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APRES UNE LONGUE VIE REMPLIE DANS L’HONNEUR ET LE RESPECT UNANIME

HENRI ALLEG, LE COMBATTANT ALGÉRIEN, LE COMMUNISTE , L’AMI ET CAMARADE, nous a quittés

jeudi 8 août 2013

Il y a quelques jours, ses enfants nous informaient de son état aggravé après les soins poursuivis depuis une année.Douloureuse nouvelle, même si elle était de plus en plus attendue. Henri a bien rempli sa vie, dans l’honneur et le respect de ses compatriotes et de ses camarades dans le monde entier. Il est parti dans son éternelle impatience d’en faire plus pour la liberté, la paix, la justice sociale et les droits humains, malgré les recommandations amicales sur son état de santé.

Socialgerie se propose en temps voulu de prolonger l’hommage que Sadek Hadjerès lui a rendu il y a une dizaine d’années, en complétant l’évocation de quelques évènements et problèmes partagés, que lui- même et Henri après leurs échanges poursuivis durant des années,souhaitaient finaliser ensemble.
Pour l’instant, on relira quelques évocations dans le même sens, publiées en 2003 dans la presse algérienne, ainsi que sur Socialgerie.

Connectez vous sur le site
http://www.socialgerie.net/spip.php?article1233



HOMMAGES - COMMUNIQUÉS - TÉMOIGNAGES - COURRIER REÇU
socialgerie
 [1]



HOMMAGE à HENRI ALLEG - par Saïd Ould-Khelifa - jeudi 25 juillet 2013 - raina ;


HENRI ALLEG (1921-2013) - COMMUNISTE ET RÉVOLUTIONNAIRE EXEMPLAIRE - Miguel Urbano Rodrigues ;


L’hommage du Parti Algérien pour la Démocratie et le Socialisme
à Henri Alleg
- Vendredi 2 août 2013 ;


Le sens et l’actualité du combat de notre camarade Henri Alleg - par la rédaction du Lien-PADS - le 28 juillet 2013 ;


Hommage à Henri Alleg - LE MILITANT QUI DAME LE PION A LA CENSURE ! - Noureddine Abdelmoumène - Alger 19 juillet 2013


HENRI ALLEG, AUTEUR DE "LA QUESTION", EST MORT - Charles Silvestre - Le Monde.fr - 18 juillet / 22 juillet 2013 ;


HENRI ALLEG, CE HEROS TOUT SIMPLE - MICHEL COLLON - 20 juillet 2013


A L’OCCASION DU CINQUANTENAIRE DE L’INDEPENDANCE DE L’ALGERIE : ENTRETIEN AVEC HENRI ALLEGRosa Moussaoui – L’Humanité – le 17 mars 2012 ;


SÉQUENCES AVEC HENRI ALLEG - par Arezki Metref - “Le Soir d’Algérie,” - le 21 juillet 2013 ;


LETTRE - TÉMOIGNAGE DE AHMED MAHI -, LE 19 JUILLET 2013 ;


MESSAGE ADRESSÉ CE JOUR JEUDI 18 JUILLET 2013 - PAR SADEK HADJERES - À LA RÉDACTION DE L’HUMANITÉ ;


JE NE PLEURE - 18 juillet 2013 - par Fateh Agrane ;


COMMUNIQUÉ SUITE AU DÉCÈS D’HENRI ALLEG - vendredi 19 juillet 2013 - rédaction assawra ;


TÉMOIGNEZ - raina-dz.net - 19 juillet 2013 - extrait du film de JP Lledo - "UN RÊVE ALGÉRIEN"- 2003 ;


"SAHA ROUGI !" - Courage frère ! - par Nicole Bouexel ;


HENRI ALLEG - Bernard DESCHAMPS - Jeudi 18 juillet 2013 ;


HENRI ALLEG, LE PLUS ALGÉRIEN DES FRANÇAIS - par Djamal Benmerad - 18 juillet 2013 ;


À sa mémoire - "L’affiche rouge" - poème d’Aragon - mis en musique par Léo Ferré - chanté par Marc Ogeret - adressé par Arezki Metref ;


HENRY ALLEG NOUS A QUITTÉS - blog algerieinfos Saoudi Abdelaziz - Jeudi 18 juillet 2013
NOTRE FRERE ET CAMARADE DE COMBAT HENRY ALLEG VIENT DE NOUS QUITTER - Zoheir bessa – Alger républicain


HOMMAGE à HENRI ALLEG
par Saïd Ould-Khelifa

jeudi 25 juillet 2013
raina

C’était un soir de décembre du début des années 90, sur le plateau « d’Ombres Blanches », un homme au sourire généreux et au regard fraternel débarque. Visite de cour-toisie. Le grand Rouiched est là, il vient de terminer une prise. On pose tous les trois. Photo souvenir. Elle fera la Une d’« Alger Républicain », du lendemain. Rouiched, en est tout retourné. Il regrette de n’avoir pas été « plus bavard comme de coutume ». « Ya mhaïnek , tu ne m’a pas prévenu de l’arri-vée de ce grand monsieur, j’ai été pris de court ! ».

En vérité Rouiched était tout simplement ému, de parler avec Abdelhamid Benzine, le patron du légendaire quotidien progressiste. Ils causèrent de …cyclisme ce soir-là. Mais en se quittant, Rouiched, osa une demande « Si Hamid, la prochaine fois, ramenez-nous Henri Alleg… le moudjahid. ».
Pour toute réponse, Benzine l’embrassa avec un sourire tout aussi chargé d’émotion.

Par la suite, Rouiched revint sur
cette visite pour redire son admiration pour ces hommes de conviction et de courage : « On a reçu le ministre de la Culture… Benzine,avec la venue prochaine de Alleg, ce sera comme si le président de la République débarquait ici ».

J’ai souvent pensé à cet hommage rouichedien, chaque fois que j’ai rencontré Alleg. Mais, je n’ai jamais pu lui rapporter cette anecdote. Lui qui aimait les blagues, aurait sans doute apprécié. Mais était-ce vraiment un trait d’humour ?

Deux semaines plus tard, invité par Mohamed Khadda à partager le repas de fin d’année, auquel prenait part sa fidèle compagne (de route aussi), Nadjet, ainsi que Alloula et Lucette Hadj Ali, je confiais mon histoire au grand peintre, qui se faisait une joie à l’idée de jouer un petit rôle dans ce premier film avec Rouiched et Momo, (mais la maladie, fulgurante, qui se déclara par la suite, en décida, hélas, autrement).
« Rouiched, n’a fait que refléter un sentiment de respect et de reconnaissance, assez présent chez notre peuple, à l’égard de ceux, qui, comme Henri Alleg, ont fait leur choix de devenir algérien, en risquant leur vie ».

Henri et son alter-égo Gilberte (native de Mostaganem), resteront donc, à jamais le symbole de cette « race » de Justes qui ont fait le leur, le combat des milliers d’Algériens, vivant depuis 1830, sous le joug d’un véritable apartheid. Israélites tous les deux, ils ont veillé, pour autant, tout comme Maurice Laban, Daniel Timsit, à ne pas faire de leur judéité d’origine, le socle de leur action.
Henri, ne manquera pas de le redire à sa façon, lorsqu’il fit part, avec Boualem Khalfa (un autre grand patriote), de son désaccord avec l’approche confessionnelle, mise en avant par Jean Pierre Lledo dans son très intéressant documentaire, par ailleurs, « Un rêve algérien » (2003) : « Ce sont nos sentiments, anticolonialistes et notre rejet de toute forme d’injustice, qui nous ont réunis.
Nous n’avions pas une démarche œcuménique mais militante et progressiste »,
confieront Henri Alleg, Boualem Khalfa, sous l’œil approbateur de l’enfant de Ténès, Jean-Pierre Saïd.

Me prenant à l’écart, Jean-Pierre Saïd, un autre ancien d’Alger
Républicain
, fera part, lui aussi, de sa désapprobation face à l’approche du réalisateur : « C’est ce genre de clivage, qui pousse certains à faire preuve d’amnésie, comme ceux qui ont débaptisé la rue Pierre Ghanassia à Ténès, un cousin mort au champ d’honneur, pour la nommer, rue Al Qods ! ».
Cette basse besogne, diablement démagogique, fut celle d’une APC fraîchement élue, en 1990… « L’une des figures les plus attachantes était celle de notre infirmier zonal, Hadj. Nous l’appelions ainsi, mais son vrai nom était Ghenassia. Il était israélite et parlait très bien l’arabe. Pour tous ceux qui tiennent comme un fait établi le prétendu antagonisme de nos origines religieuses, je voudrais qu’on le sache : Hadj est mort, refusant d’abandonner ses blessés. »
Ces lignes ont été écrites par le Commandant Azzedine, dans « On nous appelait fellaghas » (1976). Sans commentaire.

Sauf que la disparition du moudjahid Henri Alleg, est une occasion, de bousculer cette amnésie quasi « mongolienne », celle qui ne nous mettrait pas à l’abri de l’ingratitude qui sclérose les peuples.

Et malheureusement l’absence totale de réaction officielle, ne parlons pas de celle des partis politiques ou des associations, laisse peu de place à un hypothétique sursaut, celui que le « nif » aurait,en d’autres temps, dicté sans hésitation aucune.

L’honneur de l’Algérie libérée se trouvait aussi dans cette terrible « Question » posée dès 1957, de la prison Barberousse et entre deux séances de torture, par Henri Alleg à ses tortionnaires et au reste du monde. Alleg avait aussi mis à nu cette pratique médiévale et néanmoins barbare que les Bigeard, Massu, Ausaresses et leurs hommes de mains avaient érigée en méthode de « défense du monde civilisé » (sic).

Nous devions, nous revoir, avec Henri Alleg, pour poursuivre un travail autour d’un projet de long-métrage « La Robe jaune » qui relaterait les derniers jours de son compagnon de lutte, Maurice Audin mais aussi les conditions de son arrestation, dans la souricière que lui avait tendue les paras de Massu, au domicile de Josette et Maurice Audin, le 12 juin 1957, à Alger.

Mais, en ce 17 juillet 2013, tout n’est pas perdu, la rue, bruissait ; la disparition à 92 ans, a laissé muet, plus d’un.

Et à bas bruit les choses essentielles étaient dites.
Yacine C. : « C’est un grand homme que ses pas ont volontairement conduit vers l’Algérie. Ce n’est pas un « ami de l’Algérie », c’est un Algérien, de nationalité, celle obtenue, non pas au nom du droit du sol, mais par le sang resté sur les mains de ces tortionnai-res »,
et Nadia A. de confier à son tour : « Je perds un 2ème père, spirituel celui-là. Le premier biologique, Ali, était compagnon d’Henri ainsi que ma mère
Louiza ! Une famille de convictions fortes et fécondes. C’est la perte d’un être que j’ai toujours senti proche, si humain, et quand j’y pense, je repense aussi à mes parents, à tous, aux compagnons, espagnols, algériens, fran-çais... Je garde au fond de moi un sentiment de grande fraternité à laquelle je crois, comme "un fil rouge" à travers le monde.Et là, je souris. ».

Merci, Henri, d’avoir montré la voie, avec toi, je fais mienne cette phrase de René Char :
"L’impossible, nous ne l’atteignons pas, mais il nous sert de repère".

Gloire au moudjahid que tu fus et paix et fraternité à tous tes compagnons tombés au champ d’honneur ou encore en vie.
Grâce à vous, on continuera de croire en l’Humain.

Merci. à des mots-fenêtres.

S.O.K.

Sources raina

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HENRI ALLEG (1921-2013)
COMMUNISTE ET
REVOLUTIONNAIRE EXEMPLAIRE

Miguel Urbano Rodrigues

J’attendais l’annonce de la mort d’Henri Alleg

Il s’est éteint mercredi 17 juillet, mais il avait déjà pratiquement perdu la vie l’an dernier lorsqu’il avait souffert d’un AVC, alors qu’il était en vacances sur une île grecque. Les lésions cérébrales étaient si graves que la rémission était impossible. Il est devenu hémiplégique et a passé ses derniers mois dans une clinique, terminant son existence dans un état presque végétatif. Il reconnaissait ses enfants, leur disait quelques mots mais son discours était devenu chaotique. L’amitié qui m’a uni à cet homme était si profonde qu’il m’est difficile de la définir.

Âgé de 90 ans, il avait séjourné une semaine à Vila Nova de Gaia, avec moi et ma compagne, à la Universidade Popular do Porto, et il avait participé à une conférence sur l’Algérie et sur les événements qui secouaient l’islam africain. Son savoir historique et sa lucidité ont impressionné son auditoire. Je l’admirais depuis très longtemps, lorsque je l’ai rencontré en Bulgarie en 1986 lors d’un Congrès international. La sympathie a été immédiate et il s’en est suivie une amitié toujours plus étroite avec le temps.


Henri, après le 25 avril, était correspondant de L’ Humanité à Lisbonne. A l’époque, je n’ai pas eu l’occasion de le rencontrer. Mais au cours du dernier quart de siècle, il s’est rendu à de nombreuses reprises au Portugal. La maison d’éditions Caminho a publié trois de ses ouvrages (‘‘SOS Amérique’’, ‘’le Grand bond en arrière’’, ‘’Le Siècle du dragon’’) et la maison d’éditions Mareantes a lancé la traduction en portugais de La Question , le livre qui l’a rendu célèbre et a contribué à accélérer la fin de la guerre d’Algérie.

Il aimait le Portugal, notamment l’Alentejo, sur la rive gauche du Guadiana et admirait beaucoup le Parti communiste portugais.
Au Portugal, il a participé à plusieurs rencontres internationales et lors d’un de ses séjours à Lisbonne, il a été reçu par le Comité des Affaires étrangères de l’Assemblée de la République, a débattu avec des députés de tous horizons sur les grands problèmes contemporains et avait ensuite été applaudi par l’assemblée.

Je me souviens également de l’intérêt exceptionnel suscité par sa venue au Brésil et à Cuba, où je l’avais accompagné.

La complexité de l’admiration que j’éprouve pour Henri Alleg m’a amené à écrire sur lui et sur ses ouvrages plus de pages que je n’ai écrites dans ma vie sur n’importe quel autre auteur. Elles apparaissent dans des articles publiés dans des journaux et des revues de nombreux pays.

Je me souviens du choc que j’ai ressenti en lisant La Grande Aventure d’Alger Républicain, à tel point que j’ai suggéré lors d’une conférence de faire figurer ce livre au programme de toutes les facultés de journalisme du monde.

Henri Alleg, par Mustapha Boutadjine

Qu’ai-je trouvé de différent chez Henri Alleg ?

En réfléchissant aux raisons pour lesquelles cet homme me fascinait autant, j’en ai conclu que cette admiration venait de la fermeté de ses idées, d’un courage spartiate et d’une éthique exceptionnelle.
_ Plus d’une fois, je lui ai affirmé que je retrouvais en lui le modèle des bolchéviques de 1917.
Henri était pour moi un communiste intégral, pur, presque parfait. Je n’ai jamais connu personne d’autre avec qui j’étais en harmonie sur le plan des idées.

Il est bien dommage que Mémoire Algérienne n’ait pas été traduit en portugais. Dans cet ouvrage de mémoires, et qui représente même bien plus que ça, Henri, dans les derniers chapitres, permet au lecteur d’imaginer la douleur du communiste lié à l’éloignement rapide des dirigeants du FLN, après l’indépendance, vis-à-vis des principes et des valeurs qui avaient conduit les révolutionnaires algériens à la victoire sur le colonialisme français. Il a payé un lourd tribut pour l’authenticité avec laquelle il s’éloignait du pouvoir dans Alger Républicain, son journal, fermé par Houari Boumedienne, héros de la lutte pour l’indépendance.

Le prix à payer a été lourd aussi en France, où, après son retour en Europe, il a été secrétaire de L’Humanité, qui était alors l’organe du CC du PCF.
Henri Alleg a dénoncé dès le début la vague d’eurocommunisme qui a touché les partis français, italien et espagnol, entre autres.
Il a fustigé avec virulence la stratégie du PCF qui consistait à participer aux gouvernements du Parti socialiste, qui menait des politiques néolibérales.

Dans le superbe ouvrage qu’il a écrit sur la destruction de l’URSS et sur la réimplantation du capitalisme en Russie, il a fustigé les intellectuels, qui après avoir renoncé au marxisme, se sont rapidement transformés en apôtres du capitalisme avec des positions antisoviétiques. Il n’a pas non plus hésité à critiquer le propre secrétaire du PCF, Robert Hue, jugeant l’orientation définie pour le PCF incompatible avec ses traditions révolutionnaires d’organisation marxiste-léniniste.
Mais, à la différence d’autres camarades, il a mené sa lutte communiste à l’intérieur du parti, en tant que militant.

J’ai eu la chance en France de jauger, dans les assemblées communistes auxquelles j’ai assisté, l’énorme respect qu’inspirait Henri Alleg lorsqu’il prenait la parole. J’ai pu constater que même des dirigeants qu’il critiquait admiraient la clarté, le fondement et la dignité de son discours critique.
Ces dernières années, malgré sa santé fragile, il est apparu dans plusieurs émissions de télévision, il est revenu au Portugal et est retourné en Algérie où il a été accueilli avec enthousiasme et émotion. Aux USA, ses conférences ont suscité des débats idéologiques d’une profondeur rare, avec la participation de communistes et d’universitaires progressistes. Et pratiquement jusqu’au moment de son AVC, il parcourait la France, répondant aux invitations de Fédérations communistes et autres. La jeunesse surtout l’acclamait avec tendresse et admiration.

Le décès de son épouse Gilberte en 2010, a été pour lui un coup très dur. « Je n’ai plus aucune joie de vivre… » - m’a –t-il répondu lorsque je l’ai interrogé sur le poids de la solitude. Elle, algérienne, était également une communiste exceptionnelle. Elle a énormément œuvré avec le parti pour l’organisation de son évasion rocambolesque de la prison de Rennes, où il avait été transféré depuis l’Algérie.

Souvent, quand je me rendais en France, il me logeait à Palaiseau en banlieue parisienne. Henri, qui était fin gourmet et un grand cuisinier m’offrait de véritables banquets et préparait un couscous merveilleux, arrosé de vins argentins.
Lors de ma dernière visite à Palaiseau avant sa maladie, ma compagne et moi avons assisté à un dîner inoubliable. Nous étions cinq : nous, Henri, Gilberte et son fils, Jean Salem, déjà philosophe marxiste de renommée internationale.
Je me souviens que ce soir-là nous avons refait le monde. Henri débordait d’énergie ; il parlait de l’avenir avec l’espérance d’un jeune bolchévique.

Je le répète : Henri Alleg fut un révolutionnaire et un communiste exemplaire.

Sources :
http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=10222

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Vendredi 2 août 2013

L’hommage du Parti Algérien
pour la Démocratie et le Socialisme

à Henri Alleg

Lundi 29 juillet 2013, au crématorium du père Lachaise (Salle la coupole) à Paris se sont déroulés les obsèques de notre camarade et frère de lutte Henri Alleg.
Nous présentons ci-dessous l’hommage du Parti Algérien pour la Démocratie et le Socialisme, présenté par le camarade William Sportisse, membre de sa direction :

Mesdames, Messieurs, Chers amis et camarades,

Pour les communistes algériens, le décès de Henri Alleg, notre camarade et frère de lutte est ressenti douloureusement. Nombreux sont les Algériens, hommes et femmes, jeunes et vieux qui expriment eux aussi de différentes manières leur peine profonde. Nous garderons dans notre mémoire sa participation à notre commémoration du 50ème anniversaire de l’indépendance de l’Algérie malgré son extrême fatigue.
Nous tenons à mettre en évidence l’ardeur qui l’a animé pendant plus de soixante dix ans dans ce combat que nous menons pour empêcher notre société de sombrer dans la barbarie, mettre fin à l’exploitation d’une classe par une autre et à l’oppression d’une nation par une autre. Cette ardeur reposait sur des convictions idéologiques et politiques communistes profondes.

Il ne manquait pas d’affirmer que les formes de lutte ne sont pas choisies en fonction de nos désirs et aspirations naturelles à ne pas alourdir les souffrances du peuple mais nous sont imposées par un système d’exploitation et d’oppression qui n’accepte pas de mourir sans recourir à la violence. Les communistes et les nationalistes algériens avaient cherché en vain une solution démocratique et pacifique pour en finir avec le système colonial. A la violence coloniale le peuple a dû répondre par la violence révolutionnaire.

La pratique de la torture pour réprimer l’insurrection va prendre durant la guerre d’Algérie une dimension massive et barbare. Il fallait la dénoncer devant l’opinion publique mondiale. Ce fut le mérite de Henri de l’avoir courageusement fait dans "La Question". Sa diffusion avec l’aide de ses camarades du PCA et du PCF et d’autres forces démocratiques et progressistes a contribué à la prise de conscience nécessaire à la mobilisation populaire en France et dans le monde pour obliger le gouvernement français à entamer les négociations pour faire droit aux légitimes revendications du peuple algérien à son indépendance.

La vigilance révolutionnaire de notre camarade Henri était constamment en éveil. Il flairait les tentatives de remettre en cause les avancées progressistes du mouvement populaire.

Il a dénoncé les tentatives de justifier la pratique de la torture, car elles servent à couvrir la barbarie des impérialistes en Irak, en Afghanistan ou dans les nouvelles guerres qu’ils préparent pour conquérir des marchés ou pour s’emparer des richesses énergétiques des peuples.

Sa vigilance révolutionnaire ne sera pas prise en défaut au lendemain de la disparition de l’Union soviétique. Il ne se laisse pas prendre dans les filets du reniement idéologique et politique et des mensonges des médias capitalistes sur les causes de la disparition de l’Union Soviétique.

Henri se rendra en Russie après la victoire de la contre-révolution. Il nous apporta les premières réponses à nos interrogations. Son ouvrage « Le grand bond en arrière » constitue une première contribution à l’analyse du désastre qui a bouleversé l’équilibre des forces dans le monde. Cette première contribution a été suivie de celle réalisée par sa défunte compagne Gilberte, dont nous gardons précieusement dans nos mémoires le souvenir, et de son fils Jean qui ont traduit pour nous de l’anglais au français l’ouvrage des deux auteurs américains, Roger Keeran et Thomas Kenny, « Le socialisme trahi, les causes de la chute de l’Union Soviètique ».

Son activité d’écrivain a reflété son souci de faire partager les connaissances acquises au cours de ses voyages au plus grand nombre de jeunes et de travailleurs pour les aider à élargir leur horizon et les amener à mesurer l’importance de la solidarité internationaliste entre les peuples.

Cette solidarité internationaliste, expression concrète des idéaux des communistes, Henri la pratique dans son action chaque fois que des communistes, des anti-impérialistes ou des progressistes sont victimes de la répression.

En tant que membre fondateur du Comité Honecker, il sera aux côtés des dirigeants de la République démocratique allemande victimes de la répression revancharde. Il sera également solidaire du noir américain Mumia Abou Djamal, du Palestinien Barghouti, du Libanais Ibrahim Abdallah.

Durant ces deux dernières décennies il à accordé beaucoup d’importance à la défense et à la préservation d’un Parti communiste de classe armé de la théorie révolutionnaire du Marxisme-léninisme. Il a consacré beaucoup de son temps et de ses efforts à cette tâche décisive dans la lutte contre les capitalistes.

Camarade Henri, tu nous quittes, mais tu resteras toujours présent dans la mémoire des hommes libres qui veulent remettre le monde à l’endroit car il est encore malheureusement à l’envers. Ton optimisme et ton exemple guideront les générations futures. Ta combativité jusqu’à ton dernier souffle les inspirera.

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Hommage à Henri Alleg

LE MILITANT QUI DAME LE PION A LA CENSURE !

Noureddine Abdelmoumène - Alger 19 juillet 2013

J’ai rencontré Henri pour la première fois en octobre 1962. Je venais de Paris pour rejoindre la nouvelle équipe du journal à la rue Berlioz. Il devait être 13H et toute la rédaction était rassemblée dans la grande salle autour d’un grand faitout de loubia, préparé par un gargotier du coin ! Ambiance décontractée et de franche camaraderie. C’est là que je fis connaissance de mes prestigieux aînés Boualem Khalfa , Hamid Benzine et Henri Alleg et d’autres jeunes qui avaient comme moi la vingtaine et étaient prêts à une nouvelle aventure dans un journal, c’est vrai, pas comme les autres…

La vie, les luttes politiques ont fait que j’ai peu rencontré Henri. Au cours de ces cinquante dernières années, en dehors des trois années de parution légale d’Alger républicain, à l’école d’ALLEG, trois années inoubliables de formation de journaliste et de combat politique que je raconterais plus bas à travers une « anecdote » . Ce n’est ni de sa faute ni de la mienne.

La dernière rencontre au sein de l’équipe d’Alger rep c’est faite le jour du coup d’Etat du 19 juin 1965. Nous nous sommes rencontrés en deux groupes de camarades, journalistes communistes, issus du Parti communiste algérien (PCA) discrètement pour décider de la marche à suivre. J’étais dans le groupe « piloté » par Henri : décision unanime on ne sort pas le journal !

Quelques semaines après la répression s’abat sur nous. Les camarades à peine sortis d’une lutte de libération éprouvante vont être confrontés aux arrestations et à la torture, d’autres partiront de justesse en exil comme Henri et d’autres enfin, comme moi, rentreront en clandestinité pendant plus de vingt ans pour organiser la résistance et reconstruire leur parti.

La première rencontre avec Henri a eu lieu dans la clandestinité, fin des années 1970. Henri était enfin invité en Algérie par des institutions culturelles et d’information officielles, au cours de certains évènements commémoratifs. La direction du PAGS décide d’organiser une rencontre clandestine avec Henri. Je faisais partie du dispositif de « réception » , je devais vérifier que notre « invité » n’était pas suivi. Brève rencontre : Henri me voit à peine, contrôle la nuit dans un circuit « tarabiscoté » , changement de quelques vêtements pour donner une autre allure à notre ami et direction du refuge clandestin où l’attendait, Sadek Hadjerès, premier secrétaire du PAGS.

La deuxième rencontre eut lieu dans la légalité, fin des années 2000, dans un grand hôtel algérois à l’heure du petit déjeuner. Henri était invité pour une rencontre autour du livre. J’accompagne le directeur d’Alger républicain et deux journalistes qui devaient interviewer notre ami : salutations, puis Henri se penche vers moi et me demande à voix basse « qui es-tu ?  ». Il n’arrivait pas à me remettre. Je me penche vers lui et lui donne, à voix basse mon nom.

Jamais Henri n’avais autant mérité de s’appeler « Hamritou » , surnom que nous donnions avec affection à notre rouquin. Il se tape la tête avec le plat de la main tout rouge de confusion. Je venais de comprendre que maintenant j’avais beaucoup changé, que j’avais « un certain âge » et quarante années nous séparaient du travail commun à Alger républicain et de notre rencontre du 19 juin 1965 !

Une école de combat politique

Le livre « la grande aventure d’Alger républicain » de Alleg, Khalfa et Benzine fourmille de faits pour donner la philosophie du journal. Encore une fois je vais relater un fait qui résume et illustre bien ce qu’est l’école Alger républicain.

Quand on arrive au journal on ne connait rien du journalisme. Mais on tombe dans une équipe de journalistes professionnels-militants quivous donnent tout ce qu’ils connaissent, sans jamais être donneurs de leçon : « mayabakhlouch »

C’est ainsi qu’un certain jour du début mars 1963, quatre mois seulement après mon arrivée, j’assure le poste de premier secrétaire de rédaction et je dois suivre la sortie du journal jusqu’aux rotatives. Un sanglant coup d’Etat est perpétré en Irak par les baathistes. Une répression féroce frappe les progressistes, particulièrement les militants et dirigeants communistes. Je traite les dépêches et rédige un commentaire sur cette tragédie.

Je me rends le soir à l’imprimerie. Le journal est bouclé. Henri qui assure le suivi politique du numéro est rentré chez lui. Brusquement deux fonctionnaires se présentent, ils sont de la censure. Ils ont été alertés par leur taupe à l’imprimerie, prestataire de service, sur les articles concernant l’Irak. Il est presque deux heures du matin. La censure demande de supprimer un titre, un intertitre, des passages de l’article en pages une et deux et le commentaire de politique étrangère « le fait du jour » . Je refuse fermement et j’appelle Henri : « ne t’inquiète pas dit- il j’arrive » . Dès son arrivée le directeur du journal proteste fermement contre cet acte de censure. Les fonctionnaires rejettent le mot censure : Henri pose la question « que voulez-vous ? » .Les censeurs réitèrent leur demande de suppression des articles incriminés. Mon directeur se tourne vers moi « enlève-les ». J’étais abasourdi. J’esquisse une protestation, Henri me calme de la main. Nous sortons enfin le journal, avec des blancs en pages une, deux et à la dernière aussi. Ce fut un jour sombre pour le pouvoir qui montrait ainsi en Algérie et dans le monde ses actes antidémocratiques de censure. Alger rép voyait son image grandir. Le jour même une conférence de presse était convoquée par le ministre de l’information pour donner lecture d’un communiqué du gouvernement appuyant le coup d’Etat de Baghdad. Le ministre distribua le communiqué à toute la presse nationale et étrangère. Arrivé à mon niveau il me demande : quel organe ? « Alger républicain » . Il mit le communiqué hors de ma portée « non » dit-il. Heureusement que les regards ne tuent pas, sinon je serais tombé sur place.

Pour moi le grand et gros ministre était devenu un nain politique !
Le petit Henri Alleg était devenu pour moi un géant. Il venait de damer le pion aux nouveaux censeurs bien de chez nous après avoir fait le même coup des années auparavant aux censeurs coloniaux.

Merci Henri de cette leçon magistrale pour moi ; pour nous tous !
Deux rencontres en cinquante ans c’est vraiment peu, c’est pourquoi je me réjouissais début 2012 d’une nouvelle rencontre, peut-être à Alger à l’occasion de la préparation d’un nouveau film sur Alger rép, piloté par la « Moubadara du 24février » à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’indépendance. Tu n’es pas venu et nous avons senti mes amis et moi que tu a été empêché par des pressions et des « contingences » sectaires externes. Dommage ! Nous avons perdu la dernière occasion de te voir parler de ton journal, vu « d’en bas » , comme on dit, par les gens du peuple : lecteurs, diffuseurs, petits souscripteurs, correspondants qui faisaient une chaine de solidarité autour de leur journal ! Une occasion perdue irrémédiablement pour toi et pour nous !

Henri de là où tu es n’oublie pas d’embrasser tous nos amis et camarades qui sont déjà partis, embrasse aussi Gilberte ta compagne disparue avant
toi, la grande sentinelle souriante qui t’a aidé à faire ce parcours fabuleux.

Alger 19 juillet 2013
Noureddine Abdelmoumène

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HENRI ALLEG, CE HÉROS TOUT SIMPLE

MICHEL COLLON
20 juillet 2013

J’apprends avec tristesse la mort de mon ami Henri Alleg, à l’âge de 91 ans.

Un grand résistant dans tous les sens du terme.

Juif d’origine russo-polonaise, installé en Algérie en 1939, il milite pour la libération de ce pays. Directeur du quotidien Alger républicain, il est arrêté en juin 57 et torturé par les forces d’occupation française, commandées par le général Massu. Il décrira ces tortures dans son livre La Question, immédiatement interdit par la France, et réédité en Suisse.

Extraits :
« Jacquet, toujours souriant, agita d’abord devant mes yeux les pinces qui terminaient les électrodes. Des petites pinces d’acier brillant, allongées et dentelées. Des pinces « crocodiles », disent les ouvriers des lignes téléphoniques qui les utilisent. Il m’en fixa une au lobe de l’oreille droite, l’autre au doigt du même côté… Brusquement, je sentis comme la morsure sauvage d’une bête qui m’aurait arraché la chair par saccades. Toujours souriant au-dessus de moi, Jacquet m’avait branché la pince au sexe. Les secousses qui m’ébranlaient étaient si fortes que les lanières qui me tenaient une cheville se détachèrent. On arrêta pour les rattacher et on continua… »

Il y a maintenant plus de trois mois que j’ai été arrêté. J’ai côtoyé, durant ce temps, tant de douleurs et tant d’humiliations que je n’oserais plus parler encore de ces journées et de ces nuits de supplices si je ne savais que cela peut être utile, que faire connaître la vérité c’est aussi une manière d’aider au cessez-le-feu et à la paix. Des nuits entières, durant un mois, j’ai entendu hurler des hommes que l’on torturait, et leurs cris résonnent pour toujours dans ma mémoire.

"Alors, il ne veut pas parler ? dit l’un des civils.

- On a tout le temps, dit le commandant, ils sont tous comme ça au début : on mettra un mois, deux mois ou trois mois mais il parlera.
- C’est le même genre que Akkache ou Eyette Loup, reprit l’autre. Ce qu’il veut : c’est être un "héros", avoir une petite plaque sur un mur dans quelques centaines d’années." Ils rirent à sa plaisanterie

C’est un des livres qui a marqué mon engagement militant. Tout jeune, j’ai été en contact avec des Belges et des Français qui avaient aidé le FLN, le mouvement de libération algérien en lui servant de base arrière (on les appelait les « porteurs de valise »). C’est ainsi que je fus amené à lire La Question. Une lecture indispensable pour comprendre jusqu’où peut aller la « démocratie occidentale » et aussi pour s’imprégner de son courage de vrai résistant.

Au moment où certains aiment à présenter Jean-Marie Le Pen comme un « résistant au système » qui « aurait des couilles », la pensée qui me vient est que c’est précisément à cet endroit que la torture était pratiquée par Le Pen et ses collègues criminels. Il ne s’en est jamais excusé, continuant à manifester son arrogance de colonialiste répugnant. Un tel homme ou sa fille ne sauraient incarner aucune résistance ! Juste de la démagogie manipulatrice pour amener les gens dans l’impasse du colonialisme et de l’extrême droite. Un programme qui est le contraire de la fraternité, en continuant le mépris et le racisme.

Le vrai résistant, c’était Henri, et tous ceux, Algériens ou Français, qui se sont battus comme lui pour que l’Algérie soit libre !

Jusqu’aux derniers moments de sa longue vie, il n’a cessé de lutter contre le système

J’ai eu le plaisir de rencontrer Henri à plusieurs reprises, notamment en donnant avec lui des conférences ou des formations pour jeunes. Il m’a marqué par sa forte conscience et sa capacité d’analyse politiques lucide. Mais aussi par sa gentillesse et sa simplicité.

Un héros tout simple. Ne se vantant jamais. Considérant ce qu’il avait réalisé comme tout à fait normal. J’ai eu avec lui quelques conversations très riches qui m’ont fortement aidé à comprendre le colonialisme.

Merci, Henri, nous essayerons de porter dignement ton message de résistance et de fraternité !


DEUX BRÈVES VIDÉOS D’HENRI ALLEG :


Le récit de son arrestation :

http://www.babelio.com/livres/Alleg-La-question/9836#citations


"La torture était généralisée et tout le monde savait"

http://www.lesmutins.org/Henri-Alleg-videos

Source : Investig’Action michelcollon.info

http://www.michelcollon.info/Henri-Alleg-ce-heros-tout-simple.html

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A L’OCCASION DU CINQUANTENAIRE DE L’INDEPENDANCE DE L’ALGERIE : ENTRETIEN AVEC HENRI ALLEGRosa Moussaoui – L’Humanité – le 17 mars 2012 ;

« L’idée internationaliste était primordiale dans notre engagement »

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SÉQUENCES AVEC HENRI ALLEG

par Arezki Metref

Henri Alleg. C’est le courageux, l’inflexible auteur de “La Question.” C’est le prestigieux ancien directeur d’ Alger Républicain. C’est l’anticolonialiste intransigeant et pugnace. C’est le communiste à l’ancienne, clair dans ses positions, pas de concessions ni d’embrouille.

Pour les gens de ma génération, Henri Alleg est un mythe, et un modèle.

En dehors de l’Histoire anticolonialiste dans laquelle il occupait la place que l’on sait, j’en entendais parler dans le cercle familial. Il venait à Aït Yenni rendre visite à mon grand-père et à mes oncles.
La première fois que je l’ai rencontré en vrai, j’ai eu cette sensation étrange d’être en présence d’une légende. Je devais réaliser un dossier sur la guerre d’indépendance pour un hebdomadaire. Il m’avait raconté son arrestation, la disparition de Maurice Audin, l’internement et la rédaction de “La Question” sur des bouts de papier glissés dans des paquets de cigarettes afin de les faire sortir de la prison à destination de son avocat.
Pudique, il garda le silence sur les sévices qu’il avait subis, ces stigmates de la haine colonialiste sur le corps d’un homme libre.

Ce qui frappait chez lui, c’était une très grande intelligence, un humanisme à toute épreuve et une simplicité de grand homme.

Disponible, à l’écoute, il n’avait pas d’a priori, mais il avait des principes et un idéal, celui de la défense des intérêts de la classe ouvrière et des peuples. C’était pour lui, la ligne rouge à ne pas franchir.

Première séquence

Je l’avais invité à l’Association de culture berbère lors de la réédition commentée de “La Question”, en Belgique. Ce devait être en 2002. Bien évidemment, il possédait cet art du tribun pour captiver son auditoire. Ce dernier voyageait avec Henri dans les méandres des turpitudes colonialistes qu’il savait décrire et analyser en dialecticien.
À la fin de la soirée, nous nous sommes retrouvés au métro, et c’est ce vieux bonhomme de 80 ans, à l’époque, qui se souciait de savoir comment j’allais rentrer. Le contraire eût été de mise. Il m’expliqua ce que déjà je savais, les lignes à prendre, les correspondances. Il manifesta un souci protecteur qui m’avait touché.

Deuxième séquence

C’était en novembre 2005 pour un colloque sur « L’autre Camus ». Nous voulions parler d’Albert Camus si possible autrement que dans les termes de plus en plus unanimistes qui se forgeaient. Il fallait les intervenants idoines.
Je m’étais souvenu qu’Henri avait été directeur d’ “Alger Républicain”, journal auquel avait collaboré Camus quelques années auparavant. Il me parut légitime qu’il ait eu une lecture du journalisme et de la littérature de Camus.
Il faut dire que sa participation à ce colloque avait soulevé un certain émoi. Au point qu’un intellectuel franco-algérien me dit que donner la parole sur Camus à « un stalinien » avait quelque chose de pernicieux. Je crois avoir répondu que, contrairement à beaucoup de non staliniens, ou d’anti-staliniens de salon, Alleg portait dans sa chair le droit de s’exprimer, et dans son parcours et dans ses combats la légitimité pour le faire.

Lorsqu’il prit la parole à ce colloque, je compris alors pourquoi une telle crainte. C’était une époque où l’on dressait à Camus une statue de quasi anticolonialiste, ajoutée aux autres statues qu’il avait déjà de grand écrivain, d’immense journaliste, etc.
Patiemment, Henri Alleg démonta la mécanique du discours de Camus sur l’Algérie. Même ses fameux reportages sur la misère en Kabylie brandis souvent comme la preuve irréfutable de son engagement en faveur des colonisés, Henri Alleg les analysait autrement.
Le sens ultime de ces textes était comme une doléance adressée au système colonial pour qu’il manifeste un peu moins de dureté à l’égard des colonisés, une demande compassionnelle d’un peu plus d’humanisme.
À aucun moment, le système colonial n’est remis en cause en tant que tel.

Inutile de préciser les gorges chaudes que son intervention avait suscitées au milieu d’un chantier où l’idolâtrie de Camus, sans doute méritée sur d’autres terrains que l’anticolonialisme, battait son plein.

Henri Alleg reconnut à Camus sa stature de grand écrivain mais il ne voulait pas laisser dans l’équivoque dont on les drape aujourd’hui les positions de Camus sur la colonisation et surtout sur l’indépendance de l’Algérie.

Troisième séquence

Je le rencontre à un salon du livre à Montpellier. Il m’offre “Mémoire algérienne,” l’ouvrage qu’il venait de faire publier, et je lui offre pour ma part “Kabylie Story.”
Cet échange aura deux conséquences. Je lui ferai une interview pour “Le Soir d’Algérie” sur son vécu algérois, lui demandant de me le décrire à travers des lieux emblématiques.
Dans un premier temps, il interpréta ma demande comme une limitation du propos politique. Il admit cependant lors de la parution que l’angle était plus intéressant qu’un énième retour descriptif du dernier quart d’heure de la colonisation, juste à la veille de la guerre de Libération.
Autre conséquence de cet échange, il m’adressa une lettre dans laquelle il exprimait tout net ses remerciements pour “Kabylie Story”, ce voyage à travers les villages kabyles qui, disait-il, relatait toute la beauté de la Kabylie, ainsi que ses combats pour la survie et la dignité. Il concluait en me disant que ce livre faisait pour cela bien davantage que de volumineux essais.
Je me suis souvenu que c’était le directeur de presse qui portait son appréciation sur ce qui n’était qu’un reportage.

C’est pourquoi lorsqu’il a été question de publier “Roman de Kabylie,” je lui ai demandé si je pouvais reprendre sa lettre en postface tant elle m’avait touché. Il souhaita la réécrire.

J’ai tenu à raconter des échanges personnels avec Henri Alleg car je sais qu’aujourd’hui, sa biographie est dans tous les journaux.

Au moment où il s’en va, on sent comme l’ombre d’un grand homme qui s’efface.

Il laisse un vide. Indéniablement. Il manquera aux combattants pour la vérité et la justice.

À son contact, il nous semblait nous élever à la hauteur de la grande histoire. L’une des leçons qu’il nous lègue, c’est qu’avec de la conviction, de la détermination, des principes, un homme peut soulever des montagnes.
Il l’a fait avec “La Question”.

A. M.

http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2013/07/21/article.php?sid=151697&cid=8

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LETTRE - TÉMOIGNAGE
DE AHMED MAHI

LE 19 JUILLET 2013

Cher André , Cher Jean,

Henri , votre père, mon admirable camarade, vient de nous quitter. Il avait un bel âge. Il avait une vie marquée par un engagement fort et continu pour la cause des déshérités, de la classe ouvrière, contre le système éhonté de l’exploitation de l’homme par l’homme, de l’oppression coloniale, pour la libération nationale et sociale et pour la construction d’une société de progrès et justice sociale.

Son internationalisme était exemplaire et sa fidélité à la cause prolétarienne n’a été ébranlée par aucune des méandres ou des divagations théoriques ou pratiques qui ont marqué le mouvement communiste et ouvrier international de même que l’URSS et le système socialiste mondial.

J’ai connu Henri dans des moments difficiles où se révèlent les qualités forgées et trempées par un engagement sans cesse mis à l’épreuve de la clandestinité, de la répression, de la nécessité de la continuité de l’action militante.
Son sens de l’organisation, du travail précis et bien fait, d’une discipline consciente, sa soif toujours inassouvie du savoir, sa vivacité frappée d’un humour inépuisable, ont été, pour moi et tant de camarades, une véritable école où nous avons tant appris.

Henri avait l’Algérie au cœur et il lui a tant donné. La « Question » parle éternellement pour lui et marque pour l’histoire son dévouement à notre pays.

Les travailleurs, les paysans, la jeunesse, les intellectuels algériens ont pu mesurer, à travers “Alger Républicain” dont il était le directeur dans les années de braises de la lutte anticolonialiste et dans les premières années de l’indépendance nationale, la force et la valeur de son apport pour faire de journal le défenseur de leurs causes et de la cause nationale.

Puisse Henri reposer en paix. Nous lui serons à ja&mais reconnaissants.

Je vous exprime mes sincères condoléances et vous souhaite beaucoup de courage.

Mahi Ahmed


Ton exemple

À Henri Alleg

Tu as dit un mot plus percutant qu’une balle
Tu as dit un mot plus vivant que nous
Tu as limé l’outil pour éviter la rouille
Je t’ai appelé et l’amande m’a livré
Trois lettres et comme toi j’ai dit NON
Et comme toi j’ai vaincu les monstres

Bachir Hadj Ali

“Chants pour les nuits de septembre -1965-”

in L’Arbitraire, Editions de Minuit, page 76, 1965 [2]


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MESSAGE ADRESSÉ CE JOUR JEUDI 18 JUILLET 2013

PAR SADEK HADJERES

À LA RÉDACTION DE L’HUMANITÉ

Henri a été le frère et compagnon inoubliable des Algériens en lutte depuis 70 ans, alors que j’étais encore militant étudiant nationaliste.

Puis tous deux dirigeants dans le PCA, avant et pendant la guerre de libération, j’ai apprécié la fermeté de son engagement, ses qualités d’organisation et d’initiative,

Après l’indépendance, quand il a rejoint le PCF, son exemplaire solidarité n’a jamais failli envers le peuple, les travailleurs et les communistes algériens réprimés et clandestins, quelles que soient les conditions complexes et les incompréhensions qui ont entouré les épisodes du parti unique FLN puis le drame algérien des vingt dernières années.

Nous devons beaucoup à son courage, son intelligence, son internationalisme et sa sensibilité humaine.
À ses enfants et petits enfants, nos condoléances émues

Sadek HADJERES
ancien premier secrétaire du PAGS (communiste)

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JE NE PLEURE
18 juillet 2013
par Fateh Agrane

Je ne pleure camarade

Aujourdhui non, il n’est question

Elle fut hier

Dans ton corps et ta raison

La coloniale déraison

Non je ne pleure un vainqueur

Et j’écris l’oraison

D’un camarade lutteur

A qui liberté a donné raison

Je poursuis ton rêve

Idéal en floraison

Quant nos ouvriers font grève

Sauvegardant ta maison

Je te salue « Bolchiste 1 »

Rouge rose des saisons

Et ne relève mérites

Arborant cloisons

Je ne te dirais adieu si vite

Car tu es moisson

D’un combat qui se mérite

Défiant les prisons

Je ne pleure camarade

Aujourd’hui non, il n’est question

Non !car demain

tu auras encore raison !

Fateh Agrane

Jeudi 18 Juillet 2013

1 /HENRI ALLEG aimait dire je suis toujours BOLCHISTE

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LE SENS ET L’ACTUALIT DU COMBAT DE NOTRE CAMARADE HENRI ALLEG

par la rédaction du Lien-PADS
le 28 juillet 2013

La vie de notre camarade disparu Henri Alleg, de son nom d’état-civil Harry Salem, a été l’incarnation du courage, de la lucidité et de la fidélité aux idéaux communistes, du rejet du reniement et du révisionnisme. Pour toutes les générations de révolutionnaires présentes ou à venir, elle représente un parcours exemplaire dans le combat pour un monde débarrassé de l’exploitation capitaliste et de la domination impérialiste, un monde communiste.

Décédé à 92 ans, Henri a assumé jusqu’au bout et avec détermination depuis son plus jeune âge toutes les responsabilités que sa conscience de révolutionnaire internationaliste lui dictait.

Né en Angleterre de parents juifs russo-polonais chassés par les pogroms anti-sémites, il prend vite conscience que les discriminations racistes ou religieuses sont sécrétées par les systèmes exploiteurs pour diviser les travailleurs et les peuples, les empêcher de s’unir dans leur combat pour construire une société nouvelle sans classes permettant pour la première fois de réaliser les aspirations à une véritable fraternité entre les hommes.

Révolté par l’oppression colonialiste,
Henri Alleg adhère au communisme

Arrivé en Algérie en 1939, poussé par le besoin irrépressible d’aller à la rencontre des autres peuples de la planète, il découvre la condition misérable infligée par l’oppression coloniale à l’immense majorité du peuple algérien, à l’exception d’une petite minorité de féodaux enrichis par l’expropriation de la paysannerie en récompense pour sa trahison et sa collaboration avec les colonialistes. Il est frappé par la vue de la richesse insolente d’une poignée de gros colons et de l’effroyable misère des "indigènes", notamment des enfants en haillons, ne mangeant pas à leur faim et interdits d’école par le système colonial. Au contact des réalités de la colonisation, sa tendance internationaliste s’affirme. Il est révolté par la négation des droits les plus élémentaires de ses derniers par le colonialisme : droits aux même avantages sociaux et économiques, droits à l’eau potable, aux soins, droits à l’école, droits à s’organiser librement dans des partis et syndicats, droits à élire ses représentants, droits à s’appeler Algériens et non "indigènes".

Il palpe du doigt le racisme inhérent au système colonial, son besoin intrinsèque de dresser à l’aide de sa presse et de ses institutions les travailleurs européens contre le peuple algérien afin de préserver l’ordre exploiteur et oppresseur des Cent seigneurs de la colonisation, ceux qui contrôlaient toutes les richesses du pays : les terres les plus fertiles, les nappes alfatières, les mines, les banques, les ports et les navires, de même que toutes les institutions, des mairies jusqu’aux préfectures en passant par les chambres de commerce, etc. Il découvre très vite que le mythe colonial cachait une cruauté sans limite des oppresseurs. Son esprit critique, son humanisme concret inné, sa vigilance intellectuelle aiguisée par son attrait pour l’idéologie prolétarienne et la lutte des forces révolutionnaires en France, en Espagne ou ailleurs, sa méfiance instinctive de la domination des détenteurs de richesses, l’amènent à rejeter spontanément la propagande sur la prétendue mission civilisatrice de la France dans les colonies et, en particulier, en Algérie. Il fait partie de ce petit nombre de citoyens français qui ne se sont pas laissés intoxiquer par la propagande orchestrée par la bourgeoisie impérialiste pour justifier l’exploitation des richesses naturelles des colonies. Il ne s’est pas laissé duper non plus par les discours trompeurs des socialistes qui prétendaient que grâce à l’expansion coloniale ils allaient aider les peuples "arriérés" à accéder au progrès. Spontanément, Henri mettait en application les mots d’ordre de l’Internationale communiste sur le soutien inconditionnel au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et que les socialistes refusaient obstinément dans leur tendance à "gérer loyalement" les intérêts des capitalistes.

La propagande colonialiste menée dès l’école jusqu’à l’Université, développée par la presse aux mains des magnats, la radio, l’Eglise, les partis et organisations de la bourgeoisie, avait conditionné en profondeur l’immense majorité des Français, y compris une bonne partie du prolétariat. Henri fait partie de ces révolutionnaires intransigeants que les idées dominantes de la classe dominante n’avaient pas réussi à asservir et qui ont su percer et combattu de toutes leurs forces les mensonges de cette propagande. C’est un exemple à méditer et à suivre aujourd’hui. De larges secteurs de l’opinion qui prétendent se situer dans le camp du progrès, y compris parmi les peuples anciennement colonisés, se laissent prendre, comme ceux qui les ont précédés à l’époque des colonies, par la propagande de la presse impérialiste. Cette presse qui a atteint aujourd’hui un degré inimaginable de concentration et qui dispose d’un réseau international tentaculaire à travers les télévisions satellitaires, les réseaux internet, continue comme jamais à intoxiquer les peuples pour maintenir leur asservissement. Cette fois-ci le travail de "formatage" est mené sous le mot d’ordre hypocrite de la promotion de la démocratie, des "droits de l’homme" et des minorités. Etre fidèle au parcours militant de Henri, c’est avoir constamment à l’esprit cette thèse fondamentale que les idées dominantes sont celles de la classe dominante, celle qui possède les moyens de production, les banques et l’argent et donc des moyens de propagande colossaux pour tromper les travailleurs. C’est n’accorder absolument aucune confiance à la propagande et au soi-disant travail d’information des médias tenus par les oligarchies capitalistes. C’est manifester son mépris pour l’armée des chiens de garde, pseudo journalistes exécutant les ordres de leurs maîtres pour faire passer au sein des peuples les mensonges de leurs exploiteurs. C’est obéir à des choix de classe en combattant sans répit les mensonges propagés, défendre le droit de la classe ouvrière, des couches populaires exploitées à lutter pour abolir par tous les moyens le capitalisme, instaurer le socialisme. C’est s’inspirer de son exemple en dévoilant aujourd’hui sans répit les véritables objectifs des puissances impérialistes dont l’agressivité, proportionnelle à la gravité de la crise qui mine le système capitaliste, se manifeste par leurs manœuvres et agressions criminelles en Afrique et dans les pays arabes, Irak, Libye, Syrie, Mali, par leur soutien aux régimes moyenâgeux du Golfe, aux forces réactionnaires d’Amérique latine, etc.

Abhorrant le colonialisme et l’arrogance de la bourgeoisie, notre camarade Henri a tout naturellement adhéré au seul parti qui incarnait à la fois le rejet de la domination coloniale et le combat pour une société socialiste dirigée par la classe ouvrière et ses alliés, fondée sur la socialisation des grands moyens de production. Il l’a fait tout en ayant tissé des liens de sympathie avec les militants nationalistes et exprimé son soutien à leur juste cause sans pour autant partager toutes leurs analyses. Il a adhéré au Parti communiste algérien à un moment où il était réduit à l’action clandestine après sa dissolution par le gouvernement français, avec l’appui de la droite et du parti socialiste, à un moment où pratiquement tous ses dirigeants et un grand nombre de ses militants avaient été arrêtés. En un mot, il a choisi d’adhérer à ce parti à un moment où il était dangereux de le faire, quand le communiste courrait le risque d’être assassiné par les fascistes de Vichy ou de se retrouver en prison où il pouvait être emporté par la faim et le typhus comme Kaddour Belkaïm, son secrétaire général jeté dans les geôles de la sinistre prison Barberousse. Il a montré que le vrai communiste est celui qui ne se laisse pas abattre par les défaites enregistrées dans la lutte pour l’émancipation des exploités, pour le renversement du pouvoir des exploiteurs. Le vrai communiste est celui qui ne court derrière aucun privilège, celui dont le devoir permanent est de poursuivre inlassablement son combat quelles que soient les circonstances, celles du travail légal comme celles du travail clandestin, celui qui accepte de militer même dans les conditions les plus difficiles, qui ne recule pas devant les sacrifices et la perspective de la prison, de la torture, de la mort.

Henri ne s’était pas laisser ébranler par la propagande furieuse de la bourgeoisie métropolitaine et coloniale après la signature en 1939 par l’URSS et l’Allemagne nazie du pacte de non-agression. Instinctivement il avait compris que cet accord déjouait les plans des puissances impérialistes françaises, anglaises tendant à orienter la puissance de feu nazie contre la patrie socialiste naissante du prolétariat mondial. Bien que sa formation idéologique et politique fût encore balbutiante, il sut distinguer le vrai du faux et comprendre que le rempart contre le fascisme était représenté par l’URSS et les partis communistes. Jamais Henri ne céda à la propagande bourgeoise et ne se déjugea sur cette question malhonnêtement utilisée par la réaction mondiale et les révisionnistes de toutes tendances dans leurs tentatives d’assimiler le communisme au nazisme .

Henri Alleg anime le travail d’Alger républicain
pour le pain, la liberté,
la solidarité internationale et le socialisme

Ses qualités personnelles, ses convictions idéologiques, son dévouement, sa fermeté, son esprit de discipline et sa rigueur, furent à la base du choix effectué par la direction du PCA pour lui confier en 1951 la direction du quotidien Alger républicain dont la majorité des actionnaires avait évolué vers le soutien aux idées communistes.

Dans le contexte du renforcement de l’URSS, du camp socialiste, du mouvement communiste et ouvrier mondial, de leur prestige immense, de la montée irrésistible du mouvement de libération nationale, des premiers fruits politiques et organiques de la rectification de la ligne du PCA sur la question nationale, Alger républicain allait pouvoir s’engager avec encore plus de résolution dans le combat anticolonialiste, le cap fermement tenu vers le grand objectif stratégique du socialisme.

Une pléiade de nombreux jeunes militants dévoués avait embrassé les idéaux communistes et était disposée à prendre en main le journal pour répandre les appels à la mobilisation et au soutien des travailleurs et du peuple algériens dans leurs luttes contre le régime colonial.

Sous sa direction, avec Boualem Khalfa et Abdelhamid Benzine, épaulés par une multitude de jeunes journalistes militants et de collaborateurs de différentes origines ethniques qui se dépensaient sans ménagement, comme Kateb Yassine, Zanettacci, Salort, Alger républicain devient vite le principal organe algérien de lutte anti-impérialiste. Il apporte une contribution de premier plan à la propagation des positions du mouvement national, au ralliement de l’immense majorité du peuple algérien à la nécessité de rompre avec l’ordre colonial. Le journal acquit une renommée nationale et internationale parce qu’il liait étroitement entre elles les luttes anticolonialistes, les luttes sociales des travailleurs agricoles, des ouvriers de l’industrie du tabac, des paysans spoliés par les colons, des dockers refusant de charger les armes sur les navires à destination du Vietnam, le soutien au combat du peuple vietnamien, des peuples marocain et tunisien pour se libérer du colonialisme, au peuple coréen agressé par l’impérialisme américain sous la bannière de l’ONU, la dénonciation de l’exécution des époux Rosenberg accusés mensongèrement d’espionnage au profit de l’URSS, sa solidarité avec les victimes du maccarthysme aux USA, la défense du socialisme et de l’URSS, la lutte pour la paix, etc.

Sa ligne éditoriale partait implicitement de l’idée que la libération nationale devait être une première étape dans le grand combat, de portée mondiale, pour le socialisme.

Sans faire de concession sur la question coloniale, Alger républicain déploie avec énergie un travail politique destiné à gagner les travailleurs d’origine européenne à la nécessité de reconnaître au peuple algérien le droit à décider de son destin. Il s’efforçait d’isoler la minorité des gros colons, d’unir dans un même combat les exploités de toutes origines contre leurs ennemis de classe communs, la bourgeoisie impérialiste, de tenter de préparer les conditions politiques d’une Algérie nouvelle qui bannisse les distinctions de race, de religion ou d’origine, tournée vers l’abolition de toutes formes d’exploitation et d’oppression externe ou interne.

Alger républicain devient la "bête noire" des colons, des bachaghas, leurs collaborateurs indignes, de la bourgeoise métropolitaine, des fascistes ultra-colonialistes, de toutes les forces impérialistes en France ou aux USA.

Le déclenchement de l’insurrection armée pour la libération nationale bénéficia naturellement du soutien sous des formes multiples d’Alger républicain. A la violence des colonialistes, le peuple algérien avait le droit d’opposer sa violence pour se libérer. Ce n’est jamais de gaité de coeur que les révolutionnaires et les communistes se décident à passer de l’action politique à l’action armée, lorsque l’exploiteur ou l’oppresseur ne veut pas entendre raison et que toutes les formes de luttes pacifiques sont épuisées. Les classes exploiteuses recourent systématiquement à la violence quand leurs privilèges sont sérieusement menacées, y compris dans les pays capitalistes "démocratiques" où la bourgeoisie peut abolir la démocratie formelle et passer au fascisme afin de mater le mouvement ouvrier. Cette loi de la lutte des classes, les communistes éduqués par la théorie marxiste-léniniste l’avait assimilée.

Pour le faire taire, pour l’empêcher de révéler les crimes commis par l’armée coloniale, les colonialistes intensifièrent leurs mesures répressives. Une pluie de condamnations à de lourdes peines de prison ou de fortes amendes, sans parler de la censure impitoyable, s’abattit sur le journal. Les autorités coloniales décident de l’interdire en 1955 en même temps qu’elles interdirent le PCA. Henri est contraint à mener une vie clandestine périlleuse. De nombreux journalistes rejoignent le maquis où ils tombèrent au champ d’honneur. Collaborateur du journal, Henri Maillot tombe à son tour sous la mitraille des forces répressives après s’être emparé d’un camion d’armes en avril 1956 dans le cadre d’une opération organisée par les groupes armés du PCA, les Combattants de la Libération, sous la direction de Bachir Hadj Ali et de Sadeq Hadjerès. Ces armes furent remises à l’ALN et aux CDL.

Henri Alleg affronte dans la clandestinité la répression colonialiste

Henri Alleg est quant à lui chargé par son parti d’informer l’opinion française en envoyant des articles au journal l’Humanité pour continuer à dénoncer la répression qui s’abat sur l’ensemble du peuple algérien et de ses forces patriotiques et à faire connaître les objectifs du combat armé entamé par le Front de Libération Nationale le 1er novembre 1954.

Il fait l’objet d’une traque impitoyable. Il ne fut capturé que deux longues années après par les sinistres parachutistes de Bigeard et de Massu, couverts par le socialiste Robert Lacoste, gouverneur général d’Algérie, exécutant zélé des pouvoirs spéciaux, obtenus du parlement par le gouvernement de Guy Mollet sur la base de la promesse mensongère d’instaurer la paix en Algérie. Il est arrêté en juin 1957 sur le seuil du domicile de Maurice Audin, lui aussi membre du PCA, professeur de mathématiques à l’Université d’Alger, arrêté et torturé à mort, le corps enterré dans un lieu tenu secret jusqu’à aujourd’hui.

Henri est affreusement torturé. Pas un mot ne sortit de sa bouche, sauf pour fustiger ses bourreaux. Grâce à son attitude courageuse exemplaire, l’armée coloniale ne réussit jamais à mettre la main sur les dirigeants du PCA. Leur organisation clandestine put poursuivre son travail de coordination de la lutte des communistes et son soutien politique national et international à l’action du FLN.

Henri n’échappa au sort qui attendait la plupart de ceux qui tombaient dans les griffes de leurs tortionnaires que grâce à l’action énergique de son épouse Gilberte, militante admirable elle aussi, et à la campagne d’information animée par l’Humanité avec l’appui des personnalités humanistes les plus courageuses que comptait la France. Dans la prison de Barberousse il ne s’avoue pas vaincu. Il continue le combat. Il rédige secrètement "La question" qu’il réussit à faire parvenir en France par l’entremise de son avocat. Il y décrit la pratique de la torture comme pratique érigée en système visant à la destruction physique violente des réseaux patriotiques et de la propagation de la terreur généralisée pour briser la résistance du peuple algérien, maintenir par la force un ordre colonial condamné par l’histoire. Cette pratique abominable des régimes exploiteurs, Henri s’était moralement et psychologiquement préparé depuis 1941, lors de son adhésion au PCA, à la subir un jour. Le livre de Henri eut un énorme retentissement en France et dans le monde. Ce livre servit puissamment la cause du peuple algérien en révélant le véritable visage des défenseurs du colonialisme et du monde dit "libre".

En prison, Henri avait résisté non seulement aux menaces de ses geôliers colonialistes mais aussi aux pressions morales "amicales" de membres du FLN pour qu’il répudie ses idéaux communistes, rompe avec son parti au motif que la guerre de libération exigeait de tous les anti-colonialistes de se fondre en un mouvement unique. Comme la quasi-totalité des communistes algériens confrontés à ces pressions, Henri ne céda pas, convaincu que les travailleurs allaient avoir grand besoin dans l’Algérie indépendante d’un parti de classe résolu à transformer la révolution nationale-démocratique en révolution socialiste. L’indépendance ne pouvait être qu’une étape historique et non une fin en soi, sur le chemin long et ardu de l’émancipation des classes exploitées et le rapprochement sur des bases nouvelles entre les peuples enfin délivrés de l’intoxication idéologique de leurs exploiteurs.

Condamné à 10 ans de prison il est transféré en France. Il s’évade de prison en 1961 avec l’aide de l’organisation du PCF. Il rejoint la délégation extérieure du PCA à Prague où il va déployer avec une énergie redoublée un travail de propagande intense pour contribuer à achever l’isolement sur le plan international de l’impérialisme français à la veille des négociations que le gouvernement français est obligé d’engager avec le FLN et qui seront consacrées par la signature le 18 mars 1962 des Accords d’Evian.

Les nouvelles tâches des communistes dans l’Algérie indépendante

Le 3 juillet 1962, l’indépendance est enfin proclamée. Une étape historique venait d’être franchie. Des centaines de milliers d’hommes et de femmes avaient offert leur vie pour que l’Algérie arrache son indépendance.
Inévitablement le conflit qui avait opposé au colonialisme l’immense majorité du peuple algérien allait céder la place à des clivages de classe internes sur les objectifs à assigner à la construction d’un pays devenu indépendant.

Le PCA et Alger républicain devaient jouer pleinement leur rôle dans la nouvelle situation historique pour éclairer les travailleurs sur le contenu socio-économique et politique des objectifs des nouveaux combats, la lutte pour la libération économique et sociale, la démocratie au profit des masses laborieuses, le socialisme. La question qui se posait était de savoir si l’indépendance devait apporter ses bienfaits à l’ensemble des couches laborieuses du pays ou profiter seulement à une minorité de nouveaux nantis.

Henri et ses camarades s’engagent sans hésitation dans cette nouvelle bataille. Ils relancent Alger républicain. Ils durent pour cela affronter et surmonter avec courage et détermination l’opposition ouverte ou honteuse, les menaces de liquidation à peine voilées émanant de certains responsables FLN hostiles à l’action indépendante des communistes et à ce qu’ils allaient représenter dans le combat pour les choix fondamentaux de l’Algérie nouvelle.

Il s’agissait de déjouer les plans de l’impérialisme français qui n’allait pas s’avouer vaincu dans ses tentatives de maintenir ses positions économiques et politiques dans son ancienne colonie. Il allait s’adapter au nouveau rapport des forces, prenant appui sur les classes couches sociales algériennes qui aspiraient seulement à remplacer les "Cent seigneurs de la colonisation" sans toucher aux intérêts économiques fondamentaux du grand capital français en Algérie. En même temps, il fallait mettre en échec les tentatives des couches possédantes ou privilégiées algériennes de s’ériger en classes au pouvoir et de prendre la place et les biens abandonnés par les Borgeaud et les bachaghas Boualem. L’action de Henri et de ses compagnons devait tendre surtout aux premiers jours cruciaux de l’indépendance à empêcher la transformation en guerre civile des divergences surgies à la réunion du CNRA à Tripoli entre les responsables du FLN. Elle devait soutenir le contenu positif du programme soumis au cours de cette réunion, appeler les travailleurs et la paysannerie pauvre à se battre pour son application, contribuer à organiser le mouvement spontané des travailleurs qui s’étaient dressés contre l’accaparement par une nouvelle bourgeoisie des terres et des usines abandonnées par les colons et les patrons capitalistes dans leur fuite vers la France et qui s’étaient mis à les gérer eux-mêmes.

La situation politique était complexe. Le régime qui se mettait en place était hétérogène sur le plan des choix idéologiques. Il était traversé de contradictions profondes obscurcies par des querelles subjectives héritées du mouvement national. Une aile des nouveaux dirigeants proclamait dans les discours publics son attachement au socialisme. Mais d’autres franges ne pensaient qu’à s’enrichir et à s’emparer des biens laissés par les Européens évitant de s’opposer ouvertement à l’option socialiste proclamée formellement dans le Programme de Tripoli. Leur tactique consistait à saboter sournoisement l’application des choix officiels et à bercer les masses de fausses promesses en attendant de conquérir assez de poids économique et politique pour tourner la page du socialisme. Le PCA représentait à leurs yeux une menace pour leurs aspirations égoïstes. Ils surent tirer profit des contradictions des dirigeants de la petite-bourgeoisie qui n’acceptaient pas de laisser les travailleurs et le PCA jouer un rôle politique indépendant. Son interdiction en novembre 1962, au nom de l’unicité du FLN, soi-disant indispensable à l’unité du pays et de ses forces patriotiques, quatre mois à peine après l’indépendance, avait été approuvée, à de très rares exceptions, par toutes les tendances du nouveau régime. Elle laissait planer sur le journal co-dirigé par Henri un danger permanent de suspension, sous les motifs les plus fourbes, même s’il n’était pas l’organe du PCA.

L’équipe dirigée par Henri, Boualem Khalfa et Abdelhamid Benzine, eut à défendre le droit du peuple à la parole contre les manoeuvres des arrivistes et réactionnaires camouflés, à soutenir les décisions positives du gouvernement, à appeler à des décisions radicales qui s’inscrivaient dans le processus d’achèvement de la révolution nationale-démocratique, telles que la réforme agraire, la nationalisation des hydrocarbures et des mines, la participation démocratique des masses populaires à la gestion du pays et au contrôle à tous les niveaux de leurs représentants. Elle avait par exemple dénoncé la caporalisation de l’UGTA lors de son premier congrès en 1963. Appliquant les orientations tactiques du PCA, elle tentait de favoriser les décantations au sein du régime et de la société pour faire mûrir l’union des forces révolutionnaires dans un parti d’avant-garde, socle d’un front patriotique dirigeant l’édification nationale. Sur le plan international, Henri déploya tout son talent pour que le journal contribue à l’expression de la solidarité effective de l’Algérie indépendante avec le combat des mouvements anti-colonialistes et anti-impérialistes en Afrique et dans le monde, au renforcement des liens avec le camp socialiste et l’URSS. "Victorieuse Cuba", le témoignage vibrant de Henri Alleg est publié dans Alger républicain. Ce livre joua un grand rôle dans le soutien au pays qui venait de se libérer de l’emprise des USA et de la dictature de Batista, sa marionnette. Ce travail contribua à sceller les rapports de solidarité nés depuis le renversement de cette dictature en 1959 entre Cuba et l’Algérie combattante. Cuba apportera un soutien concret à l’Algérie perfidement agressée par l’armée du monarque marocain en 1963.

Henri mena au sein de son parti un combat ferme pour que, tout en soutenant les premières mesures progressistes du gouvernement de Ben Bella - nationalisation des terres des colons en octobre 1963, création d’entreprises publiques, telles que Sonatrach et SNS, et de centres de formation pour préparer la récupération des richesses naturelles et leur transformation en Algérie dans le processus de l’indispensable industrialisation - il ne cède pas à l’illusion que le FLN pouvait se transformer en parti capable d’exprimer l’idéologie de la classe ouvrière et de mener de façon conséquente la lutte pour le socialisme. Le risque de sabordage du PCA était devenu sérieux après l’adoption de la Charte d’Alger par le congrès du FLN d’avril 1964. Cette Charte se caractérisait par un contenu idéologique proche de idées du socialisme scientifique mais comportait en même temps la marque de l’hégémonisme petit-bourgeois réfractaire à l’action et à la mobilisation démocratiques indépendantes de la classe ouvrière. Dans la pratique, il existait un divorce grandissant entre les orientations décidées à l’initiative du courant socialisant et la nature socio-économique anti-socialiste d’un grand nombre de responsables très influents dans l’appareil administratif et militaire qui commençait à s’installer. Dans de telles conditions, la meilleure aide que le PCA pouvait apporter au processus de décantation et de différenciations était de préserver son indépendance, d’éviter de succomber à la tentation d’une fusion dont les conditions n’étaient en fait pas réunies. Une éventuelle fusion ne pouvait être qu’un leurre en raison notamment de la négation du droit à l’existence légale du PCA pour discuter sur un pied d’égalité avec l’aile progressiste du FLN, du refus de ce front-parti d’adhérer aux thèses du marxisme. Henri s’était opposé au sein du Bureau politique à l’auto-dissolution du PCA et à la dilution de ses militants dans le FLN. Il défendait la nécessité de préserver l’indépendance idéologique et organique du PCA, comme parti marxiste-léniniste de la classe ouvrière, ne se laissant pas duper par la phraséologie ultra-révolutionnaire du socialisme petit-bourgeois réfractaire à l’idéologie prolétarienne. Dans cette lutte difficile les défenseurs du capitalisme poussaient les différents courants petit-bourgeois à l’affrontement avec les communistes. Cela était visible en 1963 quand Alger républicain avait été censuré pour avoir condamné la sanglante répression anticommuniste opérée en Irak après le coup d’Etat du baath. Même si elles affichaient un penchant socialisant, de multiples franges de la petite-bourgeoisie pouvaient à tout moment basculer dans la tentation de réprimer par la violence le mouvement communiste.

Alger républicain s’efforçait sous la direction conjointe de Henri et de Boualem Khalfa, en concertation étroite avec les dirigeants du PCA, de clarifier les enjeux, d’armer idéologiquement les travailleurs, de rapprocher les différents courants révolutionnaires. Dans les nouvelles conditions de l’Algérie indépendante, Alger républicain était à la fois le porte-voix des positions du PCA interdit et la tribune de discussions et de dialogue de toutes les forces, au sein ou en dehors du FLN, qui s’interrogeaient sur le moyen de créer un parti d’avant-garde unifié comme force dirigeante des transformations socio-économiques dans la perspective du socialisme et qui agissaient concrètement dans cette voie. Henri en avait pleinement conscience et assumait en connaissance de cause toutes les implications politiques qui en découlaient, y compris l’éventualité de dangereux retournements de situation.

Après le coup d’Etat du 19 juin 1965

C’est ce qui se produisit à la veille et après ce coup d’Etat.

D’abord, les dirigeants du régime, Ben Bella à leur tête, avaient décidé de faire disparaître le journal en le fusionnant avec Le Peuple à la veille de la commémoration du 3 ème anniversaire de l’indépendance du pays, soi-disant pour unifier toutes les capacités idéologiques dans la défense de la "révolution socialiste". En fait, la décision dissimulée sous la couverture de la création d’un organe unique chargé exprimer les orientations "socialistes" du FLN telles que définies dans la Charte d’Alger, camouflait de façon grossière la liquidation du journal. Elle préludait à l’éviction de Henri notamment qui devait être désigné dans un premier temps au poste purement honorifique de rédacteur en chef de l’agence de presse officielle APS. Quelles qu’aient été les intentions des personnalités progressistes du régime, la résultante des rapports de force d’un régime hétérogène ne pouvait être que négative. Objectivement, le véritable but de l’opération était de faire taire la voix des communistes, la seule qui n’hésitait pas à se faire l’écho du mécontentement des masses populaires, à dénoncer les magouilles et tripatouillages de toute une faune de responsables occupés à utiliser leurs postes dans l’Etat pour s’enrichir de façon effrénée.

Ensuite le renversement du chef de l’Etat a été accompagné de la fermeture du journal pour son refus de publier la proclamation des factieux.

Réduite à un noyau sans base, suite à la décision unilatérale de quelques uns d’entre eux de dissoudre leur parti, les dirigeants en exercice du PCA n’était pas prêts à analyser avec rigueur la nouvelle situation et à donner de justes orientations aux nombreux militants dispersés depuis un an. Les erreurs d’analyse et d’appréciation du véritable rapport des forces dans la société, les illusions entretenues par les discours publics du président déchu, la surestimation du poids réel des fractions progressistes du régime, la sous-estimation de l’influence de son aile droitière et réactionnaire, la méconnaissance de la nature des contradictions internes d’un régime, issu de la guerre de libération et donc fondamentalement hétérogène sur le plan de sa structure sociale et de ses orientations idéologiques, avaient conduit à une opposition frontale irréfléchie au nouveau pouvoir, considéré en bloc comme un régime réactionnaire.

Les courants réactionnaires du régime avaient exploité ces positions pour déclencher une féroce répression anti-communiste, affaiblir et opposer les uns aux autres les différentes composantes des forces progressistes et anti-impérialistes du pays.

Au milieu d’un déchaînement de propagande anti-communiste, enveloppée sous un chauvinisme anti-européen indigne, Henri doit de nouveau poursuivre la lutte dans la clandestinité. C’est sur la décision prise par les dirigeants du PCA dans les semaines qui suivirent le coup d’Etat qu’il dût se résigner, à son corps défendant, à quitter le pays où il s’était battu contre l’oppression, l’exploitation et les injustices durant 27 ans. Il rejoint la France pour mener le travail que la direction du PCA lui avait confié : animer à l’étranger un travail d’information auprès du mouvement communiste international afin d’organiser la solidarité avec les communistes et progressistes algériens en butte à la répression et à la torture, organiser les travailleurs algériens dans l’immigration. Il était la personne la mieux indiquée pour mener à bien ce travail vital.

Il assumera la direction de la représentation extérieure du PAGS.
Ce n’est que sept ans après son départ que, coupé physiquement malgré lui de l’Algérie, mais convaincu qu’une nouvelle génération de cadres communistes algériens s’était formée pour diriger son parti, il décide avec l’accord de la direction du PAGS de s’engager au sein du PCF. Sa décision était dictée par le désir de donner le meilleur de lui-même dans la lutte contre le capitalisme en France. En tant qu’internationaliste il appliqua le principe de l’obligation de militer dans les rangs du parti communiste du pays d’accueil, comme il l’avait fait en 1941 en adhérant au PCA, comme il l’aurait fait ailleurs si les hasards de la vie n’avaient pas contrarié son projet d’aller en Amérique latine où il aurait certainement mené son combat avec les communistes de ce continent contre les dictatures à la botte de l’impérialisme américain.

Henri rejoint l’Humanité. Il prolonge dans ce journal le travail du PAGS pour appuyer les mesures positives du régime de Boumediene tout en exprimant son rejet de la répression anticommuniste. Mais il n’approuvera pas les orientations prises par ce journal en direction de l’Algérie lorsque, fasciné par l’action progressiste et anti-impérialiste du régime de Boumediene, et passant sous silence ses contradictions, le PCF rompit avec le PAGS, établit des relations privilégiées avec le FLN. L’Humanité avalise le discours socialiste officiel et présente le FLN, au mépris des réalités, comme une organisation d’avant-garde révolutionnaire engagée dans la réalisation de la société socialiste. Henri ne pouvait tolérer de telles erreurs de jugement, encore moins accepter que le PAGS soit interdit de présence à la fête de l’Humanité au profit du FLN, jusqu’à ce l’explosion d’octobre 1988 et la répression sanglante qui s’en suivit montrèrent que ce parti n’incarnait en rien les aspirations des travailleurs.

Parallèlement, Henri mène un travail titanesque pour décrire dans de nombreux ouvrages ce que fut le colonialisme et sa guerre en Algérie, pour montrer les réalités du capitalisme américain, pour faire connaître le travail d’édification d’une nouvelle société dans les républiques de l’Asie centrale de l’URSS, etc.

Durant les journées d’octobre 1988, il appuie le travail mené en France sous la direction de Boualem Khalfa pour dénoncer les exactions commises par les forces répressives du régime de Chadli contre les jeunes. Il contribua à la rectification de la ligne de l’Humanité qui prit peu à peu ses distances vis-à-vis du régime algérien.

Henri Alleg défend le socialisme
face à la horde des revanchards
après la contre-révolution en URSS

À la fin des années 1980, la contre-révolution redressa la tête en URSS et dans les pays socialistes. Encouragée par le soutien des régimes capitalistes et de toutes forces rétrogrades dans le monde, exploitant les graves erreurs économiques commises sous la pression de couches sociales opposées à l’approfondissement du socialisme, ou les questions complexes et nouvelles surgies des progrès même de la construction du socialisme, elle s’empare du pouvoir avec l’aide de groupes dirigeants capitulards intimidés par les conséquences de la "guerre des étoiles" engagée par Reagan. L’humanité tout entière est plongée dans la régression. Cette victoire est le signal d’une contre-offensive générale de la bourgeoisie dans le monde. Les conquêtes sociales de la classe ouvrière et des travailleurs sont remises en cause. L’impérialisme longtemps tenu en respect par l’Union soviétique et contraint à reculer sur tous les continents, après avoir subi défaite sur défaite, se lance dans des agressions meurtrières, comme celle qui a ravagé l’Irak et celles qui ont mis à feu et à sang une bonne partie de l’Afrique. Les organes de l’impérialisme : FMI, Banque mondiale, OMC, OTAN, etc., s’ingèrent dans la gestion économique de tous les pays du monde pour dicter leurs recettes, casser les systèmes de protection sociale, ouvrir de force les frontières des pays pris dans leurs rets aux mouvements sauvages des capitaux de la bourgeoisie monopoliste.

La défaite du mouvement communiste a provoqué un reflux. La réaction déclenche dans les anciens pays socialistes la chasse aux sorcières. En RDA les dirigeants demeurés fidèles à leurs idéaux sont persécutés devant les tribunaux revanchards montés de toutes pièces par l’impérialisme allemand sous l’instigation des USA. Les arrivistes de tout crin ont viré de bord et joint leur voix au concert de propagande sur l’échec "irrévocable" du socialisme. Dans tous les partis communistes, les courants opportunistes s’enhardissent et arrivent dans la plupart des cas à imposer l’abandon des principes révolutionnaires du marxisme-léninisme. Le plus souvent ils continuent à arborer l’étiquette "communiste" pour tromper les travailleurs et les jeunes attachés à la poursuite de leur combat en dépit de la défaite, ou utiliser ce qualificatif comme fonds de commerce et moyen de marchandage dans des alliances électorales sans principe.

En Algérie même les renégats sabordent le PAGS et se font les agents de propagande d’un soi-disant capitalisme moderne, étape indispensable selon eux "au développement des forces productives". Nombre de ses cadres sont devenus des apologistes du "modèle" sud-coréen ou brésilien.

Dans ce concert international de vociférations anti-communistes et de cris de joie de la bourgeoisie, les convictions de communistes comme Henri ne sont pas ébranlées. Des hommes comme lui ne sont pas venus au socialisme comme d’autres embrassent des effets de mode ou utilisent les résultats des luttes comme rampe de lancement pour assouvir leurs ambitions personnelles mesquines. Leurs convictions se sont forgées dans les plus dures conditions de l’affrontement avec les régimes bourgeois, quand la lutte côtoyait en permanence la perspective de la mort sous la torture. Elles sont assises sur une assimilation profonde des lois de la lutte des classes, des enseignements de la théorie scientifique élaborée par Marx, Engels, Lénine et leurs continuateurs.

Loin d’abandonner la lutte ou de se laisser vaincre par le découragement, Henri a mené la bataille pour la défense du communisme sur plusieurs plans :

  • il a décrit et dénoncé les fruits pourris de la destruction du socialisme en URSS, montrant de façon concrète aux travailleurs du monde entier, matraqués par la propagande bourgeoise, comment les peuples de cette union fraternelle ont été dépossédés de leurs biens collectifs par une bourgeoisie rapace et réduits à une misère épouvantable inimaginable.
  • il a participé activement dans le Comité international Honecker à la défense d’un dirigeant révolutionnaire honnête et courageux, jeté en prison non par son peuple mais par la bourgeoisie de l’Allemagne de l’ouest revancharde qui n’avait rien d’autre à lui reprocher que le fait d’avoir participé à la construction d’une société bâtie sur d’autres bases que la propriété capitaliste.
  • il a mené en France jusqu’à son dernier souffle une lutte opiniâtre pour la reconstruction d’un parti communiste retournant aux sources du congrès de Tour et renouant avec les principes qui avaient fait de lui un grand parti de classe, puisant sa force dans sa résolution à abattre le capitalisme, à conduire le prolétariat français à la conquête du pouvoir et à la socialisation des grands moyens de production.
  • il a soutenu de toutes ses forces l’oeuvre difficile de reconstruction du parti communiste en Algérie en exprimant en permanence sa solidarité avec le PADS.

Henri a réaffirmé lors de son dernier séjour en Algérie qu’il demeurait toujours "bolchiste", terme déformé utilisé par un colon réactionnaire pour fustiger les communistes.

Parlant de la disparition de l’URSS dans les derniers paragraphes de "Mémoire algérienne", il nous a laissé en termes remarquablement condensés un message profondément optimiste :

"Non, ce n’était pas la "fin de l’histoire" comme ce ne l’était pas après la défaite de Spartacus ou de la Commune de Paris. Sur tous les continents, des multitudes d’hommes et de femmes reprenaient et reprendraient encore victorieusement le flambeau, plus forts, plus expérimentés, plus unis, plus conscients encore que ceux qui les avaient précédés, aussi résolus et aussi confiants en l’avenir.

Le parcours restait inachevé. Son terme se révélait seulement plus lointain, plus douloureux et plus difficile à atteindre que nous ne l’avions cru, mais nous savions aussi que nous ne pourrions jamais renoncer à ce qui a été et demeurait notre première et lumineuse raison de vivre : poursuivre, avec des millions d’autres, la lutte séculaire des exploités, des opprimés, des "damnés de la terre" pour que naisse enfin un autre monde, un monde de vraie liberté, de vraie fraternité".

Le souvenir de Henri restera gravé à jamais dans la mémoire des communistes non seulement d’Algérie et de France, mais du monde entier.

Les révolutionnaires poursuivront partout dans le monde son combat pour une société où les travailleurs délivrés de l’exploitation et de l’oppression de classe construiront un monde de coopération et de fraternité débarrassé des haines et des guerres engendrées par les régimes révolus.

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"Saha Rougi !" (1)
Courage frère !

"Enfin Alger" c’est par ces mots, par l’évocation de la vie foisonnante et colorée d’Alger que débute ce livre de la "mémoire algérienne" première biographie de Henri Alleg.

Beaucoup connaissaient déjà les engagements de Henri Alleg. Mais on découvre là toute la vie d’un homme indomptable que rien, ni personne, n’a jamais pu faire plier, doté d’une énergie et d‘une confiance en l’avenir inébranlables. Malgré toutes le épreuves endurées, les doutes, les erreurs et confrontations entre organisations, l’amertume et les désillusions qui ont suivi l’indépendance de l’Algérie, Henri Alleg ne s’est jamais découragé.

Pourtant ce n’est pas un homme de marbre, simplement un être de chair et de sang, conscient de sa fragilité mais aussi confiants dans la solidarité, du réconfort que peuvent lui apporter les autres (le sandwich donné par un gendarme, une parole "humaine" d’un soldat dans l’horreur du centre de torture) pas d’apitoiement sur ses souffrances, mais on mesure se douleur quand il pense à sa femme, à ses enfants. Parfois l’émotion est là, intacte, qui nous serre la gorge. Ainsi l’évocation de ceux que « dans la prison de Barberousse, les gardiens entraînaient vers la cour où les attendaient la guillotine », accompagnés des cris des prisonniers et des youyous des femmes du quartier.

Henri est aussi doué d’un solide sens de l’humour pour décrire le peuple de l’Algérie qu’il aime tant. Quel fou rire avec ses copains lorsque il est pris en stop par un type pour qui les ennemis de la France sont les anglais, juifs et bolchiste, ce que Henri est tout à la fois. Comme on aurait aimé connaître ce dirigeant communiste du syndicat des dockers d’Alger surnommé "Hadj Moscou", parce qu’il a fait un stage politique à Moscou - c’était la règle à l’époque.

Le jeune Henri, débarquant à 18 ans à Alger, a tout de suite découvert la réalité du colonialisme, la misère et les humiliations de la population « musulmane » avec laquelle il choisit de vivre, occupant , pour survivre, des boulots réservés d’habitude aux "indigènes". Cela déterminera très vite son engagement : les Jicé (jeunes communistes), le parti communiste Algérien et le PCF.

Henri Alleg a aussi un goût passionné de la vie. Dans les moments les plus noirs, il en apprécie les petits plaisirs : un steak frites préparé par un camarade du camp de Lodi où il vient d’arriver après l’enfer de la Question, le verre de Bordeaux offert par l’hôtesse dans l’avion lors de son transfert en France

Bien sur la grande passion de la vie de Henri Alleg, l’écriture, le journalisme, occupent une grande part du livre.A 30 ans, il devient rédacteur en chef d’Alger Républicain. De 1951 à 1955, date à laquelle il est interdit, le journal va avoir un rôle politique essentiel. C’st une véritable aventure, jalonnées d’énormes difficultés surmontées grâce à la ténacité de Henri et de ses amis, du soutien des lecteurs, qui deviennent quasi insurmontables après le déclenchement de l’insurrection en 1954. Après une tentative de publication clandestine, Henri devra renoncer. Pour lui comme pour l’Algérie, ce sera le début d’une douloureuse période.

Après les accords d’Evian, Henri Alleg n’a qu’une idée en tête, la reparution de Alger républicain. Hélas à sa grande déception il va se heurter au nouveau gouvernement du FLN, peu soucieux de pluralisme. Tenaces, avec quelques amis, le journal va encore paraître 3 ans.

Pour Henri Alleg, c’est le temps des désillusions, sans amertume cependant. Il croit toujours en des jours meilleurs pour l’Algérie et pour le monde. Toujours infatigable, il écrit témoigne, rencontrant tout un chacun avec son sourire, sa gentillesse et une attention que les années n’ont pas émoussée.

Courez vite acheter ce livre, offrez le à vos amis pour Noël et n’ayez pas peur. A côté de l’évocation de drames, il vous fera souvent sourire. En plus, ce gros livre se lit comme un polar !

Nicole Bouexel

(1) « Rougi » c’est « Rouget » le surnom qu’on donnait à Henri dans son enfance du fait de la couleur de ses cheveux.

(2) pour accéder à LETTRE ADRESSÉE PAR SADEK HADJERES À HENRI ALLEG, le 2 septembre 2005, au moment de la présentation de son ouvrage : "MÉMOIRE ALGÉRIENNE - SOUVENIRS DE LUTTES ET D’ESPÉRANCES" - cliquer sur le lien (...)

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Jeudi 18 juillet 2013

Bernard DESCHAMPS

HENRI ALLEG

Oui je sais, Henri n’aurait pas apprécié qu’on le pleurât. Mais l’émotion est trop forte. Depuis plus de soixante ans, à la direction du Parti Communiste algérien, directeur du quotidien démocrate Alger Républicain et en 1958, auteur du bouleversant témoignage “La Question,” Henri Alleg était à la fois un guide et notre conscience. Il était en quelque sorte le parrain de notre association “France-El Djazaïr” créée en 2005 et dont il présida à Nîmes la première manifestation publique.

Jusqu’à son récent accident de santé, je lui téléphonais presque toutes les semaines. Il était toujours disponible, compréhensif et fraternel. Ses suggestions et ses avis étaient toujours judicieux. Notre association lui doit beaucoup. Il refusait rarement de se déplacer pour une rencontre ou une conférence, bien que sa santé en souffrît. La disparition de Gilberte l’avait terriblement affecté et n’était pas étrangère à son affaiblissement ces derniers mois, mais nous le croyions immortel. Il le sera d’une certaine façon à travers l’exemple de courage et de lucidité politique qu’il nous lègue.

Nous nous associons à l’immense douleur de ses fils, de ses proches et de l’actuelle direction d’Alger Républicain. Nous les assurons de notre profonde sympathie en ces moments difficiles.

Nîmes,18 juillet 2013

Bernard DESCHAMPS

Président-fondateur de France-El Djazaïr

Ancien député

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HENRI ALLEG, LE PLUS ALGERIEN DES FRANÇAIS

Par Djamal Benmerad

Le cœur d’un seigneur, il s’appelle - nous répugnons à parler de lui au passé - Henri Alleg, a cessé de battre, tout comme le nôtre s’est arrêté un instant en apprenant cette nouvelle.

Après le décès de son épouse Gilberte, que dire, sinon renouveler à ses (rares) camarades notre humble recueillement et souhaiter qu’il y ait d’autres Henri Alleg.

En guise d’oraison funèbre, nous re-publions ce que nous disions de lui à l’occasion de la commémoration de l’Indépendance de l’Algérie, où nous l’avions invité (à Bruxelles) en ce 5 mai 2007.

Henri Alleg, le plus Algérien des Français

J’ai titré ainsi mon propos par pure coquetterie intellectuelle, car Henri Alleg n’est ni tout à fait Algérien ni tout à fait Français : il est internationaliste, bien que nous, Algériens, ayons tendance à nous l’approprier.

Il m’échoit, ce soir ( samedi 05 mai 2007 ), deux tâches en une.
La première tâche, ingrate celle-là, vise à présenter Harry Salem, plus connu sous son nom de guerre d’Henri Alleg, à une partie du public déjà convaincu et connaisseur de ce dernier, tant la valeur de cet homme a fait le tour des cinq continents.

La seconde tâche consiste en le redoutable privilège de faire connaître Henri Alleg à cette autre partie du public qu’est la jeunesse et qui, peut-être connaît imparfaitement cet homme.

Je le ferai donc en vertu de deux affinités subjectives qui me lient à Henry Alleg : notre idéal commun et l’honneur d’avoir travaillé à Alger républicain en qualité de grand reporter quelques dizaines d’années après lui (ce qui ne rajeunit pas Henri !)

À ce propos, il faut dire, en passant, que lors de notre intégration à ce journal, chaque jeune journaliste subissait un long speech sur Henri Alleg, par notre directeur de journal aujourd’hui hélas décédé, Abdelhamid Benzine, qui lui aussi connut pendant la guerre la torture et les camps de concentration.

Ainsi nous, dont « La Question » figurait parmi nos livres de chevet, nous connaissions Henri avant même de l’avoir rencontré.
Il était devenu un mythe pour les Maghrébins que nous sommes, raffolant de mythes et de légendes. Mais cet inconnu devient aussi pour nous une référence en matière de journalisme....

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DÉCÈS DE HENRI ALLEG

Arezki METREF
le 18 juillet 2013

Henri Alleg est décédé à Paris hier 17 juillet à l’âge de 91 ans

à sa mémoire

"L’AFFICHE ROUGE"

http://www.youtube.com/watch?v=VnnLtSJw1Ss

poème d’Aragon
mis en musique par Léo Ferré e
chanté par Marc Ogeret

adressé par Arezki Metref

a.m

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Jeudi 18 juillet 2013

HENRY ALLEG NOUS A QUITTÉS

J’ai appris la nouvelle ce matin sur le site d’information en continu d’El Watan qui publie une dépêche de l’agence française AFP avec ce titre : "Décès de Henry Alleg journaliste français qui avait dénoncé la torture pendant la guerre d’Algérie".

Journaliste français... Le titre m’a tellement irrité par son caractère étriqué et tendancieux que je n’ai pas poursuivi la lecture.

Nous reprenons ici l’article du site d’Alger républicain, dont Henry fut avant et après l’indépendance le directeur avisé.

NOTRE FRERE ET CAMARADE DE COMBAT

HENRY ALLEG

VIENT DE NOUS QUITTER

Il est décédé suite aux conséquences d’un accident cérébral survenu l’an dernier.

Henri Alleg, de son vrai nom Harry Salem, a été ancien directeur d’Alger républicain avant son interdiction par les autorités coloniales en 1955 et après l’indépendance jusqu’à sa suspension après le coup d’Etat du 19 juin 1965.

Il a été membre dirigeant du Parti communiste algérien puis du PAGS. Fuyant la répression anti-communiste déclenchée après le coup d’Etat, il a dû rejoindre la France.

Authentique internationaliste, il a été pris d’un immense sentiment de révolte contre l’oppression coloniale dès son premier contact avec l’Algérie en 1939. Il a adhéré au Parti communiste algérien réduit à l’action clandestine et pris fait et cause pour la lutte pour l’indépendance de l’Algérie.

Durant la guerre de libération, il est activement recherché par toutes les polices. Il est arrêté en juin 1957 par les paras du sinistre Bigeard lors d’un traquenard qu’ils lui avaient tendu au domicile de son camarade Maurice Audin, dont le corps n’a jamais été retrouvé. Henri Alleg est soumis à la torture comme tous les patriotes et les combattants anti-colonialistes pris dans les griffes de l’armée française.

Il réussira à faire sortir de prison son retentissant témoignage "La Question" dans lequel il fera connaître au monde entier les atrocités commises par la soldatesque coloniales sur les patriotes.

Notre camarade Henri sera inhumé le 29 de ce mois

Alger républicain présente ses condoléances les plus attristées à la famille, aux amis et aux camarades du défunt.

Zoheir BESSA

Directeur d’Alger Répubicain

http://www.alger-republicain.com/

Sources :

blog algérie infos

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HENRI ALLEG, AUTEUR DE "LA QUESTION", EST MORT

Le Monde.fr
18 juillet – 22 juillet 2013

Connu sous le nom d’Henri Alleg,
qu’il avait pris lors de son passage dans la clandestinité pendant la guerre d’Algérie,
Harry Salem
est mort le 17 juillet à Paris trois jours avant son quatre-vingt-douzième anniversaire.
Dans son livre LaQuestion qui reste un document majeur sur la torture, il avait témoigné sur les sévices qu’il avait subis, en 1957, entre les mains des parachutistes français.

Il faut imaginer la scène : Alleg recroquevillé contre le mur, à moitié groggy. Le para a fait le "boulot" : gégène, étouffement par l’eau, brûlures... L’équipe des "spécialistes" lui a balancé une rafale de grossièretés : "On te niquera la gueule" ; de menaces : "On va faire parler ta femme", "Tes enfants arrivent de Paris". Il répond calmement : "Vous pouvez revenir avec votre magnéto [générateur d’électricité], je vous attends : je n’ai pas peur de vous."

On est en juin 1957, à El Biar, un quartier d’Alger, dans un immeuble désaffecté transformé en centre de torture. La guerre d’Algérie bat son plein d’horreurs. Moins on la nomme par son nom – il faudra attendre 1999 pour cela – plus la sauvagerie se donne libre cours et déborde parfois d’un camp sur l’autre.

DIRECTEUR D’"ALGER RÉPUBLICAIN"

La réplique lancée au soldat devenu bourreau n’est pas une bravade. Journaliste depuis 1950, Alleg connaît son Algérie où depuis longtemps, selon les mœurs coloniales, on torture dans les commissariats et les gendarmeries jusqu’à de petits délinquants qui ne veulent pas "avouer". A l’automne 1955, un an après le déclenchement de l’insurrection le 1er novembre 1954, il plonge dans la clandestinité quand le quotidien Alger républicain, dont il est le directeur, est interdit et le Parti communiste algérien (PCA), dont il est membre, dissous.

Le 12 juin 1957, les parachutistes l’attendent au domicile de Maurice Audin.
Celui-ci, jeune assistant en mathématiques, lui aussi militant du PCA, a été arrêté. Il mourra le 21 juin, sous la torture. Le scandale de sa "disparition" aura vraisemblablement sauvé du pire son camarade.

Rien, hormis un mental d’acier qui apparaîtra au fil des épreuves, ne prédisposait Henri Alleg à devenir un héros, un mot qui n’était pas dans son vocabulaire. Parmi les nombreux ouvrages qu’il a écrits, deux sont de nature très différente mais se complètent admirablement : La Question (Editions de Minuit, 1958), le plus connu, et Mémoire algérienne, plus récent (Stock 2005).
Le premier est un récit circonstancié écrit à la prison Barberousse d’Alger, où il a été transféré après son "séjour" à El Biar en juin 1957.

INTERDIT, AUSSITÔT RÉÉDITÉ

Léo Matarasso, son avocat, lui a suggéré de raconter ce qu’il a vécu aux mains des parachutistes : "Fais ce que les autres, le plus souvent analphabètes, ne peuvent faire." Les petits bouts de papiers sortent au compte-gouttes, Gilberte l’épouse, à Paris, les tape à la machine. Jérôme Lindon, qui dirige les Editions de Minuit, publie l’ouvrage en février 1958. La Question fait l’effet d’une bombe : soixante mille exemplaires vendus en quelques semaines. Le non-dit qui, en dépit des premières révélations, continuait de régner sur la torture, vole en éclats.

La sortie a été précédée d’une plainte au procureur de la République dont l’Humanité publiera le texte – aussitôt censuré. La presse, Libération de l’époque, Le Monde, L’Express, France-Observateur, Témoignage chrétien, s’émeuvent également. L’ouvrage interdit dès le mois de mars, quatre grands écrivains s’adressent, en vain, au président René Coty : Malraux, Martin du Gard, Mauriac, Sartre. Il est réédité, en Suisse, avec une postface de Sartre.

Voir nos “entretiens avec Henri Alleg”
sur la torture en Algérie et, en Edition abonnés, notre Dossier d’archives Février 1958 : “Henri Alleg publie "La Question"”

CROISEMENT DES CULTURES

Né le 20 juillet 1921 à Londres, de parents juifs russo-polonais, Alleg est un melting-pot à lui tout seul : britannique par sa naissance, il sera français par choix quand sa famille s’installe au nord de Paris, puis algérien par adoption après l’indépendance de 1962. L’envie de bourlinguer le saisit en 1939 au moment où débute la seconde guerre mondiale. Il songe à l’Amérique mais débarque à Alger. Coup de foudre. Il ne quittera plus ce pays.

Son peuple, s’il en faut un, sera le peuple algérien, celui du cireur de chaussures qui l’appelait "rougi" pour ses taches de rousseur. Le moindre geste de fraternité humaine fait fondre ce petit bonhomme aux yeux rieurs, qui raconte des histoires à n’en plus finir : juives ? arabes ? anglaises ? parisiennes ? Ce croisement des origines et des cultures, hors de toute domination de classe et de "race", c’est très exactement l’idée qu’il se fait de l’Algérie et au nom de laquelle il honnit le colonialisme.

DANS LE CAMBOUIS DE L’HISTOIRE

Alger républicain en est le porte-drapeau, ne serait-ce que par deux signatures qui jalonnent son histoire : Albert Camus, le pied-noir, qui veut des Français égaux des deux côtés de la Méditerranée mais ratera la marche suivante, celle de la décolonisation ; Kateb Yacine,
le Berbère, qui cultive une Algérie indépendante, multiethnique, multiculturelle, politiquement pluraliste. Cet idéal, Alleg n’hésite pas à le défendre contre l’hégémonisme du FLN quand celui-ci accapare le pouvoir, avec Ben Bella, en juillet 1962. Une nouvelle interdiction d’Alger républicain en 1965, sous Boumediene, provoque son départ pour la France.

Il signera, en 2000, l’Appel des douze "pour la reconnaissance par l’Etat français de la torture", aux côtés de Germaine Tillion,
d’une idéologie pourtant sensiblement différente, parce que le texte indique bien que "la torture est fille de la colonisation". Jusqu’au bout, il avait poursuivi sa recherche éperdue d’un monde d’hommes libres, égaux, et associés – qu’il identifiait au communisme.

Refusant de "céder du terrain à l’adversaire", il était resté longtemps, en dépit de tout, solidaire des pays socialistes. En désaccord sur ce plan avec le Parti communiste français, il n’avait pas aimé non plus les "dérives social-démocrates" qui, à ses yeux, dénaturaient le marxisme. Endurci par son combat, Henri Alleg avait mis les mains dans le cambouis de l’histoire. D’autres se flatteront d’avoir les mains pures. Mais, pour reprendre une formule de Péguy, on peut se demander s’ils ont jamais eu des mains...

Charles Silvestre,
ancien rédacteur en chef de L’Humanité,
coordinateur de l’Appel des douze contre la torture

Sources Le Monde

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COMMUNIQUÉ SUITE AU DÉCÈS D’HENRI ALLEG

vendredi 19 juillet 2013
assawra
rédaction

Nous apprenons avec beaucoup de tristesse le décès de notre camarade Henri Alleg, membre du comité national de parrainage du “Pôle de Renaissance Communiste en France”, président d’honneur du “Comité Internationaliste pour la Solidarité de Classe” (ex-Comité Honecker), écrivain et journaliste communiste, ancien directeur d’Alger Républicain et ancien secrétaire général de L’Humanité, militant de la solidarité de classe avec les communistes persécutés dans les ex-pays socialistes, compagnon de Maurice Audin et héros de la lutte anticoloniale en Algérie.

Henri fut aussi une figure des lettres françaises et un éclaireur de la conscience universelle dans la grande tradition de Voltaire et de Zola : son livre bouleversant “La Question”, le récit poignant préfacé par Sartre qui dénonça l’usage systématique de la torture en Algérie par l’armée coloniale, a beaucoup fait pour mobiliser contre la « sale guerre » : l’indépendance du peuple algérien et l’honneur du peuple français doivent beaucoup à cet homme modeste, souriant, mais inflexible sur ses hautes convictions humanistes.

Henri fut par ailleurs de tous les combats en France et dans le monde pour le progrès social, l’émancipation des peuples, la paix et le socialisme. Alors que tant d’autres hurlaient avec les loups lors de la chute de l’URSS, Henri écrivit “Le grand bond en arrière”, qui dénonçait faits à l’appui la terrible régression qu’a constituée la restauration du capitalisme le plus barbare dans les pays de l’ex-camp socialiste.

Nous rendrons ultérieurement hommage à ce lutteur hors pair qui était aussi un défenseur fidèle du marxisme-léninisme et de l’internationalisme prolétarien, ce qui lui valut, aux côtés de Georges Hage, de Rémy Auchedé et de Georges Gastaud, d’animer l’opposition communiste à la « mutation » (en réalité, à la dénaturation) du PCF dans le cadre de la première Coordination communiste, puis dans le cadre du Comité national d’unité des communistes (CNUC), puis de la Coordination des Militants Communistes du PCF.

Pour l’heure, l’émotion nous étreint quand nous repensons avant tout à cet homme fraternel, toujours aidant, souriant et plein d’humour, qui rejoint dans notre souvenir Gilberte, son épouse disparue – elle aussi engagée avec détermination dans la lutte contre le colonialisme et pour la continuité du vrai parti communiste.

À ses fils et à toute sa famille, à tous les camarades communistes membres du PRCF et/ou du PCF, à tous les communistes et patriotes algériens, à tous les membres du CISC, à tous ses amis et camarades de France et de l’étranger, nous exprimons notre profonde sympathie et notre grand chagrin.

(Communiqué
Jeudi, 18 juillet 2013)

Georges Hage, ancien député, président d’honneur du PRCF
Désiré Marle, prêtre-ouvrier, président du CISC
Léon Landini, président de Carmagnole-Liberté (ex-FTP-MOI), président du PRCF
Vincent Flament, rédacteur-en-chef de « Solidarité de classe »
Pierre Pranchère, vice-président du PRCF
Jean Pierre Hemmen, vice président du PRCF, directeur politique d’EtincelleS
Georges Gastaud, secrétaire national du PRCF
Daniel Antonini, secrétaire de la commission internationale du PRCF
Antoine Manessis, responsable du PRCF aux actions unitaires
Madeleine Dupont, trésorière du CISC
Odile Hage, secrétaire de la section de Douai du PCF

http://www.assawra.info/spip.php?article3939

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TÉMOIGNEZ, TÉMOIGNEZ, TÉMOIGNEZ

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FORUM

1 Message

HENRI ALLEG, le combattant algérien, le communiste, l’ami et camarade, nous a quittés

19 juillet 16:55, par M.B. Badsi

C´est de l´ancien exil d´Henri Alleg et peut-être aussi du mien, de Prague, que je voudrais, de prime abord, présenter publiquement à la famille Salem, mes sincères condoléances et subséquemment rendre hommage et remercier cet homme de la liberté et de la dignité humaine pour ce qu’il a voulu (bénévolement) faire pour les Algériens et l’Algérie et pour tous les peuples opprimés. Henri Alleg mérite d’être décoré par l’Etat algérien, mais comme je connais le caractère humble de ces combattants humanistes communistes, étant fils de l’un d’eux, je ne crois pas que cela soit justement ça qu’ils attendraient le plus.
Ils attendraient que la lutte continue, oh combien aujourd’hui elle est d’actualité.

M.B. Badsi mb.badsi@gmail.com


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