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LA GRÉCE ENTRE LA CRISE ET LA LUTTE

Aliki Papadomichelaki, Athènes le 15 novembre 2011

mardi 15 novembre 2011

Chers(es) amis(es), chers(es) camarades,

Ma patrie la Grèce, reste plus dépendante et endettée par l’accord nommé « Mémorandum No 1 ». Elle reste prisonnière, « transformée en champ de tir » (comme le dit bien une chanson grecque).

Elle est à la merci des usuriers, des puissants de la finance mondiale, des banquiers qui exigent le retour de leur “prêt”. La Grèce, connue comme berceau de la démocratie, vient de se soumettre à un gouvernement illégal, dit « d’unité nationale », composé par un accord de trois partis néolibéraux (PASOK, Nouvelle Démocratie et LA.O.S).

Cette nouvelle manœuvre politique inédite, commandée par le « couple » Merkel-Sarkozy, ignore complètement les exigences d’une démocratie représentative, et donc le recours aux urnes, quand on se trouve en période de crise politique. La tactique de l’ “élite” politico financière grecque et européenne est déjà connue largement par notre peuple : elle se soumet pleinement aux orientations d’un capitalisme ultra néolibéral, qui a conduit le pays à la faillite. Ainsi la Grèce sera achetée plus facilement par la suite. Le dicton de l’UE est le suivant : « Voulez-vous sauver votre pays ? Vendez-le ».

Cet esprit est d’ailleurs inclus dans l’acte de l’emprunt du 1er Mémorandum, qui fut dicté par la troïka, le jour noir du 12 février 2011. Le dit Mémorandum n’a pas été encore présenté au parlement grec pour être adopté, rappelant ainsi les pratiques des régimes coloniaux.

Le nouveau gouvernement, issu après une longue semaine de denses pourparlers, au sein du gouvernement et ensuite entre le gouvernement, la droite et l’extrême droite, est composé, à 80% de cadres du PASOK, à 10% de cadres de la Nouvelle Démocratie, et à 10% de cadres de LA.O.S (extrême droite). Dans son ensemble dépendant, il est à 100% attaché aux accords entre l’UE et « l’élite » grecque du 26 octobre 2011 à Cannes.

Le Premier ministre du nouveau gouvernement est le banquier Loukas Papadimos, ex-vice président de la Banque Centrale Européenne, proche collaborateur de Jean-Claude Trichet. Il aura comme tache essentielle l’adoption du 2eme Mémorandum (conclu le 26 octobre 2011), qui achèvera le travail du premier, par la décomposition complète des relations de travail - telles qu’elles étaient cristallisées au 20eme siècle par les luttes des travailleurs dans le monde et le poids comparatif du système social au sein de l’ex-camp socialiste.

Certains analystes de la gauche remarquent, à juste titre, que L. Papadimos, imposé par la troïka (UE, Banque Centrale Européenne et FMI) est comme un loup enragé gardant un troupeau. Il faut souligner que c’était lui-même en 1999, qui n’a pas empêché la prolifération de la bourse grecque d’entreprises-bidons, provoquant la chute brutale des actions. Ceci a eu comme conséquence l’utilisation des fonds de la sécurité sociale par leur transfert arbitraire aux banques pour soutenir l’économie du pays. Ce qui a permis aux richards de placer leurs gains dans des banques Suisses (600 milliards d’euros), cependant que les pauvres sont devenus plus pauvres, assurés bancalement et dans la précarité sociale.
C’est Mr. Papadimos et l’ex Premier ministre Simitis qui avaient mijoté et fabriqué ensemble les fausses données statistiques fournies à l’UE, dans le but de faciliter à la Grèce l’accès à la monnaie unique.

D’après les premières déclarations du Premier ministre, les élections auront lieu le 19 février 2011. Cependant, à peine hier, durant la discussion au parlement pour le vote de confiance, il a exprimé le souhait de « voir son mandat se prolonger, afin de pouvoir achever son lourd programme ».

La nouvelle coalition gouvernementale, ainsi que les « élites » économiques grecque et européennes s’inquiètent des luttes actuelles du peuple grec, marquées -entre autre- par le succès de la grève générale de la fin octobre et les manifestations tenues dans toutes les villes du pays dans les semaines précédentes. Dans la seule capitale a défilé pendant la grève générale un demi-million de gens.

Le chômage galope au 20%. D’après les prévisions du directeur de l’Institut du Travail lié à la Confédération Syndicale des Travailleurs, le chômage réel atteindra en 2012 les 28%, et chez les jeunes les 43%. La jeunesse reste sans avenir, pas uniquement en matière de travail mais aussi en perspectives d’éducation. Tout indique la privatisation de l’enseignement supérieur, empêchant les enfants des couches pauvres d’accéder à l’Université.
Les retraités du secteur public ont vu leurs retraites diminuer de 40%. Les prix galopent amenuisant le pouvoir d’achats des familles. Il est à noter que 140.000 familles sont sans électricité, étant dans l’incapacité de payer leurs quittances.

La Grèce est entrain de retourner aux années 60 du siècle passé.
Voila les perspectives, qu’ouvrent au pays les appétits des financiers européens et mondiaux, en cette période de crise globale du capitalisme. Au début de l’année, les centres dirigeants européens parlaient du « cas » grec, en le présentant comme une exception due à la paresse des travailleurs grecs. Nombreux quotidiens allemands montraient des photos de retraités grecs buvants de l’ouzo au café, pour faire saliver les ouvriers allemands “qui triment pour d’autres ». Et pourtant les travailleurs grecs bossent beaucoup plus, que ceux de nombreux pays européens, avec 44 heures par semaine, auxquelles, souvent s’ajoutent des petits boulots du soir, nécessaires pour affronter le haut coût de la vie. Mais le pire réside dans la précarité installée profondément dans les nouvelles relations de travail, avec comme corollaire l’abolition de contrats collectifs, qui protégeaient les travailleurs des abus du patronat.

Les deux formations parlementaires de la gauche, le Parti Communiste Grec et SYRIZA (Coalition Radicale de la Gauche) ont déjà déclaré, qu’ils ne voteront pas la confiance au nouveau gouvernement. Ce gouvernement, non seulement ne représente pas la volonté du peuple grec, mais prévoit des orientations qui sont contraires aux réels intérêts de la population (travailleurs, chômeurs, commerçants petits artisans, jeunesse) .

En effet les résultats de trois nouveaux sondages d’opinion, ont comme dénominateur commun la chute fulgurante de PASOK ainsi que la diminution des pourcentages de la Droite et de l’extrême Droite. Par contre, les partis de la vraie gauche (à la gauche de la social-démocratie pervertie) voient leurs pourcentages électoraux augmenter, atteignant dans leur ensemble les 30% alors que le pourcentage le plus élevé des partis gouvernementaux ne dépasse pas 26% .

Des nouvelles luttes sont annoncées. À la manif de la 38ème commémoration du soulèvement de l’Ecole Polytechnique contre la dictature des Colonels (voir l’article précédent du même auteur sur le site) sont attendus des dizaines de milliers de citoyens. Comme l’exprime si bien le slogan : « Pain, enseignement et démocratie, la Junte ne s’est pas terminée en 1973 », les luttes actuelles de la population honorent l’histoire, se prolongent dans le présent, pour un avenir moins obscur que celui promu par les forces néolibérales mondiales.

Mais pour mieux faire face à cette avalanche fortement antidémocratique et antisociale, il est hautement nécessaire de parvenir à l’unité d’action de ces forces de gauche. Ceci est exigé, de plus en plus, par des simples citoyens qui demandent à la gauche un comportement responsable, alternatif et crédible. C’est cette perspective que craignent les “élites” en Grèce et en Europe et qu’ils essayent par tous leurs moyens et propagande d’empêcher.

Voila donc que la crise mondiale a aboli les relations de travail et a chiffonné en Grèce la démocratie représentative. Les peuples Portugais, Irlandais, Espagnol et Italien sont dans la « liste d’attente ».

Evidemment, ici en Grèce, nombreux sont conscients que les luttes des travailleurs, les luttes de toute une population, fière mais écrasée socialement, ne resteront pas sans fruits. Aujourd’hui nous nous battons à la première ligne du front politique européen, pour les droits des travailleurs, en espérant donner l’exemple, qu’il ne faut pas plier les genoux. Nous aspirons aussi d’être soutenus par la solidarité de forces de travail dans le monde, par tous ceux et celles épris de justice sociale et de respect de la démocratie.

Le capitalisme est essoufflé. Faisons en sorte que de nouvelles perspectives s’ouvrent. La participation active et consciente des populations est la condition sine qua non pour des solutions alternatives. Ouvrons ensemble les voies, les temps pressent.

Athènes le 15 novembre 2011

Aliki Papadomichelaki

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