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Soixante ans du mouvement communiste en Algérie

1996 : ENSEIGNEMENTS D’UN ANNIVERSAIRE du PCA

Intervention de Sadek Hadjerès (29 octobre 1996)

dimanche 27 septembre 2009

En octobre 1996, c’était le soixantième anniversaire de la fondation à Alger du Parti Communiste Algérien. A cette occasion, l’association "Espaces Marx" de Bordeaux avait invité des vétérans de ce parti à une commémoration-débat. L’exposé de Sadek Hadjerès s’est porté sur un certain nombre d’enseignements des luttes menées par ce parti et leur actualité pour les nouvelles générations dans es conditions tragiques des années 90.


D’abord, merci à l’association "Espaces Marx" de Bordeaux pour cette possibilité de réflexion et
d’échanges. L’actualité confirme que nous en avons grandement besoin. Les
questionnements angoissés de notre peuple ne sont pas seulement ceux d’un terrorisme
dit "résiduel". Les espoirs démocratiques et de mieux-être nés après Octobre 88 restent
des plus fragiles.

Bien sûr les problèmes dont la société et le champ politique algériens ont hérité ne sont
pas simples. Face à cette complexité, le cadre du débat d’aujourd’hui, avec l’œuvre de Marx qui nous offre ses espaces pluriels, me parait tout à fait approprié. Si nous
considérons que l’œuvre de Marx doit être approchée de façon créatrice et non
dogmatique, alors effectivement chaque démocrate, au poste d’observation ou de lutte où
la vie l’a placé, peut tirer profit, pour ses propres choix politiques, de la façon dont la
pensée de Marx a été interprétée et traduite en actes en Algérie au cours de ces soixante années.

Vous m’excuserez si, vu le temps imparti, je serai dans cette introduction au débat,
plutôt schématique. Ce n’est pas pour imposer des affirmations ou des postulats. Je veux
seulement proposer des jalons qui pourront être illustrés et argumentés dans le débat.

Je commence par une approche synthétique des 60 années d’histoire, en espérant que
l’intervention de mon ami William Sportisse et ce qui sera dit dans le débat enrichiront le rappel chronologique des grandes étapes, qui est irremplaçable.

Ma première observation est le caractère extrêmement haché de l’existence du
mouvement communiste algérien
. Dans des contextes successifs, il a connu des
interruptions, et même des ruptures d’activité telles, qu’elles ont affecté
considérablement l’accumulation des effectifs et des appareils organiques et la
transmission de l’expérience entre générations militantes. Sur 60 ans, il y a eu
seulement 17 années de vie dans des conditions légales, moins du tiers. Le reste est
réparti entre 35 ans de clandestinité (dont j’ai vécu moi-même 31) et 7 années de semi -
légalité ou semi - clandestinité. Le déséquilibre est encore plus frappant si on compte à
partir de la fin des années 40 ou début des années 50, où le PCA a fini de réaliser pour
l’essentiel son algérianisation. Ces chiffres eux-mêmes ne rendent pas compte aussi des
torts occasionnés par les longues périodes où il fallait faire face à deux menaces et
pressions conjuguées : colonialistes et tendances nationalistes chauvines pendant
l’occupation coloniale, islamistes et hégémonisme du pouvoir plus tard). A quoi il convient d’ajouter des phases d’incompréhensions d’ingérences ou de ruptures avec des secteurs du mouvement ouvrier international dont la solidarité ou la compréhension auraient été alors les bienvenues (par exemple 16 ans de rupture avec la direction du PCF qui a opté à partir de 1972 pour l’appui sans réserve au parti unique FLN, contrastant avec une remarquable solidarité internationaliste pendant la guerre de libération).

Tout ce que je dis là n’est pas pour qu’on s’apitoie mais pour mieux éclairer certains des
problèmes abordés plus loin et aussi en souligner une autre conséquence négative : la
très mauvaise information sur l’histoire réelle du mouvement. L’historiographie, à
quelques exceptions près, est des plus pauvres. La documentation, déjà rare, est
sélective selon les opinions des auteurs. On a souvent affaire à une succession de
clichés, de jugements sommaires marqués par l’idéologisation. Les affirmations pures et
simples se substituent à l’analyse de réalités complexes. Apologétiques ou hostiles, les
approches sont alors empreintes de déformations, pas nécessairement volontaires, qui
aboutissent à occulter de réels apports et à hypertrophier ou absolutiser les erreurs.

Ma deuxième observation porte sur un problème crucial, la nécessité où se trouvait le mouvement en permanence, d’ articuler judicieusement entre elles la lutte des
classes
et les problèmes qu’on appellerait aujourd’hui identitaires (correspondant
à des rivalités, des phénomènes d’oppression, de discriminations et de divisions liées à l’appartenance à des champs religieux, ethno-linguistiques ou idéologiques différents).

Toutes les fois que les communistes ont bien opéré cette liaison, en donnant à chacun de ces facteurs la part qui lui revenait dans les conditions objectives de l’étape
correspondante, leur influence et leur implantation ont été plus rapides et plus solides.
A l’inverse, ils ont connu des déboires préjudiciables aux avancées du mouvement
national et progressiste tout entier quand cet équilibre n’a pas été maîtrisé.

D’une façon générale, la préoccupation de lutte pour la justice sociale a toujours été
présente. Elle a positivement influencé le mouvement national. Elle a impulsé et
enraciné le mouvement social dans des secteurs paysans, industriels, étudiants etc., dont
certains toujours vivaces au travers des épreuves et restent à ce jour hautement
symboliques.

Mais sous diverses influences, la prise en charge de l’autre volet a été plutôt déficiente.
En particulier dans la première moitié des années quarante, le nationalisme dans son
contenu légitime de protestation et de libération a été sous-estimé. Comme s’il s’agissait
d’un archaïsme qui entravait le projet moderniste d’avenir socialiste, et dans l’immédiat
faisait le jeu du fascisme ou des autres impérialismes. On peut se demander s’il n’y a
pas eu latence puis résurgence de ce genre d’approche unilatérale dans la période la
plus récente. N’est-ce pas au nom d’un modernisme plutôt élitiste, que des secteurs
démocratiques algériens, y compris dans le mouvement communiste, ont négligé ou
méprisé des faits culturels ou de société majeurs, ceux-là même dont l’exploitation a poussé une partie du peuple croyant, traumatisé par la modernité, dans les bras de l’islamisme politique. Le plus lourd de conséquences est que dans le même temps, d’ex communistes, qui ont expressément rompu avec leur appartenance mais encore souvent
considérés comme tels dans l’opinion ont délibérément rompu avec la défense concrète
des aspirations sociales. Ils l’ont fait au nom d’une prétendue modernité se ramenant
pour eux à un nouvel économisme ultra-libéral et à un républicanisme réducteur, qui
considère la lutte sociale comme une diversion à la lutte contre l’hégémonie islamiste,
cela au moment même où des militants islamistes mettaient l’accent sur les revendications des couches révoltées par les injustices sociales et se plaçaient au plus près de ces couches.

Ma troisième remarque porte sur la nécessité et la difficulté de sauvegarder une
marge d’autonomie suffisante
. L’efficacité et l’emprise sur le réel du mouvement
communiste algérien ont été les plus grandes toutes les fois que malgré les pressions
liées aux enjeux de pouvoir ou à la pesanteur des contextes géopolitiques, ce mouvement
est parvenu à sauvegarder une autonomie politique et organique suffisante pour élaborer
sa vision stratégique et ses approches tactiques, sans abandonner pour autant sa vocation
unitaire avec les autres forces de progrès. On trouvera avant ou après l’indépendance
d’abondants exemples ou contre-exemples de cette maîtrise difficile, qui consiste à
maintenir à la fois les capacités de mobilisation indépendante et la souplesse des larges
alliances avec d’autres forces qui sont sur des positions politiques et idéologiques
éloignées, voire opposées sur certains points.

Quatrièmement, le rapport entre les luttes immédiates et la perspective, entre réforme et révolution a été, comme pour tout le mouvement ouvrier et communiste international, un problème capital qui reste encore à l’ordre du jour. Comment réaliser l’adéquation entre l’idéal lointain d’une société sans exploitation et les tâches venues à
maturité dans le contexte du moment ? Comment éviter qu’un révolutionnisme dévoyé
transforme n’importe quelle utopie (dans le bon sens du terme) en intégrisme intolérant,
impuissant et aventureux ? On parle beaucoup aujourd’hui de ruptures nécessaires avec
le passé, chacun préconisant la sienne. Le plus difficile est d’en déterminer le contenu
et les rythmes. Les ruptures dialectiques, souhaitables et nécessaires, impliquent la
prise en compte des continuités. La suridéologisation tend à leur substituer les cassures
artificielles, les "tables-rases" qui non seulement sont irréalistes mais créent des
situations qui malgré leur coût élevé, ramènent le plus souvent en arrière

En cinquième lieu, chez nous comme à l’échelle mondiale, le rapport entre les fins
proclamées et les moyens utilisés a posé de plus en plus fortement le problème de la
démocratie comme objectif et instrument.
Les communistes algériens, de par les
situations qu’ils ont vécues, ont subi les effets de l’autoritarisme et des hégémonismes
nationaux, dans une gamme allant de la théorie du "cocon de chrysalide" (cf. Congrès de
la Soummam du FLN en 1956) à l’extermination physique. Aussi ont-ils largement pris
en charge la dimension démocratique y compris dans les situations de confusion
politique. Là où d’aucuns ne voyaient que vulgaire "entrisme’ dans le système du parti
unique, il s’agissait d’une lutte acharnée pour faire entrer dans la vie cette culture
démocratique dont tout le monde constate aujourd’hui le déficit. Cette lutte des
communistes n’a pas été celle de la facilité durant quatre décennies d’une contre -
culture de violence et de répression, pendant laquelle milieux dirigeants et opposants
ont rivalisé dans la même logique hégémoniste en sacrifiant au postulat que le pouvoir
ne s’arrache et ne se conserve que par les armes ou les complots.

Cela n’a pas mis pour autant les communistes à l’abri, à des degrés divers, de cette
maladie chronique de notre société et de son champ politique, l’esprit d’appareil, l’hégémonisme. La démocratie est instrumentalisable. C’est une lutte difficile et
compliquée que celle d’humaniser le mouvement social ainsi que le rôle et le
fonctionnement des partis par des valeurs et des normes démocratiques fortement
intériorisées.

Dans quelle mesure ces enseignements peuvent-ils s’appliquer aux situations encore très difficiles que va longtemps continuer à traverser notre peuple ?

La difficulté de l’analyse vient de ce que la situation actuelle est ambivalente.

D’un côté, après quatre années de souffrances terribles, le pays a évité le pire, c’est à dire la dictature d’un islamisme à la taliban ou le chaos absolu et prolongé par affaissement de l’État.

D’un côté, après quatre années de souffrances terribles, le pays a évité le pire, c’est-à-dire la dictature d’un islamisme à la taliban ou le chaos absolu et prolongé par
affaissement de l’État.

En gros, on pourrait dire que si ce malheur a été épargné à l’Algérie, c’est grâce à la conjugaison de plusieurs facteurs :

1. l’Etat a joué en grande partie le rôle sécuritaire que lui assigne le monopole des
moyens armés, même si, politiquement, certaines des motivations du pouvoir ou de ses
méthodes lui sont contestées à juste titre.

2. la société, en dépit de ses griefs envers le pouvoir, a résiste de diverses façons et
souvent de façon spontanée (sans incitations organisées) au chantage violent de
l’islamisme politique en raison du caractère barbare de ses manifestations. L’expérience
acquise par la population, facteur irremplaçable, a permis un début de décantations
dans les consciences politiques après les espoirs ou certains ralliements opportunistes
dans le champ politique, que les appels à la révolte du FIS avaient soulevés.

3. des initiatives politiques des instances dirigeantes ont accompagné leur action
sécuritaire, même si ces initiatives ont été limitées, instrumentalisées par les intérêts
de groupe du pouvoir ou même dévoyées en opérations antidémocratiques de
déstabilisation contre plusieurs formations politiques

4. les milieux dirigeants occidentaux, qui avaient misé à des degrés variables sur le
mouvement islamiste, par volonté d’instaurer une emprise économique plus grande sur
l’Algérie en déstabilisant l’étatisme de ses milieux dirigeants, ont révisé leur position.
Pour des raisons de stratégie et de sécurité régionales, ils misent aujourd’hui davantage
sur les autorités en place tout en gardant plusieurs fers au feu.

Mais d’un autre côté, malgré l’éclaircie relative qu’a constitué l’instauration d’une
présidence légitimée électoralement, et alors que l’insécurité reste encore sensible, de
lourds nuages s’amoncellent. La situation économique et sociale va être critique dans les
mois et années à venir. L’alternative démocratique au régime du parti unique n’est pas
encore apparue clairement. Les tendances conservatrices et anti-démocratiques du
régime rebondissent, alors qu’elles avaient déjà constitué le soubassement de la crise
qui a éclaté en tragédie au début de cette décennie.

Dans ces conditions, la responsabilité de ceux qu’on peut considérer comme démocrates est énorme. Il ne sert à rien selon moi d’incriminer les méfaits de la haute
finance internationale, des réseaux de l’intégrisme islamiste mondial ou des maffias
internationale, des réseaux de l’intégrisme islamiste mondial ou des maffias locales qui accaparent les ressources du pays. Tous ces acteurs sont dans leur rôle normal, ils
expriment des tendances objectives de l’Histoire. Ce qui continue à faire problème, c’est la question suivante : les groupes démocratiques sauront-ils agir en tirant profit
de l’expérience malheureuse de l’arrivée au pouvoir des nazis par voie électorale, lorsque
communistes, sociaux-démocrates et chrétiens démocrates allemands s’affrontaient « classe contre classe » ? Les composantes de la large mouvance démocratique
en Algérie sauront-elles reconnaitre qu’il existe en dehors de leur propre chapelle, dans chaque
formation politique, d’autres courants et potentialités démocratiques qui ont chacune
leur propre sensibilité culturelle et idéologique, d’autres approches tactiques, toutes
correspondant à la diversité de la société et toutes susceptibles d’évoluer à partir de l’expérience vécue.

Aujourd’hui, de nombreux démocrates algériens sont mécontents à juste titre de
plusieurs résultats décevants de la Conférence nationale et du projet de nouvel !e
Constitution soumis à référendum. Personnellement, je ne suis pas étonné que les
tendances qui se considèrent les plus démocratiques fassent aujourd’hui les frais de l’isolement grandissant des extrémistes du GIA et de l’aile la plus réactionnaire du F !S.

J’exprimais cette crainte il y a deux ans dans un article de presse (El-Watan, Juillet 94). Il suffisait d’observer comment les "radicaux" démocrates faisaient à leur propre détriment le jeu de la bipolarisation prônée par le pouvoir. En croyant par ce radicalisme ostentatoire gagner l’appui du pouvoir et de l’armée, ces démocrates sont passés à côté d’un enjeu énorme, mobiliser non seulement les couches déjà acquises à la
démocratie, mais aussi être parmi les plus actifs et les plus convaincants dans la
bataille décisive pour arracher les couches hésitantes dans la société et le champ
politique à l’influence des radicaux islamistes. Ils ont laissé ce terrain au seul pouvoir
ou à ses soutiens, ils ont plutôt, par le contenu et la forme de leurs prises de position,
effrayé et rejeté ces couches politiquement et idéologiquement flottantes. Ainsi
marginalisés, ils ont été réduits au rôle de force de frappe contre les courants
démocratiques plus "modérés" existant dans le FFS et le FLN, que plusieurs clans du
pouvoir souhaitaient briser, faute de n’avoir pu les domestiquer. C’est dans le cadre de
cette logique que les stratèges du pouvoir ont récupéré en lui faisant de larges
concessions la tendance conservatrice bureaucratique du FLN et sa vaste clientèle
dressée contre l’aile réformatrice de ce parti. Ils ont également pris appui sur le MSI
(Hamas) que les démocrates "ultras" ont considéré contre toute évidence comme plus
dangereux que les extrémistes du FIS et du GIA, comme si ces démocrates ne se sentaient
pas en mesure et en devoir d’affronter cette tendance islamiste dans une compétition
politique pacifique, pour peu que soient imposées des garanties de règles du jeu démocratiques.

Quant aux démocrates dits modérés (parce que partisans d’un dialogue politique avec les courants islamistes condamnant la violence ou prêts à y renoncer), qu’ils soient mus
par des intérêts opportunistes comme le disent leurs adversaires ou qu’ils soient simplement plus réalistes ou plus indépendants, ils sont eux aussi tombés dans le piège
de la bipolarisation. Une fois engagés sans différenciation suffisante dans la coalition
de Rome. ils ont réagi à la fin de non-recevoir brutale du pouvoir par un rejet
symétrique de la vole des élections présidentielles, plutôt que de mettre au pied du mur
aussi bien les extrémistes du FIS que le pouvoir quant à leurs intentions proclamées de
solution pacifique.

La mouvance démocratique dans ses diverses sensibilités s’est ainsi divisée et entre-déchirée en s’alignant bon gré mai gré soit sur des appareils du pouvoir d’Etat soit sur
ceux de l’opposition extrémiste, ou en défendant unilatéralement un seul des deux
volets d’une démarche d’issue de crise. Par contre, le pouvoir de Zeroual avec les
tendances les moins démocratiques regroupées autour de lui, est apparu (pour combien
de temps ?) comme un artisan de la paix, qui avait pris en charge les deux volets
complémentaires de l’issue de crise, le volet sécuritaire et celui du dialogue politique,
même si ce dernier était visiblement faussé.

Ainsi il est décisif pour les démocrates, à quelque coalition qu’ils aient appartenu, de
considérer la paix civile comme un problème fondamental qui gagne à être soustrait aux
effets négatifs des calculs de pouvoir et des rivalités partisanes. Un bilan serein leur
permettrait de déjouer les surenchères et manœuvres autour de ce thème. Il ne s’agit
même pas dans l’immédiat d’entretenir le mirage d’une coalition ou d’une structure
démocratique commune. N’est-il pas plus urgent plutôt de faire converger dans leurs actions les efforts pour les solutions politiques les plus porteuses de paix civile ? Et
pouvoir ainsi, autour de cette préoccupation centrale, mieux affronter, pas à pas, avec la
population et dans une lutte de longue haleine, les dangers qui alimentent aujourd’hui
un pessimisme fondé ?

1. Il s’agit de combattre le pillage accéléré des ressources et le gâchis des potentialités économiques du pays, au moment où il y a un besoin réel de réformer profondément
l’économie. Il s’agit entre autres de mettre fin à l’état déplorable du mouvement syndical
UGTA dont l’instrumentalisation politique par ses dirigeants continue de porter un
grand tort au mouvement social et démocratique.

2. Il s’agit en appui sur des actions quotidiennes, de faire reculer les vieilles pratiques
de quadrillage de la société et du mouvement associatif, de caporalisation et de division
des courants à vocation démocratique. Il s’agit de juger les acteurs et les formations
politiques sur leurs actes plutôt que sur leurs inspirations idéologiques ou leurs
projets de société déclarés, de mettre à l’épreuve leur volonté de s’inscrire dans un
processus de développement de la culture démocratique.

3. Il s’agit de mettre en échec la manipulation des problèmes dits identitaires. Ce n’est
pas la lettre d’une Constitution, on l’a déjà vu avec celle de 89, qui fournit les garde -
fous nécessaires, mais la qualité de la pratique politique, le travail de la société sur
elle-même pour que les valeurs et chaque potentialité culturelle du pays, au lieu de
servir d’épouvantail les unes contre les autres, enrichissent et consolident la nation
algérienne. Il s’agit d’opérer le dépassement créateur d’un "Novembrisme" figé,
passéiste, réduit à des incantations qui n’intègrent que formellement et du bout des
lèvres les conquêtes nationales et internationales du mouvement social et politique de
ces dernières décennies.

Il s’agit en définitive de miser avant tout sur la soif d’une démocratie réelle et globale,
sur la mise en mouvement des multitudes qui cherchent avec des fortunes diverses des
voies nouvelles pour s’exprimer et se réaliser. La société en mouvement est capable de
peser quotidiennement sur le rapport des forces ou de déboucher, parfois après de longs
cheminements, sur des moments forts capables de provoquer des tournants politiques
majeurs comme ce fut le cas chez nous en Décembre 1960, Octobre 88, ou avec l’Intifadha
palestinienne. Les démocrates et parmi eux les communistes seront-ils capables de
l’aider à frayer les voies les plus appropriées ?

La crise algérienne reflète de façon tragique une volonté réelle mais dévoyée de tous les
acteurs d’opérer les réajustements et les synthèses nouvelles dont le besoin est ressenti
dans les conditions contraignantes de la mondialisation en cours. Il appartient à ceux qui
apprécient la pensée de Marx de savoir accompagner ces changement, au rythme de leur propre musique comme disait ce penseur profond.

L’analyse de l’actualité qui précède n’a pas visé l’exhaustivité. Elle se proposait délibérément de mettre en relief un enseignement important : le mouvement communiste algérien reprendra pied dans les nouvelles générations s’il prend toujours mieux en en
compte, quelles que soient les conjonctures, l’attachement aux aspirations sociales
légitimes, la complexité et le poids des problèmes d’ordre psycho - culturel, l’importance
de l’autonomie politique inséparable d’une souplesse tactique et d’une culture
démocratique en constant éveil, enfin les interactions dialectiques avec l’évolution mondiale.

En un mot, il y aura un nouveau cycle du développement communiste en Algérie si, face aux tentatives hostiles, tenaces et renouvelées de le brider dans un "cocon de chrysalide", il arrive à se guérir lui-même de ses maladies infantiles que Lénine a bien décrites et combattues (sans avoir réussi à les juguler car elles sont le fait de tout un
contexte socio-historique) et qui se résument dans les diverses sortes d’étroitesses
hégémonistes. Ce mouvement doit faire la preuve qu’il est capable d’embrasser les
différentes dimensions de la vie dans les trois domaines où l’Algérie a inscrit un grand
déficit, pour forger en profonde symbiose avec les Algériens :

- un mouvement social autonome capable de traduire les aspirations de progrès de
la société à partir de ses potentialités réelles ;

- un champ politique imprégné de culture démocratique et de vigilance
envers les pulsions hégémonistes dans la vie politique nationale ou le fonctionnement
interne des partis ;

- une réflexion théorique se différenciant de l’idéologisation des problèmes et qui,
sans utilitarisme, opère la jonction entre cette réflexion et les besoins du mouvement
social.

La vie a appris aux communistes de tous les pays que l’histoire ne se déroule pas de
façon linéaire, que rien n’est fatal, ni le meilleur ni le pire. Elle leur a appris aussi que
dans l’aspiration immémoriale des hommes à la sécurité et au mieux être et avec le
développement fantastique des capacités de l’esprit humain, des intervalles de plus en
plus courts ont séparé les grandes tentatives de l’Humanité vers sa libération, de
Spartacus et des révoltes paysannes à la Commune de Paris, de cette dernière à la
récente expérience du "système socialiste mondial". On voudrait espérer, contrairement
à ceux qui ont annonce prématurément "la fin de l’Histoire", que l’élan libérateur
aujourd’hui en gestation à travers un apparent chaos, soit encore plus fructueux et
moins douloureux. En tout état de cause et selon toute vraisemblance, ce prochain
mouvement sera plus complexe, plus mondialisé, plus pacifique et pluraliste, plus
démocratique et empreint d’humanisme. La plus grande certitude est que cela ne se fera
pas tout seul et à échéance fixe.

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