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DÉCÈS DE L’AVOCAT MOHAND ISSAD

vendredi 29 avril 2011

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L’avocat Mohand Issad est mort.
Le professeur s’est éteint dans la nuit de mercredi a jeudi à l’hôpital de l’Hotel Dieu à Paris des suites d’une longue maladie.
Originaire de Kabylie, il avait 75 ans.

Ancien président de la commission de la réforme de la justice en 1999, il avait également présidé la commission d’enquête sur le Printemps noir de Kabylie de 2001 qui avait fait 128 morts. Il avait dans son rapport sévèrement mis en cause le pouvoir dans ces évènements.

Il était connu pour ses prises de positions sur les importants débats juridiques qui ont agité le pays ces dernières années, comme la pénalisation de la harga, l’état d’urgence et la séparation des pouvoirs judiciaire et politique.


Mohand Issad :

l’homme qui aurait voulu être fier de la justice algérienne

par Merouane Mokdad

Coléreux, méticuleux et perfectionniste, l’avocat Mohand Issad était fort respecté parmi ses pairs du bâtonnat d’Alger. Spécialiste en droit des affaires, il avait eu à prendre en charge plusieurs dossiers lourds liés notamment à l’arbitrage commercial international. Dans son cabinet de la place des Martyrs à Alger, il travaillait jusque tard dans la nuit. Presque sans arrêt. Il était toujours passionné, débordé même, par la volonté de faire du travail soigné, parfait. Il n’hésitait pas à montrer son irritation lorsque des journalistes lui posaient des questions mal formulées ou usant d’une langue défectueuse.

Fidèle à l’ancienne école du droit et de la littérature française, il avait une maîtrise, citée en exemple, de la langue de Molière. Sur le tard, il a appris l’arabe pour pouvoir plaider dans les tribunaux algériens où la langue d’Al Moutanabi est obligatoire. Exigeant avec ses collaborateurs, il n’avait aucune gêne à montrer parfois la tendresse d’un père aimant.

En 1999, Abdelaziz Bouteflika, à son arrivée au pouvoir, fait appel à lui pour présider la commission nationale de réforme de la justice. L’avocat prend à cœur cette nouvelle mission en travaillant pendant presque une année. L’analyse et les critiques faites du système judiciaire par la commission ont été saluées par tous les experts et les juristes. Remis à la présidence, le rapport a disparu de la circulation. Interrogé en 2007, sur le sort réservé à un rapport de plusieurs pages, Mohand Issad, fidèle à son franc parler, a eu cette réponse : « Je n’en sais rien. Tout ce que je sais et ce que vous constatez, vous les journalistes, c’est que le système de la justice est loin de suivre les recommandations du rapport (…) je ne peux qu’être horrifié et peiné des condamnations prononcées à l’encontre des accusés, que la presse publie au quotidien. Je ne peux pas être fier de la justice de mon pays lorsque je vois ce grand nombre de mandats de dépôt et mandats d’arrêt internationaux ».

Son amertume était trop forte. Il était déçu par le fait que travail n’ait servi presque à rien. Bouteflika voulait visiblement impressionner au début de son premier mandat en engageant des réformes tous azimuts (réformes, écoles, États). Des réformes non suivies. « L’indépendance de la justice n’est pas seulement une bannière levée par la société civile et la presse, on ne peut parler d’indépendance que lorsqu’il y a une parfaite confiance dans le système juridique. Or, on constate tout à fait le contraire, sur ce, je m’adresse au pouvoir politique pour qu’il veille à garantir l’équité des jugements rendus par la justice », constatait avec colère Mohand Issad.

En 2001, après les événements sanglants de Kabylie, Bouteflika sollicitait une nouvelle fois l’avocat pour mener une enquête sur la mort de plus 120 jeunes dans la région après avoir été ciblés par des gendarmes. La Commission d’enquête, qui a rendu public son rapport en juillet 2001, a retenu deux hypothèses : le commandement de la gendarmerie « a perdu le contrôle de ses troupes » et celle-ci « a été parasitée par des forces externes à son propre corps ». Des conclusions qui n’ont pas plu dans les hautes sphères de décision. Le rapport a vite été enterré. Et aucun responsable n’a été poursuivi mis à part un gendarme accusé d’avoir tiré sur le jeune Massinissa Guermah. Il a été reproché à la commission d’Issad de n’avoir pas cherché à identifier « les forces » externes qui avaient donné des ordres à la gendarmerie nationale. Elle n’a pas publié dans son intégralité la liste nominative des victimes décédées, torturées ou maltraitées dans les brigades de gendarmerie et dans les commissariats de police. Elle a omis aussi de publier la liste des gendarmes qui ont tiré et tué les jeunes émeutiers. Pourtant le communiqué de la Présidence de la République portant création d’une commission d’enquête sur « le printemps noir », précisait que celle‑ci aurait de « larges prérogatives ».

Mohand Issad est parti en emportant plein de secrets. Dernièrement, l’avocat avait dénoncé la pénalisation de l’acte de harga, décidée par les autorités pour tenter d’empêcher les jeunes de prendre le large. « La question des harragas n’est pas un problème de droit, mais elle est d’ordre social et politique » , avait‑il dit. Le jeune qui veut quitter le pays sans visa ne commet, selon lui, aucun délit. « Aucune loi ne criminalise la sortie du territoire. L’émigration clandestine est d’abord un problème pour le pays d’accueil » , avait‑il expliqué.

SourceTSA-algerie :


Voir en ligne : http://www.tsa-algerie.com/divers/d...