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LE MONDE ARABE EST ENTRÉ LES MAINS NUES DANS SON AVENIR

par Mohammed HARBI (*) dans « UTOPIE CRITIQUE » n° 53

jeudi 12 mai 2011

LE MONDE ARABE

EST ENTRÉ

LES MAINS NUES

DANS SON AVENIR

Mohammed HARBI (*)

« UTOPIE CRITIQUE »
n° 53 – 2011

éditorial

Avec la révolution tunisienne, le monde arabe est entré en mouvement. L’heure n’est plus aux aventures populistes d’origine militaire mais à l’intervention non violente de peuples enchaînés sur l’arène politique.

Dans chaque pays et à l’écoute des voisins, les masses découvrent ce qu’elles ont en commun, se mobilisent et, les mains nues affirment pacifiquement leur volonté d’exercer leur influence sur la vie publique.

Cette situation a mûri dans le cadre des Etats répressifs ou dictatoriaux, où règnent les milices, les polices politiques et toutes sortes d’organismes extra-légaux qui torturent, tuent en toute impunité, et dans les périodes de crises aiguës n’hésitent pas à recourir aux massacres.

L’existence de nouveaux moyens de communication qui ont atteint les zones les plus reculées ont éveillé une conscience grandissante que la vie politique nationale ne peut être l’affaire d’un roi, d’une dynastie, d’une tribu ou de chefs cooptés par des élites autoproclamées, mais l’affaire de tous. Le nombre de candidats à la citoyenneté, de personnes désireuses de participer au processus d’élaboration des décidions nationales s’élargit de plus en plus, notamment dans les générations qui n’ont eu à affronter que l’arbitraire de leurs compatriotes. Ces générations retrouvent les élans des défenseurs de la liberté bâillonnés et embastillés. Elles se soulèvent pour le pain, pour la dignité, l’égalité des droits et des devoirs, l’alternance au pouvoir, le pluralisme politique et préparent le terrain à la révolution sociale.

Pour elle, le cliché de la démocratie importée d’Occident est en voie de dépérissement. Elles ont compris que dans le droit fil de l’esprit colonial, les nouvelles classes dominantes s’arrogent le droit de définir la manière dont les peuples doivent se voir et interpréter le monde, gouverner en faisant de la religion, de la xénophobie et de la prébende, des ressources politiques.

La situation crée par la révolution tunisienne, et ses prolongements au Maghreb et au Moyen-Orient, érode les préjugés cultivés à l’égard de la démocratie.

Le mythe nationaliste, utilisé à tort et à travers, n’opère plus.

Contestés par les masses exclues de la modernité tout en en payant les frais, les Etats le sont également par tous les groupes marginalisés (Chiites au Bahreïn et en Arabie Saoudite, tribus du Sud-Yémen, Kurdes en Syrie, Coptes en Egypte, etc.).

L’extension des soulèvements à la Libye s’est heurtée à la menace d’un massacre de populations par le pouvoir du colonel Kadhafi. Faute de faire droit aux revendications légitimes de son peuple, la dictature Kadhafi porte la responsabilité d’avoir réintroduit avec la caution des Nations unies les puissances capitalistes occidentales comme agents de premier plan au Maghreb et de faire de ses opposants leurs obligés.

A l’ombre de la percée démocratique, la pression sociale du monde ouvrier s’est manifestée avec vigueur notamment en Tunisie, en Egypte et même en Algérie. L’étatisation des syndicats apparaît à tous comme un verrou destiné à brider l’action du prolétariat. Les espoirs des opposants à Kadhafi, dont les orientations en faveur de la démocratie ne semblent pas évidentes, en sont d’autant fragilisés.

Face aux prétentions néo-impériales des pays de l’OTAN, il est indispensable de garder à l’esprit que leurs interventions visent toujours à sauvegarder leurs intérêts, qu’il s’agisse du pétrole ou de » leur influence en Méditerranée. Leur passivité à l’égard de l’intervention saoudienne au Bahreïn est assez éloquente.

Que faire ? Une chose est sûre. Nous ne pouvons avoir aucune indulgence à l’égard de Kadhafi sans apporter pour autant une caution à la guerre menée par l’OTAN.

Notre solidarité va au peuple libyen, dont nous défendons l’unité dans sa lutte pour la démocratie et pour un changement politique, conduit et contrôlé par les forces populaires aux fins d’ouvrir la voie à leur droit de gérer leurs affaires elles-mêmes.

Mohammed Harbi
éditorial “Utopie critique” n°53

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(*) Mohammed Harbi participa activement à la révolution algérienne, il soutint le gouvernement de A. ben Bella qui suivit, avant d’être mis en prison à partir du coup d’Etat de H. Boumédienne. Il finit par s’en échapper sept ans plus tard, arriva en France et fit œuvre ensuite d’histoire, afin d’assurer la mémoire sur ces décennies. Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur l’histoire algérienne.

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