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L’ASSASSINAT D’ ÉTAT DE L’OUVRIER ALGÉRIEN COMMUNISTE IVETON

dimanche 18 décembre 2011


GUERRE DE LIBÉRATION : L’ EXÉCUTION DE FERNAND YVETON (MOUDJAHIDINE) : UN "CRIME D’ ÉTAT"


N’OUBLIONS JAMAIS FERNAND IVETON COMMUNISTE ALGÉRIEN - par Alain Ruscio - Historien


“15 DECEMBRE - CENTRE CULTUREL ALGERIEN : HOMMAGE À FERNAND IVETON”


L’ASSASSINAT D’ÉTAT DE L’OUVRIER COMMUNISTE YVETON

GUERRE DE LIBÉRATION :
L’ EXÉCUTION DE FERNAND YVETON
(MOUDJAHIDINE)
UN "CRIME D’ETAT"

Dimanche 18 décembre 2011

PARIS - Des moudjahidine, des compagnons d’armes et des historiens sont revenus longuement jeudi soir au Centre culturel algérien (CCA) de Paris, [1] sur le parcours du combattant Fernand Yveton, militant de la cause nationale guillotiné le 11 février 1957 dans la prison de Serkadji à Alger.

Les Moudjahidine Mohamed Rebah, Abdelkader Djilali Guerroudj et Félix Colozy, aux côtés de l’historien Jean-Luc Einaudi, ont tous qualifié cette exécution de Fernand Yveton, de "crime d’Etat".

Ouvrier communiste, Yveton considérait la cause algérienne comme la sienne. Il intégra les rangs du FLN durant l’été 1956 et en novembre, il décida de poser une bombe à l’usine de gaz à Alger, où il travaillait comme tourneur.

"Dans son esprit, il s’agissait de provoquer un sabotage matériel spectaculaire. Il voulait que tout soit prévu pour qu’il ne puisse pas y avoir de victimes", témoigne l’historien Jean-Luc Einaudi.

La bombe a été découverte avant son explosion. Il fut arrêté et soumis durant trois jours à d’atroces supplices. Il fut condamné à mort dix jours plus tard, soit le 24 novembre 1956, par le Tribunal militaire d’Alger, "en application de la procédure expéditive permise par les pouvoirs spéciaux, accordés par les députés français au gouvernement de Guy Mollet", a relevé l’historien.

Soumis à de fortes pressions, aucun membre du collectif des avocats français ne voulait prendre sa défense. On lui désigna alors deux avocats commis d’office, qui n’ont cependant rien pu faire contre cette condamnation.

Lorsque le recours en grâce fut examiné au Conseil de la magistrature, le Garde des sceaux de l’époque, François Mitterrand, vota en faveur de l’exécution de Fernand Yveton.

Revenant sur le livre qu’il a écrit sur la fin tragique de Yveton, "Pour l’exemple, l’affaire Fernand Yveton", Jean Luc Einaudi, a affirmé que son seul souci était "la recherche de la vérité qui n’est jamais absolue mais il faut y tendre".

"François Mitterrand, dit-il, a envoyé à la guillotine bien d’autres militants de la cause algérienne, encore avant et après Fernand Yveton et dont une grande partie de la gauche française continue à se réclamer", a-t-il déploré.

"En ce qui me concerne et tant que je le pourrais, en tant que citoyen français, pas en tant qu’historien, je continuerais à faire tout ce que je peux pour que la vérité soit connue concernant Fernand Yveton et tous ceux qui ont été conduit à la guillotine au cours de ces années là", a-t-il affirmé.

Apportant son témoignage, Albert Smadja, l’avocat commis d’office pour Fernand Yveton a affirmé que durant toute sa carrière au barreau, il n’avait "jamais vu un dossier d’inculpé aussi mince et comprenant peu de pièces facilitant l’instruction de l’affaire" car, à son avis, "on voulait précipiter l’exécution du militant et clore le dossier".

L’exécution de Fernand Yveton est purement et simplement "un assassinat perpétré par Robert Lacoste, Guy Mollet et François Mitterrand", a lancé pour sa part Abdelkader Djilali Guerroudj, ancien condamné mort.

Le Moudjahid Mohamed Rebah a rappelé quant à lui que Yveton a été condamné par le tribunal militaire d’Alger "au motif qu’il avait voulu faire sauter Alger" selon les propos de Jacques Soustelle, ancien gouverneur d’Algérie.

"Le procès s’est déroulé dans un climat de haine raciale, alimenté et dirigé par des groupes fascistes, partisans féroces de l’Algérie française qui avaient créé en janvier 1956 un comité de défense et d’action pour l’Algérie française et qui plus tard formèrent l’OAS", a-t-il dit.

Dans le couloir qui le conduisait à l’échafaud, Fernand Yveton avait lancé un vibrant "L’Algérie libre vivra", a-t-il encore témoigné. Pour l’histoire, une erreur de transcription du patronyme de ce militant, le jour de sa condamnation à mort, le transformant en Yveton, a été continuellement reconduite depuis plus de 50 ans, alors qu’il s’agit en réalité de la famille Iveton.

Sources : Communiqué de l’Agence algérienne de presse -APS

repris sur le site "algerieinfos-saoudi"

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N’OUBLIONS JAMAIS FERNAND IVETON

COMMUNISTE ALGÉRIEN

par Alain Ruscio

Historien

Le Centre culturel algérien honorait, cette semaine, la mémoire du militant communiste et patriote algérien Fernand Iveton, guillotiné le 11 février 1957, poursuivi par la haine tenace d’un gouvernement dont le ministre de la « Justice », et donc principal décideur, s’appelait François Mitterrand.

Son « crime » ? Avoir projeté de poser une bombe pour saboter une tuyauterie dans l’usine à gaz d’Alger. L’engin avait été programmé pour exploser à 19 h. 30, c’est-à-dire à un moment où les lieux étaient déserts. Il ne pouvait donc pas faire de victime. Il avait d’ailleurs été découvert avant l’heure et désamorcé. En temps « normal », la sanction aurait dû être de quelques années de prison.
Oui, mais… la guerre d’Algérie a été une permanente anormalité dans l’histoire française et, en particulier, de la justice.

Fernand Iveton faisait partie de ces militants du Parti communiste algérien – plus nombreux que ce que veut bien dire une certaine historiographie – qui avaient épousé très tôt la cause de l’indépendance de son pays. Oui, son pays. Car Iveton, cela fut rappelé avec force lors de cette soirée, était un fils de ce peuple, un Algérien à part entière, sans formule complémentaire (du type « d’origine européenne »). Avec ses camarades Maurice Laban, Henri Maillot, Maurice Audin, Henri Alleg, bien d’autres encore, il ne se posait pas la question des « origines » de ses camarades de combat : son pays, l’Algérie, était la proie d’un système honni, le colonialisme, il fallait l’en débarrasser, c’était aussi simple que cela.

Lorsque Fernand Iveton fut arrêté, la propagande coloniale, haineuse, accentua immédiatement ses accusations anticommunistes : elle tenait la « preuve » de la manipulation par le PCF, donc par Moscou, du mouvement patriotique algérien. Est-ce cette situation qui amena ce Parti à faire preuve de prudence et à ne pas s’engager dans la défense militante d’Iveton ? Jean-Luc Einaudi, auteur il y a vingt-cinq années d’une histoire de ce drame, maintint sa sévère analyse de cette attitude. D’autres présents, dont de nombreux anciens cadres du FLN, nuancèrent cette sévérité et rappelèrent la fraternité d’armes d’antan, malgré les divergences politiques.

Si le contexte particulier de cette époque permet de comprendre (approuver est une autre question) cette prudence, il faut que la mémoire communiste, aujourd’hui, se réapproprie Fernand Iveton.
Il fut un pur héros, mort pour son idéal. Au pied de l’échafaud, il ne baissa pas les yeux. Il embrassa ses deux compagnons d’infortune, eux aussi condamnés à mort, Mohamed Ouenouri et Mohamed Lakhnèche. Puis jeta aux yeux de ses bourreaux – et de la France colonialiste – un vibrant « Vive l’Algérie ! ».

Cette affaire reste en tout cas une tache indélébile dans l’histoire de la France contemporaine. Mais la particularité du cas Iveton ne doit pas faire oublier que le sang a été répandu à flots durant cette période : 221 autres patriotes algériens, classés, eux « musulmans », furent guillotinés, dont 44 durant la période où François Mitterrand était Garde des Sceaux.

En ces temps de réhabilitation tous azimuts du colonialisme, en ces temps où un pouvoir sarkozyste aux abois utilise le mythe Bigeard pour chasser sur les terres du Front national [2], il est bon de rappeler que ce système, né dans la violence, ne s’est perpétué que par le sang, avant de s’écrouler lamentablement.

article repris dans "L’Humanité" (culture-tribune) le 17 décembre 2011, pour lire en ligne cliquer ici ...

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[2Rappelons que la pétition contre le transfert des cendres de ce tortionnaire est toujours d’actualité : nonabigeardauxinvalides.net

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