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LA NOBLE JUIVE RATTRAPE LES OUBLIS DE HAROUN ET STORA

lundi 19 mars 2012

Chiricahua redouble de férocité. « Quelle beauté d’âme ! Quelle hauteur ! Voilà pourquoi et par qui cette émission télévisée a été sauvée de la médiocrité, de la lâcheté et de l’ennui ». Le chroniqueur rapporte le débat de France2 à propos de la Guerre d’Algérie, précisant que le sauveur, Danielle Michel-Chich, est d’origine juive algérienne.

LA DAME DE COEUR

Le dimanche 11 mars 2012, les Algériens et les Français ont pu suivre sur la chaîne publique de télévision “France 2” un documentaire sur la guerre d’Algérie intitulé « La déchirure ». Le film, compilation d’archives cent fois vues et revues (sauf qu’elles ont été colorisées pour l’occasion), affublé d’un commentaire expéditif, est attribué à Gabriel Le Bomin et Benjamin Stora. Le commentaire est lu par l’acteur Kad Merad. Après la projection, un débat a rassemblé autour du journaliste de la chaîne, les historiens B. Stora et J.J. Jordi, un ancien dirigeant de la Fédération de France du Fln, Ali Haroun et une écrivaine, Danielle Michel-Chich pour son livre « Lettre à Zohra D. »

Disons-le tout net : le débat aura surtout mis en exergue le silence craintif de ceux qui étaient à même de redresser les « oublis du commentaire » -qui mériterait bien d’être écrit en deux mots : comment taire- ou de répliquer aux sous-entendus révoltants de J.J. Jordi qui a repris honteusement la thèse raciste d’une violence « déjà présente avant la conquête chez les habitants de l’Algérie ». [Puisque M. Jordi est d’ascendance espagnole, quelqu’un aurait pu lui rétorquer que c’est cette même thèse raciste qui est brandie de temps à autre pour stigmatiser les Espagnols et leur violence soi-disant « congénitale ».] Et qui était le mieux placé pour ce faire sinon le représentant du Fln, Ali Haroun, et « the » spécialiste (médiatique) de la guerre d’Algérie, homme de gauche de surcroît, B. Stora ?

Pourtant, quand le film aborda l’inévitable épisode de la soi-disant « bataille d’Alger », il passa sous silence le fait que si les Algériens avaient entrepris de placer des bombes dans des lieux publics, c’était en riposte à l’attentat à la bombe commis dans la Casbah, par des policiers de haut rang, à l’abri du couvre-feu, donc avec la complicité de l’armée qui bouclait ladite Casbah.
Cet attentat, dit de la rue de Thèbes, avait provoqué la mort de 73 personnes, hommes, femmes, vieillards, enfants tous surpris dans leur sommeil.

Ce que le chroniqueur Yves Courrière disait déjà en 1969 (in « La guerre d’Algérie », 4 tomes) : à savoir que l’attentat de la rue de Thèbes avait été préparé et exécuté par le comité dit des « Quarante », groupe d’ultras et de factieux sanguinaires à l’image d’André Achiary, l’un d’entre eux, et dont certains faisaient d’ailleurs partie du staff de Robert Lacoste (le ministre-résident et néanmoins social-démocrate guillotineur) ; ce qui est aujourd’hui un fait historique documenté et avéré, pourquoi le film le passe-t-il sous silence ? Et pourquoi ni Stora ni Haroun n’ont-ils eu le courage de simplement le rappeler ?

De même, quand le film aborda le massacre d’El Halia (village de mineurs près de Skikda, 20 août 1955) au cours de la jacquerie organisée par Youcef Zighoud (chef de la wilaya 2, Nord-Constantinois), pourquoi les deux sus-nommés n’ont-ils pas rappelé la condamnation de cet acte sauvage par le chef de l’Insurrection, Abane Ramdane, qui avait écrit, alors, dans un tract qu’ « une révolution véritable ne s’attaque pas aux femmes et aux enfants » ?
Pourquoi Haroun -en sa qualité d’ancien responsable Fln- n’a-t-il pas le courage de condamner, à 57 ans de distance, une action barbare qui jette l’opprobre sur la légitimité même de la cause qu’elle prétend défendre ?
On répondra que cette région vivait avec le souvenir brûlant de la grande tuerie du 8 mai 45 (dans laquelle s’était illustré Achiary).
Justement : laissons aux Achiary et consorts, aux généraux de la conquête, à l’armée française en campagne le privilège de la flétrissure éternelle qui s’attache aux grands crimes.
Ne peut-on comprendre que c’est en commettant de pareils actes que l’on perd son âme et que l’on est ensuite renvoyé dos-à-dos avec les criminels d’en face -ce qui permet d’escamoter subrepticement la question de la légitimité de la lutte ?
On pouvait également rappeler que sur les 123 morts que fit l’attaque du village, 71 étaient des Européens. Mais 52 étaient des Algériens. Qui a ordonné de les tuer et pourquoi ?

On pourra réitérer les mêmes critiques et décliner le même argumentaire à propos d’un autre événement terrible de cette guerre : le massacre dit de Mélouza, une mechta supposée acquise à Messali, que des hommes du Fln investirent et dont ils tuèrent tous les habitants : plus de 300 morts.
Ordre en a été donné par Mohammedi Saïd (colonel, chef de la wilaya 3, Kabylie). Ce dernier deviendra, des années après, l’un des chefs du FIS et revendiquera fièrement son massacre en 1991.
Ni le Fln ni le Fis n’ont été gênés par un tel personnage, espion des services de renseignement allemands, l’Abwehr, envoyé en Algérie en 1944, avec mission de renseigner et de saboter.

Un autre silence -du commentaire ainsi que des invités- non moins éloquent a trait à l’attentat contre Soustelle. Ali Haroun a perdu là l’occasion de dire que si le Fln de Abane avait prononcé une condamnation à mort contre Soustelle, c’est parce qu’il le tenait pour auteur d’une directive donnée à l’armée de pratiquer le viol systématique sur les femmes indigènes. L’anthropologue qu’il était a imaginé que le procédé dissuaderait les hommes de prendre les armes, au risque de perdre leur honneur.
Abane avait répliqué par une intelligente campagne d’action psychologique en direction des régiments de Tabors marocains et de Tirailleurs sénégalais (qui officiaient dans les Aurès), faisant valoir qu’ils violaient leurs propres sœurs ou leurs mères.
L’action porta ses fruits et les Tabors rechignèrent à participer aux opérations, puis exigèrent de rentrer chez eux. Le commandement les déclara « peu sûrs » et renvoya chez eux Tabors et Sénégalais.
On peut faire remarquer en passant, s’agissant de Soustelle, qu’au début de son mandat de gouverneur général, il était proche des idées de réformes nécessaires défendues par Germaine Tillon et Vincent Monteil ; il avait même fait d’eux ses conseillers au GG. On dit que c’est le spectacle du carnage d’El Halia qui l’a fait basculer dans le camp des ultras. À bon entendeur...

Pour la bonne bouche tout de même, le mot de la fin. Il appartient à la quatrième personne invitée, Mme Danielle Michel-Chich. Cette dame a été victime -elle avait cinq ans- de la bombe du Milk Bar, où sa grand-mère l’avait emmenée déguster une glace. L’enfant y perdra une jambe. La machine infernale avait été déposée par Zohra Drif, fille de la grosse bourgeoisie rurale, étudiante en Droit.
Danielle Michel-Chich s’adresse dans son livre à celle qu’elle ne connaissait pas, qui ne la connaissait pas mais qui a désormais quelque chose en commun avec elle. L’horreur ? La guerre ? La haine ? Vous n’y êtes pas. La réponse est : l’insoumission. Deux femmes insoumises dans le miroir de la reconnaissance.
Quelle beauté d’âme ! Quelle hauteur ! Voilà pourquoi et par qui cette émission télévisée a été sauvée de la médiocrité, de la lâcheté et de l’ennui.
Par celle qui n’a pas craint, quant à elle, de rappeler que l’attentat de la rue de Thèbes a été le déclencheur de la bataille des bombes. Il reste un dernier détail à noter qui a son importance : Danielle Michel-Chich est d’origine juive algérienne.

Chiricahua, 17 mars 2012. Le Courrier du Courroux. Chiricahua-overblog

Repris sur le bloh algerieinfos, le 18 mars 2012


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