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HADADI KADDOUR ET LES SALTIMBANKS

mardi 6 septembre 2011

par Akram Belkaid : Paris

Y’a eu Renaud avant lui, y’a eu Antoine qui l’a précédé. Ils ont été récupérés, lavés et recyclés. La société les a matés et ils ont fini par s’agenouiller. Espérons pour lui que ça ne lui arrivera jamais, qu’ils ne l’auront pas et qu’il tirera le premier. Je veux parler de Hadadi Kaddour, alias HK, et de son groupe, Les Saltimbanques. Ancien du groupe rap Ministère des affaires populaires (MAP), cet enfant de Roubaix est actuellement l’un des meilleurs artistes de la scène française. L’écouter une seule fois, c’est l’adopter. C’est se dire que, Dieu merci, il y a encore des créateurs qui osent, innovent et s’engagent malgré un océan de nullités et de crétineries musicales qui font honte au pays de Brassens, Ferrat et Ferré.

Commençons par citer la chanson phare de son premier (double) album intitulé « Citoyens du monde ». Cette chanson contestataire au rythme nerveux s’appelle « On lâche rien » et son refrain a été scandé à l’automne dernier par nombre de manifestants contre la réforme des retraites mitonnée par Nicolas Sarkozy et son gouvernement.

Extrait (avec la musique, c’est mieux) :

« Du fond d’ma cité HLM
Jusque dans ta campagne profonde
Not’ réalité est la même
Et partout la révolte gronde
Dans c’monde on n’avait pas not’ place
On n’avait pas la gueule de l’emploi
On n’est pas né dans un palace
On n’avait pas la CB à papa
SDF, chômeurs, ouvriers
Paysans, immigrés, sans papiers
Ils ont voulu nous diviser
Il faut dire qu’ils y sont arrivés
Tant qu’c’était chacun pour sa gueule
Leur système pouvait prospérer
Mais il fallait bien qu’un jour on s’réveille
Et qu’les têtes s’remettent à tomber
ON LACHE RIEN ! ».

Ne rien lâcher, c’est ce qui motive HK. Pas uniquement sur la question des retraites mais sur d’autres fronts où la gauche, du moins celle qui prétend pouvoir gouverner (suivez mon regard ) fait bien pâle figure. A l’heure où se dire antiraciste provoque ricanements et mises en accusation, à l’heure où dire que le monde ne peut plus continuer ainsi avec autant d’inégalités mène à se faire traiter de naïf ou de dangereux gauchiste, à l’heure où UMP et Parti socialiste c’est kif-kif bourricot à propos des questions sociales, à l’heure où on peut aller en prison pour avoir donné un repas chaud à un sans-papier, à l’heure où protester contre le sort des sdf et des sans-abris équivaut à hurler contre les sirènes hurlantes de la com’ gouvernementale, il est bon d’entendre les paroles de Hadadi Kaddour.

Extrait numéro deux (là encore, avec la musique, c’est bien mieux) :

« A c’qui parait la France va bien, alors pourquoi j’tire la tronche
D’ailleurs tout l’monde doit être heureux vu qu’y a plus personne qui bronche
Il vaudrait mieux que j’me taise ou alors que j’fasse semblant
De croire enfin à leurs foutaises, et qu’j’dise merci au président
( )
Si y a des clochards en France c’est bien qu’ils l’ont choisi
Si ils préfèrent être SDF c’est une question de mode de vie
Si les restos du cœur font l’plein, c’est qu’y a plein de profiteurs
Si y a autant d’chômeurs ici c’est qu’les Français sont des glandeurs ».

Dans ce double-album, l’engagement d’HK résonne dans presque toutes ses compositions. Il chante ainsi Jérusalem (« Al-Qods »), revendique une « identité internationale » - chanson qui mériterait d’être dédié au duo Hortefeux-Guéant - et se paie avec brio la tête du mari de Carla Bruni dans une chanson (« Ma parole ») que l’on n’est pas près d’écouter sur les grandes radios, chaque jour, un peu plus verrouillées.

Extrait numéro trois, toujours sans musique, j’en suis désolé :

« Oh peuple de France, je n’te mentirai pas
Je n’te trahirai pas, je n’te décevrai pas
Comme je disais l’autre soir à mon vieil ami Johnny
Je vais te redonner l’envie d’avoir envie
Je fais des miracles comme une sorte de messie
J’ai fait revenir d’outre-tombe Mireille Mathieu et cie
Si tu es malade, donne-moi la main, tu seras guéri pour de bon
Mais si tu ne veux pas que je te touche, hé bien casse-toi pauv’ con ! ».

Reggae, rock, raï, rap, chants kabyles, folklore sud-américain, rythmes africains, chaâbi algérois, malouf constantinois mais aussi bal musette et chants populaires de France : tout cela se retrouve de manière harmonieuse dans la musique d’HK et des Saltimbanques qui l’accompagnent. A ce sujet, et sans vouloir faire de jaloux, mentions spéciales à Manuel Paris pour ses jeux de guitare, à Saïd « Toufik » Zarouri, grand « ambianceur » avec ses « walou » dans « On lâche rien », à Nacera Mesbah et au groupe Tighri Uzar (la voix des racines) pour leurs chœurs notamment dans « La maman ». Une chanson à la fois festive, dansante et même drôle mais ô combien tendre et émouvante car elle dit bien des choses à propos de ces mères venues du sud de la Méditerranée et dont certaines ont vécu dans la détresse et l’impuissance le fait que leurs fils prennent de mauvais chemins.

Extrait numéro quatre (sans la musique et, hélas, sans l’accent aussi) :

« Ya mon fils ! Vraiment je comprends pas
Moi, je t’ai donné toujours l’amour
J’ai occupé de toi, tous les jours
Pourquoi la police, elle vient chez moi
J’ai occupé de toi tous les jours
Pourquoi la police, elle parle comme ça ? ».

De la (très) bonne musique, de bons arrangements, des textes qui veulent dire quelque chose et que l’on se surprend à chantonner toute la journée, des rythmes entraînants : voilà donc un album à ne pas rater.

Terminons en mentionnant trois gros tubes potentiels qui, si le monde de la promo musicale n’était pas aussi sclérosé, devraient déjà cartonner sur toutes les ondes et sous tous les cieux.
Le premier, « Salam Alaykoum », est un hymne à l’hospitalité qui parlera à toutes celles et tous ceux qui ont quitté leur pays, de manière définitive ou pour quelques jours à peine.
Le deuxième, « On s’ra jamais les Beatles », est un excellent rock, un brin désabusé, qui dit bien comment passion peut rimer avec galère mais n’est-ce pas là une marque temporaire, on l’espère du talent ?
Enfin, le troisième tube s’intitule « Niquons la planète » (c’est HK qui le dit, pas moi !), monument de dérision que les grands pollueurs pourraient adopter comme devise. Pas sûr pourtant que ça plaise aux écolos qui n’aiment pas qu’on s’amuse avec ce genre de chose. Pas sûr non plus que les parents apprécient que leurs bambins reprennent ce refrain en riant aux éclats mais ils sauront être indulgents car on pardonne tout à la bonne zik

P.S : Le présent chroniqueur remercie, en son nom et celui de ses lecteurs, le distingué linguiste du vieux-Ténès pour lui avoir fait découvrir cet artiste et sa musique.


on peut accéder à certains extraits sur Internet :

http://www.myspace.com/hksaltimbank


Voir en ligne : http://www.lequotidien-oran.com/?ar...