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GRÈCE - LES ÉVOLUTIONS POLITIQUES

jeudi 3 septembre 2015


LA CRISE, LE PEUPLE GREC ET LES RESPONSABILITÉS DU GOUVERNEMENT DE SYRIZA - ESSAI SUR LES ÉVOLUTIONS POLITIQUES EN GRÈCE -Aliki Papadomichelaki - le 25 août 2015 ;


L’AVENIR DE LA GRECE (ET DE L’EUROPE) N’EST PAS ÉCRIT - Francis Wurtz - L’Humanité Dimanche - le 27 août 2015 ;


GRÈCE - STATHIS KOUVELAKIS : « AUCUNE ILLUSION SUR LE CARCAN DE L’EURO » - Entretien réalisé par Thomas Lemahieu - le 27 Août, 2015 - L’Humanité ;


SOCIAL DEMOCRACY OR REVOLUTIONARY DEMOCRATY - Syriza and Us- Michael A. Lebowitz - le 2 août 2015 ;


GRÈCE : POURQUOI LA CAPITULATION ? UNE AUTRE VOIE EST POSSIBLE - VIDÉO - Eric Toussaint - CADTM - 23 août 2015 ;


ATHÈNES EST DEVENU UN THÉÂTRE DE L’ABSURDE - Le Monde Débats le 28 août 2015 - Monde des Idées - par Maria Negreponti-Delivanis (ancienne conseillère de l’OTAN et de l’OCDE) ;


L’ÉCHEC DE LA RIGUEUR : LES 8 PLANS D’AUSTÉRITÉ GRECS - Le blog de Jean-Luc Mélenchon ;


L’AVENIR DE LA GRÈCE (ET DE L’EUROPE) N’EST PAS ÉCRIT !

Francis Wurtz
L’Humanité Dimanche

Le 13 Juillet noir de la Grèce a vu l’ambition transformatrice du gouvernement Tsipras se fracasser sur le « Bloc des durs » -qui concentre aujourd’hui l’essentiel du pouvoir européen- et leur bras armé : la Banque centrale européenne.
Ce terrible revers -même si les objectifs finaux d’un Schaüble n’ont pas été atteints- suscite naturellement une immense déception dans la gauche européenne.
L’expérience de Syriza était la première brèche ouverte par un gouvernement dans la forteresse austéritaire européenne.
Le courage des dirigeants grecs dans l’interminable bras de fer avec « les institutions » a forcé notre admiration. Leur loyauté exemplaire à l’égard des citoyens a nourri notre confiance. L’impressionnante dignité du peuple grec a dopé nos espoirs. La désillusion est aujourd’hui à la mesure de cette espérance.

Dans ce contexte douloureux, les opinions les plus diverses sinon contradictoires s’expriment sur les causes de cette issue malheureuse.
Certaines d’entre elles se concentrent sur les dirigeants grecs, et notamment le premier d’entre eux, accusé d’avoir capitulé, quitte à sacrifier son peuple.
Comment expliquer alors qu’il continue de bénéficier d’une large confiance de la part de ses concitoyens ? Ne serait-ce pas précisément en raison du respect qu’il leur témoigne en toute circonstance ?
D’abord, en leur donnant à voir l’ensemble des éléments de la situation, sans chercher à en émousser les contradictions ni à taire ses propres erreurs.
Ensuite, en les appelant à trancher les différends de fond qui ont surgi au sein de la majorité qu’ils ont élue.
Enfin, en restant fidèle au projet qu’il incarne depuis la victoire de Syriza : il s’est, en effet, engagé -comme aucun de ses prédécesseurs ne l’avait jamais fait- aussi loin que le lui permettent les rapports de force dans l’Europe d’aujourd’hui.

Justement : comment les faire bouger, ces rapports de force en Europe ?

Voilà un enjeu crucial pour qui nourrit l’ambition de réorienter (pour de bon) la construction européenne en vue de sa refondation. À cet égard, certains courants de la gauche européenne devraient coûte que coûte dépasser la vision -illusoire et coûteuse- du « il n’y a qu’à », sous peine de négliger des exigences incontournables pour élargir pas à pas les marges d’action favorables qui nous font cruellement défaut aujourd’hui.
Ainsi, la question qui mérite avant tout d’être débattue, à gauche, me semble être : sommes-nous au niveau requis en matière de bataille politique -permanente et de haut niveau- dans chaque société sur les enjeux européens (sans simplification outrancière) ?
Et surtout : notre stratégie de rassemblement, de recherche d’alliés, de construction de convergences -y compris sur le plan européen- est-elle suffisamment audacieuse ? Pour faire bouger le molosse, il faut faire le poids : en nombre, en diversité de sensibilités et en intelligence politique des citoyens.

Et c’est possible ! La crise de légitimité de l’actuelle « Union » est de plus en plus profonde. L’attitude de ses actuels « patrons » vis-à-vis de la Grèce a scandalisé de larges secteurs de nos sociétés, bien au-delà des forces de progrès traditionnellement engagées dans le combat pour changer l’Europe !

Les gens en recherche d’Europe solidaire sont légion.
Voilà pourquoi l’avenir de la Grèce, et de l’Europe, n’est pas écrit. C’est le moment, à gauche, de reprendre l’initiative.

27 aout 2015
Sources Le blog de Francis Wurtz

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GRÈCE. STATHIS KOUVELAKIS :
« AUCUNE ILLUSION SUR LE CARCAN DE L’EURO »

Entretien réalisé par Thomas Lemahieu
Jeudi, 27 Août, 2015
L’Humanité


Patrick Nussbaum

Membre de la direction d’Unité populaire, Stathis Kouvelakis détaille, pour l’Humanité, les grands axes programmatiques du parti créé par les dissidents de Syriza en vue des élections de septembre.

Athènes (Grèce), envoyé spécial.

Quel est le point de non-retour au sein de Syriza qui vous conduit aujourd’hui à créer un nouveau parti, Unité populaire ?
Stathis Kouvelakis. C’est à la signature de l’accord du 13 juillet. La fracture était apparue avant, quand, en l’espace de quelques jours, le « non » du référendum a été transformé en « oui » et quand le gouvernement grec est allé négocier à Bruxelles avec un mandat qui signifiait de fait l’acceptation du cadre austéritaire.
Mais c’est la signature par Alexis Tsipras de l’accord qui a ouvert le processus conduisant à la scission de Syriza - il faudrait d’ailleurs parler plutôt de désintégration de Syriza.
Il y a eu ensuite les deux votes au Parlement sur les deux paquets de mesures préliminaires à l’accord, puis celui sur le mémorandum qui est venu sceller la rupture.

Le gouvernement Tsipras a signé le mémorandum sans jamais, à aucun moment, obtenir l’approbation d’une quelconque instance de Syriza.
Alexis Tsipras ne peut pas se réclamer d’un seul texte, d’une seule décision qui l’autorisent à faire ce qu’il a fait ; au contraire, les rares fois où le Comité central s’est réuni depuis que Syriza est au pouvoir, il a pris des décisions qui, toutes, allaient dans le même sens : en aucun cas, nous ne signerons un mémorandum. « Tout sauf ça ! »

Et ce qui est arrivé, c’est précisément ce qui était en principe totalement exclu.
Autant la coexistence dans un même parti de courants, de sensibilités ayant des désaccords, y compris sur la question de l’euro, était possible tant que l’objectif central du renversement des mémorandums était maintenu, autant la coexistence dans un même parti de tenants de la signature d’un mémorandum et d’opposants ne l’était pas.

Quand Alexis Tsipras a décidé d’accepter un mémorandum, il prenait dans le même geste la décision de dissoudre son parti !

Avez-vous rassemblé tous les parlementaires de Syriza qui se sont prononcés contre le nouveau memorandum ? Avec les vingt-cinq députés, au départ, d’Unité populaire, le compte n’y est pas, si ?
Stathis Kouvelakis. Lors du vote, il y a eu 32 « contre » et 17 votes « présent » - ce qui, dans le système parlementaire grec, n’équivaut pas exactement à une abstention, c’est très proche d’un vote « non »... Ceux que nous n’avons pas encore rassemblé, c’est Zoe Konstantopoulou, la présidente du Parlement qui occupe encore ses fonctions institutionnelles, mais qui ne va pas tarder à nous rejoindre, et trois députés du courant maoïste KOE de Syriza avec lesquels nous sommes en discussion. Puis il y a Yanis Varoufakis qui, lui, ne nous viendra pas car nos positions sont trop éloignées.

De manière plus large, Unité populaire n’est pas un parti, c’est un front qui rassemble une dizaine de composantes. Certaines sont issues de Syriza, d’autres ont fait partie de Syriza dans le passé ou y ont collaboré, d’autres encore viennent de l’extrême gauche comme des courants de la coalition Antarsya.
Au fond, Unité populaire est assez proche de ce que la coalition Syriza a été jusqu’en 2013, avant de se fondre dans un seul parti. C’est une formule à laquelle nous tenons : nous sommes un front politique, avec le pluralisme, avec le respect des différences, avec l’accent mis sur l’auto-organisation.
Notre objectif est d’assurer la structuration politique du « non » qui s’est exprimé lors du référendum le 5 juillet et qui a été majoritaire de façon écrasante dans la jeunesse comme dans les catégories ouvrières et populaires. Nous voulons construire par en bas des comités larges et ouverts. Bien entendu, nous attendons que des militants, des individus, des personnalités politiques nous rejoignent également...
On pourra ne pas être d’accord sur tous les points du programme, mais le cœur, c’est bien de considérer que la rupture avec les mémorandums est indispensable, que ça implique une confrontation avec l’Union européenne, même si, quant aux moyens à utiliser dans cette confrontation, il peut y avoir des points de divergence.
Mais il est très clair que nous tirons tous la leçon de l’échec stratégique de Syriza et que nous avons une approche alternative pour ne pas aboutir à la même capitulation.

En tant que troisième groupe au Parlement grec, la Constitution grecque donne à Unité populaire un « mandat exploratoire » pour tenter de former un gouvernement. Comment utilisez-vous cette phase qui va s’achever ce jeudi ?
Stathis Kouvelakis. Nous cherchons à utiliser les trois jours qui nous sont donnés pour montrer quelle est notre manière de concevoir la politique.
Notre mot d’ordre, c’est la parole aux forces sociales, et nos propositions vont dans le sens d’une démocratisation institutionnelle.
Premièrement, Panayiotis Lafazanis rencontre de façon thématique les représentants de forces sociales particulièrement affectées par les divers aspects du memorandum et en première ligne des combats contre le memorandum et ses effets : ce sont les syndicats de salariés et de retraités lourdement affectés par les coupes à venir sur les pensions et par la liquidation des droits sociaux restants, ce sont les campagnes citoyennes contre les privatisations, ce sont les agriculteurs, les pécheurs, etc. L’idée, c’est de montrer que, pour nous, la politique, ce n’est pas simplement des conciliabules avec des représentants des partis. La politique se fait avec les forces sociales, avec les mobilisations.
Deuxièmement, nous faisons des propositions institutionnelles : pour aller dans le sens de la démocratisation, on veut supprimer le bonus de 50 sièges donné au parti qui arrive premier lors des élections, conformément à un engagement électoral de Syriza – c’était l’une des mesures phares de Syriza, pas respectée comme les autres -, et nous proposons d’appuyer la discussion que Zoe Konstantopoulou tente de lancer au Parlement sur les réparations de guerre allemandes pour permettre au Parlement de continuer son travail jusqu’au bout.

Vous avez critiqué durement l’appel aux urnes d’Alexis Tsipras... Pour quelles raisons ?
Stathis Kouvelakis. Ce que nous critiquons, c’est le fait de faire des élections express ! C’est assez classique pour essayer de prendre de court ses adversaires, mais Tsipras a fait quelque chose qu’aucun parti systémique n’avait osé faire jusque là, c’est aller vers des élections en plein mois d’août, alors que, dans un pays comme la Grèce, les gens sont en vacances, précisément à ce moment-là... Ce qui réduit d’autant plus la campagne électorale. Le but de la manœuvre est extrêmement clair : il s’agit d’aller aux urnes le plus vite possible avant que les impacts concrets du mémorandum ne se fassent sentir dans la population.

Quels sont les éléments saillants du programme d’Unité populaire ?
Stathis Kouvelakis. La rupture avec le mémorandum et avec les politiques d’austérité est déterminante. Nous voulons annuler les mémorandums, comme Syriza l’avait promis. Nous voulons rompre avec les objectifs des excédents budgétaires. Nous comptons cesser immédiatement le remboursement de la dette et négocier pour l’annulation de sa plus grande partie, mais sur ces bases !
Aucun redressement n’est possible pour la Grèce tant que le pays est saigné pour rembourser cette dette. L’une des erreurs majeures du gouvernement Syriza, c’est qu’il a continué à rembourser la dette : 7 milliards d’euros se sont envolés entre janvier et juin, les caisses publiques se sont totalement vidées.
Et puis, nous ne nous faisons aucune illusion quant à la compatibilité d’un programme de rupture dans le cadre de l’euro.
Donc, en cas d’intransigeance des institutions, avec les restrictions de l’accès aux liquidités décidées par la Banque centrale européenne (BCE), nous retournerons à la monnaie nationale. La phase de transition présente certes des difficultés, mais aussi des opportunités importantes pour la relance et pour une politique économique qui aille dans le sens de la justice sociale et environnementale.

Vous évoquiez « l’intransigeance » des institutions... Sur la sortie de l’euro, êtes-vous tous d’accord au sein d’Unité populaire ?
Stathis Kouvelakis. Oui, nous pensons qu’il faut nous préparer pour la sortie de l’euro. C’est absolument clair !
Le programme d’Unité populaire est finalisé, il sera rendu public à la fin de la semaine.

La préparation de la sortie de l’euro est un point fondamental. Cette question comporte plusieurs aspects.
Le premier, c’est évidemment la récupération de la souveraineté politique dans le cadre où un gouvernement se retrouve confronté à la sainte-alliance de toutes les puissances néolibérales. Dépourvu de l’outil monétaire, on l’a vu, nous sommes pris en otage par la BCE. Syriza l’a subi dès le 4 février...
Deuxièmement, c’est un moyen pour permettre le redémarrage économique en assurant l’approvisionnement en liquidités.
Ensuite, c’est un moyen extrêmement important sur la question de la dette : en passant par la monnaie nationale, la dette devient quasiment impayable, personne ne va accepter le remboursement d’une dette qui se retrouve libellée en une monnaie nationale. Cela nous place en position de force.
Enfin, la dévaluation permet de relancer vigoureusement la croissance : tous les pays qui se sont retrouvés dans une situation de récession profonde n’ont pu redémarrer économiquement qu’avec une dévaluation monétaire. Le choix est simple, en réalité : c’est soit une dévaluation monétaire, soit la dévaluation interne, c’est-a-dire les plans d’ajustement structurel qui sont imposés pour faire baisser les salaires et les retraites, et qui écrasent le coût du travail. C’est sûr que la dévaluation monétaire crée un certain nombre de problèmes, mais elle crée aussi des opportunités : elle booste la production nationale, elle permet une substitution des importations par les exportations, elle rend les exportations plus compétitives... Certes elle peut être problématique là où il faut payer en devises fortes : les carburants, l’énergie, certains médicaments qui sont nécessairement importés – mais pas tant que ça, par parenthèse, la production nationale peut assurer une bonne partie... Tout cela ouvre des difficultés transitoires.

Mais, en réalité, on le voit avec les économistes hostiles au néo-libéralisme, que ce soit Krugman ou Stiglitz, que ce soit Aglietta ou Lordon en France, le débat est tranché : le meilleur choix possible pour la Grèce, le seul viable en réalité, disent-ils, c’est le retour à une monnaie nationale, dans le cadre, bien sûr, d’une politique progressiste de relance qui peut gérer les problèmes. Il y aura des pressions inflationnistes, mais un gouvernement de gauche peut protéger les salaires dans ce contexte...

Dans votre programme, la Grèce sort de l’euro, mais quitte-t-elle l’Union européenne ?
Stathis Kouvelakis. Non, pas nécessairement. La question est susceptible de se poser, mais ce n’est pas automatique. Après tout, il y a dix pays de l’Union européenne qui ne sont pas dans l’euro. Ce n’est pas tranché pour nous...
Ce que notre programme prévoit si la confrontation devait aller plus loin, c’est d’aller vers un référendum. Le gouvernement britannique le prépare, avec une orientation politique tout à fait éloignée de la nôtre, mais nous ne voyons pas pourquoi on ne pourrait pas se poser la question de notre côté.
Mais le départ de l’Union européenne ne fait pas partie des objectifs d’Unité populaire.

Ces derniers mois, face aux prétentions du gouvernement grec, les cercles néolibéraux ont manifesté une détermination phénoménale, ils paraissaient prêts à détruire totalement l’économie du pays. En cas de dévaluation, par exemple, avec les effets attendus sur la dette, comment parer les foudres de tels adversaires ?
Stathis Kouvelakis. La conclusion que nous tirons de l’expérience du gouvernement Syriza, qui a été confronté immédiatement au blocus et à la guerre déclenchée par les institutions européennes, c’est qu’il faut faire preuve d’une détermination au moins équivalente. C’est précisément là que le gouvernement Syriza a échoué : il n’a pris aucune mesure d’auto-défense.
C’est dans ce cadre que nous concevons le retour à la monnaie nationale. Ce moyen va nous aider dans le cadre du remboursement de la dette car il nous place en position de force pour obtenir de la part des créanciers l’annulation de la plus grande partie de la dette.
Nous voulons un compromis de cette nature, comme cela s’est passé dans tous les pays surendettés, je pense à l’Argentine, à l’Equateur...

Nous considérons qu’il est indispensable de récupérer la souveraineté monétaire dans le cadre du rétablissement démocratique de la souveraineté populaire, et absolument pas dans une perspective de repli nationaliste...
Notre démarche est profondément internationaliste. Nous ne racontons pas des salades, comme l’a fait Syriza : nous ne disons pas que nous allons convaincre les autres Européens, nous n’avons pas d’illusions sur le fait que Hollande ou Renzi ou je ne sais qui vont nous aider dans l’Union européenne.

Nous comptons sur la mobilisation du peuple grec, sur la sensibilisation de l’opinion publique européenne, sur la solidarité internationale des mouvements sociaux. Les véritables alliés pour nous sont là !

Vous ne voyez aucun allié institutionnel en Europe ?
Stathis Kouvelakis. Non, pas en Europe ! On peut en trouver ailleurs... C’est une autre dimension.

À ce propos, vous semblez vouloir instituer des relations fortes avec d’autres Etats ailleurs sur la planète afin de couvrir les besoins de financement de la Grèce. Mais ce qu’il se dit dans le gouvernement Tsipras, encore aujourd’hui, c’est que ces tentatives ont été faites, mais qu’elles n’ont pas pu aboutir... C’est faux ?
Stathis Kouvelakis. Alors, d’abord, tout n’a pas été négatif dans ce que le gouvernement Syriza a réalisé. Le fait que, dans de larges secteurs de la population grecque, la réalité de ce qu’est l’Union européenne apparaisse, c’est le gouvernement Syriza avec sa stratégie erronée qui l’a rendu possible.
La bataille du référendum a permis une forte mobilisation populaire et une avancée déterminante dans les termes du débat, c’est aussi au gouvernement Syriza qu’on la doit. Tout ça aboutit à une défaite, mais il faut bien voir le chemin qui a été parcouru.

Alors, dans les tentatives que le gouvernement a faites, il y a eu effectivement des ouvertures vers certains pays, mais nous sommes restés bloqués à mi-chemin. Vis-à-vis de la Russie, en particulier, l’attitude a été hésitante : des démarches ont été entreprises, mais au moment crucial, le gouvernement Syriza n’a pas donné suite.

À quel moment ?
Stathis Kouvelakis. Lors du tournant critique du référendum.
L’accord pour le gazoduc, obtenu par Panayiotis Lafazanis qui était ministre à ce moment-là, est extrêmement favorable. Lafazanis a eu la marge politique pour faire ce geste important, les contacts se sont poursuivis. Mais il faut savoir que les Russes ne savaient pas, au fond, ce que les Grecs voulaient. Ils étaient extrêmement méfiants car ils avaient l’impression que ces gestes d’ouverture de la Grèce étaient utilisés comme une carte dans la négociation avec les institutions européennes, comme un outil de com’. Les photos avec Poutine servaient de moyens de pression, mais tout ça restait très superficiel, et ça n’allait pas, ils le sentaient, être suivis d’engagements concrets. Et ils n’aiment pas qu’on joue avec eux.

Donc, si la Grèce sortait de l’euro, trouveriez-vous des financements à la hauteur nécessaire en dehors de l’Union européenne ?
Stathis Kouvelakis. Nous n’avons pas une vision eurocentrique. L’Europe, d’ailleurs, ne se limite pas à l’Union européenne. La Russie et la Turquie, par exemple, sont des réalités européennes.
L’Europe elle-même doit sortir des attitudes impérialistes et néo-coloniales vis-à-vis des autres pays du monde.
Et bien entendu, nous voulons développer les relations avec les gouvernements progressistes des pays du Sud, tout particulièrement en Amérique du Sud – c’est un choix stratégique d’Unité populaire -, mais aussi avec des puissances comme les Brics.
Tout cela, évidemment, dans des conditions qui soient favorables aux intérêts du peuple grec.
Développer les relations avec la Russie ou avec la Chine, ce n’est pas exactement la même chose, par exemple : la Chine, c’est vraiment le business et le commerce qui les intéressent. Nous, nous ne voulons pas des privatisations qui attirent les Chinois, mais en même temps, ils ont fait des ouvertures au niveau de la banque des Brics...
Avec la Russie, c’est autre chose car elle a une vision essentiellement géopolitique : pour elle, les intérêts économiques sont subordonnés à une vision géopolitique. Il est clair aussi que les relations avec la Russie ne signifient en aucun cas que nous considérons que Poutine est politiquement ou idéologiquement proche de nous. Ce sont des relations internationales...

Toujours sur votre programme, comment comptez-vous arrêter les privatisations ?
Stathis Kouvelakis. L’un des points-clés pour nous, c’est la nationalisation des quatre banques systémiques. C’est très simple et c’était un élément fort du programme de Syriza. Dans trois des quatre banques, le public est aujourd’hui majoritaire, mais ces droits demeurent muets et passifs car ce sont les conditions de la recapitalisation imposées par le mécanisme européen de stabilité monétaire. Nous sommes pour la désobéissance par rapport à ces règles et, donc, nous voulons prendre le contrôle immédiat de ces banques : en principe, c’est simple, il suffit d’activer les parts du public qui sont déjà là.
L’un des aspects les plus scandaleux du troisième mémorandum, c’est que 25 milliards d’euros vont être consacrés à la recapitalisation des banques et que ces 25 milliards, ce sont les premiers fonds issus de la braderie des ressources publiques grecques ! C’est un crime que le gouvernement Syriza a accepté de cautionner. Ces 25 milliards seront exclusivement consacrés au remboursement des prêts pour la recapitalisation à venir des banques.
Il faut mettre un terme à ce scandale et nationaliser les banques.

Nous sommes également favorables au retour dans la sphère publique des infrastructures essentielles pour le pays, c’est le cas des réseaux d’électricité, les ports, les télécommunications.

Pour nous, la relance passe par l’investissement public : tous les pays dans l’histoire du monde – et je ne parle pas des pays en transition vers le socialisme – n’ont pu redémarrer qu’avec un secteur public et des investissements publics qui ont servi de locomotives.
Nous ne croyons pas aux fariboles des investissements privés dans un pays bradé, avec des salaires de misère... Ce n’est pas comme ça qu’on va faire redémarrer l’économie grecque ! Et ce n’est surtout pas avec ces financements européens, très étroitement conditionnés : pendant les cinq années de la crise, ils n’ont absolument pas permis un quelconque redémarrage de l’économie.

Tout le monde sait que les objectifs de privatisation, en l’occurrence les 50 milliards d’euros exigés par les créanciers, sont parfaitement inatteignables et que, du coup, le pays ne pourra pas respecter de tels engagements... À quoi servent ces exigences ?
Stathis Kouvelakis. Cela sert à mettre le pays en coupe réglée. C’est une véritable entreprise de néo-colonisation, de liquidation de l’Etat grec en tant qu’Etat démocratique et souverain.
Le fonds de privatisation de 50 milliards est directement contrôlé par la troïka. Le conseil de politique budgétaire est composé de sept membres et quatre d’entre eux sont directement nommés par les quatre institutions : Fonds monétaire international (FMI), Commission européenne, BCE et Mécanisme européen de stabilité.
Ils ont le pouvoir de décider de coupes horizontales et automatiques en cas de dépassements budgétaires.
L’institut national de la statistique est également sous contrôle des institutions.
Le secrétariat général aux recettes fiscales devient une autorité complètement indépendante, mais en réalité, elle est sous la coupe des institutions, évidemment, et elle est susceptible de prendre des décisions qui ont valeur de décrets ministériels.

Le gouvernement, quel qu’il soit, n’a aujourd’hui plus aucun levier sous son contrôle. Ce qui signifie que l’on va beaucoup plus loin encore avec ce troisième mémorandum que tout ce qui avait été fait jusque là.

Comment vous expliquez cet acharnement contre le premier gouvernement de gauche radicale en Europe ?
Stathis Kouvelakis. Il y a eu une dimension punitive très claire. En brisant Syriza, on veut tuer toute tentative de rupture avec l’austérité. En même temps, il faut bien voir que la crise capitaliste actuelle n’est pas du tout terminée et que les classes dirigeantes semblent tout à fait disposées à aller vers un approfondissement des politiques d’austérité.
Là, une fois de plus, la Grèce sert de laboratoire : elle a été le cobaye pour la première étape austéritaire, mais maintenant, elle devrait servir de cobaye pour la deuxième étape d’agression encore plus violente des politiques austéritaires.
Syriza a été la riposte à la phase un de l’expérimentation austéritaire, Unité populaire est la réponse politique à la phase deux.

Vous faites irruption dans le paysage politique grec. A quel niveau fixez-vous votre ambition pour les prochaines élections ?
Stathis Kouvelakis. Si il y a bien un aspect de Syriza que nous entendons garder, c’est de tenir un langage compréhensible par la population, avoir comme objectif d’être majoritaire sur un programme simple mais radical qui réponde vraiment aux urgences et aux besoins, et être en mesure d’offrir une alternative applicable.
C’était un point fondamental de Syriza : faire de la politique de masse, pas faire de la politique de petits groupes, pas faire de la politique sectaire, pas faire de la politique cantonnée à la protestation.

Il est tout à fait possible qu’Alexis Tsipras et Syriza remportent les prochaines élections. Sans faire de politique-fiction, ils pourraient toutefois ne pas atteindre la majorité absolue. Est-ce qu’au cas où, de votre côté, vous réussiriez votre percée électorale, vous pourriez encore gouverner ensemble ?
Stathis Kouvelakis. Les mémorandums sont comme le dieu Moloch, ils demandent des sacrifices de plus en plus importants.
Avant Syriza, les mémorandums avaient déjà détruits deux gouvernements. Ils ont anéanti le Pasok, un parti autrement plus solide et mieux implanté dans la société grecque que Syriza, qu’ils ont transformé en groupuscule. Ils ont détruit en bonne partie la Nouvelle démocratie. Le troisième memorandum va détruire Syriza, c’est d’ailleurs très largement en cours : la démission du secrétaire général, ces derniers jours, est un symptôme éclatant, tout de même.
Donc, les gens qui pensent que l’instabilité politique est terminée en Grèce se trompent lourdement. Un nouveau cycle s’ouvre grâce à Unité populaire qui permet aux secteurs populaires et aux mouvements sociaux hostiles aux memorandums de trouver une traduction politique.
De ce point de vue, notre stratégie n’est pas bien différente de celle de Podemos. Nous voulons faire irruption, bouleverser le paysage politique et faire au fond ce que Syriza a fait entre 2012 et 2015...
Je ne vois pas pourquoi nous serions plus mal placés qu’eux pour le faire. Le « eux », c’est aussi en partie nous, évidemment !

Sources : L’Humanité

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LA CRISE, LE PEUPLE GREC ET LES RESPONSABILITÉS DU GOUVERNEMENT DE SYRIZA
ESSAI SUR LES ÉVOLUTIONS POLITIQUES EN GRÈCE

Aliki Papadomichelaki
le 25 août 2015

Chers camarades et amis francophones,

Je me permets de vous envoyer cette lettre, qui s’efforcera d’éclairer certains aspects des dernières évolutions politiques, économiques et sociales, surtout depuis le gouvernement (aujourd’hui démissionnaire) de SYRIZA.

Je faisais partie de cette formation politique depuis sa constitution en 1991 (et pendant 18 ans membre de sa direction nationale). Actuellement je ne dispose pas d’autres titres que celui de mes études, économiste avec spécialisation en géopolitique, et ma condition sociale celle d’une retraitée grecque à 500 euro par mois. Je me sens cependant chanceuse, car presque 1/3 de la population de mon pays en âge de travailler est au chômage, dont près de 60% de jeunes.

Avec une grande partie des membres et cadres de SYRIZA, je suis convaincue que face à la soumission au diktat néolibéral de l’Austérité, il y avait une alternative (There Is Alternative- TIA), contrairement au dogme infâme martelé par Thatcher (There Is No Alternative- TINA) au nom duquel le néolibéralisme s’est installé en Europe, en grignotant graduellement, mais sûrement, les bases économiques et de redistribution de l’Etat.

Passons au sujet.

Est-ce que le gouvernement de SYRIZA fut élu pour appliquer un nouveau plan d’austérité et de dictats néocoloniaux ?
Est-ce que le référendum du mois de Juillet, avec le NON du peuple grec de 62%, habilitait le gouvernement -notamment son équipe dirigeante- à signer l’accord, sans même consulter les instances du Parti et les militants par un Congrès ? Pourtant les statuts même de SYRIZA prévoient la convocation du Congrès permanent en cas de questions d’ordre exceptionnel.

La majorité des ex-membres de l’organisation de « SYRIZA-Paris », pensent que le groupe dirigeant de l’ex gouvernement SYRIZA a échoué dans sa mission.

Le nouvel accord signé en pleine période estivale (constituant ainsi juridiquement une nouvelle obligation de l’Etat grec), dicte en effet :

la vente de la richesse nationale restante (Société de l’Électricité, Sociétés de distribution de l’eau à Athènes et à Salonique, Société Nationale du Gaz, de toute l’aire de l’ex-aéroport international d’Athènes, ainsi que des nombreux aéroports régionaux, la Société Nationale du Chemin de Fer, les ports de Pirée, de Salonique etc.). Les acheteurs sont retenus parmi ceux qui ont posé candidature durant le gouvernement de la Nouvelle Démocratie et Pasok.

La baisse accentuée des salaires et des retraites, déjà frappés précédemment.

La montée de la TVA du 12% à 23% y compris pour des produits de première nécessite (pain et produits dérivés de farine, laitages, viandes, fruits légumes).

Le droit des banques de procéder à l’expulsion de citoyens ne pouvant pas honorer les échéances de leurs prêts, y compris pour le seul toit au dessus de leur tête.

L’utilisation des recettes du fisc pour le remboursement de la dette.

La liste est très longue (100 pages présentées en anglais), obligeant les députés à les lire et les voter en express (dans les 24h). Il est déjà connu que 47 députés de SYRIZA ne se sont pas prononcés en sa faveur, dont 44 ont voté NON. Leur vote avait été anticipé par la démission de 5 ministres du gouvernement.

Le 3ème Mémorandum (*) fut adopté avec l’appui de seulement 118 députés de SYRIZA, avec l’appui de la Nouvelle Démocratie (droite) de l’AN.EL (droite), de Potami (centre) et du PASOK. ¬Il est à souligner que le nombre de 118 députés de SYRIZA ne leurs permettait plus institutionnellement de gouverner.

Était-il possible de faire autrement que de renier les engagements passés ?

Citons rapidement nos objectifs et engagements programmatiques de Janvier 2015

  • 1/ faire face à la crise humanitaire.
    Effectivement de premières mesures ont été prises pour assurer aux citoyens nécessiteux un plat chaud (par la distribution de coupons d’alimentation).
    Il a été aussi aboli le ticket de 5 euros pour accès à une visite médicale à l’hôpital, où il faut attendre plus de 3-4 mois pour avoir un spécialiste (sauf urgences).
    Nous admettons que la crise humanitaire ne peut pas être résolue en 4-5 mois. Or beaucoup de temps a été accordé aux négociations, n’apportant pas de résultats palpables, cependant que des sommes qui pouvaient y être consacrées ont pris la destination du remboursement des prêts.
  • 2/ Stopper l’augmentation du chômage, et développer l’économie.
    Nous ne pouvons pas prétendre que la hausse nominale du surplus budgétaire est en soi du développement, ni au niveau de l’emploi, ni au niveau de la dynamique économique. Sauf le tourisme, qui fut augmenté cet été, vu l’instabilité politico-sécuritaire en Tunisie et en Turquie, aucun autre secteur n’a connu de la reprise, vu la crise rampante dans l’UE, et dans le monde, notamment en Asie.
    Cette évolution était prévisible et soulignée à maintes reprises par des économistes de grande renommée mondiale, mais aussi par des collègues spécialistes du département de politique économique de SYRIZA. Malheureusement leur approches n’ont pas été prises en compte par l’équipe gouvernementale dirigeante.
  • 3/ La renégociation de la dette qui comportait comme objectifs : l’audit de la dette et de sa part frauduleuse (projet déjà élaboré par une commission parlementaire), l’annulation de cette dette odieuse, la renégociation des intérêts, le rééchelonnement des échéances de la somme nominale restante [1].
    La condition préalable au remboursement était l’indice d’un développement réel (non pas statistiquement truqué, comme ce fut le cas les années précédentes).
    A défaut de réalisation de ces conditions, les clauses du 3ème Mémorandum adopté, ne laissent aucune chance au développement. Au contraire, elles poussent l’économie vers une récession plus profonde atteignant déjà (officieusement) le 7%. D’où la nécessité d’une approche et d’un combat alternatifs au plan national, européen et pourquoi pas mondial.
  • 4/ l’élaboration d’une fiscalité alternative, de la collecte des impôts sur les grandes fortunes, l’échelonnement des dettes fiscales des PME et des particuliers en difficulté.
    Nous devons souligner le travail positif qui a été fait dans ce sens durant les 7 mois.
    Cependant cet apport en ressources ne peut que s’effacer sous le poids accablant des nouveaux dictats.

Mais nombreux peuvent se questionner, comment pouvions nous faire autrement ?

Tout d’abord nous aurions dû rechercher et discuter au sein des instances du parti depuis 2 ans, les éventuelles alternatives en cas d’échec des négociations. Ceci n’a pas été fait, malgré les rappels et les insistances de 45% de membres et cadres du parti.
Ce manque de pratique démocratique, puis le comportement bonapartiste du groupe restreint autour du 1er ministre, n’a pas permis la maturation collective, politique, technique mais aussi idéologique d’une alternative.
Le secrétaire du parti, le cde Tassos Koronakis a démissionné de son poste récemment, ne voulant cautionner ni la marginalisation du parti, durant la dernière période, ni la scission.

Vous me permettrez de confirmer aujourd’hui, que je n’ai pas été surprise. Au fur et à mesure que le temps avançait, les faits donnaient malheureusement raison aux craintes de nombreux cadres et membres de SYRIZA quant aux illusions de l’équipe dirigeante de gagner à la faveur du peuple les négociations avec des instances européennes et le FMI.

Les faits sont criants

Nous avons payé depuis le mois de janvier plus de 10 mds d’euros aux créanciers, et nous nous sommes enchaînés pour 25 autres milliards pour la période à venir.
En quoi cela va-t-il aider le peuple grec et les peuples européens ?

Des 85 milliards promis, 50 mds iront dans un fond-garantie du remboursement de la dette, avec comme contrepartie les privatisations précédemment citées.
D’autres 15 milliards iront à la recapitalisation des banques grecques
et seulement les 15 mds restants seront, probablement, verses à l’économie réelle et aux besoins du budget de l’Etat.
Or nous avons remboursé déjà - depuis Janvier 2015 - ce même montant sans qu’un sou n’ait bénéficié à la société. Qu’est-ce donc qui autorisait les dirigeants du gouvernement de SYRIZA à conclure que les négociations ont été certes dures mais fructueuses ?

Fructueuses pour qui ? Pour les créanciers ? Pour le peuple grec ? Pour les peuples européens ?

Le seul bilan fructueux -et personne ne peut l’ignorer - est que la lutte courageuse d’un peuple grec harassé a fait progresser dans les opinions la conscience des impasses et des méfaits des orientations néolibérales, notamment allemandes. Nous tous avons travaillé durement pour cela.
Mais faut-il absolument sacrifier le peuple grec comme une nouvelle Iphigénie sur l’autel du capital, notamment spéculatif, en attendant que le rapport de forces avance chez d’autres peuples en Europe ?
Est-ce que la capitulation du gouvernement grec par la signature du nouveau diktat, servira de levier à des luttes victorieuses en Espagne, Irlande, France, Portugal et Italie, ou renforceront-elles au contraire les représentations pessimistes chez les populations qu’on cherche à persuader qu’il n’y a pas d’alternative ? Des centres puissants travaillent quotidiennement dans ce sens.

Ma question n’est pas posée aux créanciers. Je la pose à ceux qui se sont battus à nos côtés durant ces longs mois. Qui ont dit NON aux diktats et aux nouvelles formes de colonialisme économique.
À ceux qui se sentent déçus, démobilisés, trahis. Réfléchissez, mes camarades, et surtout continuez à agir.

Une grande partie des militants de la Gauche combative et alternative en Grèce et à l’étranger ont refusé de se plier aux diktats. Nos luttes se poursuivront vers les victoires, malgré les bâtons dans les roues, les trous noirs et les sirènes de l’ile de Kirke (Iliade).

Nous ex-militants de SYRIZA, chair de la chair de SYRIZA, nous continuerons nos luttes, ouvrant des horizons toujours plus larges, conscients et combatifs, que ce soit dans le cadre de L’UNITÉ POPULAIRE, (nouvelle formation politique) ou à travers les mouvements sociaux alternatifs, contre le néolibéralisme oppresseur et prédateur, contre les nationalismes stériles, contre la xénophobie, pour le respect des droits humains, sur cette planète qui nous enfante et que nous devons préserver soigneusement.

Nous remercions du fond du cœur tous ceux et toutes celles, qui ont exprimé leur solidarité envers le peuple grec.
Nous vous assurons chers amis, ainsi que vous tous militants de mouvements sociaux, de partis et des simples citoyens épris de liberté, d’égalité, de démocratie -notamment participative- que vous aurez aussi notre entier soutien.
Ensemble, vous, nous, ainsi que la majeure partie de nos cds qui restent encore à SYRIZA, nous ferons front à la misère, aux guerres, aux hégémonismes.

Avec mes salutations les plus chaleureuses

Aliki Papadomichelaki, le 25 août 2015
Publié par socialgerie

publié sur le site grecefrance resistance le 25 août 2015

(*) La différence entre austérité et mémorandum, se trouve dans le caractère à la fois impératif et structurant l’ensemble de l’économie, que véhicule se dernier.
La dette grecque est régie par le droit britannique, très contraignant pour le débiteur, abolissant sa souveraineté nationale. Il impose par là-même un contrôle régulier (par des représentants des créanciers, -dans le cas précis du 3eme mémorandum- par quatre instances : le Eurogroup, la BCE, le FES, et le FMI.

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SOCIAL DEMOCRACY OR REVOLUTIONARY DEMOCRATY
Syriza and Us

Michael A. Lebowitz
le 2 août 2015


All eyes on the Left are upon Greece. Not because of a general interest in the contradictions of capitalism in the midst of this particular crisis but because of Syriza.
Unfortunately, what we are observing is not unique to Syriza. The story has been told before, and the story inevitably will occur again if we do not learn from it.

Rather than debating the arguments of individuals (many of them good comrades) who may hold different views, I think it is essential to try to understand how this happened and why.

Let me begin by setting out my premises, which may be sufficient to draw a red line between my argument and that of some others :

1. For several years, Syriza has been the hope of the working-class in Greece, Europe and in every country suffering from neoliberalism and austerity.
It was sending a message that a better opposition was possible ; and as such it was an inspiration to similar anti-austerity struggles (in particular, that of Podemos in Spain).

2. European and Greek capital was determined to kill that messenger. Accordingly, it was and is relentless in its determination to send a quite different message : TINA, there is no alternative to neoliberalism and austerity.

3. Despite its programme as a party, the platform on which it was elected to govern and a strong popular vote endorsing its rejection of the demands of European capital, the Syriza government totally capitulated and accepted a colonial status for Greece.

4. It is never too late (or too soon) to unleash the creative power of the masses.

The Construction of Syriza

Syriza didn’t drop from the sky. It took shape as the result of a process through which different political groups gained experience in working together.

Beginning in particular with the Space for Dialogue at the beginning of the century and continuing with the developments and protests in the Social Forum and in the common struggle against neoliberalism and austerity, the Coalition of the Radical Left (Syriza) emerged – one in which Synaspismos (the old eurocommunist formation), environmental, Trotskyist and Maoist formations found a common interest in working together.
And that coalition attracted young people in particular because of its support of struggles in the streets in the context of the Social Forum (mobilized by the slogans of ‘people before profit’ and ‘another world is possible’), and it emerged increasingly as a pole of attraction as people rejected the neoliberal and austerity packages that right-wing and social democratic governments imposed following the dictates of the Troika.
In the June 2012 elections, Syriza received almost 27 per cent of the vote and became the main opposition party to the governing coalition of rightwing and social democratic parties.

Syriza also didn’t drop from the sky in that its perspective reflected the ideas of socialism for the 21st century.
Its founding document as a unitary party in July 2013 declared that the possible other world is the world of socialism with democracy and freedom, the world where the needs of people come before profit. There was the explicit rejection of capitalism but also the insistence that the socialist alternative is ‘inseparably tied to democracy’ – a conception of democracy in which workers can plan, manage and control with the purpose of satisfying social needs, a democracy not merely formal but necessarily incorporating direct democracy with the active participation of all.

Our goal, Syriza’s founding Congress declared, is socialism for the 21st Century, and its declaration reflected the understanding that this goal requires you to walk on two legs – both to capture the existing state and reverse policies supportive of capital and also to build and nurture the elements of a new socialist state based upon self-government from below.[1] Particularly urgent, of course, was the need to defeat the policy memoranda and to change the government, given the misery that these were imposing upon the Greek people. Accordingly, in its political resolution, Syriza declared it would cancel the memoranda and the implementing laws, would place the banking system under public ownership, would cancel planned privatizations and the looting of public wealth, would rehire all state employees who have been laid off, and would renegotiate the loan contracts and cancel their onerous terms following an audit of the debt. We commit ourselves, Syriza promised, to tackle any possible threats and blackmail from the lenders with all possible means we can mobilize, and we are certain that the Greek people will support us. As its old slogan, “no sacrifice for the euro,” indicated, Syriza’s absolute priority was to prevent humanitarian disaster and to meet social needs, and not to submit to obligations taken on by others.

To build the new economy based upon social solidarity, though, more than the rupture with neoliberal state policies through government degrees was necessary. A more profound rupture was required for a socialist regeneration – rupture with a society characterised by patriarchy, rupture with the drive toward ecological destruction, rupture with subordination of everything to the market. And, this was a lesson taught by the social and political movement through its struggles in the streets, its demonstrations, social solidarity networks and initiatives based on disobedience. Syriza, the programme declared, has learned from its participation with its forces in all these forms of social movements. It has learned the necessity for a broad self-governing movement in which direct democracy flourishes, and it recognizes the need to reform the entire local government and to nurture forms of popular self-organization that can systematically pressure institutions. To create the space in which governing from below can flourish, the political resolution declared that a Syriza government would introduce the concept and practice of democratic planning and social control at all levels of central and local government and that it would promote democracy in the workplace through workers’ councils composed of representatives elected by and recallable by workers. Here was the second leg upon which Syriza meant to advance – fostering the cells of a new socialist state from below.

But Syriza also learned another lesson through its direct participation in the social and political movements – the importance of a unified, mass, democratic, multi-tendency party. Drawing upon communist, radical, regenerative, anticapitalist, radical feminist, ecological, revolutionary and libertarian left streams, Syriza stressed the importance of respecting inevitable internal differences and thus the need to ensure that differing political assessments would be represented through internal democracy. Just as it had learned by participating in the movements to fully respect opposite opinions, so also did it seek to apply this internally. Syriza, the founding congress declared, “systematically endeavors to be a model of the society it seeks to build.”

The Path to Social Democracy

Something happened, however, in the approach to new elections. In September 2014, Syriza presented its electoral programme, the Thessaloniki Programme. As in its earlier positions, the programme stressed the need for a new government that would challenge the neoliberal austerity demands of the Troika and, in particular, would reduce the debt. Yet, there were some obvious differences. There was no pledge to cancel the memoranda and the implementing laws, no call for public ownership of the banks, no declaration that planned privatizations and the looting of public wealth would be canceled. Indeed, there was no explicit critique of capitalism.

In place of any anti-capitalist (let alone, socialist) measures was a National Reconstruction Plan which focused upon restarting the Greek economy through public investment and tax reduction for the middle class. Recovery and growth (along with a negotiated moratorium on debt servicing) would rescue the Greek economy and allow it to ‘gradually’ reverse all the memorandum injustices, ‘gradually’ restore salaries and pensions and rebuild the welfare state. Economically, the Thessaloniki Programme was based upon Keynesian (not even post-Keynesian) theory, and it supplemented its focus upon aggregate demand stimulation by proposed measures to deal with the humanitarian crisis (e.g., subsidies for meals, electricity, medical care and public transit for the poor and unemployed).

Although there was little sign of the earlier determination to use the state to make inroads upon capital, the Thessaloniki Programme did suggest the possibility of introducing measures which could foster development of the cells of a new state. A Syriza government, it pledged, would empower citizen’s democratic participation (including institutions of direct democracy) and would introduce democratic measures such as a people’s veto and a people’s initiative to call a referendum. Important democratic openings promised but, again, nothing challenging capital (as the demand for workers’ councils and workers’ control would). Everything in the electoral programme was consistent with support for capital. The proposal contained in that programme was to walk on two legs to social democracy.

Some may praise Syriza’s tactical ‘realism’ while others criticise it for deviating from its socialist programme. It is not the central issue. More significant is what followed Thessaloniki – a classic example of path dependency. While there may be extended discussion of steps along the way (‘errors’ and ‘mistakes’ identified) and new exciting revelations about events and threats, it must be admitted that, from its initial retreats in post-electoral negotiations with the Troika to its successive surrenders to its ultimate rout and capitulation, Syriza has followed the familiar trajectory of social democracy. And, it is, of course, the path followed earlier by PASOK which also promised social democracy and ended up enforcing the neoliberalism and austerity to which Syriza has now agreed. To this, the Syriza government has added the unique step of calling for a popular referendum against austerity proposals and then negating the Greek people’s negation.

Of course, Syriza (like PASOK before it) faced a very difficult situation when it came to relations with its European creditors – especially given its commitment to remaining in the eurozone. But there are always choices. In a talk in Cuba in 2004, I proposed that “when capital goes on strike, there are two choices, give in or move in.” Unfortunately, I noted, “when capital has gone on strike, the social-democratic response has been to give in” and the result is to reinforce the logic of capital.[2] Subsequently, in a private exchange with a Syriza activist in May 2013, I returned to this trope and wrote : “when the organized forces of finance capital of the European Union demand sacrifice from the working-class of Greece (and not only Greece but also Portugal, Spain, etc.) and have the power under the existing set of institutions, there are two choices : give in or move out. And, however these options may be muddied in the minds of both masses and Syriza leadership, as the crisis continues the clever dancing of Syriza leadership will be less and less convincing.”

Was the appropriate focus, then, upon moving out ? “Would I call for an immediate departure from the euro ? That would not be very wise,” I argued, “compared to an alternative of opening the books in order to ensure ‘fair’ taxation, canceling the debt, capital controls, nationalization of the banks, etc. i.e., policies which would be clearly presented as policies in the interests of the working-class, class policies. This would inevitably create a condition in which remaining within the euro zone would not be possible or, indeed, permitted. But, then, the departure would not be the result of the waving of a national flag but rather the result of class struggle politics. In short, I think the latter would necessarily lead to departure from the euro and I think that should be anticipated and planned for.”

As was always apparent (to both friends and enemies), though, the Syriza leadership was determined that Greece not move out of the eurozone and, above all, was committed to do everything possible to prevent it. So, it did give in but not before euros moved out of Greece.

Another Path is Possible

Any country that would challenge neoliberalism inevitably will face the assorted weapons of international capital. The central question, then, is whether a government is “willing to mobilize its people on behalf of the policies that meet the needs of people.”[3] And this was the question I posed about Syriza in 2013 : “do the stances taken by the Syriza leadership (e.g. the strong reluctance to abandon the euro, the apparent backtracking on cancellation of the debt [negotiation], etc.) foster or weaken the movements from below ? My worry, as you may guess, is that the latter is true.”

Unfortunately, it was true. A government can win the battle against neoliberalism, I argued in 2004, but only if it is “prepared to break ideologically and politically with capital, only if it is prepared to make social movements actors in the realization of an economic theory based upon the concept of human capacities.” If it is not, “such a government inevitably will disappoint and demobilize all those looking for an alternative to neoliberalism ; and, once again, its immediate product will be the conclusion that there is no alternative.”[4] The Syriza government was not prepared to break ideologically and politically with capital, and it was not prepared to mobilize the masses.

There are always choices. We can take the path of ‘defeats without glory’ (Badiou) characteristic of social democracy or we can move in the direction of the revolutionary democracy that builds the capacities of the working-class. At the core of the latter is that it embraces the centrality of the concept of revolutionary practice – “the coincidence of the changing of circumstances and human activity or self-change.” It begins, in short, by grasping the ‘key link’ of human development and practice that Marx consistently stressed. Revolutionary democracy recognizes that every activity in which people engage forms them. Thus, there are two products of every activity – the changing of circumstance or things and the human product.

Recognizing the importance of the ‘second product’, the human product of activity, is absolutely essential for a government which is serious about building socialism because it stresses the necessity to build the capacities of the working-class. In a paper I wrote for Chavez in December 2006, I asked :

“What’s the significance of recognizing this process of producing people explicitly ? First, it helps us to understand why changes must occur in all spheres – every moment that people act within old relations is a process of reproducing old ideas and attitudes. Working under hierarchical relations, functioning without the ability to make decisions in the workplace and society, focusing upon self-interest rather than upon solidarity within society – these activities produce people on a daily basis ; it is the reproduction of the conservatism of everyday life.

“Recognizing this second side also directs us to focus upon the introduction of concrete measures which explicitly take into account the effect of those measures upon human development. Thus, for every step two questions must be asked : (1) how does this change circumstances and (2) how does this help to produce revolutionary subjects and increase their capacities ?”[5]

Despite all that has occurred, revolutionary democracy is still a path open to the Syriza government. As a government, it can introduce measures that can help to produce revolutionary subjects and to unleash the creative energies of the masses. Further, it can use its power as government not only to support the development of a new state from below but also to ensure that the existing state (with its police, judicial, military, etc powers) is not under the direct command of capital. These are possibilities for Syriza still as government, and it would be tragic if its story were to end as a defeat without glory.

But, as the story of PASOK demonstrates, this would not be the first time for such an ending. That is what makes the denouement of Syriza a ‘teachable moment.’ We can learn from both the promise of Syriza and its subsequent trajectory – both the way in which its direct involvement in the revolutionary democratic struggles of the social movements produced it as an important political force and also the way in which its refusal to break ideologically and politically with capital left it only with Keynesians of various stripes negotiating the terms of its surrender and with disappointed masses.

Certainly, there is a lesson here for future governments (and perhaps even the current Syriza government) – the absolute necessity to learn to walk upon two legs. But there is also a lesson for us – those of us without the present luxury of government. A socialist party must also walk upon two legs. Of course, it must struggle to capture the existing state from capital so that state can serve the needs of the working-class rather than capital. However, it also must “promote by all means possible new democratic institutions, new spaces in which people can develop their powers through their protagonism.” Through the development of communal councils and workers’ councils (essential cells of the new socialist state), the working-class develops its capacities and the strength to challenge capital and the old state.[6]

The lesson of Syriza should be to never forget the concept of revolutionary practice – the simultaneous changing of circumstances and human activity or self-change. It is never too late to remember and apply this... and never too soon. •

Michael A. Lebowitz is a professor emeritus of economics at Simon Fraser University in British Columbia. His latest book is The Contradictions of “Real Socialism”.


Endnotes :

1. See the discussion of the old state and the new state in Michael Lebowitz, Building Socialism for the 21st Century : the Logic of the State, the Fourth Annual Nicos Poulantzas Memorial Lecture, 8 December 2010 (published by the Poulantzas Institute in 2011). This talk appeared in an expanded version as “The State and the Future of Socialism” in the Socialist Register 2013 and is included as Chapter 10 of my new book, The Socialist Imperative : from Gotha to Now (Monthly Review, 2015).
2. This talk, presented at the annual Globalization Conference in Havana in February 2004, was published in Michael A. Lebowitz, Build it Now : Socialism for the 21st Century (Monthly Review Press, 2006), 39.
3. Lebowitz, Build it Now, 40.
4. Lebowitz, Build it Now, 42.
5. “Proposing a Path to Socialism : Two Papers for Hugo Chavez” is reproduced as Chapter 5 of The Socialist Imperative.
6. See the discussion of the socialist party and its relation to social movements and struggles in “End the System,” Chapter 11 of The Socialist Imperative.

Sources : socialist project

repris sur d’autres sites :
http://links.org.au/node/4538
https://www.popularresistance.org/social-democracy-or-revolutionary-democracy-syriza-us/

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essais de traduction en français par socialgerie

Social-démocratie ou démocratie révolutionnaire :

Syriza et nous

Michael A. Lebowitz, août 2015

Tous les yeux de la gauche sont fixés sur la Grèce. Non pas pour l’intérêt général des contradictions du capitalisme dans le contexte de cette crise particulière mais en raison de Syriza.
Malheureusement, ce que nous observons n’est pas unique à Syriza. L’histoire a existé avant, et l’histoire va inévitablement se reproduire à nouveau si nous n’en tirons pas les enseignements.
Plutôt que de débattre sur des arguments de personnes (beaucoup d’entre eux sont de bons camarades) qui peuvent avoir des vues différentes, je pense qu’il est essentiel d’essayer de comprendre comment cela est arrivé et pourquoi.

Permettez-moi de commencer en énonçant mes remarques préliminaires, qui peuvent suffire pour tracer une ligne rouge entre mon argumentation et celle de quelques autres :

1. Depuis plusieurs années, Syriza a été l’espoir de la classe ouvrière en Grèce, en Europe et dans tous les pays qui souffrent du néolibéralisme et de l’austérité.
Il envoyait le message qu’une meilleure opposition était possible ; et pour cela il était une inspiration pour les luttes anti-austérité similaires (en particulier, celle de Podemos en Espagne).

2. Le capitalisme européen et grec était déterminé à tuer ce messager. En conséquence, il a été et est implacable dans sa détermination à envoyer un message tout à fait différent : TINA (- There Is No Alternative), il n’y a aucune alternative au néolibéralisme et à l’austérité.

3. En dépit de son programme en tant que parti, de la plate-forme sur laquelle il a été élu pour gouverner, et du fort vote populaire approuvant son rejet des demandes du capitalisme européen, le gouvernement Syriza a totalement capitulé et accepté un statut colonial pour la Grèce.

4. Il n’est jamais trop tard (ou trop tôt) pour libérer la puissance créatrice des masses.

La construction de Syriza

Syriza n’est pas tombé du ciel. Il a pris forme à la suite d’un processus dans lequel différents groupes politiques ont acquis une expérience à travailler ensemble.

Commençant en particulier par un espace pour le dialogue au début du siècle et en continuant avec les développements et les manifestations dans le Forum social et dans la lutte commune contre le néolibéralisme et l’austérité, la Coalition de la gauche radicale (Syriza) a émergé – à l’intérieur de Synaspismos (l’ancienne formation eurocommuniste), là où trotskystes, maoïstes et formations environnementales ont trouvé un intérêt commun à travailler ensemble.

Et cette coalition a attiré les jeunes en particulier par son soutien aux luttes dans les rues dans le cadre du Forum social (mobilisés par les slogans « le peuple avant le profit » et « un autre monde est possible »), et il est apparu de plus en plus (essentiellement) comme un pôle d’attraction où le peuple rejette les plans néolibéraux et d’austérité portés autant par les gouvernements de droite que par ceux de la social-démocratie, et imposés suivant les préceptes de la Troïka.

Lors des élections de Juin 2012, Syriza a reçu près de 27 pour cent des voix et est devenu le principal parti d’opposition à la coalition gouvernementale de droite et des partis sociaux-démocrates.
Syriza n’est pas non plus tombé du ciel en ce que son point de vue reflète les idées du socialisme du 21e siècle.

Son document fondateur en tant que parti unitaire en Juillet 2013 déclarait qu’un autre monde est possible, le monde du socialisme avec la démocratie et la liberté, le monde où les besoins des gens passent avant le profit.

Il y avait le rejet explicite du capitalisme mais aussi l’insistance (essentielle) que l’alternative socialiste est « indissociablement liée à la démocratie » - une conception de la démocratie dans laquelle les travailleurs peuvent planifier, gérer et contrôler dans le but de satisfaire les besoins sociaux, une démocratie non seulement formelle, mais qui intègre nécessairement la démocratie directe avec la participation active de tous.

Notre objectif, déclarait le Congrès fondateur de Syriza, est le socialisme du 21e siècle, et cette déclaration implique que cet objectif vous oblige à marcher sur les deux jambes - à la fois pour prendre l’état actuel et inverser les politiques de soutien du capital, et aussi pour développer et cultiver les éléments d’un nouveau socialisme basé sur l’autonomie du gouvernement depuis la base. [1]
Particulièrement urgente, bien sûr, était la nécessité de défaire les mémorandums politiques et de changer le gouvernement, compte tenu de la misère que ceux-ci imposaient au peuple grec.

En conséquence, dans sa résolution politique, Syriza a déclaré qu’il annulerait les mémorandums et leurs lois d’application, mettrait le système bancaire sous le contrôle du secteur publique, annulerait les privatisations prévues et le pillage de la richesse du secteur publique, ferait réembaucher tous les employés de l’État qui avaient été licenciés, et renégocierait les contrats de prêts en annulant leurs conditions onéreuses, cela se faisant suite à un audit de la dette.

Nous nous engageons, avait promis Syriza, à lutter contre toutes les menaces possibles et le chantage des prêteurs avec tous les moyens possibles que nous pouvons mobiliser, et nous sommes certains que le peuple grec nous soutiendra. Comme son vieux slogan, "aucun sacrifice pour l’euro", la priorité absolue de Syriza était d’empêcher une catastrophe humanitaire, de répondre aux besoins sociaux, et de ne pas se soumettre aux obligations prises par les autres.

Pour construire la nouvelle économie fondée sur la solidarité sociale, cependant, il fallait plus que la rupture nécessaire avec les politiques néolibérales de l’État à tous les niveaux du gouvernement.

Une rupture plus profonde était nécessaire pour une régénération socialiste - rupture avec une société caractérisée par le patriarcat, rupture avec les conduites qui entraînent la destruction écologique, rupture avec la subordination à chaque élément du marché. Et c’était là, la leçon enseignée par le mouvement social et politique à travers ses luttes dans les rues, ses manifestations, les réseaux de solidarité sociale et les initiatives basées sur la désobéissance.

Le programme déclarait que Syriza avait appris avec la participation de ses forces dans toutes ces formes de mouvements sociaux. Il avait appris la nécessité d’un mouvement autonome large dans lequel la démocratie directe se développe, et qu’il reconnaît la nécessité de réformer l’ensemble des gouvernements locaux, et de nourrir les formes d’auto-organisation populaire qui peuvent systématiquement faire pression sur les institutions.

Pour créer l’espace dans lequel le poids de décision de la base pourra s’épanouir, la résolution politique avait déclaré que le gouvernement Syriza introduirait le concept et la pratique de la planification démocratique et le contrôle social à tous les niveaux du gouvernement central et local, et que la démocratie serait promue dans le milieu de travail à travers des conseils ouvriers composés de représentants élus par les travailleurs, et révocables par les travailleurs. Cela était la deuxième jambe avec laquelle Syriza pensait avancer - favorisant les cellules d’un nouvel état socialiste régénéré par la base.

Mais Syriza a aussi appris une autre leçon à travers sa participation directe dans les mouvements sociaux et politiques - l’importance d’un parti unifié, de masse, démocratique, de multiples tendances. Se dessinant à travers des courants communistes, radicaux, régénération, anticapitaliste, féministe radical, gauche écologie, révolutionnaire et libertaire, Syriza a souligné l’importance du respect des différences internes inévitables et donc la nécessité de veiller à ce que les différents avis politiques soient représentés dans la pratique de la démocratie interne. Tout comme il avait appris, en participant aux mouvements, à respecter pleinement les opinions opposées, de même a-t-il cherché à l’appliquer en interne. Le congrès fondateur avait déclaré que Syriza, "devait chercher systématiquement à être un modèle de la société qu’il cherche à construire."

Le chemin (la voie) de la démocratie sociale

Quelque chose survint, cependant, à l’approche des nouvelles élections. En Septembre 2014, Syriza présentait son programme électoral, le Programme de Thessalonique. Comme dans ses positions antérieures, le programme soulignait la nécessité d’un nouveau gouvernement qui remettrait en cause les exigences d’austérité néolibérales de la Troïka et, en particulier, permettrait de réduire la dette. Pourtant, il y avait des différences évidentes. Il n’y avait aucun engagement à annuler les mémorandums et leurs lois d’application, aucun appel à la nationalisation des banques, aucune déclaration sur les privatisations planifiées ni que le pillage de la richesse publique serait annulée. En effet, il n’y avait aucune critique explicite du capitalisme.

En lieu et place de toute mesure anti-capitaliste (et encore moins, socialiste) il y avait un Plan de Reconstruction Nationale articulé sur le redémarrage de l’économie grecque par l’investissement public et la réduction d’impôt pour la classe moyenne. Reprise et croissance (avec un moratoire négocié sur le service de la dette) sauveraient l’économie grecque et lui permettraient de ’progressivement’ inverser toutes les injustices des mémorandums, et ’progressivement’ rétabliraient les salaires et pensions et reconstruiraient l’Etat-providence.

Economiquement, le Programme de Thessalonique était construit sur des théories keynésiennes (même pas postkeynésiennes), et il complétait l’accent mis sur la stimulation par la demande globale avec des mesures proposées pour faire face à la crise humanitaire (par exemple, subventions pour les repas, l’électricité, les soins médicaux et le transport en commun pour les pauvres et les chômeurs).

Bien qu’il y ait peu de signes d’un début de détermination à utiliser l’Etat pour mener des incursions contre le capitalisme, le Programme de Thessalonique suggérait la possibilité d’introduire des mesures favorables au développement des cellules d’un nouvel Etat. Il était promis qu’un gouvernement Syriza autoriserait la participation démocratique des citoyens (incluant les institutions de démocratie directe) et introduirait des mesures démocratiques telles le veto populaire, et l’initiative populaire à s’exprimer dans un référendum.

D’importantes ouvertures démocratiques étaient promises, mais, encore une fois, aucun engagement anticapitaliste (comme l’aurait été la constitution de conseils des travailleurs, et le contrôle par les travailleurs). Tout dans le programme électoral était compatible avec le soutien au capitalisme. La proposition contenue dans ce programme était de marcher sur deux jambes vers la social-démocratie.

Certains peuvent louer la tactique « réaliste » de Syriza tandis que d’autres lui reprochent de dévier de son programme socialiste. Cela n’est pas la question centrale. Plus important est ce qui a suivi Thessalonique - un exemple classique de la dépendance dans cette voie. Malgré les analyses - discussions menées tout au long des étapes de cette voie (identification d’« erreurs » et de « fautes ») et de nouvelles révélations intéressantes sur les événements et les menaces, il faut admettre que, depuis qu’il a cédé initialement à la troïka dans les négociations post-électorales, puis lors des rachats successifs jusqu’à sa déroute ultime et sa capitulation, Syriza a suivi la trajectoire familière de la social-démocratie. Et, c’est bien sûr, aussi, la voie suivie plus tôt par le PASOK, qui avait également promis la démocratie sociale et avait fini par faire respecter le néolibéralisme et l’austérité que Syriza a maintenant accepté. Pour cela, le gouvernement Syriza a ajouté l’étape unique appelant à un référendum populaire contre les propositions d’austérité et ensuite niant le NON du peuple grec.

Bien sûr, Syriza (comme PASOK avant lui) fait face à une situation très difficile quand il en vient aux relations avec ses créanciers européens - surtout compte tenu de son engagement à rester dans la zone euro. Mais il y a toujours des choix.
Dans un discours à Cuba en 2004, je proposai « lorsque le capital se met en grève, il y a deux choix, lui donner ou s’y déplacer." Malheureusement, je l’ai noté, "lorsque le capital fait la grève, la réponse social-démocrate est de lui donner ", et le résultat est de renforcer la logique du capital [2]

Par la suite, dans un échange privé avec un militant Syriza en mai 2013, je suis retourné à cette remarque et ai écrit : « lorsque les forces organisées du capital financier de l’Union européenne exigent le sacrifice de la classe ouvrière de la Grèce (et pas seulement de la Grèce mais aussi du Portugal, de l’Espagne, etc.) et ont le pouvoir en vertu de l’ensemble existant des institutions, il y a deux choix : donner ou en sortir. Et, alors que ces options peuvent être brouillées dans l’esprit à la fois des masses et du leadership Syriza, et que la crise continue, la danse intelligente du leadership de Syriza sera de moins en moins convaincante."

Quel objectif aurait été approprié ensuite après la sortie ? "Aurais-je appelé pour un départ immédiat de l’euro ? Ce ne serait pas très sage, "je l’ai soutenu," par rapport à une alternative d’ouvrir les livres afin d’assurer l’imposition "équitable", l’annulation de la dette, les contrôles des capitaux, la nationalisation des banques, etc., -c’est-à-dire, des politiques qui seraient clairement présentées comme des politiques dans l’intérêt de la classe ouvrière, les politiques de classe. Cela aurait inévitablement créer un état dans lequel rester dans la zone euro ne serait pas possible ou, en effet, permis. Mais, ensuite, le départ ne serait pas le fait de la présentation d’un drapeau national, mais plutôt le résultat de la politique de lutte de classe. En bref, je pense qu’à la fin, cela entraînerait nécessairement le départ de l’euro et je pense que cela aurait dû être prévu et planifié ".

Comme il est apparu constamment (à la fois à ses amis et à ses ennemis), la direction de Syriza était déterminée à ce que la Grèce ne sorte pas de la zone euro et, surtout, elle s’est engagée à faire tout son possible pour empêcher cette sortie. Donc, il a cédé (donné), mais avant que l’euro n’abandonne la Grèce.

Une autre voie est possible

Tout pays qui remettrait en cause le néolibéralisme va inévitablement faire face aux armes diverses du capitalisme international. La question centrale alors est donc de savoir si un gouvernement « a la volonté de mobiliser la population au nom d’une politique qui réponde aux besoins des gens ».[3] Et ce fut la question que je posais à propos de Syriza en 2013 : "Est-ce que les positions prises par les dirigeants de Syriza (par exemple la forte réticence à abandonner l’euro, le retour en arrière apparent sur l’annulation de la dette [négociation], etc.) favorisent ou affaiblissent les mouvements de la base ? Mon inquiétude, comme vous pouvez le deviner, est que ce dernier cas de figure est le vrai ".

Malheureusement, cela est vrai. Un gouvernement peut gagner la bataille contre le néolibéralisme, je l’ai soutenu en 2004, mais seulement si il est "prêt à rompre idéologiquement et politiquement avec le capital, et uniquement si il est prêt à faire des mouvements sociaux les acteurs de la réalisation d’une théorie économique basée sur le concept des capacités humaines. "Si il n’est pas cela," un gouvernement inévitablement décevra et démobilisera tous ceux qui recherchent une alternative au néolibéralisme ; et, une fois de plus, le résultat immédiat sera la conviction qu’il n’y a pas d’alternative."[4] Le gouvernement Syriza n’était pas prêt à rompre idéologiquement et politiquement avec le capital, et il n’a pas été préparé pour mobiliser les masses.

Il y a toujours des choix. Nous pouvons prendre le chemin de "défaites sans gloire » (Badiou) caractéristique de la social-démocratie ou nous pouvons aller dans le sens de la démocratie révolutionnaire qui renforce les capacités de la classe ouvrière.

La démocratie révolutionnaire embrasse, en son cœur, la notion centrale de pratique révolutionnaire-". La coïncidence du changement des circonstances (contextes) et de l’activité humaine ou auto-changement" Elle commence, en bref, en saisissant le « maillon essentiel » du développement humain et de la pratique que Marx a constamment souligné. La démocratie révolutionnaire reconnaît que chaque activité dans laquelle les gens s’engagent la constitue. Ainsi, il existe deux produits dans chaque activité - le changement du contexte ou des choses et la production (création) humaine.

Reconnaître l’importance de ce « second produit », le produit de l’activité (la création) humaine, est absolument essentiel pour un gouvernement qui est sérieux au sujet de la construction du socialisme, car il souligne la nécessité de renforcer les capacités de la classe ouvrière.

Dans un article écrit pour Chavez en Décembre 2006, je lui demandais :

"Quel signifie reconnaître ce processus de production des gens explicitement ?
Premièrement, il nous aide à comprendre pourquoi les changements doivent se produire dans tous les domaines - à chaque instant où les gens agissent dans de vieilles relations avec la reproduction de vieilles idées et attitudes.
Travaillant sous relations hiérarchiques, fonctionnant sans la capacité de prendre des décisions dans le lieu de travail et de la société, mettant l’accent sur l’intérêt personnel plutôt que sur la solidarité au sein de la société - ces activités produisent les gens sur une base quotidienne ; il est la reproduction du conservatisme de la vie quotidienne.

"Conscient de cette seconde facette (de l’activité humaine), cela nous permet également de nous orienter sur la mise en place de mesures concrètes, qui prennent explicitement en compte l’effet de ces mesures sur le développement humain.

Ainsi, à chaque étape deux questions doivent être posées :

  1. Comment cela intervient sur le changement du contexte (les circonstances)
  2. comment cela aidera à la production de sujets révolutionnaires, et augmentera leurs capacités » [5] ?

Malgré tout ce qui a eu lieu, la démocratie révolutionnaire est encore une voie ouverte au gouvernement Syriza. En tant que gouvernement, il peut introduire des mesures qui peuvent aider à produire des sujets révolutionnaires et à libérer les énergies créatrices des masses. En outre, il peut utiliser son pouvoir en tant que gouvernement, non seulement pour soutenir le développement d’un nouvel état à partir de la base, mais aussi pour veiller à ce que l’état actuel (avec ses pouvoirs policer, judiciaire, militaire, etc.) ne soient pas sous le commandement direct du capital. Ce sont des possibilités pour Syriza encore au gouvernement, et il serait tragique si son histoire devait se terminer comme une défaite sans gloire.

Mais, comme le démontre l’histoire du PASOK, ce ne serait pas la première fois pour une telle fin. C’est ce qui rend le dénouement de Syriza un « moment d’enseignement » particulier. Nous pouvons apprendre à la fois de l’engagement de Syriza et de sa trajectoire qui s’en est suivi – en même temps que de la manière dont son implication directe dans les luttes démocratiques révolutionnaires des mouvements sociaux l’a conduit à être une importante force politique, et aussi du fait qu’il ait refusé de rompre idéologiquement et politiquement avec le capitalisme laissant seulement les keynésiens de diverses allégeances négocier les termes de sa reddition, entraînant la déception des masses.

Certes, il y a ici une leçon pour les gouvernements futurs (et peut-être même le gouvernement actuel Syriza) - la nécessité absolue d’apprendre à marcher sur deux jambes.

Mais il y a aussi une leçon pour nous - ceux d’entre nous sans le luxe actuel de gouvernement. Un parti socialiste doit aussi marcher sur deux jambes. Bien sûr, il doit lutter pour prendre l’état actuel du capital de telle sorte que l’Etat puisse servir les besoins de la classe ouvrière plutôt que ceux du capital.

Cependant, il doit aussi "promouvoir par tous les moyens possibles de nouvelles institutions démocratiques, de nouveaux espaces dans lesquels les gens peuvent développer leurs compétences par leur créations."

Grâce au développement des conseils communaux et des conseils ouvriers (cellules essentielles du nouvel Etat socialiste), la classe ouvrière développe ses capacités et sa force pour changer le capital et l’ancien état. [6]

La leçon de Syriza devrait être de ne jamais oublier la notion de pratique révolutionnaire - le changement simultané des circonstances et de l’activité humaine ou auto-changement. Il n’est jamais trop tard pour se la rappeler et l’appliquer... et jamais trop tôt. •

Michael A. Lebowitz est professeur émérite d’économie à l’Université Simon Fraser, en Colombie-Britannique. Son dernier livre est « The Contradictions of “Real Socialism”. »

Notes :

1. Voir la discussion sur l’ancien état et le nouvel état de Michael Lebowitz, Building Socialism for the 21st Century : the Logic of the State, the Fourth Annual Nicos Poulantzas Memorial Lecture, 8 December 2010 (publié par l’Institut Poulantzas en 2011). Cette conférence est apparue dans une version élargie “The State and the Future of Socialism” in the Socialist Register 2013, et est inclus dans le chapitre 10 de mon nouveau livre, The Socialist Imperative : from Gotha to Now (Monthly Review, 2015).

2. Cet exposé, présenté à la Conférence annuelle de la mondialisation à La Havane en Février 2004, a été publié en Michael A. Lebowitz, Build it Now : Socialism for the 21st Century (Monthly Review Press, 2006), 39.

3. Lebowitz, Build it Now, 40.

4. Lebowitz, Build it Now, 42.

5. “Proposing a Path to Socialism : Two Papers for Hugo Chavez” "Proposition d’une voie vers le socialisme : Deux documents pour Hugo Chavez" est reproduit au chapitre 5 The Socialist Imperative..

6. Voir la discussion du parti socialiste et sa relation avec les mouvements sociaux et les luttes dans “End the System,” chapitre 11 dans The Socialist Imperative.

Traduction pour socialgerie
Septembre 2015

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GRÈCE : POURQUOI LA CAPITULATION ?
UNE AUTRE VOIE EST POSSIBLE

23 août par Eric Toussaint , Philippe Menut

VIDÉO

https://www.youtube.com/watch?v=8DNGcXOKWPE

Éric Toussaint analyse de manière critique l’attitude de Syriza en ce qui concerne la dette depuis 2010, pour expliquer comment le gouvernement grec en est venu à signer l’accord funeste du 13 juillet 2015. Une des explications fondamentales est la non prise en compte de l’audit de la dette qui aurait pourtant permis, en suspendant son paiement, de ne pas se soumettre aux diktats des créanciers. Éric Toussaint présente un plan B portant sur la dette, les banques, l’austérité, la monnaie et la fiscalité.

Durée  : 38 minutes

Titres des différents chapitres :

  • La commission d’audit citoyen de 2011
  • La position de la direction de Syriza vis-à-vis du Comité d’audit citoyen de 2011
  • Le programme de Syriza aux élections législatives de mai-juin 2012
  • Fin 2012 : La direction de Syriza modère ses propositions
  • Octobre 2013 : Alexis Tsipras souhaite une conférence européenne sur la dette publique
  • Syriza devient le premier parti de Grèce aux élections européennes de mai 2014
  • La victoire de janvier 2015
  • L’accord funeste du 20 février 2015 avec les créanciers institutionnels
  • Une autre politique était souhaitable et possible
  • Lancement de la commission pour la vérité sur la dette grecque par la Présidente du Parlement hellénique.
  • Le gouvernement grec ne s’appuie pas sur l’audit
  • Du référendum du 5 juillet à l’accord du 13 juillet 2015
  • Les leçons de la capitulation du 13 juillet
  • Une monnaie complémentaire dans le cadre d’un plan B

Enregistré le 14 août 2015

Réalisation Philippe Menut, auteur du documentaire “La Tourmente grecque”

Auteur Eric Toussaint  [2]

Sources CADTM

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ATHÈNES EST DEVENU UN THÉÂTRE DE L’ABSURDE

Le Monde Débats le 28 août 2015 - Monde des Idées
par Maria Negreponti-Delivanis (ancienne conseillère de l’OTAN et de l’OCDE)

Des habitants d’Athènes lisent les gros titres des journaux le 21 août 2015.

À quelques semaines des élections législatives anticipées, le 20 septembre, le premier ministre grec Alexis Tsipras, veut faire entrer son pays dans un régime colonial de la dette en s’obstoinant à la maintenir dans la zone euro. (Le Monde).

Par Maria NEGREPONTI – DELIVANIS

Le peuple grec suit les faits et gestes de son premier ministre avec confusion et désespoir.
Lors du référendum du 5 juillet, Alexis Tsipras avait demandé aux électeurs de répondre par un non tonitruant qui lui servirait d’arme dans les négociations avec l’Union européenne. Non seulement il avait promis l’abolition définitive des mémorandums qui ont précipité la Grèce dans la misère depuis cinq ans, mais il avait également une Europe nouvelle, enfin libérée de l’obsession de l’austérité.

Toutefois, le non franc et massif de 62 % du peuple grec qui a osé choisir un gouvernement de gauche et contester la justesse des mémorandums semble avoir rendu fous furieux les dirigeants européens.
Et, au lieu de l’allègement des mesures inhumaines et totalement inefficaces imposées par ceux-ci, la « troïka » (Fonds monétaire international, Banque centrale européenne et Commission européenne) a émis un troisième plan dont les termes sont encore plus durs.
Le premier effet de ce monstrueux accord sera l’augmentation de la dette qui, de son montant actuel de 173 % du produit intérieur brut, passera à 201 %.
La volte-face spectaculaire de Syriza, aux antipodes de l’ambiance révolutionnaire des « mémorandums déchirés » , de la « souveraineté nationale » et du « refus catégorique de l’austérité » , a suivi.

Conséquence : une certaine forme de « nettoyage » du gouvernement et du parti, visant à exclure les membres restés fidèles aux principes de Syriza, et qui avaient refusé de se convertir au culte de l’euro.
Ensuite, M. Tsipras n’a nullement ressenti le besoin d’expliquer à ses compatriotes cet incompréhensible revirement.
Au contraire il s’est empressé de démissionner et de fixer la date des élections législatives anticipées pour le 20 septembre.
Cette fois-ci Alexis Tsipras exige du peuple grec qu’il annule le non spectaculaire du référendum du 5 juillet pour le remplacer par un grand oui qui légitimera le troisième mémorandum.

ANTIDÉMOCRATIQUE

Il était tout naturel que le comportement antidémocratique du premier ministre grec suscite des rumeurs de coups d’Etat, de trahison etn de complots ourdis contre le peuple grec.
Une chose est certaine : l’ambiance qui prévaut ces derniers mois en Grèce est celle d’un théâtre de l’absurde, où le bon sens n’a plus sa place.
Le non au référendum visait sans équivoque les mémorandums et incitait directement à rompre avec les créanciers, s’ils persistaient dans leur politique.

Le premier ministre avait pour mandat d’en tirer les consaquences, y compris en envisageant la sortie de la zone euro. Il aurait dû, entre autres, élaborer un « plan B » crédible de retour de la monnaie nationale.
Et, surtout, il n’aurait pas dû lancer après coup des accusations ridicules sur une trahison présumée prétendument commise par ceux (en admettant qu’ils avaient existé) qui avaient pris soin de préparer un tel plan en assurant la liquidité élémentaire des banques et en imposant, en temps utile, des restrictions, comme l’exportation de capitaux à l’ étranger.

Même en admettant que ces actions ou manquements pourraient lui être pardonnés en les attribuant à son inexpérience, d’autres sont vraiment inexcusables.
Par exemple quand M. Tsipras a proclamé qu’il livrerait « terre et eau » pour rester dans l’euro.
Voilà la manière frivole et inébranlable avec laquelle le gouvernement considère le retour inévitable à la monnaie nationale.

Des membres du gouvernement, en parfaite harmonie avec la direction de l’Union européenne et la puissante opposition qui s’est récemment transformée en force progouvernementale, prétendent que « le retour à la drachme serait une catastrophe ». Toutefois, ils se gardent bien d’expliquer les méthodes et les chiffres qui leur ont permis de conclure que l’instauration d’une nouvelle drachme constituerait une catastrophe supérieure à celle que provoquent les mémorandums.

Car il n’est plus permis de douter que ceux-ci conduisent la Grèce tout droit vers une disparition nationale, économique et démographique, en contraignant les Grecs à vendre leurs avoirs, en abolissant le secteur public après l’avoir démantelé, en jetant impitoyablement à la rue ceux qui n’arrivent pas à rembourser leur prêt immobilier pour leur résidence principale, en premettant aux employeurs de licencier massivement, en réduisant les salariés et les retraités à la misère, en éliminant toute trace de protection sur le marché du travail et en renonçant à toute forme de souveraineté et de fierté nationale, avec pour horizon exclusif le régime colonial de la dette.

Certes, l’instauration d’une nouvelle drachme ne serait pas anodine. Mais c’est la seule solution offrant une issue à l’impasse actuelle. M. Tsipras peut remporter ou perdre les élections du 20 septembre. Mais, dans les deux cas, le résultat sera le même : le premier gouvernement de gauche radicale en Grèce aura donné sa bénédiction à la poursuite d’une dictature financière étouffante, dans un pays membre de l’Union européenne, mettant en péril la paix sociale. Et pas seulement celle-ci.

Car ce sacrilège aura , inévitablement, des conséquances délétères sur l’ensemble de l’Europe, mais aussi dans le monde entier.
À court terme, le seul vœu, utopique à ce stade, qu’on peut formuler est d’éviter que cet accord criminel soit mis en œuvre. C’est après seulement que les Grecs soutiendront, tous ensemble, le retour à la souveraineté et à l’Europe.

Maria NEGREPONTI – DELIVANIS, économiste et ancienne rectrice de l’université macédonienne de Thessalonique, fut conseillère de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord et de l’Organisation de coopération et de développement économiques.

Sources : Le Monde des Idées

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L’ÉCHEC DE LA RIGUEUR : LES 8 PLANS D’AUSTÉRITÉ GRECS

Le blog de Jean-Luc Mélenchon

Alors que l’ensemble des pays européens appliquent des plans de rigueur, l’exemple grec montre depuis deux ans que cette politique est désastreuse. Principal artisan de cette politique aux côtés de Papandréou, le ministre social-démocrate des finances vient d’être conforté dans le nouveau gouvernement grec.

Loin d’assainir les comptes publics, les 8 plans d’austérité votés depuis 2010 ont conduit à une augmentation de 25 % de la dette.
En asphyxiant la demande et en réduisant les services publics ils ont en effet contracté l’activité avec une récession qui s’est accélérée en 2011 et un chômage qui s’est envolé en passant de 12 à 17 % de la population active.

Le détail des 8 plans d’austérité grecs

  • 1e plan janvier 2010 : objectif : ramener le déficit sous les 3% de PIB d’ici 2012
    • hausse des impôts
    • gel des embauches dans la fonction publique
  • 2e plan, février 2010 : durcissement du premier plan d’austérité
    • gel total du salaire des fonctionnaires
    • relèvement de l’âge de départ légal à la retraite
    • augmentation des taxes sur les carburants
  • 3e plan, mars 2010 :
    • gel des retraites
    • augmentation des taxes (alcool, tabac, essence)
  • 4e plan, mai 2010  : objectif d’une réduction des dépenses publiques de 7% d’ici 2013
    • suppression des 13e et 14e mois pour les retraités et salariés du public
    • gel des salaires et retraites
    • non remplacement de 4 fonctionnaires sur 5
    • augmentation de la TVA (de 19 à 23%)
    • augmentation des taxes sur les carburants, le tabac et l’alcool
    • âge de la retraite unifié à 65 ans ; augmentation progressive de la durée de cotisation (de 37 à 40 ans)
  • 5e plan, avril 2011 : 23 milliards d’économie supplémentaires d’ici 2015
  • 6e plan, juin 2011 : objectif de 28,4 milliards d’économie et 50 milliards de privatisation d’ici 2015
    • durcissement des critères pour les allocations sociales et chômage
    • réduction des retraites complémentaires
    • non remplacement de 9 fonctionnaires sur 5 à partir de 2011
    • licenciement des salariés d’organismes publics ou fusionnés devient possible
    • privatisations : ports, aéroport, poste, banque, etc.
  • 7e plan, septembre 2011
    • taxe spéciale sur la propriété immobilière
    • l’Union européenne et le FMI font pressions pour imposer de nouvelles mesures d’austérité avant le déblocage de la 6e tranche de leur aide de 110 milliards d’euros accordée en 2010
  • 8e plan, octobre 2011
    • baisse des pensions de retraites
    • gel des conventions collectives
    • chômage partiel puis licenciement de 30 000 agents publics
Les conséquences pour la dette, de l’activité et du chômage
+ 25 % de dette en deux ans :


  • fin 2009 dette : 298 milliards d’euros

    1er trimestre 2010 : la dette augmente de 3,7% par rapport au trimestre précédent.

  • Mars 2010 dette : 309 milliards d’euros

    2e trimestre 2010 : la dette augmente de 1,4% par rapport au trimestre précédent.

  • Juin 2010 dette : 314 milliards d’euros

    1e trimestre 2011 : la dette a augmenté de 9,8% par rapport au premier trimestre 2010.

  • Juin 2011 Montant de la dette : 340 milliards d’euros
  • Fin 2011 Montant prévu de dette : 365 milliards d’euros
Dette 2009 : 127 % PIB
Dette 2010 : 143 % PIB
Dette 2011 : 165 % PIB
la récession accélérée :
2010 PIB : moins 2%
2011 PIB : moins 4,80%
le chômage creusé :
12,6 % en 2010
17,6 % en 2011

Sources : jean luc melenchon blog – arguments

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[1Vidéo - Intervention d’Éric Toussaint à la présentation du rapport préliminaire de la Commission de la vérité - 11 août par Eric Toussaint
L’ensemble du rapport préliminaire est disponible sur internet en anglais, grec et français(voir Rapport Préliminaire de la Commission pour la vérité sur la dette publique grecque ). Il le sera bientôt en espagnol et en allemand. Les différents chapitres du rapport sont également publiés séparément pour faciliter la lecture.
L’éditeur français Les Liens qui Libèrent publie également le rapport sous forme de livre (voir L’éditeur Les Liens qui Libèrent publie sous forme de livre le rapport de la commission pour la vérité sur la dette grecque. ).

[2Eric Toussaint est maître de conférence à l’université de Liège, est le porte-parole du CADTM International et est membre du Conseil scientifique d’ATTAC France.

Il est auteur des livres “Procès d’un homme exemplaire”, Editions Al Dante, Marseille, 2013 ;

  • “Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui”, Le Cerisier, Mons, 2010.
  • Il est coauteur avec Damien Millet du livre “AAA, Audit, Annulation, Autre politique”, Le Seuil, Paris, 2012 ;
  • “La dette ou la vie”, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège
  • Dernier livre : “Bancocratie” ADEN, Brussels, 2014.

Il est coordonnateur de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015.