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INTERVENTION FRANCAISE AU MALI : UN DÉBAT NÉCESSAIRE

Un éditorial du Quotidien d’Oran

samedi 26 janvier 2013

Certains auront trouvé l’éditorial de M. Saadoune du Samedi 26 janvier trop rugueux, d’autres pas assez, envers le positionnement de Samir Amin sur l’intervention unilatérale française au Mali. Il est certain que le texte de l’économiste de renom a étonné nombre de ses lecteurs, par ce qu’ils considèrent comme des écarts injustifiés entre tactique et stratégie, inhabituels chez l’auteur aux analyses fines, pénétrantes et sans concession sur les méfaits de l’ultralibéralisme globalisé et ses implications néocolonialistes.

A ce titre, le mérite de l’éditorial du Quotidien d’Oran, en plus de sa précision dans la critique et sa vue d’ensemble, est d’inciter à débattre pour mettre les choses au point.
Il marque des repères salutaires pour une partie de l’opinion qui risque d’être vulnérable aux arguties opportunistes et penchants atlantiques des sociaux démocrates français ou de quelques courants d’opinion algériens perplexes ou dévoyés.

Au total, l’ensemble des chroniques de presse et des analyses, à l’instar de celle de Mohd Tahar Bensaada publiée dans Oumma.com [1] à propos de l’environnement régional et mondial menaçant pour l’indépendance algérienne, réactualisent le débat sur la nécessité et les modalités de la lutte contre le terrorisme, avec l’avantage que le contexte actuel et l’expérience acquise par les Algériens favorisent les clarifications.

En ce qui concerne les appréciations positives portées par l’éditorial sur mes positionnements passés ou actuels, je voudrais souligner que ces derniers expriment surtout, non pas des engagements personnels et conjoncturels, mais des convictions ancrées, partagées et intériorisées avec plus ou moins de bonheur par un large corps social et politique, par des acteurs engagés instruits par des expériences historiques heureuses ou malheureuses sous le régime colonial ou dans les facettes successives de l’Algérie indépendante.

Ces convictions de base, confirmées, remodelées et enrichies par les expériences collectives, je me suis souvent efforcé au fur et à mesure de les soumettre aux échanges, que ce soit avec mes compagnons de lutte nationalistes ou communistes partageant le même idéal ou avec l’éventail plus large de mes compatriotes de progrès dans leur diversité idéologique. Mon article au Soir d’Algérie d’il y a cinq ans à propos du militaire et du politique (L’ARMEE, LA DEMOCRATIE POLITIQUE ET LA SOCIETE), remis en ligne aujourd’hui, est un des jalons qui me parait avoir de fortes résonances avec les préoccupations actuelles liées à la vaste opération d’encerclement et de remise en cause de tous les acquis des luttes mémorables du peuple algérien depuis près de deux siècles.

Ce qui a été à mon avis le fil conducteur des prises de conscience les plus bénéfiques depuis les années quarante du siècle dernier, même si pour des raisons multiples elles sont restées en deçà de leur prise en charge massive par les générations militantes, c’est l’exigence suivante, toujours renaissante : le besoin permanent, comme une respiration irrépressible, de démocratie pour le mouvement de libération nationale, politique, économique, sociale et culturelle. Comme le soulignait la brochure collective "L’Algérie libre vivra" en 1949, la Démocratie sociale et politique est à la fois le moyen (levier puissant d’union et de mobilisation) et le but suprême de l’émancipation nationale et humaine. Proclamer ce besoin n’est que le début du long chemin pour le promouvoir et le défendre dans immédiat et le plus long terme. C’est la pierre de touche de tout projet et entreprise : voila qui nous remet en plein dans la grave conjoncture algéro-méditerranéenne et saharo-sahélienne.

HS, 27 janvier 2013


À GAUCHE, TOUT LE MONDE N’A PAS PERDU LA TÊTE !

par M. Saadoune
le 26 Janvier 2013
Le Quotidien d’Oran
éditorial

Samir Amin, économiste marxiste, a publié un texte alambiqué où l’on comprend que les islamistes, toutes tendances confondues, seraient une création des Occidentaux… et il aboutit à la conclusion qu’il faut soutenir l’intervention occidentale et donc française au Mali. Des présupposés à la hauteur de la conclusion ! Et comme il faut bien quelques précautions de style, le ci-devant chantre du tiers-monde précise que cette intervention n’apportera pas la « réponse qu’il faut à la dégradation continue des conditions politiques, sociales et économiques non seulement du Mali mais de l’ensemble des pays de la région ».

Cette prise de position, à laquelle rien n’obligeait en apparence l’économiste basé à Dakar, est bien entendu applaudie en Occident par les néoconservateurs de tous bords et les anti-islamistes sans nuances. De la droite extrême à la social-démocratie coloniale en passant par le communisme anti-arabe.
La posture procède directement du référentiel idéologique de la laïcité à la française, celle de l’anti-islamisme primaire.
Quand on schématise des réalités complexes et que l’on semble admettre que la contradiction principale au Mali opposerait la démocratie incarnée par le régime de Bamako à un mouvement théologique représenté par les mouvements touaregs et les organisations islamistes, on prend la responsabilité de souscrire à un processus de recolonisation.
S’il n’est pas question d’occulter les menaces posées par des groupes djihadistes - qui n’ont pas de cause réelle mais servent objectivement des drapeaux multiples -, il convient de s’interroger sur les enjeux réels du désastre malien, un État gravement déstabilisé depuis des années et méthodiquement placé dans une impasse empoisonnée.

L’appui apporté par Samir Amin à cette entreprise laisse d’autant plus perplexe qu’en France même, hors un unanimisme de façade, il ne manque pas d’hommes politiques et de penseurs pour contester l’argumentaire bateau que l’économiste franco-égyptien reprend avec un zèle étonnant.
Qu’un intellectuel se réclamant de l’héritage de Fanon puisse se sentir obligé de se mettre publiquement dans la même tranchée que des forces étrangères dont le rôle sur le continent est éloquent ne manque pas de surprendre. Mais confirme la stérilisation de la pensée et la perte de sens de nombreux intellectuels africains et arabes « matérialistes » dépassés par les évolutions de leurs sociétés.

Le hasard - agréable - a voulu qu’au moment même de la sortie de l’étrange épître de Samir Amin, l’Algérien Sadek Hadjeres, militant de gauche au long cours, livre une analyse (sur le site électronique de La Nation) d’une remarquable limpidité qui se nourrit d’une trajectoire militante, concrète.
Un regard qui puise sa force dans l’expérience réelle et historique des luttes anticoloniales et sociales des Algériens.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’on retrouve entre Sadek Hadjeres et Samir Amin la même distance que celle qui sépare l’ancien secrétaire général du PAGS des idéologues de l’éradication responsables de l’annihilation de l’organisation communiste algérienne.
Face à ce qu’il faut bien appeler une guerre civile malienne, entretenue de l’extérieur, Sadek Hadjeres pose un regard réfléchi formé par l’expérience concrète des luttes anticoloniales.

On sort ainsi des contorsions théoriques aussi abstraites qu’inconsistantes pour confronter le réel…
Non à gauche, tout le monde n’a pas perdu la tête !



Voir en ligne : http://www.lequotidien-oran.com/?ne...


FORUM

Message
• INTERVENTION AU MALI : UN DÉBAT NÉCESSAIRE
27 janvier 07:52, par saci belgat

« Réaction à chaud versée sur facebook »
Cet article renforce la réponse succincte faite par Saoudi Abdelaziz, mais cela reste encore insuffisant eu égard à la complexité de la question et de ses enjeux. En somme, il est appelé à chacun de ceux et celles que la question interpelle de se saisir de leur clavier.

Sans verser dans l’invective tout en soulignant notre désaccord avec Samir Amine, il reste un éminent chercheur de gauche, vivifiant débatteur et producteur intellectuel de gauche comme Sadek Hadjeres.

Si S. Hadjeres a cette perspective clarté c’est qu’en plus de ses qualités intellectuelles indéniables, il a la visibilité des luttes acquises dans une vie de lutte au service de son pays, de son peuple et de la cause du communisme Marxiste.

Est-ce pour autant et qu’on se sente obliger de pourfendre tous ceux qui expriment un désaccord sur cette question et partant d’autres. Assurément non, d’autant que le Marxisme n’admet pas les raccourcis, il est vivant parce qu’il procède de l’analyse concrète d’une situation concrète. Donc de cette alchimie entre la praxis et la réflexion, la science. J’aurais à me prononcer sur cette polémique non pas pour répondre à Samir Amine, il ne sait même pas où je crèche, pour s’en soucier un instant de ma modestie contributive.

Revenons à l’ex PAGS, il est vrai que des courants ont existé et existent encore- dès les années 1980- avec ce qu’on a appelé le glissement "sémantique" à droite. Nous n’avons pas saisi les changements qui ont commencé à s’opérer chez nous, dans le monde et bien sûr dans le mouvement communiste international et l’URSS en particulier. Depuis de l’eau a coulé sous les ponts et des bateaux ont sombré.

Aujourd’hui réduire la confrontation entre l’axe occidental impérialiste et les pays du sud à la question de la laïcité c’est faire preuve de myopie – le mouvement réactionnaire salafiste et ses sectes barbares est une réalité- lutter contre, y compris par la voie armée comme l’a fait l’ANP est une exigence

– Trouver des alliances d’intelligences y compris au sein même du monde occidental est une nécessité de la lutte et des rapports de force- se mettre à la remorque du bienpensant « système monde » pour des raisons de conforts c’est une erreur. C’est justement là où mes amis de la double rupture se sont arrêtés dans le diagnostic, ils analysent et prennent conscience de la fièvre, de sa gravité et non pas de sa source. Cette halte, fait prendre à certains conscience de leur éloignement du communisme et ils divorcent tant mieux ou tant pis, d’autres s’accrochent sans oser fondre l’armure – divorcer avec l’une ou l’autre –

D’aucuns se réfugient astucieusement dans Gramsci, comme si ce penseur hors pair aurait eu une quelconque distance avec la pensée Marxienne- c’est un casse-tête chinois avant d’être celui du communisme.
Faut-il à tout prix forcer les lignes et les rapprocher artificiellement où laisser faire le temps, les luttes et la production intellectuelle pour enfin retrouver collectivement le sens de l’histoire.

La question nous traverse- donnons le temps au temps tout en continuant à lutter pieds à pieds contre la bourgeoisie compradore- lien gordien entre les deux axes de la domination et de la régression- l’axe occidental impérialiste et les mouvements salafistes insurrectionnels réactionnaires.


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