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RÉSISTANCE - LES SEMEURS D’ESPOIR - L’AMOUR DU PAYS

jeudi 19 décembre 2013


HOMMAGE À MOHAMED LASSOUANI PAR BABA AISSA ABDELKRIM - le 16 décembre 2013 - par raina-dz.com ;


L’ÉTINCELLE - ÉVOCATION DE SELLAMI PAR R HAKEM ;


HOMMAGE À JAMILA BOUHIRED : RÉSISTANCE ET CONSERVATISME - Medi 1 Radio - Salima GHEZALI - le 17/12/2013 ;


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1959 Sejour de l’Equipe du FLN au Vietnam

 [1]

HOMMAGE À MOHAMED LASSOUANI

PAR BABA AISSA ABDELKRIM

le 16 décembre 2013

par raina-dz.com

Mohamed LASSOUANI, fidele compagnon

Mon cher ami et camarade

Je viens d’apprendre ta disparition. Quand la douleur est bien grande, il n’y a que la solitude et le silence pour faire son deuil et accepter peu à peu l’irréparable.

Mais on me demande d’évoquer ton souvenir…

Pauvre, fils de pauvre, tu te retrouves à l’âge de 18 ans, embarqué sur un navire de guerre vers une contrée lointaine, pour défendre un système colonial, celui là même qui, par la contrainte maintenait ton peuple sous le joug.
L’imposture de ta situation ébranle ta conscience, sans hésiter tu rejoins tes frères colonisés qui combattent sous la bannière rouge frappée de l’étoile jaune pour libérer leur pays. Te voilà avec tes frères escaladant les collines autour de Dien Bien Phu pour faire subir, pour la première fois dans ce XXme siècle, une défaite cruciale à une armée impérialiste. TA conscience s’élève et s’épanouit devant cette victoire : les peuples sont capables de se débarrasser du joug colonial.

À la joie de ce triomphe est venu s’ajouter l’espoir qui venait de naître sur ta terre natale. Avec tes compagnons algériens, tunisiens et marocains vous exprimez votre volonté de rejoindre la lutte de libération nationale que venait d’engager le peuple algérien. De nombreuses délégations vous rendent visite à HANOI, promettent …un acheminement rapide… Mais les tractations et les étroitesses feront obstacle à votre engagement patriotique.

La mort dans l’âme, toi et tes compagnons, vous contenez votre déception. Votre certitude quant à la libération du Maghreb qu’annonce la Révolution Algérienne vous pousse à vous instruire politiquement et professionnellement. Les camarades vietnamiens organisent pour vous des cours de formation politiques et des formations diverses : tourneur, fraiseur, entretien de tracteurs etc… ( Je me souviens avec quelle fierté tu me montras des diplômes). Si vous ne participez pas à la lutte armée, vous saviez que le pays aura besoin de vous pour sa construction : La jeune république socialiste du Vietnam est là pour vous l’enseigner.

Vous ne serez rapatriés (pour ce qui est des Algériens) qu’en 1968. Quelques uns seront recrutés par le ministère du travail, comme gardiens dans des centres d’accueil pour l’enfance abandonnée. D’autres compagnons seront affectés dans les domaines autogérés.

Et c’est en 1969, au centre de Sidi Frej (baptisé plus tard centre HO CHI MINH), où je fis un court séjour que nous faisons connaissance .J’ai continué à te rendre visite presque tous les dimanches. Petit à petit, parcimonieusement, par vigilance, tu me parlas de ton séjour au Vietnam, montras des photos, tes divers diplômes… Mis en confiance, un jour tu me demande des nouvelles de Larbi BOUHALI, rencontré à Hanoi en 1960 (ce regretté camarade a été responsable de la délégation extérieure du PCA durant la lutte de libération).
Dés cette période tu adhères au parti (PAGS) et tu mèneras un travail inlassable, profitant de chacun de tes congés, pour retrouver tes compagnons revenus du Vietnam, éparpillés à travers le pays, pour les remettre en selle…

Je vais évoquer maintenant trois moments qui ont jalonné nos nombreuses rencontres et qui illustrent parfaitement la solidité et le dévouement de ce regretté camarade :

  • LES FONDAMENTAUX.
    Mohamed finit par mettre en place un modeste réseau, en reprenant contact avec ses anciens compagnons « les plus fidèles parmi les fidèles ». Mes activités à Alger ne me permettaient plus un suivi correcte. Un autre camarade fut désigné pour poursuivre la tâche. Malheureusement périodiquement me parvenait la consigne de reprendre langue avec lui pour rétablir la liaison…
    Je le retrouvais mécontent et retenant difficilement sa colère, et par discipline, il allait au rendez vous qui lui était fixé. ( Même après la sortie à la légalité, Mohamed ne m’a jamais révélé de qui il s’agissait…)
    À cause de ces « coupures », une fois il me mit entre les mains un petit livret. Le fascicule est écrit en arabe, à la main. Sûrement que l’original était sur stencil. Mohamed en possède quelques uns. C’est ce qu’il appelait ses « FONDAMENTAUX ».
    Dans le passage qu’il me demandait de lire il était question d’une intervention de LENINE sur l’ OPPORTUNISME. Ce dernier venait d’être informé qu’un pope ( curé) avait demandé à adhérer au parti bolchévique. LENINE écrit dans cette directive aux différents organismes du Parti qu’il était possible d’accepter cette adhésion et de mettre ce dernier à l’épreuve… Mais que toutes les instances ne devaient jamais oublier les origines sociales de ces nouveaux arrivants, de suivre méticuleusement leurs évolutions et particulièrement leur rapport avec les masses et de veiller à ce qu’ils n’accèdent jamais aux organismes de direction dans le Parti.
    Réalisant que j’ai fini de lire ce fameux passage, il me demande si nous aussi avions pris connaissance de ces recommandations, si nous les avons étudiés, si nous en tenions compte et pourquoi chez certains d’entre nous manquaient de discipline et de rigueur.
  • AVEC LES CAMARADES DE OUCHBA
    Entre 1990 et 1993, en compagnie de Mohamed, nous avons rendu plusieurs visites aux camarades de OUCHBA (commune de Ain Fezza, qui se trouve à une vingtaine de kiloùmètres de Tlemcen).
    Nous étions reçus dans la famille de Aami MEZIANE, la famille GHOMRI et donc celle de Tahar GHOMRI, militant et responsable communiste tombé au champ d’honneur.
    Il faut rappeler que toute la famille de GHOMRI et bien d’autres habitants de ce hameau avaient adhéré au PCA au début des années quarante du siècle dernier et presque tous avaient participé à la lutte de Libération Nationale. (Lire à ce propos la première partie du témoignage de Jacqueline GURROUDJ : « des douars et des prisons », éditions Bouchene, Alger, 1993).
    Tous les habitants du hameau savaient qui nous étions et le genre de discussions qui allaient nous prendre toute la nuit. De fait nous étions recus par tout le hameau et on se disputait pour nous recevoir à table.
    La situation de ces paysans pauvres n’était pas brillante et la nouvelle APC du FIS les avait dans le collimateur et refusait même de leur remettre les pièces d’Etat Civil qu’après maintes altercations.
    Le lendemain, sur la route du retour, j’ai exprimé mon admiration pour la confiance et la détermination pour ces hommes face aux difficultés et le dénouement. Mohamed me fit une réponse tout aussi confiante : « l’homme qui a su se libérer de l’oppression ne craint plus l’oppression( ) ».
  • « TANT QU’ILS AURONT LES PIEDS DANS LES RIZIÈRES ».
    Ma dernière rencontre avec lui remonte à Mai 2010 à Tlemcen. Nous nous rendions tous les matins au marché de la ville, puis nous nous attablions à la terrasse d’un café sur la place du Méchouar. C’est là qu’il avait l’habitude , quand il ne pouvait se déplacer, de rencontrer des proches, des camarades, venus des villages environnants, pour avoir de leurs nouvelles et rester en relation avec la vie dans les campagnes.
    Pendant trois jours personne ne vint. Il finit par me déclarer que c’est là le résultat de la course de toute la société derrière l’argent pour faire face aux difficultés grandissantes de la vie quotidienne.
    Ce jour là, après la sieste et le café, nous avons regardé un documentaire sur une chaîne étrangère. Il était question du Vietnam. Il était question de la nouvelle politique économique, de l’adhésion à l’OMC, des investissements étrangers notamment dans le tourisme et de quelques vietnamiens entreprenants qui installaient des boutiques autour des complexes touristiques.
    Après ce programme, j’ai exprimé des inquiétudes quant à l’évolution de ce pays. Mohamed m’écouta attentivement, me demanda de lui expliquer ce qu’est l’OMC et les conséquences de l’adhésion des pays pauvres à cette institution.
    Après un long silence, il me déclara : « Qu’importe le commerce et les petits commerçants ! Ce peuple a été éduqué par le Parti ; ce sont les enfants de HO CHI Minh : TANT QU’ILS AURONT LES PIEDS DANS LES RIZIÈRES il n’y a pas de raisons d’avoir peur pour leur avenir. Si ils ont de quoi manger, ils sauront se défendre ! ».

BABA AISSA Abdelkrim
le 16 décembre 2013
http://www.raina-dz.net/spip.php?article307

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L’ÉTINCELLE

ÉVOCATION DE SELLAMI
PAR R HAKEM

À la mémoire de notre Camarade et Patriote Mohamed Selami Mort au combat un certain 19 décembre 1995

Le 19 décembre 1995, Mohamed Sellami tombait au champ d’honneur. Il était l’organisateur des groupes de patriotes armés de la Mitidja. Pour rester en vie il a été contraint de quitter sa région natale, tombée sous le contrôle des islamistes. Mais Sellami ne pouvait se résoudre à ce drame. Il reviendra secrètement à Haouch Gros, et mènera un patient travail de mobilisation et d’organisation de groupes de résistance populaire au terrorisme islamiste. Les combats de ce militant progressiste, au courage et à l’engagement éprouvé, restent à poursuivre et à prolonger. C’est l’hommage que cet homme mérite.

Souvenir avec Mohamed SELLAMI

Mohamed te souviens-tu de ce parfum d’éden qui embaumait la Mitidja, pénétrait dans les corps et répandait l’allégresse dans les coeurs des gens ? C’était les senteurs du printemps que dégageaient, au sortir de l’hiver, les orangeraies en fleurs.

Entends-tu le murmure doux des champs de blé que caressait la brise, le gazouillis des oiseaux qui chantaient la vie ? Mohamed, te souviens-tu des nuits passées à la belle étoile à faire et à défaire le monde ? La douceur des nuits d’été invitait au voyage. Les chants aigus et sans fin des grillons accompagnaient nos rêves. Mohamed, te souviens-tu des amitiés sincères qui naissaient dans la lutte ? Garçons et filles des quatre coins d’Algérie, brisant les tabous et les mesquineries, nous étions unis dans le culte de la justice et de la liberté.

Mohamed, te souviens-tu de nos 20 ans ? C’était aux débuts des années soixante-dix, nous étions jeunes et dans nos corps brûlait un feu sacré. La tête pleine de certitudes enfantines, le coeur débordant de générosité, nous voulions changer le monde.

Nous voulions abolir "l’exploitation de l’homme par l’homme", supprimer l’ignorance et l’analphabétisme. Nous voulions changer les mentalités . Nous étions convaincus de participer à l’invention d’un monde nouveau où, dans l’harmonie avec une nature enfin maîtrisée, l’homme ne sera pas un loup pour l’homme.

L’évocation de notre naïveté juvénile me rappelle cette anecdote d’un Étudiant Volontaire qui voulait expliquer à un paysan le cycle de la pluie :

"Vous savez, la pluie n’est pas le résultat d’un phénomène surnaturel. C’est l’eau de mer qui, sous l’effet du soleil se transforme en vapeur, puis se condense dans le ciel et retombe sous forme de pluie. Elle va ensuite couler vers la mer pour recommencer le cycle..."

Le paysan le regarda avec scepticisme et lui répondit :
"Mettons que tu dises vrai concernant la pluie ; et la grêle qui nous arrive, ronde comme les boulettes de couscous, c’est ta mère qui l’a roulée ?"

Te souviens-tu, Mohamed, des débuts du “Volontariat étudiant” ? En ces premières années soixante-dix, la terreur régnait encore à l’université. Une grande répression venait de s’abattre sur les militants de l’“Union Nationale des Etudiants Algériens”. Il leur était reproché de critiquer le régime. Des dizaines d’entre eux furent jetés en prison puis envoyés de force au service militaire. Certains étaient recherchés et contraints à la clandestinité.

Le pouvoir n’aura jamais pardonné à l’U.N.E.A., son opposition au coup d’Etat du 19 juin 1965. Après plusieurs vagues de répression, après l’échec de son entreprise de mise en place d’une direction fantoche qui soit à sa solde, il allait l’interdire pour réduire définitivement toute opposition véritable.

Hommage au jeune KEDDAR, mort à la fleur de l’âge, dans la clandestinité, pour avoir refusé de soigner une grave maladie pendant qu’il était recherché par la sécurité militaire !

Mais quelle répression aurait pu empêcher Aziz Belgacem, Abderahmane CHERGOU et leurs camarades, ces semeurs d’espoir, d’accomplir leur devoir ?

Convaincus de frayer les chemins du progrès à toute la population, les apôtres de la liberté répandaient la libre parole.

Très vite, les germes de l’avenir commençaient de nouveau à donner des bourgeons. Un puissant mouvement de jeunes surgissait pour soutenir la “Réforme agraire”. Une école de formation aux idéaux du patriotisme, de la libération et du rationalisme était née.

Toute une génération de lycéens, étudiants, jeunes travailleurs et jeunes chômeurs sera profondément marquée par cette école d’un genre à part. Tu étais le représentant le plus authentique de cette génération militante.

Te souviens-tu Mohamed combien, au-delà de nos petits intérêts, au-delà de la peur, nous aimions ce pays.

Nous aimions ses orangeraies verdoyantes, ses montagnes abruptes, ses plaines steppiques, ses côtes merveilleuses et son désert fantastiques. Nous aimions ses langues non écrites, ses poésies diversifiées, ses bouquets de musique, ses contes allégoriques, ses dictons pleins de sagesse. Nous aimions son histoire, plusieurs fois millénaire et plusieurs fois martyr.

Nous aimions ses populations surtout. Qu’elles soient d’origine berbère, arabe ou européenne, qu’elles soient de confession musulmane, chrétienne, juive, athée ou simplement païenne, elles étaient toutes à nos yeux, avant tout algériennes.

C’était l’époque où l’on nous apprenait à briser les frontières de la haine que l’inculture avait érigées en l’homme. À faire la distinction entre un patriote qui aimait son peuple, et un nationaliste chauvin qui haïssait les autres.

Te souviens-tu Mohamed comment nous apprenions à vibrer au diapason de l’humanité en marche vers sa libération ?

Les avancées des forces du progrès, en quelque point de la planète, nous emplissaient de joie. Nous subissions les reculs comme autant de revers inscrits dans nos chairs.

Au Vietnam, "L’homme aux sandales de caoutchouc" comme KATEB Yacine appelait l’oncle Ho, mettait à genoux, la grande armada US. La complainte de Victor Jara, apportait jusqu’à nous la douleur du Chili succombant sous la botte fasciste ; et nous avions très mal. En Moyen Orient meurtri, l’O.L.P.(“Organisation de Libération de la Palestine”) , peu à peu, au travers du sacrifice des meilleurs de ses enfants, faisait du peuple palestinien un acteur incontournable non seulement pour l’Etat d’Israél et la communauté international, mais également pour les Etats arabes "frères" qui voulaient le phagocyter.

Grâce à l’aide algérienne, l’Angola de NETO remportait une bataille décisive contre les Savimbi soutenus par les Botha et Cie. C’était la bataille pour le contrôle de Luanda, la capitale.

En Afrique du Sud, au coeur du régime fondé sur la suprématie des Blancs, le martyr des enfants de Soweto annonçait à la face du monde, la fin de l’Apartheid.

Nous étions surtout, avec nos illusions, les empêcheurs de tourner en rond du système néo-FLN, qui faisait déjà de la contrebande avec les valeurs sacrées de la nation.

Mohamed, te souviens-tu de nos démêlés avec les gros propriétaires fonciers qui usaient de mille et un artifice pour échapper à la nationalisation ? Et les caïds de la Kasma F.L.N* ? Détrousseurs de deniers de la commune, voleurs de cageots pleins des domaines "autogérés", parasites méprisant le peuple qui leur donne à manger, avant-garde officielle qui marchait à reculons.

Te souviens-tu de l’histoire de la C.A.P.C.S* . de Boufarik ? Les paysans nous avaient dit à propos de la gestion de cet organisme censé les soutenir : "-Il y a des détournements de fonds publics."

Nous fûmes les seuls à les avoir cru. Nous avions passé des jours et des nuits à décortiquer la comptabilité de la coopérative. Nous avions mis à jour d’évidentes malversations. Te souviens-tu, Mohamed, que pour le punir, les supérieurs hiérarchiques du directeur de la C.A.P.C.S. lui avaient accordé une promotion ?

Te souviens-tu quand le président d’ A.P.C* . décida de louer le marché de Boufarik à un homme d’affaire contrôlant la plupart des marchés de l’Ouest algérien, lui conférant, par là, le droit de lever l’impôt, y compris sur les petits commerçants de la ville ?

Cette décision prise au mépris des règles les plus élémentaires de fonctionnement de la Mairie, souleva un tollé général parmi les habitants de Boufarik. Tu étais pour sortir dans la rue et manifester avec la population mécontente, mais nos "responsables" avaient refusé la proposition, "pour ne pas gêner l’action des forces progressistes au sein de l’Etat".

Ce ne sont là que des exemples dérisoires, des centaines, des milliers d’actions progressistes auxquelles tu participas activement depuis plus d’un quart de siècle.

Comme elles étaient chaudes ses nuits claires d’été, passées dans les salles de l’école à planifier notre contribution aux tâches de l’édification nationale ! Nous commencions toujours par établir le point de ce qui avait été accompli pendant la journée. Nous essayions de construire une appréciation en fonction d’un "plan de travail" couvrant la période de volontariat. Nous discutions, évidemment, du devenir de la nation. Nos cœurs vibraient pour le Vietnam et l’Afrique opprimés. Quelqu’un qui gratte une guitare, un chant révolutionnaire fuse lentement, il pénètre au plus profond de nous-mêmes.

Sans rien demander et prêts à tout offrir à la Patrie, nous étions des gens heureux.

Il n’est pas étonnant que la Mitidja ait donné des enfants de ta trempe Mohamed. C’est là qu’est situé le domaine "Sainte Marguerite" devenu Souidani Boudjemaa où naquit l’Autogestion. Alors que le Gouvernement Provisoire Algérien s’engageait dans les accords d’Evian à ne pas toucher aux terres des gros colons, des hommes avaient dit : "La liberté n’a pas de sens sans le progrès social".

Les ouvriers agricoles s’étaient organisés et avaient donné corps au rêve ancestral : "La terre aux paysans !"

Les gouvernants d’alors ne pouvaient qu’entériner.

Nous sommes au pays de Abderahmane CHERGOU. Salut l’A.L.N.[1] ! Formé dans les maquis de la guerre d’indépendance, militant progressiste et syndicaliste infatigable, il répandait sur son passage l’envie de vivre autrement. La prison et les tortures n’eurent point raison de son engagement impénitent pour la justice et la liberté. Un groupe d’islamistes fanatisés l’assassinera dans sa cage d’escalier. Il fut lardé à mort par des coups de couteau, mais ils ne réussirent point à l’égorger.

Les idées de Frantz Fanon planaient encore au lycée de Boufarik. Cet homme était né sur un autre continent. Il aima l’Algérie et épousa sa cause, car elle était la cause de tous les "damnés de la terre". Les idées de Fanon aidaient les gens à devenir de plus en plus humains. Elles furent progressivement ensevelies sous les amoncellements d’inculture et de haine déversées par l’école depuis son "arabisation" et l’enfermement culturel qui en résulta pour plusieurs générations d’algériennes et d’algériens. Dans l’Algérie arabo-islamique, Frantz Fanon n’a pas sa place.

La dernière fois que nous nous sommes rencontrés, c’était à l’enterrement de Mahfoudh qui venait d’être sauvagement assassiné à Dellys.

Sec comme un roc, les traits tirés par la fatigue, tu avais le regard de l’homme qui avait choisi. Tu disais : "Il faut réagir, il faut cesser de se faire tirer, l’un après l’autre, désarmés, comme des lapins !"

La déferlante islamiste avait laissé sur ton visage ses traces ravageuses.

Tout commença pour toi... mais où trouver un début à notre affrontement implacable avec l’intégrisme obscurantiste ?

En tout cas, un soir parmi les soirs des attentes angoissées, ils vinrent t’assassiner comme il le firent pour Mohand ou Bélaid ou encore tant d’autres gens qui ne leur plaisaient pas. À coups de pierres, à coups de bâtons, à coup de force et de courage toi et les tiens, hommes femmes et enfants vous étiez arrivés à les repousser enfin.

Mais leur menace devint de plus en plus pressante dans les jours qui suivirent. Tu dus quitter la terre de tes parents et pour toi commençait le calvaire de l’exil intérieur. L’assassinat par les islamistes de ton jeune frère resté à Boufarik fut horrible à accepter. Par ce crime crapuleux les islamistes voulaient t’atteindre dans tes sentiments les plus profonds quand ils ne pouvaient t’atteindre dans ton corps. Ils ne firent que renforcer ta détermination à "passer à l’action".

Un jour, tu revins en secret recultiver l’espoir dans la Mitidja tant aimée et la laver des souillures intégristes. Se croyant en pays conquis les chacals vinrent au village comme ils le faisaient depuis quelques mois déjà. Quelle ne fut leur surprise de se voir accueillis par un feu bien nourri. Ils y laissèrent leurs premiers cadavres en même temps que le mythe de leur invincibilité.

Ils reviendront par la suite, avec des camions et des tracteurs "blindés". Mais à chaque fois, ils perdront une parcelle de leur suprématie. Haouch El Gros où tu grandis, est aujourd’hui beaucoup plus qu’un symbole de la résistance victorieuse à la horde islamiste. À quelques kilomètres de Boufarik, ce bourg tranquille planté au milieu de la plaine verdoyante, est devenu le bastion inexpugnable des Patriotes de la Mitidja.

Et la lutte continue...

Cette nuit là ils attaquèrent Boufarik en venant par l’oued. Tu n’étais pas de garde, mais tu te précipitas vers le champ de bataille. La mort sifflait partout, avide de sang, avide de souffrance. Elle t’embrassa soudain et soudain tout finit.

Tu auras ce privilège d’être le premier camarade à tomber les armes à la main.

Nous eûmes la chance par la suite de rencontrer ta femme. Un foulard encerclait son visage enfantin. Dans sa candeur tranquille, elle manipulait les armes comme une magicienne. Elle est le cœur battant de l’Algérie en marche. Les Patriotes de la Mitidja se comptent par centaines. Tu peux te reposer. Grâce à des hommes comme toi une certitude est née : L’intégrisme ne passera pas en ce pays béni par les Dieux du Maghreb.

Mohamed, te souviens-tu de la cérémonie organisée par la Première Région Militaire, en l’honneur des Etudiants Volontaires ? Ce fut en été 1974 ou peut être 1975, je ne sais déjà plus. Nous étions, en un bel ensemble, mêlés à d’autre jeunes en tenue militaire pour scander : "L’armée et le peuple, contre la réaction !"

Pour tous les anciens camarades de la brigade des Etudiants Volontaires de Boufarik, je te salue.

R HAKEM
le 29 septembre 2010
http://algerieenquestions.blog.sfr.fr/article-52446319.html

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HOMMAGE À JAMILA BOUHIRED :

RÉSISTANCE ET CONSERVATISME

Medi 1 Radio

Salima GHEZALI

le 17/12/2013

Née à Bouira en Kabylie, elle a fondé le magazine féminin Nyssa, et dirigé l'hebdomadaire francophone La Nation, interdit en 1996. Sa position pour la liberté d'expression l'expose aux critiques croisées des autorités algériennes et des extrémistes islamistes, pendant la guerre civile des années 90, où elle prône une solution pacifique et démocratique. Récompensée du prix Sakharov et du prix Olof Palme en 1997, et du prix Theodor Haecker en 1999.

http://www.medi1.com/player/player.php?i=5701006


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[1Séjour de l’Equipe du FLN :

Macth amical contre l’équipe Nationale du Vietnam (score 5 - 0)

16/11/1959 : PEKIN-HANOI, escale à HONG KONG ; HK-Hanoi le même jour.
17/11/1959 : Repos et entrainement au stade de Hanoi.
18/11/1959 : Visite usine de textile Nam Dinh.
20/11/1959 : Visite colonie de déserteurs (Algériens, Marocains et Tunisiens (désertion du corps expéditionnaire français qui ont rejoint l’Armée de Libération Vietnamienne), BA VI.
21/11/1959 : Petit déjeuner avec le Président Ho Chi Minh.
22/11/1959 : Match contre l’équipe Nationale du Vietnam (score 5 - 0).
25/11/1959 : Départ du Vietnam à 0h00.

Photo : Joueurs (Ben Titour (Capitaine), Soukane Abderrahmane, Mazouz Abdelkader, Saïd Brahimi, Soukhane Mohamed, Amar Rouaï, Mokhtar Arribi) ; M. Phan Van Dong (Premier Ministre).
(Photo fournie par M.NGUYEN DUC MINH, ancien interprète à l’Ambassade d’Algérie au Vietnam)

sources : http://www.ambalgvn.org.vn/relation/archives.html

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