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DOSSIER : POUR UN DÉBAT SÉRIEUX SUR L’AGRICULTURE

MOUTON DE L’ AÏD ET LE PROBLÈME DE FOND ÉCONOMIQUE ET ÉCOLOGIQUE

dimanche 29 septembre 2013

À l’approche de l’Aïd et des éternelles questions qui assaillent les citoyens, les consommateurs et la société, il y a un problème de fond, national, à la fois économique et écologique qui dépasse et englobe les conséquences du sacrifice massif du mouton et ses répercussions sur le cheptel ovin algérien.

Le document-reportage du Quotidien d’Oran met l’accent sur les problèmes sensibles des prix de la viande, de la spéculation, du gaspillage économique, des comportements sociaux et psychologiques.

Ils s’éclairent encore davantage dans le cadre global qui en est le soubassement à la fois économique et politique, dont l’envergure stratégique nationale apparaît mieux à travers les données de l’étude adressées par Saci BELGAT à Socialgerie.


À QUELQUES JOURS DE L’AÏD : LE MOUTON DE LA DÉRAISON - Kamel M. - le Quotidien d’Oran - le 29 septembre 2013 ;


POUR UN DÉBAT SÉRIEUX SUR L’AGRICULTURE - « UNE MISE EN COUPE RÉGLÉE DE LA STEPPE PAR LA CASTE DES GROS ÉLEVEURS » - étude de Saci BELGAT - adressée à socialgerie le 6 septembre 2013 ;


Autres documentations accessibles sur Internet : LA DÉSERTIFICATION DANS LES STEPPES ALGÉRIENNES : CAUSES, IMPACTS ET ACTIONS DE LUTTE - Nedjraoui Dalila et Bédrani Slimane - “Virtigo” Revue électronique de l’environnement ;


À QUELQUES JOURS DE L’AÏD :
LE MOUTON DE LA DÉRAISON

Kamel M.
le Quotidien d’Oran
le 29 septembre 2013

À quelques semaines de l’Aïd El Adha, les chefs de famille ne se font aucune illusion quant à la cherté du prix du mouton.

Et ils ont bien raison. Parce que dans la périphérie de leur ville comme dans toutes les régions voisines, c’est le branle-bas de combat. La tendance sur le marché ? Il semble que les intermédiaires se soient donné le mot, malgré les assurances de certains professionnels, pour « afficher » un prix supérieur de quelques milliers de dinars par rapport à l’année écoulée. Pourtant, les conditions semblaient théoriquement réunies -notamment avec des frontières mieux surveillées- pour infléchir les prix.

Dans les campagnes, les centres-villes et même dans de somptueuses villas, les locaux et les garages sont refaits, repeints, meublés de mangeoires et d’abreuvoirs. Dans quelques jours ces lieux vont recevoir les stars du moment, les moutons de l’Aïd.

Les maquignons et les revendeurs ne lésinent plus sur les moyens, « ce ne sont pas des étables, ce sont de vraies résidences spacieuses avec toutes les commodités assurant un séjour confortable », se vante un maquignon connu sur la place de Chelghoum Laïd, une référence en la matière, ajoutant dans ce sens « ici la litière de paille est changée chaque jour, la grande salle est chauffée ou climatisée selon la saison, avec la présence d’un vétérinaire s’occupant de l’alimentation et des soins, tout cela engendre des charges qui se répercutent automatiquement sur le prix ». Donc, le maquignon fournit toutes ces explications pour pouvoir aborder, par la suite, le sujet qui fâche. Celui du prix. D’emblée il avertit « il n’y aura pas cette année un mouton à moins de 40.000 DA ». Et d’expliquer : « pendant les 12 derniers mois, les prix des agneaux de 6 mois, 14 à 18 kg, ont vacillé entre 25 et 30.000 dinars, et pour en faire de grands moutons, dans les conditions citées plus haut, cela suppose de grandes dépenses ». Il poursuit dans le même sillage, « le quintal de son vaut aujourd’hui 2300 à 2500 dinars, celui de l’orge 3500 dinars, l’avoine à 4000 dinars et la botte de foin à 500 dinars, même l’eau coûte très cher en cette période de chaleur ! ».

Un vétérinaire confirme et avance d’autres arguments, « pendant quelques années, la cherté du mouton a poussé les consommateurs et les bouchers à sacrifier les brebis et les agnelles, pendant les fêtes surtout, indifférents au fait que ce sont les mères productrices qu’on élimine ». Et se basant sur des statistiques sérieuses, il explique « le nombre de mariages en Algérie est de 300.000 unions par an. La tradition veut qu’on sacrifie des brebis, chez les deux familles. À raison de 5 brebis par fête (un minimum), c’est 1,5 million de brebis et autant de naissances en moins », il va plus loin encore « la période de ces fêtes, juin-août, coïncide exactement avec celle de reproduction des ovins ».

Il reconnaît que lui-même était à plusieurs reprises mobilisé pour assurer le contrôle des abattoirs et des endroits d’égorgement des moutons constatant que « 10 % des brebis immolées étaient en période de gestation ». Il dénonce « le laxisme des abattoirs qui ne font rien pour empêcher ce massacre ». Il préconise « la promulgation urgente d’une loi qui fait des brebis et des agnelles des espèces protégées, donc interdites à l’abattage et à la consommation, du moins pour quelques années, le temps de reconstituer un cheptel proportionnel à la population ».
Il cite le Soudan, pays qui, pour une population équivalente à la notre, dispose d’un cheptel ovin 6 fois plus important, soit 120 millions de têtes.
C’est ce qui a fait réagir un cadre de l’agriculture, « notre filière ovine est victime d’une hémorragie dans sa matrice productrice », et argumente, « le cheptel ovin national est estimé à 20 millions de têtes, le mouton en représente 15%, soit 3 millions de têtes, il y a un déficit d’au moins 1,5 million de têtes ».
Il poursuit : « la classe moyenne algérienne connaît ces dernières années une certaine aisance financière, la demande est devenue très forte », et par conséquent , « un déficit dans l’offre et une forte demande, on est donc dans les conditions idéales pour une hausse des prix ».
Il conclut sur une note pessimiste. « Si rien n’est fait pour stopper la spirale infernale des prix, dans quelques années, seule une petite classe d’Algériens pourra accomplir ce rite ».

« Sbakh » et « Ouled Djellal »

Autre lieu, autres hommes et autre rapport au mouton. Le lieu s’étend de la wilaya d’Oum El-Bouaghi à Batna au Sud et M’sila et Sétif à l’Ouest en passant par la wilaya de Mila dans son extrême sud. Cette vaste étendue, formée de plaines et de montagnes est le « Sbakh ». Ici on voue au mouton un respect presque religieux. Le label « mouton du Sbakh » est synonyme d’un élevage en plein air, d’une alimentation bio composée de thym, d’armoise blanche et d’alpha qui couvrent les montagnes de la région en hiver et d’un riche et variable pâturage de prairies au printemps. D’ailleurs la devise des fellahs de la région qui dit que « lorsque vous goûtez la viande du Sbakh, vous saurez que vous n’avez jamais mangé de viande », est confirmée par tout le monde. Et c’est en ces périodes de fêtes que les éleveurs de ces contrées lointaines et isolées voient débarquer chez eux des gens de Constantine, d’Annaba et même d’Alger, à la recherche de ce mouton dont la réputation a dépassé les frontières. Ici les prix sont de 2000 à 3000 dinars supérieurs à ceux du marché mais, dira avec satisfaction un éleveur, « tous ceux qui sont déjà venus, sont toujours revenus ».

Retour à Constantine, dans un quartier huppé d’El Khroub, c’est là, et pour la deuxième année consécutive, au rez-de-chaussée de sa superbe villa qu’un ancien cadre a parqué la centaine de moutons qu’il vient d’acquérir chez un éleveur, une ancienne connaissance, de ‘’Ouled Djellal’’, un autre label d’excellence. La remise accordée dans ce cas d’achat en nombre important était conséquente, ce qui laisse présager des gains maximaux, en deux mois. Surtout que l’affaire était lancée après une véritable opération de marketing sur les goûts et les préférences d’une clientèle potentielle visée. Le mouton d’Ouled Djellal est connu par son élégance, sa grande taille, sa longue queue et sa démarche majestueuse. Autre particularité de ce lot de moutons, ils portent tous des cornes.

Ce revendeur, explique sa stratégie « je vise une certaine classe aisée qui, au jour du choix du mouton, arrive en famille, c’est-à-dire femme et enfants ». Et, ajoute-t-il, « je sais par expérience, que les enfants aiment le mouton à cornes », et s’inspirant d’un dicton célèbre, il dira « ce que enfants veulent, parents veulent ».

Prié de chiffrer cet investissement, il se lance sans hésitation « le prix d’achat, après remise est de 50.000 dinars. En deux mois, chaque mouton me coûte 10.000 dinars en aliments, eau et électricité », en plus, ajoute-t-il, « je mets à la disposition de ma clientèle un fourgon avec chauffeur pour que l’animal soit fourni à domicile, le jour voulu ». « Mon mouton est cédé à plus de 75.000, voire 80.000 dinars », et conclut avec le sourire, « à l’instant où je vous parle, tout le lot est déjà vendu ».

Une femme d’un certain âge, accompagnant ses petits enfants chez le maquignon pour prendre des photos avec « leur mouton », dissimule mal une certaine gêne et l’exprime. « Je ne sais pas si, au milieu de tout ce tumulte, on perpétue vraiment le geste auguste du Prophète Ibrahim, il y a des siècles ». Plus loin, les deux enfants, heureux, posent avec leur ‘’cher’’ mouton.

Sources : Le Quotidien d’Oran

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POUR UN DÉBAT SÉRIEUX SUR L’AGRICULTURE

« UNE MISE EN COUPE RÉGLÉE DE LA STEPPE PAR LA CASTE DES GROS ÉLEVEURS »


Le premier Ministre Abdelmalek Sellal a annoncé lors de sa visite d’inspection et de travail dans la wilaya de Naama, « un soutien de l’état à l’Agropastoralisme ».
Qu’en est – il de l’état de la steppe, à qui ont été attribués les gros crédits et les concessions des parcours, quel usage a été fait des terres et de l’argent distribués à tout vent.
Comment opère la mafia de la steppe qui a mis sous coupe réglée un des plus vastes territoires écologiques.
Répondre à ces questions et informer les citoyens des enjeux c’est faire œuvre utile.

Commençons par informer le sujet :

Sur une superficie de 22,68 millions d’hectare que compte la steppe les statistiques fournies par le haut-commissariat au développement de la steppe (HCDS) font état de 17,38 millions d’hectare dégradés à très dégradés,3,9 millions d’hectares moyennement dégradés, et seulement 1,4 millions d’hectares en bon état, c’est-à-dire en mesure de supporter une charge pastorale appréciable.

La charge appréciable requise est d’environ 4 ha/ brebis et sa suite (1agneau).

Dans une logique d’aménagement et de restauration éco-pastorale des parcours steppiques plus de 76% de la superficie totale est à mettre en défens intégrale, c’est-à-dire interdite au pacage, 10,9% doivent au minimum subir une protection par des rotations et un sous pacage, pacage contrôlé avec une sous charge pastorale à définir en fonction d’un diagnostic exhaustif de l’état du couvert végétal, de la nature des sols et de leur état, c’est dire la gravité du niveau de dégradation au plan écologique de cet espace vital.

Ce travail d’investigation indispensable, doit réunir phytosociologues, forestiers, pédologues, aménagistes, zootechniciens, socio anthropologues et économistes. Confié dans les années 1980 au HCDS, on connait la suite. Le Haut commissariat au lieu de s’atteler à sa mission d’organe de l’état en charge du développement de la steppe, si on croit les révélations de la presse privée, a muté en une machine de détournement de l’argent public.

Cette catastrophe écologique de grande ampleur dont on n’a pas encore mesurée toute l’étendue aurait fait réagir plus d’un gouvernement soucieux de l’avenir de l’Algérie-nation-état et société, de la protection des sols et de l’équilibre agro-pastoral.

Cette absence de réactivité de la gouvernance à tous les niveaux risque dans ce cas de nous précipiter dans une crise majeure à moyen terme. Il est admis que l’Algérie dispose d’une très faible superficie agricole utile (SAU). Le ratio par habitant est de 0, 16 ha, il est le plus faible de tous les pays Méditerranéens. Le faible Stock de sols agricoles conjugué au faible niveau de fertilité des sols crée une situation de grave dépendance aux marchés mondiaux. La question qui nous est posée c’est comment assurer une alimentation saine et en quantité aujourd’hui à 39 millions d’habitants et à 50 millions d’ici 2020.

Pour conjurer cette catastrophe imminente, l’Algérie, contrainte et forcée par la pression démographique et les besoins incompressibles en produits agricoles, est amenée à puiser et à bonifier une grande part du stock des sols des hautes plaines et de la steppe. Si tant est qu’on ait la volonté de desserrer le nœud coulant de la dépendance alimentaire, au moins 2 millions d’ha des contrées semi arides steppiques doivent être bonifiés, dans la décennie qui vient, c’est-à-dire mis en valeur, et dotés de systèmes d’irrigation d’appoint.

L’Algérie d’aujourd’hui a les capacités financières et humaines pour faire mieux que ce que les colons ont fait entre 1905 et 1930 en bonifiant 1,5 millions d’ha pour leurs besoins. Nous en avons l’expertise et une jeunesse prête à en découdre et venir à bout du fatalisme et de l’assistanat insufflé par le système de la rente et des prébendes.

Face à cette urgence, et ce n’est pas faute de n’avoir pas été averti par les experts nationaux et étrangers, les gouvernements successifs sont restés de marbre, quand ils ne font pas le dos rond ou encore fendre dans un langage d’usage dithyrambique. Deux de nos éminents scientifiques experts en sociologie et en écologie de la steppe - M. Boukhobza et S.Djebeili, ont été des premiers à nous alerter. Pour leur courage et leur engagement ces deux éminents scientifiques ont payé de leur vie.

Nous écrivions il y à de cela 6 mois « une petite lumière frémissante dans l’hiver froid de la steppe, il semble que l’actuel premier ministre a la volonté de prendre la question avec le sérieux qui s’impose, attendons pour voir, si ce ne sont pas que des annonces d’aubaine, chat échaudé craint l’eau froide ».

En effet le chat échaudé a ses raisons de craindre l’eau froide, et la suite l’a conforté dans son scepticisme.

Un peu d’histoire pour éclairer le propos. Le périmètre de Dhayet Zraguet (Commune steppique de Aïn Skhouna, Daïra de Hassasna, Wilaya de Saïda) fort de 4800 ha a été mis en service en 1984. Il a demandé de gros investissements sur fonds publics, et faisait vivre 500 familles de l’une des communes les plus déshérités du territoire national.
En 1994, et après moins de 10 ans d’exploitation, il fut bonnement et simplement abandonné à cause d’une facture d’électricité de 5 millions de DA non honorée par les attributaires fellahs auprès de la SONELGAZ.
Ajoutons que la durée de vie d’un investissement de cette taille est de 60 à 100 ans.
Que représente cette facture au regard des investissements consentis par l’état, si ce n’est la volonté malsaine de détruire les capacités de production du pays et l’amarrer au commerce juteux de l’import -import.
Qui plus est, les fellahs exploitants avaient donné leur accord pour assainir les comptes suivant un échéancier, mais ailleurs, on ne l’entendait pas de cette oreille d’autant que le cercle infernal de l’importation génère de grosses fortunes et des alliances dans le pouvoir.

Sa réhabilitation pour laquelle nous avons travaillé et milité fut annoncée à grand renfort médiatique ; mais qu’en est-il exactement.
À la place de la conduite d’eau en fonte de 600 mm de l’ancien réseau d’irrigation tombé en désuétude par manque d’entretien (Photo 1 A), celle-ci est remplacée par une canalisation en PVC de 40 mm (Photo 1 B), il s’agit ni plus ni moins que d’un cautère sur une jambe de bois.

La nouvelle canalisation à diamètre réduit suffira à peine à irriguer une dizaine d’hectare au lieu des 4800 ha que compte le périmètre.

Faut-il aussi remettre en l’état le mini barrage de stockage de l’eau, le réseau de distribution, les bornes et les prises d’eau en bout des parcelles.

Encore et sous les pressions des réseaux politiques les mieux structurés du pays, au lieu de procéder à une évaluation, à un audit de la gestion passée, on ouvre la vanne du trésor public. D’ors et déjà nous savons, instruit par le passé, qui va s’engouffrer dans ce chenal et en profiter à plein tube de la nouvelle « zakat », certainement pas les 500 familles de zraguet et les cohortes de petits éleveurs des contrées oubliées de la steppe.

photo 1A
conduite d’eau en fonte de 600 mm de l’ancien réseau d’irrigation

Le périmètre de Dhayet Zraguet (photo 2B) dont tout le système d’irrigation a été détérioré

Les photos ont été prises le 4 avril 2013 c’est-à-dire un peu moins d’un mois après la visite du premier ministre sur les lieux du périmètre irrigué de Dhayet Zraguet. Au fond, nous comprenons la sagesse des fellahs du terroir qui ne croient pas en ces annonces tapageuses mais sans effets.

Qu’est ce qui explique la paralysie des gouvernements successifs devant les agissements d’une mafia et
Comment on est arrivée là ?

Depuis l’indépendance, hormis l’intermède de la révolution agraire et de la 3ème phase tuée dans l’œuf, les parcours steppiques sont soumis à une coupe réglée par les gros éleveurs. Cette caste a tellement grossie qu’elle met les institutions de l’état en demeure de subir sa loi.
Ce qui s’est passé à Tiaret rapporté par El Watan du 20/01/2013 ne lève le voile que sur une infime partie de l’iceberg. Sa partie cachée est plus scandaleuse. L’opinion nationale « groggy » par la redistribution inégale de la rente, mal ou peu informée s’y intéresse peu.

Cette caste de gros éleveurs contrôle à elle seule 46% du cheptel, soit environ 6 millions de têtes, alors qu’elle ne représente que 3,8% des propriétaires.

Elle entretient pour des besoins de spéculation financière, de rente, qu’elle place dans les réseaux juteux de l’import- import, de la spéculation immobilière au nord et du commerce en tous genres et particulièrement de l’or, un cheptel évalué à plus de 12 millions de têtes, alors que tous les spécialistes s’accordent à dire que dans l’état actuel la steppe ne peut supporter 6 millions d’ovins.
Le surpâturage est la source principale de la dégradation de la végétation et par-delà des sols. Elle empêche par son poids financier et politique toute solution durable. En fait, elle a pris l’état et la société en otage.

Ces ramifications dans les instances du centre de la décision sont connues de la place publique. Elle a une capacité impressionnante d’adaptation et de captation des crédits bonifiés. Du côté d’El Aricha, el Khateir, Sougueur, Naama, Ain Dheb, Ain Skhouna, Bouktob, Ain Sefra, Ain Lahjal et d’autres contrées, des concessions de terres sont accordées avec crédit pour des plantations d’oliveraies, de palmiers dattiers en pleines steppes. C’est comme si on demandait à un astronaute de planter un beau cerisier sur la lune -Au fait c’est l’astuce trouvée pour détourner de l’argent public de manière clean.

L’ingéniosité de cette mafia, riche et assurée de ses relais et de ses réseaux dans les centres de distribution de la rente se met en position d’investissement. Elle arrache la concession de centaines d’hectares et les crédits qui vont avec, elle mime des plantations en bordure de routes d’oliviers ou de palmiers, abandonne le reste et transfert l’argent détourné vers des lieux plus cléments, pour le moment la destination en est l’Espagne. Les terres et les banques ibériques ne doivent pas trop les dépayser, et rappellent un peu la trace des anciens conquérants partis des steppes d’Afrique du nord.

Elle s’est même essayée (amusée) à la pisciculture en pleine steppe, idem le projet finalisé au compte du contribuable est vite abandonné et les ristournes en millions de Da convertis en Euros sont transférées en lieu ibéro-idylliques.

Pourquoi la redistribution de crédits en l’état n’est pas la solution :

Toutes les pratiques commerciales en steppes sont et seront frappées du sceau de la spéculation tant qu’on ne s’attaque pas au mode de production en cours (type de féodalisme à définir). L’état affaibli continuera à financer à fond perdu une caste dont la nocivité est vérifiée.
Ce qu’un esprit sain peut ne pas comprendre, c’est que l’état est en position de force pour forcer la sortie de crise et imposer un mode de gestion et de production rationnel de la steppe.
Les terres steppiques relèvent du domaine public, et sont de sa responsabilité mais il (l’état) est hypnotisé par les réseaux puissants en son sein qui interdisent toute solution moderne à la gestion de ce territoire. C’est ce qu’on appelle en langage triviale « se faire hara-kiri ».

Les intérêts des petits éleveurs qu’on oppose à cette gestion rationnelle, ne sont que la devanture qui cache la forêt (celle des gros éleveurs et spéculateurs de tous poils). En fait ce pis- aller et utilisé pour barrer la route à ceux qui prônent une solution radicalement novatrice, productrice de biens et préservant ces écosystèmes fragiles.

Quand l’état distribue de l’orge à prix soutenu et constant idem, les gros éleveurs forts de leurs positions et complicités dans l’administration se servent à volonté, le surplus quand il ne va pas dans les circuits de la spéculation est semé, ils emblavent des terres improductives en mettant à mal la végétation en place et participent dans l’impunité totale à la dégradation des parcours.

Même les services vétérinaires de l’état sont mis gracieusement à leurs services alors qu’ils ne participent aucunement à l’effort national, et ne s’acquittent d’aucun impôt. Ils captent toutes les aides de l’état tout en maintenant le prix de la viande ovine au dessus de 1200 DA/ Kg et l’agneau de base en cette veille de l’aïd à plus de 40000 DA.

Les terrains mis en défens sont quasi quotidiennement violés, quand ce n’est pas avec la complicité de l’administration en gestion de ces parcours.

Au fait ses intérêts de caste s’entrechoquent de manière violente avec ceux de l’état et de la communauté nationale. Nous en arrivons à la conclusion que cette caste qui tient en otage l’état et avec les petits éleveurs est nocive à la steppe et à la nation.

Les institutions crées par l’état sont vites détournées de leurs missions.

Le cas patent est celui du HCDS, crée justement pour appliquer les mesures de restauration et de protection des parcours steppiques, cette institution s’est vite retrouvée dans des scandales de détournement rapportés par la presse. D’une institution de développement, ce haut-commissariat s’est transformé en une gigantesque machine d’essorage et de dilapidation et de détournement des deniers du trésor public. La complicité est telle que chaque fois que la presse nationale en parle on remet le couvercle vite fait. Les intouchables veillent au grain, vous pouvez dormir en paix braves gens.

Quelles solutions pour une équation qui s’est compliquée depuis l’indépendance :

  • 1- Avant tout la solution, est d’ordre politique- elle exige une remise à plat de la gouvernance et le rétablissement de la force publique. « Force est à la loi ».
  • 2- Le domaine de la steppe appartient à la collectivité nationale, en retour elle mérite une information, d’autant qu’elle paie cher ce laxisme- le prix de la viande ne cesse de grimper au point qu’un kg (viande ovine) représente le 1/10 du salaire médian.
  • 3- Si le cheptel appartient à son propriétaire, les parcours sont de la responsabilité de l’état et leur aménagement est de son ressort.
  • 4- En somme c’est à l’état et à la puissance publique de gérer ces espaces. La force est à la loi et non aux réseaux furent les plus puissants.
  • 5- Peut-on aménager et rétablir les équilibres sans une mise en défens intégrale et/ ou contrôlée de la majorité des parcours. Certainement non et voilà pourquoi à Tiaret on agresse, puis on licencie celui qui ne fait qu’appliquer la loi. L’impunité en steppe n’est pas une exception, elle est la règle.
  • 6- Cette mise en défens intégrale doit être précéder par un travail de cartographie et d’inventaire des sols, de la flore des parcours pour décider de la forme, de la durée et des rotations de pacage une fois les parcours restaurés.
  • 7- Engager une véritable politique de modernisation de l’élevage ovin, en créant des fermes d’élevage et d’engraissement dans les hautes plaines céréalières. Ces fermes doivent être équipées de tous les moyens techniques modernes de production et de prophylaxie sanitaire, ensilage, production de foins et autres aliments du bétail, entretien sanitaire du cheptel.
  • 8- Procéder à des formations qualifiantes en élevage de jeunes de ces localités, les aider à s’installer. D’où l’urgence d’ouvrir des centres d’apprentissage du métier de berger.
  • 9- Procéder à des travaux de rootage pour améliorer l’infiltration des eaux de surface,
  • 10- Relancer l’idée du barrage vert en diversifiant les essences végétales, privilégier les espèces indigènes – repiquage de touffes d’alfa, sélectionner des graines et procéder à des semis en périodes favorables pour la reprise,
  • 11- Installer des stations météorologiques automatiques dans les principaux centres, avant d’élargir le maillage reprendre les anciennes stations datant du temps de la colonisation.

Ce sont là quelques idées pour un programme national de restauration des parcours steppiques et de l’agropastoralisme, afin que ce territoire redevienne comme avant- « le pays du mouton ».

BELGAT SACI- Agronome -
Mostaganem le 6 septembre 2013

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DOSSIER : LE DÉSERT ET LA DÉSERTIFICATION :
IMPACTS, ADAPTATION ET POLITIQUES

LA DÉSERTIFICATION
DANS LES STEPPES ALGÉRIENNES :
CAUSES, IMPACTS ET ACTIONS DE LUTTE

Nedjraoui Dalila et Bédrani Slimane

“Virtigo”
Revue electronique de l’environnement

http://vertigo.revues.org/5375
Volume 8 Numéro 1 | avril 2008
“Le désert et la désertification : impacts, adaptation et politiques”

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SAÏDA Pour un renforcement du dispositif de protection de la steppe - A.B. Le Soir d’Algérie - le 5 juin 2013

repris sur ACTAGRAL - 5 juin 2013 - M. Meddeber



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