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BEJAIA : NOUS FAISONS TOUT POUR IGNORER LES NÔTRES

dimanche 12 mai 2013

Apparemment, ceux qui s’indignent ne sont pas seulement les citoyens et travailleurs de Bejaïa constamment harcelés et agressés dans leurs droits sociaux et leurs libertés syndicales.

C’est aussi l’âme et l’honneur d’une cité riche d’une histoire africaine prestigieuse qui sont maltraités par des mentalités encore imprégnées du complexe de colonisés.

Point d’ordre
par Nazim Rochd
“Le Jour d’Algérie”
le 12 Mai 2013

Abderrahmane Zakad, qui devait tenir une conférence à Béjaïa, sur le patrimoine, est d’abord outré par les préparatifs de la ville engagés par les autorités locales, en prévision de la visite du Premier ministre, et par le circuit étudié qui lui a été tracé.

Pour l’écrivain-urbaniste, ces pratiques sont révoltantes, d’autant que de nombreuses atteintes au patrimoine urbain vont être occultées, par le cérémonial.

Ce faisant, Zakad dit qu’il « trouve là également l’occasion de protester contre les autorités de la ville de Béjaia, du wali jusqu’au dernier planton, pour avoir accepté d’ériger le buste d’un certain Gomez Teixeira d’origine portugaise sur une place légendaire de ma ville et qui s’appelle la place Patrice Lumumba qu’on veut effacer ».

« Se sentant prêcher dans le désert, il sort presque de ses gonds contre ceux qui se sentent fiers que l’écrivain et président portugais (de 1923 à 1925) ait passé dix années à Béjaïa (1931-1941) avant d’y mourir.
Selon Luis Almeida Sampaio, ambassadeur du Portugal en Algérie, « Béjaïa est la ville au monde la plus semblable à sa ville natale, Portimao, située dans le sud du Portugal ».
D’où l’explication plausible du choix.

L’érection d’un buste à son effigie, ne constituant pas en soi l’objet du ressentiment, même si le Portugal sous son pouvoir exerçait les pires exactions au Mozambique, en Angola… c’est la « débaptisation » masquée de la placette qui le remue, alors même que le choix entre Lumumba et Teixeira devrait couler de source.

Lumumba est l’expression même de l’esprit libérateur, sans lequel l’Algérie et l’Afrique en serait encore sous la botte du colonisateur, et Teixeira n’a rien fait ou dit qui le propulserait au niveau de la considération dont il fait l’objet.

Jugeons-en. Zakad interroge la mémoire sur le sujet : « Nombreux sont les vieux de Béjaïa qui te diront que Teixeira ne fréquentait que les pieds-noirs et évitait les ‘’arabes’’. Ils sont encore vivant les témoins...qu’a-t-il fait, qu’a-t-il écrit sur l’Algérie et les Algériens ou sur les Bougiotes qu’il ne fréquentait pas ? »

En fait, il s’agissait pour l’écrivain indigné d’évacuer un terrible sentiment, dont le buste portugais n’est que l’attiseur.

Zakad s’explique d’ailleurs clairement. « Il ne s’agit pas de Teixeira, il s’agit de nous qui faisons tout pour ignorer les nôtres.

« Et là nous ne pouvons que rester méditatifs devant ce cri du cœur.
Car si rien, en dehors d’un souci diplomatique (touristique aussi peut-être), ne justifie la chose, il est pour le moins affligeant que ce soit la mémoire de Patrice Lumumba, ce monument de l’âme africaine libre, qui soit sacrifiée, lorsque des possibilités incommensurables s’offraient pour la préserver.

À moins qu’il faille expliquer les faits par le vent qui souffle sur le monde, qui tend à balayer jusqu’au souvenir de l’épopée libératrice, pour lisser l’histoire, la débarrasser des aspérités qui dérangent les maîtres du nouvel-ordre mondial en construction.

Pour le moment, la placette a gardé formellement son nom africain, mais on dit de plus en plus « place Gomez Teixeira ».

Il faut dire qu’une effigie qui trône face aux regards est plus visible qu’une plaque que, probablement, personne ne remarque.

N. R.



Voir en ligne : http://www.lejourdalgerie.com/Editi...

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