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COMMUNIQUÉ ET APPEL à SOLIDARITÉ DU SYNDICAT DES MAGISTRATS TUNISIENS

jeudi 20 janvier 2011

C’est à la fois une excellente et riche information, un appel à solidarité qui trouvera certainement les échos qu’il mérite, enfin une belle source d’inspiration pour les corporations similaires dans les différents pays du Maghreb et d’ailleurs qui subissent les méfaits des dictatures

SYNDICAT DE LA MAGISTRATURE

Paris, le 18 janvier 2011

12-14 rue Charles Fourier75013 PARIS
Tel 01 48 05 47 88
mail : syndicat.magistrature@wanadoo.fr
site :www.syndicat-magistrature.org


Communiqué de presse :

JUSTICE POUR LES TUNISIENS

Le vaste mouvement populaire qui s’exprime en Tunisie depuis plusieurs semaines, porteur de revendications indissociablement sociales et démocratiques, a fait éclater au grand jour la nature du régime de Ben Ali, longtemps – très récemment encore – considéré comme un « ami de la France ». Celle-ci, pourtant, n’ignorait rien des méthodes employées par cet Etat policier pour faire taire ses opposants.

A de nombreuses reprises, ceux qu’il est désormais convenu d’appeler ici « les droits de l’hommistes » avaient alerté les autorités politiques françaises sur les atteintes portées aux droits et libertés des Tunisiens. La « Révolution du Jasmin » aura eu raison des dénégations et des faux-fuyants auxquels ils se sont heurtés.

Ainsi le Syndicat de la magistrature a-t-il toujours dénoncé, aux côtés des avocats et des magistrats tunisiens progressistes, et plus généralement des militants des droits humains, le diktat exercé par le pouvoir de Ben Ali sur la justice et le peuple tunisiens.

Dans une motion de congrès adoptée en décembre 2001, il s’est insurgé contre « la mise sous tutelle de la justice tunisienne par le pouvoir politique, la pratique courante de la torture par les policiers, le musellement des droits de la défense et le harcèlement des défenseurs des droits de l’Homme ». Le ministre tunisien de la Justice avait pourtant pris soin d’interdire au juge Mokhtar Yahyaoui, président du Centre tunisien pour l’indépendance de la Justice (CTIJ), d’assister à ce congrès...

Les 5 et 11 février 2002, le SM a stigmatisé la violation des principes du procès équitable lors du jugement de l’opposant Hamma Hammami.

Le 10 juin 2002, le Syndicat de la magistrature et l’association MEDEL (Magistrats européens pour la démocratie et les libertés) ont lancé un appel en faveur de Mokhtar Yahyaoui, révoqué de la magistrature pour avoir demandé à Ben Ali dans une lettre ouverte de « relâcher l’emprise du pouvoir exécutif sur le pouvoir judiciaire ».

En 2005 et 2006, le SM a soutenu activement l’Association des magistrats tunisiens (AMT) et les avocats confrontés aux pressions et intimidations du pouvoir. Lors de son congrès de novembre 2005, il a ainsi rappelé que les principaux dirigeants de l’AMT – qui avaient formulé des revendications statutaires visant à garantir l’indépendance des magistrats – avaient été mutés du jour au lendemain à plusieurs centaines de kilomètres de leurs domiciles...

Le 21 décembre 2005, le SM a co-animé au Sénat, en partenariat notamment avec le Comité pour le respect des libertés et des droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT), une conférence sur le thème « La justice en Tunisie : état des lieux », qui a mis en évidence la marginalisation et l’arbitraire subis par les professions judiciaires en Tunisie.

En mai 2006, un membre du bureau du Syndicat de la magistrature s’est rendu à Tunis pour dénoncer publiquement les manoeuvres du gouvernement visant à empêcher la tenue du 6ème congrès de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme.

En novembre 2008, un autre a pris part à une mission de la FIDH sur la violente répression des émeutes du bassin minier de Gafsa, en compagnie notamment de magistrats et d’avocats tunisiens persécutés. Avec de nombreuses organisations, le SM a réclamé l’ouverture d’une enquête indépendante et transparente sur ces événements.

Le 8 octobre 2006, le SM a exprimé sa solidarité à la juge Wassila Kaabi, membre du bureau de l’AMT, qui s’était vue interdire de quitter le territoire tunisien pour se rendre au congrès de l’Union internationale des magistrats à Budapest. *

Ces derniers jours, outre des violences policières extrêmement graves exercées à l’encontre des citoyens tunisiens, qui ont causé plusieurs dizaines de morts, de multiples violations des droits des magistrats et des avocats ont encore été constatées en Tunisie par la FIDH.

Ainsi, Maître Samir Ben Amor a été agressé par le directeur de la prison Messaadine à Sousse et par ses adjoints le 30 novembre 2010. Ils lui ont tordu les poignets en lui maintenant les bras derrière le dos et ont arraché la feuille où il avait noté quelques informations que son client venait de lui confier pour préparer sa défense.
Une semaine plus tard, après une visite à la prison centrale de Mornaguia, l’ancien bâtonnier Béchir Essid s’est vu confisquer de force par un gardien le document sur lequel il avait consigné les noms de témoins fournis par son client et qu’il comptait citer au procès.

Le 12 décembre, le journal indépendant Kalima a publié le fac-similé d’un courrier adressé par le Procureur auprès de la Direction des affaires judiciaire du ministère de la Justice au Procureur de Sousse, lui demandant de verser les rapports d’écoutes concernant des prisonniers et leurs avocats – établis par le Directeur général des prisons – au dossier d’instruction d’une affaire en cours.

Le 19 décembre, les membres du bureau exécutif légitime de l’AMT ont fait l’objet d’une surveillance policière et d’une interdiction de rejoindre le 4ème congrès organisé dans la banlieue de Tunis par des serviteurs du régime ayant pris le contrôle de l’organisation. Le juge Hamadi Rahmani a même été bloqué sur la route par des agents de police qui l’ont empêché de poursuivre son chemin.

Deux avocats ont été enlevés et brutalisés par la police le 29 décembre pour avoir pris la parole en public afin d’exprimer leur soutien aux mouvements spontanés de révolte populaire.

Le 31 décembre, plusieurs centaines d’avocats se sont rassemblés dans plusieurs tribunaux pour protester contre ces violences policières ; ils ont été molestés par les forces de l’ordre, au sein même des juridictions.

Le 11 janvier 2011, une manifestation pacifique d’artistes solidaires de la protestation sociale a été violemment réprimée par de nombreux policiers en civil et en uniforme. Plusieurs avocats présents sur les lieux, dont Maître Radhia Nasraoui, présidente de l’Association de lutte contre la torture en Tunisie (ALTT), elle-même torturée à plusieurs reprises, ont été agressés par des policiers peu après la manifestation.

Face à ces actes intolérables, l’attitude du gouvernement français aura été pour le moins poltronne. En novembre 2005, le SM avait déjà dénoncé dans une motion « le silence et la lâcheté du gouvernement français et de l’Union européenne à l’égard du régime tunisien », cette « dictature brutale »... Cette fois, la ministre des affaires étrangères, l’ex-garde des Sceaux Michèle Alliot-Marie, est allé jusqu’à proposer honteusement à Ben Ali le fameux « savoir-faire de la France » pour « régler les situations sécuritaires » !*

À l’heure où l’espoir est de nouveau permis en Tunisie, mais où les craintes restent grandes, le Syndicat de la magistrature :

  • se déclare solidaire des revendications des syndicalistes et du peuple tunisien qui aspirent à un régime démocratique, au respect des libertés publiques, de la presse et des médias, à l’indépendance de la justice et au respect des droits syndicaux, de manifester et de grève ;
  • réaffirme son soutien et rend hommage aux avocats, aux magistrats et aux militants des droits de l’Homme qui luttent depuis de nombreuses années pour l’instauration d’un État de droit en Tunisie ;
  • salue la libération de l’opposant politique Hamma Hammami, époux de Maître Nasraoui, et de l’avocat Mohammed Mezam, qui avaient été arrêtés les 12 et 13 janvier avant d’être détenus au secret ;
  • réclame la fin des arrestations arbitraires, le respect des droits de la défense et le contrôle effectif de toute privation de liberté par un juge indépendant et impartial ;
  • appelle l’Union européenne à exiger du nouveau gouvernement tunisien qu’il respecte la clause relative au respect de la démocratie, des droits humains et des libertés fondamentales de l’accord d’association avec la Tunisie ;
  • demande la création d’une commission d’enquête internationale d’établissement des faits et des responsabilités s’agissant de la répression des manifestations des dernières semaines.

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