelons les faits essentiels :
« Cela commence à Sétif, le 8 Mai, un mardi jour de marché. Le défilé des AML est autorisé et a lieu le matin, tandis que celui de la CGT est prévu pour l’après-midi. Des milliers de personnes se rassemblent près de la mosquée, y déposent tous les objets pouvant servir d’armes. Le défilé s’ébranle avec les SM en tête. Des banderoles portent les mots d’ordre : "Libérez Messali", "Vive l’Indépendance", "A bas l’impérialisme", "Vive les Nations Unies". Au milieu des drapeaux des Alliés est brandi le drapeau algérien.

L’incident a lieu lorsqu’un commissaire de police exige que soit retiré le drapeau algérien. Face au refus et à la résistance des porte-drapeaux, des policiers sortent leurs armes et tirent : le porte-drapeau est tué et plusieurs autres personnes sont blessées.

Une fusillade s’ensuit.

La foule s’éparpille et essaie de se défendre. Des petits groupes, se saisissant de ce qui peut leur servir à se défendre, se répandent à travers la ville et s’attaquent aux Européens.

L’émeute partie de Sétif s’étend, dès la soirée du 8 Mai, le lendemain 9 et le 10 Mai, à toute la région et en particulier vers le Nord. Des actions armées sont menées en divers endroits : E1 Ouricia, Aoaucha, Kherrata, etc. ..Des fermes sont attaquées, des postes pris d’assaut, des voies routières et ferrées coupées etc.

Il s’agit de véritables soulèvements locaux, souvent animés par des militants du PPA, et composés de paysans armés de faucilles, haches, rarement d’armes à feu, A peu prés les mêmes faits ont eu lieu à Guelma st ses environs.

Au total au cours de ces journées, une centaine de morts et autant de blessés sont recensés parmi la population européenne.

Immédiatement après ces évènements, la répression coloniale se met en place, de façon méthodique et décidée. Y prendront part le gendarmerie, les parachutistes, les troupes sénégalaises ainsi que les milices composées d’Européens. On utilise les automitrailleuses, les blindés, l’aviation et même la canonnade à partir d’un bateau dans la rade de Béjaia. Toute la région entre Béjaia et Sétif est ratissée, bombardée. Des massacres sauvages sont commis. On tue les Algériens par groupes entiers. On enterre dans des fosses communes ou on brûle à l’essence, voire dans des fours à chaux (à Héliopolis près de Guelma).

Dans certaines localités, les forces de répression opèrent des arrestations et assassinats à partir de listes de militants nationalistes. L’ordre colonial veut effrayer les masses et aussi décapiter le mouvement.

Les autorités coloniales feront tout pour minimiser l’ampleur et la sauvagerie de la répression, feront le black-out sur les informations grâce à la censure de la presse. Mais la vérité se fait jour peu à peu et le bilan s’établira à 45 000 morts. En même temps, plus de 5000 personnes sont arrêtées à travers tout le territoire, parmi lesquelles des dirigeants et des personnalités politiques.

On ne peut qu’être surpris par la disproportion entre les évènements eux-mêmes et la répression qui les a suivi. Cette répression était planifiée et avait un objectif clair : briser par la violence et la terreur la montée du mouvement populaire de libération.

les conséquences immédiates

Malgré la volonté de certains dirigeants du PPA de généraliser l’insurrection à tout le territoire, afin notamment d’alléger la pression exercée par les forces répressives sur le Constantinois, il est désormais trop tard. Dès la fin Mai, c’est le reflux du mouvement.

Tandis qu’au sein de notre peuple, au fur et à mesure que les informations lui parviennent, l’émotion et l’indignation dominent, les prises de position des divers courants du mouvement national reflètent la gravité de la situation et la volonté de préserver le minimum de possibilités légales d’action.

Les "Élus", les Oulémas et le PCA dénoncent la provocation colonialiste, condamnent les "extrémistes du PPA" qui ont poussé le mouvement à l’aventure. Parmi ces prises de position, celle du PCA est violente quand elle établit un parallèle entre les ultra-colonialistes et les "pseudo-nationalistes". Il ne s’agit pas là simplement des effets d’une connaissance incomplète de ce qui s’était passé dans l’Est du pays. C’était en fait plus profondément le reflet du déséquilibre qui s’était opéré dans la ligne politique des communistes au détriment de leurs responsabilités nationales.

Dès l’Été 45, il apparaît que les événements de mai ont provoqué des divisions profondes au sein du mouvement national, rejetant les forces "modérées" vers le retour d’ une politique réformiste vis-à-vis du colonialisme, et les forces radicales vers une clandestinité très difficile pour les conditions de l’époque.

Alors que les colonialistes se réjouissent du rétablissement par la violence de l’ordre colonial ("nous avons gagné dix ans de tranquillité"), c’est le désarroi et l’amertume au sein des masses. On pleura les morts et on a peur pour les détenus.

action pour libérer les détenus

C’est dans ces conditions que les communistes, qui ont mesuré rapidement le caractère erroné et nocif de leurs positions sur les événements du 8 Mai, prennent l’initiative de lancer une campagne pour la libération des détenus. Rapidement les comités d’amnistie se mettent en place, au niveau national (avec comme SG Larbi Bouhali) et aux niveaux locaux. Des meetings, assemblées se multiplient, la presse communiste révèle chaque jour les méfaits de la répression de Mai etc..

Ce mouvement pour l’Amnistie aboutit eu vote d’une loi, dont le projet est déposé à l’Assemblée Nationale Française par le groupe communiste. Cette loi remet en liberté des centaines de détenus de Mai. Ce mouvement apparaît avec le recul comme un véritable maillon intermédiaire pour la reconstitution et la relance de la lutte du mouvement national.

Pour les communistes particulièrement, cette campagne va aider à redresser la ligne politique du PCA dans le sens d’une prise en charge plus ferme des exigences du combat national. C’est ce qu’affirmeront et manifesteront les Comité Central et Congrès de 46 et 47.

Désormais la perspective est ouverte vers le développement de l’action unie des différentes tendances du mouvement national. Elle évoluera à travers des phases de rapprochement, et d’autres de conflit, sous des formes diverses et originales, et débouchera sur le combat commun dans la guerre de libération nationale.


3. 8 MAI 1945 – 8 MAI 1985
LA VICTOIRE ANTIFASCISTE
ET SON APPORT À LA LUTTE POUR LA PAIX,
LA LIBÉRATION POLITIQUE, ÉCONOMIQUE ET SOCIALE.

I1 y a 40 ans la victoire des peuples de la coalition antihitlérienne mettait fin à la plus sanglante et à la plus destructrice des guerres que l’histoire de l’humanité avait jusque là connues.

Cette guerre a été engendrée par les prétentions du fascisme allemand et de ses alliés à la domination mondiale. Cette aventure criminelle pour un nouveau partage impérialiste de la planète a causé d’immenses pertes dans le monde.

Elle a entraîné 61 États et 80 % de la population du globe. Elle a causé plus de 50 millions de morts, ainsi que des ruines, des dévastations et des dégâts matériels immenses.

La signification sociale de ces évènements, tout comme l’immense apport anti-impérialiste de la victoire sur les puissances fascistes, demeurent actuelles.

Cette victoire a imposé un rapport de forces nouveau à l’impérialisme. Mais la nature agressive de l’impérialisme n’a pas changé, et ses prétentions démentielles à la suprématie militaro-stratégique constituent une menace actuelle et réelle pour la paix dans le monde.

Si un 3ème conflit mondial aux conséquences irréparables a pu être évité durant ces 40 dernières années c’est essentiellement grâce à la politique de paix de l’Union Soviétique et à leurs capacités de défense et de dissuasion.

Aussi la leçon principale de la 2ème guerre mondiale et de la victoire sur le fascisme demeure toujours actuelle. L’impérialisme en crise n’hésite pas à jeter le monde dans le fascisme, le militarisme et la guerre ; et la seule force qui peut mettre en échec ce danger mortel pour l’humanité dans les "conditions nucléaires"‘ actuelles, c’est l’alliance objective du socialisme mondial, des forces du mouvement mondial de libération nationale, de la classe ouvrière et des forces démocratiques et pacifiques des pays et des peuples épris de paix et de progrès.

l’essence de classe
du fascisme

Le fascisme est le produit de la crise profonde notamment de 1923-33, qui a ébranlé les fondements mêmes du monde capitaliste en exacerbant les rivalités inter-impérialistes pour un nouveau partage du monde.

Cette crise est la plus grave qu’ait connue le monde capitaliste à notre époque. La production industrielle est tombée pratiquement de moitié, les exportations de tous les pays capitalistes ont chuté de plus de 65%. Le cours des actions en bourse a baissé de 60% à 75% ; Les faillites se sont multipliées. Les États Unis ont enregistré 109 000 faillites durant cette période.

Mais ce sont les masses laborieuses qui ont été les plus éprouvées par la baisse des salaires et le chômage.

Sortie vaincue et affaiblie de la première guerre mondiale (1914-1918), durement frappée par la crise économique, l’Allemagne devient le théâtre des principales contradictions capitalistes de cette période.

Le chômage augmente notamment et ébranle même les positions de la petite bourgeoisie. Les salaires chutent au dessous du minimum vital. La crise agraire ruine les salariés agricoles et les petits paysans.

On assiste à une montée sans précédent des luttes de classes du prolétariat sous la direction du Parti Communiste Allemand. De puissants mouvements de grèves et de manifestations de la classe ouvrière expriment la volonté d’uns perspective révolutionnaire à cette crise. Le mécontentement se généralise et s’étend à toutes les classes et couches de la société.

Ainsi, dans le cadre de cette crise économique, la différenciation de classe et les contradictions du capitalisme allemand vont s’aggraver. Pour la Social Démocratie Allemande, l’important c’est de sauver le capitalisme et ses valeurs bourgeoises. Ils apportent leur soutien au capital monopoliste allemand dont les représentants sont prêts à tout pour barrer la route à une issue révolutionnaire à la crise.

La définition de classe concise et précise de fascisme est donnée par la 13ème session plénière de l’Internationale Communiste :
"C’est la dictature terroriste déclarée des éléments les plus réactionnaires, les plus chauvins, les plus impérialistes du capital financier".
C’est la terreur sanglante qui s’abat sur le mouvement révolutionnaire, l’anticommunisme bestial, le déchaînement dans les masses petites bourgeoises d’instincts ultraréactionnaires, chauvins. L’idéologie des "races inférieures" et des "races supérieures" et le racisme intégral sont érigés en système et en pratique. La cible du fascisme, c’est le mouvement révolutionnaire de la classe ouvrière, c’est le premier État Socialiste dans le monde, c’est le mouvement de libération des peuples.

les rivalités inter-impérialistes
Et la montée agressive de l’impérialisme allemand

Les puissances occidentales ne se trompent d’ailleurs pas sur la nature et les objectifs de classe du fascisme. Ce qu’elles visent surtout c’est de préserver leurs empires coloniaux, et se placer en position de force pour une nouvelle délimitation des sphères d’intérêt, pour un nouveau partage colonial et de façon générale impérialiste du monde.
Face aux plans de conquête nazis du monde, elles manœuvrent pour détourner d’elles l’agression nazie et la diriger contre l’URSS.
C’est ainsi qu’elles ont abandonné la République espagnole à l’invasion fasciste en 1936, l’Éthiopie à l’invasion fasciste italienne en 1935, livré 1a Tchécoslovaquie à l’occupation nazie en 1938-39, après avoir démissionné devant l’annexion de l’Autriche par Hitler et laissé le Japon militariste agresser et occuper la Chine en 1937.
Pour les puissances occidentales ce qui est important, avant tout, c’est de canaliser les appétits de l’impérialisme allemand vers l’Union Soviétique.
Ainsi les rivalités intra-impérialistes, ravivées par le Traité de Versailles et exacerbées par la crise économique, auraient eu pour dénouement une guerre d’agression de l’axe Berlin-Rome-Tokyo contre le premier État Socialiste dans le monde, guerre à laquelle les puissances occidentales auraient assisté pratiquement intactes, et dont elles auraient ensuite largement profité.

Cet antisoviétisme explique que l’Angleterre et la France restent sourdes aux propositions précises de l’URSS en vue de conclure un accord militaire pour contenir l’agression hitlérienne qui menace le monde entier. Tout en menant des pourparlers de façade avec l’URSS pour faire pression sur l’Allemagne Nazie, elles engagent avec celle-ci des discussions en coulisses pour conclure un accord dirigé contre l’URSS.

C’est dans ces conditions de ‘double jeu’ des puissances occidentales que l’URSS conclut en Août 1939 le pacte de non agression proposé par l’Allemagne nazie. L’histoire retiendra que c’est ainsi que l’URSS put déjouer les calculs et le piège des puissances occidentales qui avaient poussé 1’Union Soviétique dans une guerre contre l’Allemagne nazie et le Japon militariste, et dans les conditions les plus défavorables pour elle. Cette trêve sera mise à profit par l’URSS pour la préparation militaire contre l’invasion nazie. D’ailleurs ces calculs antisoviétiques s’avérèrent de très courte vue. La France et l’Angleterre faisaient concession sur concession à Hitler. Les Etats-Unis s’étaient d’abord déclarés neutres dans 1e conflit, puis "non-belligérants". Ils ne déclareront la guerre contre l’axe Berlin-Rome-Tokyo qu’après l’attaque de Pearl Harbour par les militaristes japonais en décembre 1941. Ce qui fait que l’Allemagne, sûre de la démission des puissances occidentales capitalistes, occupe l’Europe Centrale et du Sud-Est, la France et attaque l’Angleterre.

Après avoir pris soin de réunir sous son autorité les moyens économiques, techniques et scientifiques, humains de toute l’Europe capitaliste, la Grande-Bretagne exceptée, l’Allemagne nazie donne l’assaut à I’ URSS en juin 1941. Cette date marquera un tournant radical dans l’histoire de la 2ème guerre mondiale et dans la défaite du fascisme, c’est sur ce front que l’Allemagne nazie va porter l’essentiel de ses forces et c’est l’URSS qui supportera le fardeau le plus lourd de la guerre. Les pays occidentaux engagés dans la coalition antihitlérienne avec 1’URSS n’ouvriront le second front en Europe qu’en 1944.

l’Union Soviétique, pilier principal de la lutte
contre l’Allemagne nazie et ses alliés

La propagande occidentale tente encore aujourd’hui de rabaisser et de minimiser le mérite historique de l’Union Soviétique dans la victoire sur le fascisme. Pourtant les faits et les chiffres sont là. Les rudes et terribles épreuves et sacrifices endurés par le peuple soviétique, les pertes humaines et matérielles subies sont les plus importantes de celles enregistrées par les pays belligérants.

  • 80 % des forces armées de l’Allemagne nazie opéraient sur le front soviéto-allemand ;
  • sur ce front, la Wehrmacht, 1’armée allemande, perdit 74 % de ses pièces d’artillerie, 75% de ses chars et 70% de ses avions ;
  • l’armée soviétique détruisit 607 divisions ennemies alors que les troupes anglo-américaines en Afrique du Nord, en Italie et en Europe occidentale n’en ont détruit que 176 ;
  • de 15 % à 30 % des forces armées soviétiques étaient maintenues en Extrême-Orient, pour faire face à une attaque éventuelle du Japon ;
  • 20 millions de soviétiques sont tombés durant cette guerre ;
  • plus d’un million de combattants soviétiques sont tombés hors des frontières de l’URSS pour la libération totale ou partielle de 13 Etats d’Europe et d’Asie comptant une population totale de prés de 200 millions de personnes ;
  • l’économie soviétique a subi d’énormes destructions. Beaucoup de ce qui avait été crée dans les années précédentes au prix d’immenses efforts a été atteint ;
  • L’URSS a perdu 1/3 de ses richesses nationales suite à l’invasion nazie. Les fascistes ont détruit 1700 villes et brûlé plus de 70 000 villages. 32 000 usines furent détruites entièrement ou partiellement. Près de 65 000 Kms de voies ferrées ont été mis hors de service. Environ 25 millions de personnes se trouvèrent sans abri par suite des dévastations de la guerre.

Les puissances occidentales comptaient que les dégâts infligés à l’économie soviétique allaient affaiblir pour longtemps l’URSS et l’empêcher de jouer un rôle important sur le plan international. Mais, en réalité c’est l’affaiblissement général de l’impérialisme que cette guerre va entraîner.

la portée anti-impérialiste
de la défaite de l’Allemagne nazie et de ses alliés

Deux facteurs essentiels ont contribué à faire de la deuxième guerre mondiale une guerre de libération des peuples qui a modifié considérablement l’aspect politique du monde. Ce sont :

  • Le rôle décisif de l’Union Soviétique qui a supporté le poids le plus lourd de la guerre, qui a libéré d’immenses territoires de l’Europe et pris la capitale de l’Allemagne nazie, Berlin. l’URSS, qui venait à peine de se relever de la terrible guerre civile et des calamités naturelles qui l’ont accompagnée (sécheresse et famine de 1921) a terrassé quasiment par ses propres forces l’impérialisme le plus puissant de l’époque.
  • La participation active des larges masses populaires et de leur avant-garde révolutionnaire à la lutte antifasciste dans le monde, en particulier les partis communistes.

Les masses dans les divers pays, suivaient avec beaucoup d’attention et d’espoir les exploits de l’Armée Rouge et du peuple soviétique sous la conduite du parti communiste. L’Union Soviétique confirmait ce que disait Lénine :
« Jamais on ne vaincra un peuple dont les ouvriers et les paysans, dans leur majorité, ont appris par expérience et ont constaté qu’ils défendent leur pouvoir à eux, le pouvoir des soviets, le pouvoir des travailleurs ; qu’ils défendent la cause qui, victorieuse, leur assurera, ainsi qu’à leurs enfants la possibilité de bénéficier de tout les biens de la culture, de toutes les créations du travail humain ».

C’est l’action du PCUS à la lumière de l’idéologie marxiste-léniniste qui a permis de déployer victorieusement toutes les possibilités objectives du régime soviétique et de l’économie socialiste, tout le talent et l’efficacité de l’art et de la science militaire soviétique.

Le PCUS a fait de la guerre contre l’ennemi fasciste une guerre populaire des ouvriers, des kolkhoziens, des jeunes et des femmes, des savants, ingénieurs et constructeurs, tous unis et mobilisés sur tous les fronts de lutte.

Par contre les féodalités et les bourgeoisies régnantes sur de nombreux pays d’Europe trahissaient leurs pays et abandonnaient les peuples à l’envahisseur nazi, l’action héroïque des armées de partisans, de résistants, de clandestins, entraînait les masses dans le combat contre l’occupant.

Ce sont les communistes et les forces démocratiques les plus conséquentes qui se sont mis à l’avant garde de cette lutte antifasciste renforçant et étendant son caractère populaire libérateur en Yougoslavie, en Pologne, en Grèce, en Tchécoslovaquie en Bulgarie, en Albanie en Roumanie, en Hongrie, en France et en Allemagne même.

C’est ce qui explique les transformations radicales qui accompagnent la fin de la 2ème guerre mondiale.

De vastes régions d’Europe et d’Asie verront éliminé ce qui est à la racine du fascisme et des guerres impérialistes : les régimes de l’exploitation de classe, de l’oppression nationale et du joug colonial.

une étape internationale
qualitativement nouvelle

Avec la défaite du fascisme l’audience, le prestige et le rôle international de l’Union Soviétique sortent grandis et renforcés. En Europe et en Asie des révolutions populaires et démocratiques achèvent la défaite du fascisme et se développent contre l’impérialisme et ses alliés réactionnaires, et entreprennent des transformations socialistes radicales.

Une étape s’achève après la première guerre mondiale, l’impérialisme était certes encore en mesure de ne pas laisser déborder la Révolution Socialiste des frontières de la Russie. Il pouvait espérer y restaurer, à un moment propice la domination du capitalisme.

Mais à l’issue de la deuxième guerre mondiale, il n’était plus capable d’empêcher le socialisme de triompher dans d’autres pays et le système socialiste mondial de devenir une réalité et une force intangibles.

L’union Soviétique n’est plus le seul pays où le peuple a renversé le pouvoir des exploiteurs et édifié une société nouvelle libérée de l’exploitation.
Ces transformations mondiales changent qualitativement le rapport de forces international en faveur du socialisme.

Après les révolutions populaires victorieuses qui instaurent le pouvoir de la classe ouvrière en Bulgarie, en Roumanie, en Pologne, en Tchécoslovaquie, en Hongrie et en Albanie, la révolution socialiste triomphe dans un des pays les plus avancés du monde sur le plan économique : la Tchécoslovaquie. En Septembre 1948 est fondée la République Démocratique et Populaire de Corée . La plus grande défaite est infligée à l’impérialisme en Chine où la guerre civile révolutionnaire s’achève, sous la direction de la classe ouvrière par la proclamation de la République Populaire de Chine le 1er Octobre 1949.

Au cœur même de la réaction européenne et du militarisme traditionnel en Allemagne, sur la partie libérée par l’Union Soviétique est fondée le 7 Octobre 1949 la République Démocratique Allemande. Face à l’Allemagne de l’ouest capitaliste, cet évènement va constituer un élément de l’équilibre des forces en Europe.

contribution au mûrissement
du mouvement de libération nationale

La victoire antifasciste mondiale a relâché les liens imposés par l’impérialisme aux centaines de millions vivant sous le régime colonial. Elle a favorisé les luttes des peuples pour leur indépendance nationale.

Les peuples des pays colonisés prennent une part active aux combats contre le nazisme et le fascisme. Ainsi des milliers de fils du peuple algérien combattent sur les fronts de l’Europe. Dans notre pays les partis nationaux, parti communiste algérien et parti du peuple algérien, déclarés illégaux par le pouvoir de Vichy, poursuivent la lutte dans la clandestinité.

De nombreux communistes, parmi lesquels des dirigeants, sont jetés dans les camps et dans les prisons. À la prison d’Alger sur 60 communistes, 15 meurent de typhus parmi lesquels Kaddour BELKAIM secrétaire du P.C.A. Les condamnations sont très lourdes : 6 condamnés à mort dont une femme.

En Asie et en Afrique, les peuples se soulèvent contre les colonisateurs et exigent l’indépendance nationale. L’essor du mouvement populaire qui accompagne la victoire sur le fascisme donne un élan nouveau à la lutte de libération nationale du joug colonial. La plus grande colonie britannique, l’Inde proclame son indépendance nationale en août 1947.

Mais la répression est féroce, l’impérialisme français, anglais, hollandais, belge et américain veut étouffer par la force et la violence les aspirations à l’indépendance nationale des peuples.

Le 8 Mai 1945, le jour même de la proclamation da la victoire, les colonialistes français répriment sauvagement des manifestations du peuple algérien à Sétif, Guelma et Kherrata faisant 45 000 morts. La répression colonialiste française en 1947 à Madagascar fait 100 000 victimes.

De 1945 à 1954, le colonialisme français mène une guerre sanglante contre les patriotes vietnamiens, laotiens, etc..

Sur le plan international, l’impérialisme inaugure avec Truman, alors Président des Etats Unis, la doctrine du refoulement du communisme une politique de guerre froide contre les pays socialistes et d’anticommunisme hystérique.

Les États-Unis ont été le seul pays impérialiste à ne pas avoir connu la guerre sur son territoire. Plus encore, ils sont sortis renforcés et enrichis de cette guerre (leur production industrielle était égale à 150 % de celle de l’ensemble des pays capitalistes). Ils utilisent alors leur puissance, leur monopole provisoire de l’arme nucléaire et leurs bases militaires à travers le monde pour tenter d’imposer au monde leur hégémonie. Ils mettent en place des blocs militaires agressifs l’OTAN, l’OTASE (Organisation du Traité de l’Asie du Sud-est), le CENTO (pacte de Bagdad). Ils réarment l’Allemagne occidentale. Ils agressent les peuples. ils soutiennent les dictatures réactionnaires dans le monde.

Dans les Etats d’Europe occidentale, les communistes sont exclus des gouvernements. Aux Etats-Unis, c’est la "chasse aux sorcières" déclenchée contre les communistes et les démocrates. En Grèce une répression impitoyable s’abat sur les communistes et les forces démocratiques.

À l’égard des pays socialistes, c’est le blocus total : l’impérialisme veut étouffer économiquement les pays socialistes et "châtier" leurs peuples pour le "crime" d’avoir renversé le régime des exploiteurs. À partir de 1949, le blocus mis en place par les pays occidentaux a réduit pratiquement à zéro les échanges entre les systèmes sociaux. L’impérialisme impose la course aux armements.

La guerre froide a porté un grand préjudice aux peuples et forces de progrès, en premier lieu aux pays socialistes. L’URSS et les pays de la démocratie populaire ont été contraints de consacrer des moyens immenses pour leur défense nationale, alors qu’ils étaient dans l’extrême nécessité de les investir pour se relever de l’après guerre, pour développer l’économie et la culture national.

Mais les espoirs des puissances occidentales de voir les pays socialistes s’effondrer sous ces épreuves ont été vains.

un changement radical
du rapport-de-forces international

Avec la formation et la consolidation du camp socialiste, c’est plus d’un tiers de l’humanité qui se soustrait à la sphère de domination capitaliste. Une solide base matérielle et technique a été édifiée entraînant en priorité l’intérêt des travailleurs et le bien-être du peuple : disparition du chômage, droit effectif au travail, à la santé, au savoir, au logement, épanouissement du patrimoine et de la culture progressistes.

Le système socialiste mondial constitue de nos jours un potentiel économique militaire et politique important. Les pays du Conseil d’Assistance et d’Entraide Mutuelles (C.A.E.M) représentent aujourd’hui un tiers de la production industrielle mondiale, c’est-à-dire plus que la C.E.E. ou les USA. Ils disposent aussi du tiers du potentiel scientifique et technique mondial, de 25 % du revenu national, de 20 % de la production agricole. Cette force du socialisme mondial est un appui solide aux luttes de tous les peuples pour la paix, la liberté, le progrès social, la démocratie, le socialisme.

La solidarité fraternelle et le soutien efficace et ferme dont a bénéficié l’Egypte en 1956 lors de la nationalisation du Canal de Suez, et qui lui a permis de mettre en échec l’agression franco-britannique en est un exemple éclatant. Ce soutien et cette solidarité ont été la ligne constante de l’URSS et de la communauté socialiste avec la lutte de libération de notre peuple contre le colonialisme français, comme avec celles des peuples cubain et vietnamien contre l’impérialisme américain.

La lutte du peuple palestinien pour le recouvrement de ses droits nationaux légitimes, comme celle de l’ensemble des peuples arabes contre la politique de guerre et d’annexion d’Israël soutenu par l’impérialisme US, sont un témoignage vivant de la solidarité de principe de l’Union Soviétique et des pays de la communauté socialiste avec le mouvement de libération nationale des peuples.

Le mouvement de Libération Nationale des peuples a connu au cours de ces quarante années un développement quantitatif et qualitatif considérables.

Que subsiste-t-il aujourd’hui des immenses empires britannique français, hollandais, portugais ? Ces empires constitués en système colonial se sont quasi-totalement affranchis. Cela s’est passé dans le cadre d’une coexistence pacifique imposée à l’impérialisme international par les forces progressistes mondiales au sein desquelles le camp socialiste occupe une place déterminante. Cette coexistence pacifique a favorisé et favorisa les luttes de libération des peuples.

Les États libérés du colonialisme dans leur majorité ne se sont pas contentés du seul drapeau national. Les tâches impératives de lutte contre le retard économique et ses conséquences sociales, et d’une façon générale contre l’héritage accablant du colonialisme les opposent de façon de plus en plus large à l’impérialisme. L’alternative ne peut être que néo-colonialisme ou libération économique et voie de développement socialiste.

C’est cette réalité contradictoire incontournable qui va agir positivement sur le développement du mouvement des pays non-alignés, contribuant à mettre en avant les revendications de transformations des relations économiques et internationales dominées par l’impérialisme.

Les années 70 sont marquées par 1a montée de la lutte anti-impérialiste du Mouvement des non alignés pour un Nouvel Ordre Economique International et pour l’extension du choix de la voie socialiste de développement dans plusieurs pays d’Afrique et d’Asie. Cette voie qui met au premier plan les transformations sociales internes et l’alliance avec la communauté des pays socialistes dans la lutte contre l’impérialisme et pour la paix, se développe en Ethiopie et en Afghanistan.

Notre pays a réalisé de grandes conquêtes dans la voie de la consolidation de l’indépendance nationale.

Les positions de l’impérialisme sont remises en cause en Amérique latine. Après la consolidation de Cuba socialiste, la Révolution sandiniste triomphe au Nicaragua. Les dictatures à la solde de la C.I.A. sont secouées par les luttes des masses populaires et des forces démocratiques Elles chutent en Argentine, en Uruguay. Au Chili, au Guatemala, au Paraguay et au Salvador elles se maintiennent uniquement parce qu’elles sont soutenues à bout de bras par l’impérialisme américain. La dictature militaire pro-US au Brésil est obligée de céder la place à un pouvoir civil.

Le rapport de forces international ne permet plus à l’impérialisme de dicter à sa guise ses volontés au monde. Le système capitaliste international traverse une crise structurelle. C’est ce qui caractérise 1a fin des années 70 et le début des années 80.

L’impérialisme veut reconquérir par la force les positions perdues. Il tente l’impossible : faire tourner "en arrière" la roue de l’Histoire. Il met en œuvre une véritable politique de revanche sociale dont l’axe principal vise à rompre la parité militaro-stratégique, que le renforcement de l’Union Soviétique et de la Communauté socialiste lui ont imposée. Surarmement, extension de sa présence militaire, tensions internationales et guerres d’agression contre le mouvement de libération nationale proclamé "terrorisme international" ; diversions idéologiques multiples, telles sont les caractéristiques de la politique de l’impérialisme international, américain en premier lieu.

Cette situation met gravement en péril la paix mondiale ; elle compromet sérieusement les efforts de développement économique national de nombreux pays du "Tiers-Monde", déjà fortement affectés par la crise économique du monde capitaliste. Certains régimes du Tiers-Monde se coupent des aspirations réelles de leurs peuples en renvoyant dos à dos, au nom d’une conception erronée du non-alignement des pays comme l’URSS qui sont des alliés naturelles d’une part et d’autre part contre l’impérialisme qui est notre adversaire d’hier et d’aujourd’hui.

La lutte pour la paix et pour le développement économique et social constitue aujourd’hui le contenu principal de la lutte de classe contre l’impérialisme.

Ces tâches font de l’alliance anti-impérialiste du socialisme mondial, du mouvement de libération nationale, de la classe ouvrière et des forces démocratiques et pacifiques, une nécessité impérieuse devant le péril d’une catastrophe nucléaire brandi par l’impérialisme.

C’est l’histoire de ces quarante dernières années, riche en expériences et en enseignements dans la lutte pour la libération nationale et sociale des peuples, qui souligne une telle nécessité historique.

Seule une telle alliance, toujours plus renforcée et plus solide, pourra mettre en échec durablement la menace de guerre nucléaire de l’impérialisme américain et de ses alliées, la prétention US à établir son hégémonie sur la planète.

Elle permettra en même temps d’impulser une véritable politique de détente internationale de coexistence pacifique entre États à régimes sociaux différents.

C’est dans la paix, défendue inlassablement par un rapport de forces mondial toujours plus renforcé en faveur des forces de progrès et de la paix, des forces anti-impérialistes, que l’indépendance nationale, le progrès social, la démocratie et le socialisme pourront triompher

Ils montreront aussi le caractère inhumain du système d’oppression et de l’exploitation capitaliste.

Telle est la portée profonde de ce quarantième anniversaire de la victoire sur le fascisme.


4. KADDOUR BELKAIM, DIRIGEANT DU P.C.A TUÉ PAR LES FASCISTES.

Ce fut l’un des fondateurs du Parti Communiste Algérien (P.C.A ) en octobre 1936, et un membre de son premier Comité Central. En décembre1937, au deuxième congrès du PCA, il est élu membre du Bureau politique, secrétaire du Comité Central du P.C.A. À ce poste il a permis au parti de se rapprocher davantage des masses et en premier lieu des jeunes. Le colonialisme prit peur.

Dès août 1939, avant même la seconde guerre mondiale, Kaddour BELKAIM est arrêté et emprisonné à Serkadji (ex-Barberousse). En septembre 1939, le P.C.A est interdit et ses dirigeants pourchassés. Malgré cela, le PCA a pu poursuivre son travail grâce aux structures clandestines mises sur pied par BELKAIM, avant son arrestation.

En prison notre camarade fait la grève de la faim pour arracher ses droits de prisonnier politique. Pour l’isoler, le colonialisme le transfère dans un cachot à une prison militaire où il attrape la tuberculose.

Libéré, il est de nouveau arrêté quelques jours plus tard où on le laisse sans soins.

Le 30 Juillet 1940, à l’âge de 32 ans mourut un des premiers dirigeants du P.C.A.

Qui était-il ? Il est né en 1908 dans une famille d’ouvriers. Encore enfant il est obligé de travailler pour faire vivre sa famille. Au début des années 30 il adhère aux syndicats clandestins, aux jeunesses communistes et en 1934, à l’organisation communiste clandestine d’Oran. Durant toute cette période il participe aux luttes de la classe ouvrière industrielle et agricole. Remarqué pour ses capacités à se lier aux masses à les entraîner à l’action, il est élu au bureau régional des organisations communistes d’Oran.

Avant et après la création du PCA, il joua un rôle important pour créer les syndicats d’ouvriers agricoles, pour recruter parmi les paysans et les ouvriers algériens. Il a contribué à la lutte contre la montée du fascisme. Il a été un combattant convaincu et convaincant de l’unité d’action de toutes les forces patriotiques. Dans ce sens il joua un grand rôle pour la création en 1936 du Congrès Musulman, sorte de front rassemblant les formations politiques patriotiques et les syndicats.

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