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ELECTIONS BRESILIENNES. LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE, ENJEU CENTRAL

dimanche 26 octobre 2014


par Saoudi Abdelaziz
blog algerieinfos-saoudi
le 25 Octobre 2014

"Douze ans après l’élection de Luiz Inacio Lula da Silva, plus personne ne remet en cause les politiques sociales introduites par l’ex-ouvrier de la métallurgie, du moins pas directement. C’est en revanche sur la politique étrangère que s’expriment des désaccords radicaux".


LE MONDE VU DU BRÉSIL :
« EUROPE ET ETATS-UNIS N’ONT PAS COMPRIS
QUE LES ÉQUILIBRES ONT CHANGÉ »

Par Lamia Oualalou
le 24 octobre 2014
Mediapart

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Lamia Oualalou est journaliste, spécialiste de l’Amérique du Sud

EXTRAITS

Douze ans après l’élection de Luiz Inacio Lula da Silva, plus personne ne remet en cause les politiques sociales introduites par l’ex-ouvrier de la métallurgie, du moins pas directement.
C’est en revanche sur la politique étrangère que s’expriment des désaccords radicaux entre la présidente sortante Dilma Rousseff, candidate du Parti des travailleurs (PT), et son adversaire Aécio Neves, qui représente le Parti de la social-démocratie brésilienne (PSDB), une formation aujourd’hui clairement ancrée à droite
.

Alors que le second tour de l’élection présidentielle se tient dimanche 26 octobre, et s’annonce extrêmement serré, nous avons interrogé Marco Aurélio Garcia. Il est depuis douze ans le conseiller spécial aux affaires internationales de la présidence, tout d’abord de Luiz Inacio Lula da Silva, puis de Dilma Rousseff. À ce titre, il a été et demeure un des acteurs clés de la politique internationale du Brésil, élaborée entre le palais présidentiel du Planalto et celui d’Itamaraty, qui abrite le ministère des affaires étrangères à Brasilia.
Dans ce long entretien, il revient, pour “Mediapart”, sur les principales options du gouvernement, ses relations avec les États-Unis, sa vision de l’Europe, son étonnement par rapport à la politique étrangère française et, plus généralement, sur le monde vu du Brésil.

Depuis 2002, comment a évolué l’insertion du Brésil dans le monde ?

Elle a changé parce que le Brésil a changé. Un pays peut difficilement jouer un rôle important sur la scène mondiale s’il ne résout pas ses problèmes économiques, sociaux et politiques. Je n’aurais pas l’arrogance de dire que le Brésil a tout résolu, mais nous avons au moins compris que l’inégalité était le problème fondamental. J’insiste, ce n’est qu’un début.
En nous attaquant à l’inégalité sous son angle économique, nous avons réalisé que la question était beaucoup plus complexe, et la tâche plus ardue. Il y a aujourd’hui dans notre pays des revendications nouvelles sur la qualité des services, qu’on a vu surgir durant les manifestations de 2013.
Je prends l’exemple des aéroports : ils fonctionnaient correctement quand ils accueillaient 34 millions de passagers par an. En une décennie, avec la hausse du revenu de la population, il y a 140 millions de passagers et les équipements sont totalement dépassés.
Passer d’un pays pensé pour une petite élite à un pays pour tous n’est pas simple.

La présidente Dilma Rousseff a annulé l’an dernier la visite d’État prévue à Washington après avoir découvert qu’elle était directement mise sous écoutes par le gouvernement américain. Où en est depuis cette relation avec les États-Unis ?

La qualité de notre relation avec les États-Unis est similaire à celle que nous maintenons avec la « Carpatie » ou avec la « République centre-asiatique », la seule différence, c’est que les États-Unis sont un grand pays... Plaisanterie mise à part, nous devons surmonter cet épisode, mais ce n’est pas simple.
Nous attendons qu’ils fassent un geste. Après tout, ce sont eux qui ont créé le problème.
Notre politique étrangère ne peut pas être guidée par un sentiment anti-américain, même si je comprends ce dernier et qu’il est parfois justifié en Amérique latine, et même au Brésil.
Nous devons passer outre même pour des épisodes aussi désagréables que celui de l’espionnage. Mais nous ne pouvons pas accepter une relation asymétrique.

Lors de son discours à la tribune de l’ONU, en septembre, la présidente Dilma Rousseff a critiqué les bombardements en Syrie destinés à attaquer l’État islamique. Quelle serait l’alternative ?

Nous condamnons le terrorisme sans la moindre ambiguïté, c’est une horreur qui va à l’encontre de toutes nos valeurs républicaines, éthiques et morales.
Mais on ne peut pas éternellement nous imposer les erreurs des autres et nous demander de les légitimer.

Toute cette histoire a commencé quand on a décidé, contre l’avis de l’ONU, de bombarder l’Irak. Ce n’était pas un modèle de démocratie, loin de là, mais les communautés y cohabitaient de façon plus ou moins équilibrée.

Aujourd’hui, c’est le chaos, tout comme en Libye.

Et tout cela découle aussi de la non-résolution de la question palestinienne.

Il y a la conjonction de deux éléments : la grande difficulté de la région à s’auto-réformer, ce qui est apparu durant le « Printemps arabe », et la conduite totalement erratique des grandes puissances occidentales.

L’Europe est, depuis sept ans, plongée dans la crise économique. Cette situation vous préoccupe-t-elle ?

Bien sûr, d’autant plus que le processus de formation de l’Union européenne a longtemps constitué un modèle pour les Latino-Américains.

Aujourd’hui, voir démonter l’État-providence, assister à l’effondrement de la gauche, à la montée en puissance de l’extrême droite et des discours xénophobes, tout cela donne l’impression que l’idée même d’Europe, ce grand projet de civilisation, est en danger. L’impact sur la politique étrangère de la région est très net.
Comme je vous le disais à propos du Brésil, il faut résoudre ses problèmes internes pour arriver à se projeter dans le monde, et l’Europe aujourd’hui est marquée par la fragilité.

La crise européenne souligne une autre question : je pense que le projet régional a péché par absence de politique étrangère commune et de politique de défense. L’Europe a continué à dépendre de l’OTAN, sans jamais construire sa place dans le monde.
Il y a bien eu une préoccupation souverainiste, manifestée par de Gaulle et d’autres, mais il me semble qu’elle a disparu.

Êtes-vous étonné, par exemple, par les prises de position de la France en termes de politique étrangère ?

Franchement, oui. La France était le pays qui portait le mieux cette tradition souverainiste. Pour de Gaulle, l’Europe devait être un facteur d’équilibre dans le monde. À mon sens, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Cette tradition a même survécu au gouvernement atlantiste de Giscard, pour être reprise par Mitterrand et développée par Chirac. Elle a même gardé quelques forces pendant les années Sarkozy.
Ce n’est plus le cas aujourd’hui, et je ne comprends pas la logique. Pour moi, la France et l’Allemagne font erreur. Il me semble d’ailleurs que les sociaux-démocrates allemands ont plus conscience que les socialistes français qu’ils font fausse route.

Quel est le principal axe de changement de la politique étrangère introduit par Lula ?

C’est tout d’abord une option résolument sud-américaine. Nous pouvions choisir d’essayer d’exister seul dans le nouvel ordre mondial, ou de nous présenter comme une puissance entourée de ses voisins, comme nous l’avons fait.
Pour nous, l’Amérique latine est un atout. C’est un territoire immense, avec une biodiversité richissime, des ressources énergétiques, minières, hydrauliques, agricoles.
La dernière décennie a été marquée par des politiques sociales dans pratiquement toute la région, ce qui a transformé ses 400 millions d’habitants en consommateurs.
C’est enfin une zone de paix, sans conflit entre les pays, hormis quelques différends frontaliers.

Pensez-vous que la marginalisation de l’OEA, qui exclut Cuba de ses réunions depuis la révolution, aboutira à la réinsertion de l’île dans les institutions régionales ?

C’est déjà le cas. Hormis le Mexique, toute la région avait rompu avec Cuba sous pression des États-Unis.
Aujourd’hui, tout le monde a renoué avec le régime. La Havane est en outre à l’origine d’une coopération sociale dans la région.
Sa diplomatie très active contribue à trouver des solutions de consensus à des questions internes complexes, comme par exemple entre les Farc et le gouvernement colombien.
Il est vrai que Cuba est exclu des Conférences des Amériques, et cela a provoqué un gros malaise au cours de la dernière, organisée à Cartagena, en Colombie. Il a été décidé que ce serait la dernière fois que La Havane n’est pas représentée.
Panama qui accueille la prochaine édition, l’année prochaine, a déjà invité Cuba. Au Président Obama de décider s’il ira ou non, la balle est dans son camp.

Texte intégral : Mediapart



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