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Deux textes des années coloniales

COMMENT YACINE ET NAZIM NOUS EXHORTAIENT...

LE CORDONNIER ET LES DETENUS POLITIQUES

vendredi 6 novembre 2009

H. Kerroum, un assidu de *Socialgerie" a découvert et fait parvenir aux lecteurs du site deux vieilles coupures d’Alger républicain. Il avait pris le soin de les scanner mais vous pouvez aussi les consulter dans leur autre version la plus lisible.
Dans l’une, Kateb Yacine rapporte avec une infinie tendresse l’exemple de ce cordonnier mobilisé à sa façon comme des milliers d’autre gens du peuple pour faire vivre et défendre le quotidien de leurs espoirs et de leurs luttes.
Dans l’autre, la voix chaleureuse de Nazimp Hikmet, récemment libéré des geôles turques, franchit les espaces depuis Pékin pour assurer directement de sa solidarité et de sa confiance les Algériens torturés et détenus après le démantèlepment des réseaux patriotiques de l’O.S (Organisation Spéciale), parmi lesquels Abbane Ramdane.

NOTRE COMMUN COMBAT

LE JOURNAL

du cordonnier

La défense d’ « Alger républicain » est avant tout l’affaire des simples gens.
Dans l’un des villages du Constantinois où la répression de 1945 fut terrible, à Lafayette, un des amis d’« Alger républicain » mérite d’être connu, non pas qu’il soit exceptionnel…

Ce n’est rien de plus qu’un cordonnier, misérable, illettré, dont les deux grands fils sont exilés en France pour faire vivre leur nombreuse famille.

Ce n’est qu’un vieillard dont l’oeil flamboie encore derrière de vieilles lunettes brisées, cependant que chaque jour on lui lit son journal.

Ce n’est toujours pas facile pour lui de trouver un lettré secourable, pour lui traduire ce que dit « Alger républicain ». il lui faut bien souvent (lui qui ne gagne pas tous les jours 10 francs) non seulement payer le journal, mais encore offrir le café à celui qui voudra bien le lui lire...

Pas un seul matin, devant le dépositaire, il n’a manqué de dresser sa silhouette cassée en deux, le plus souvent en avance sur d’autres clients (quand le courrier est en retard, il n’est pas rare de remarquer un vieillard errant autour de la poste)...

C’est le cordonnier Méchouar.
Il attend son journal.

Le caïd l’a menacé.
Il lui a répondu :
« Je suis pauvre. Je n’ai pas à cacher mes sympathies, à vous qui me devez trois réparations de chaussures caïdales ... »

« L’Echo d’Alger » et ses pareils ont-ils de pareils lecteurs ?
Ils n’ont que les millions de Rommel et les subsides de la colonisation.

Tandis qu’ « Alger républicain » compte combien de Méchouar parmi ses défenseurs, ses simples amis, ses modestes mais combien résolus souscripteurs ?


MESSAGE

DE NAZIM HIKMET

AUX DÉTENUS POLITIQUES
ALGÉRIENS

Le grand poète turc Nazim Hikmet, qui a passé 13 ans de sa vie dans les prisons turques, pour son attachement aux idées de liberté et de fraternité, nous a fait parvenir le message suivant à l’intention des détenus politiques algériens.

Frères,

Je n’ai pas vu vos visages et n’ai pas entendu vos voix,
je n’ai jamais serré vos mains, je ne connais pas le nom de la
plupart d’entre vous.

Mais je vous connais comme si nous étions de la même
rue, comme si nous avions étudié dans la même école, comme
si nous avions travaillé dans le même endroit, parce que nous
sommes dans les rangs de la lutte, épaule contre épaule, pour
les plus belles et les plus justes causes de l’humanité, pour
l’indépendance nationale, pour la liberté, pour des lendemains
heureux et pour la paix.

Vous êtes dignes, comme vos vaillants dockers, du peuple
algérien.

J’ai dit que je ne connais pas vos noms ; mais les honnêtes
gens du monde entier se racontent l’un a l’autre votre
lutte héroïque.

J’ai été, comme vous l’êtes, emprisonné et je sais à quoi
l’on pense parfois en prison. Plutôt que de supporter les mains
liées cette torture, on voudrait quelques fois se balancer comme
un drapeau de la liberté sur un échafaud ou bien tomber sous
les balles de l’ennemi. Si certains parmi vous ont ces pensées,
- ils n’ont pas raison.

Il faut vivre malgré les bourreaux.

Cette volonté de vivre pour le combat, beaucoup d’entre
vous l’ont. Je cite le nom d’Abane avec amour et respect.

La prison ne peut rien contre la solidarité du peuple
algérien et de vos frères du monde entier. Vous êtes parmi nous.
Votre peuple et des millions de gens, avec leurs cris de lutte,
avec leur espoir, avec leur victoire, sont, croyez-moi, dans
vos cellules.

La lutte pour l’indépendance de l’Algérie, pour la liberté
du peuple algérien, pour des jours meilleurs, la lutte pour la
paix du monde entier, continue hors des prisons et dans les
prisons.

Je vous embrasse de tout mon coeur.

Pékin 1952

(Suivent la signature de Nazim et en caractères arabes la proclamation : Yahia al Silm wal Istiqlal : vive la paix et l’indépendance !)


Commentaire de H’mimed Kerroum qui a retrouvé ces documents dans leur forme originale :

« Dans son texte, Nazim Hikmet mentionne Abane (Abane Ramdane je suppose).
Cela me fait penser beaucoup à lui, car je sais qu’il avait envoyé une lettre à la même époque - de sa prison - à Alger républicain, remerciant le journal de son soutien aux prisonniers politiques de la période.

La lettre d’Abane a été publiée sur Alger républicain. Je l’ai vue, mais je ne suis pas en mesure de la retrouver, car il me faudra encore chercher.

J’avais trouvé la lettre chaleureuse, humaine, et dénuée de tout le préjudice qui allait sévir juste quelques années après. Ce serait bien de la retrouver pour l’histoire ».

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