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TRIBUNES, LECTURES, OPINIONS (janvier 2011)

Gerard de Bernis, Yves Lacoste, Ferhat Abbas, François Houtart, etc.

mercredi 19 janvier 2011


"HOMMAGE à DE BERNIS" (deux articles de Abdelatif Rebbah / réseau des démocrates, et de Ahcène Amarouche / Soir d’Algérie

"UN TOUR D’HORIZON GÉOPOLITIQUE MONDIAL", Entretien de Yves LACOSTE au quotidien "LIBERTE", le 25 décembre 2010, article de Fatma Houari ;

LECTURE : "DEMAIN SE LÈVERA LE JOUR", livre de FERHAT ABBAS - "Un surgelé de haine de classe !", article de Fateh Agrane

DEBOUT LES JEUNES ! Interview de Francois HOUTART par Camila Campusano, le 16 décembre 2010 / www.michelcollon.info.



HOMMAGE à DE BERNIS

GRAND ÉCONOMISTE FRANÇAIS

ET GRAND AMI DE L’ ALGÉRIE

par Abdelatif Rebbah ,
diffusion "réseau des démocrates"

Le 24 décembre, un grand ami de l’Algérie, le professeur Gérard Destanne de Bernis nous a quittés.

Il avait 82 ans. L’économiste Gérard de Bernis faisait partie de ces hommes de sciences, mus par des idéaux humanistes élevés, qui mettent leur savoir au service de la libération des peuples et de leurs progrès. Un choix de vie qu’il avait décidé dès sa prime jeunesse étudiante.

Militant chrétien de gauche dans la lignée du grand penseur François Perroux, l’étudiant en droit, Gérard de Bernis, un court temps président de l’Unef en 1950, devient communiste, les causes de la libération nationale et d’émancipation sociale se confondant naturellement dans son engagement. En 1962, le peuple algérien sortait laminé par le bas, d’un règne de près d’un siècle et demi de colonialisme, ce « sous-ensemble du capital, militairement violent ».

Le jeune État indépendant, confronté dans le même temps à des tâches écrasantes multiples et variées, comptait dramatiquement ses maigres ressources qualifiées pour administrer le pays, nourrir et soigner sa population, former ses enfants, construire ses infrastructures, gérer et développer son économie. Un architecte par-ci, un agronome par-là, quelques avocats, de rares ingénieurs sans pratique industrielle, des médecins et enseignants en flagrant sous-effectif…

Gérard Destanne de Bernis, alors professeur à la Faculté de droit et de sciences économiques de Grenoble, était de ceux, au final de bien nombreux amis aujourd’hui oubliés, qui ont traversé les frontières, quitté les écoles, les facultés, les centres de recherche ou les laboratoires où ils officiaient pour mettre leurs compétences au service du peuple algérien. Ils pouvaient être chrétiens, chrétiens de gauche, communistes ou trotskystes. Ils avaient tous la profonde conviction d’une unique condition humaine et d’une nécessaire justice à promouvoir parmi les hommes.
Aujourd’hui encore, leurs hautes figures nous perpétuent un espoir de vraie fraternité entre les hommes.
Ils avaient pour noms André Mandouze qui prit en charge la difficile mission de poser les fondements de l’Université moderne d’un peuple maître de sa destinée, l’agronome René Dumont, auteur d’une étude sur la réforme agraire en Algérie indépendante publiée en mars 1961, dans la revue Les temps modernes et venu dès janvier 1963 étudier les principales mesures pour asseoir les conditions de sa réussite, Pierre Cot, agrégé de droit qui apporta une contribution déterminante à la mise au point du dossier de renégociation des clauses pétrolières des Accords d’Evian et des centaines d’autres spécialistes de différentes disciplines moins connus ou anonymes qui témoignaient, sur le terrain, par les actes, de leur solidarité avec les Algériens, permettant à la rentrée scolaire et universitaire 1962/63 de se dérouler, aux candidats au bac de le passer, à la campagne labours-semailles de se réaliser, etc.

Au service du développement

Observateur attentif des problèmes de la formation du sous-développement et surtout entièrement penché sur l’étude des perspectives et voies possibles d’en sortir dans des délais rapides, Gérard de Bernis avait pu vérifier tout spécialement sur le cas algérien « cette double capacité de l’industrie à créer tout à la fois, mais d’une manière différente, les industrialisés et les non-industrialisés ».
En Algérie, faisait-il constater, en 1963, dans une contribution à une étude présentée par François Perroux et intitulée Problèmes de l’Algérie indépendante (n° hors-série de Tiers-Monde. PUF 1963), l’industrie coloniale étrangère à la société algérienne, non seulement ne l’avait pas attiré à elle, mais encore elle l’avait mise radicalement en cause, faisant du peuple algérien, un non-industrialisé et de l’Algérie un pays sous-développé. (Gérard Destanne de Bernis, “l’industrialisation en Algérie”, pp.125-137).
L’indépendance politique, écrit-il, contribue à modifier ce contexte : l’industrie y perd son caractère étranger, voire agressif. Bien plus, l’industrialisation est revendiquée comme le moyen de supprimer la situation de dépendance économique qui subsiste après l’indépendance politique. Encore faut-il, pour que le processus d’industrialisation puisse concrètement se réaliser, insiste d’emblée Gérard de Bernis, que la grande masse de la population l’accepte. L’industrie doit, pour cela, prouver, poursuit-il, que loin de faire concurrence à d’antiques activités, elle est le principe même de leur modernisation et de l’amélioration des niveaux de vie.
Prenant l’exemple du chemin de fer, le professeur De Bernis s’attache à montrer en quoi il constitue l’exemple de « l’industrie » qui ne tire pas son importance de ce qu’elle produit (le service du transport) mais de ce qu’ elle est susceptible de promouvoir, la série des activités amont entraînées par la création du chemin de fer, création des usines de fabrication des rails, des waggons, etc, activités du secteur métallurgique et sidérurgique.
Or, fait-il remarquer, ce sont les industries françaises de ces produits qui ont alimenté l’Algérie. Le chemin de fer algérien a exercé les effets de développement habituels… en France et non pas en Algérie ! C’est ce que Gérard de Bernis appelle une industrie non industrialisante pour notre pays.
L’Algérie indépendante ne peut pas reproduire ce schéma d’éviction d’une industrialisation endogène, générateur du sous-développement.
Le produit de l’industrie industrialisante doit être destiné au pays lui-même, c’est-à-dire à la fois consommable dans le pays et consommé effectivement (par opposition à produit pour l’exportation). Il doit faire partie de la catégorie des produits porteurs de progrès, c’est-à-dire susceptibles d’accroître la productivité du travail dans les autres secteurs.

Les traditionnels et discutables dilemmes industrie-agriculture ; industrie lourde-industrie légère se résolvent, pour De Bernis, dans le long terme du développement économique.
Toute augmentation du niveau de vie de la population algérienne, massivement rurale, argumente-t-il, est liée à une augmentation de la productivité du travail agricole dont l’une des conditions essentielles, à côté des nécessaires transformations structurelles, est fournie par l’industrie.

Défenseur de l’indépendance économique

Dans ce sens, explique-t-il, une liaison essentielle relie étroitement, la réforme agraire- préparation et ouverture du milieu au progrès- et l’industrialisation- modernisation de l’agriculture sous l’impulsion de l’industrie.
Il ne sert à rien de produire des engrais, par exemple, si les paysans ne sont pas disposés à les utiliser ; il ne sert à rien d’amener ces paysans à les désirer si l’industrie ne les leur fournit pas.
Déterminante pour le progrès de l’agriculture, cette industrie va en même temps livrer aux autres secteurs industriels les bases mêmes de leur construction : sidérurgie, métallurgie, mécanique, plastiques, chimie, ciment. Des industries qui ont le double avantage, faisait-il encore observer, de valoriser une ressource abondante du sous-sol algérien, le gaz naturel, et de porter l’industrie algérienne sur les techniques les plus progressives.
Le professeur De Bernis préconisait cette orientation conformément d’ailleurs aux priorités retenues par le Programme de Tripoli et confirmées en 1964 par la Charte d’Alger.
Elles firent, on le sait, le malheur des conseillers de la Banque mondiale qui rodèrent un temps, vers 1966, dans notre pays, dans l’espoir de nous refiler leurs recettes.
Surtout, elles permirent à l’Algérie d’édifier en un temps record une base industrielle diversifiée qui fournit à des centaines de milliers d’Algériens un emploi stable et valorisant et des qualifications dans tous les domaines d’activité économique, ouvrant en même temps, la porte naguère verrouillée des responsabilités techniques et gestionnaires à des milliers de cadres et techniciens.
Si une vulgate intéressée dépitée de ne pas avoir pu réserver les ressources de notre pays à l’insatiable appétit des multinationales et de leurs sous-traitants a voulu réduire la pensée du professeur De Bernis à un trivial et vulgaire primat de l’industrie lourde, source de gâchis, une génération d’étudiants en sciences économiques, enfants sans complexes de l’Algérie indépendante, sait ce qu’elle doit à l’enseignement et à l’apport novateur de cet économiste fécond qui a forgé les armes théoriques pour penser et concevoir les fondements stratégiques d’une politique de développement national authentique et au service du progrès du peuple algérien.
Pour lui, l’indépendance nationale et la construction d’un système productif national allaient de pair.

Aujourd’hui, avec l’échec avéré de plus d’un quart de siècle de politiques économiques libérales, on peut mesurer à quel point cette vision était fondamentalement juste et combien demeurent actuels ses enseignements.

Abdelatif Rebbah

__________

*La liste est bien plus longue de ces intellectuels de renom qui sont venus du monde entier apporter au peuple algérien leur savoir et leurs compétences, auxquels il faudra un jour rendre l’hommage qu’ils méritent, parmi lesquels, les géographes André Prenant, Yves Lacoste, Jean Dresch, l’historien André Nouschi, les économistes Charles Bettelheim, Jacques Peyrega et bien d’autres encore, universitaires, ingénieurs ou médecins dont la génération de l’indépendance garde le souvenir de l’aide amicale.


HOMMAGE à GÉRARD DE BERNIS

Le Soir d’Algérie, mardi 4 janvier 2011, page 7

par Ahcène Amarouche*

Gérard de Bernis vient de nous quitter après avoir vécu ses dernières années en
retrait du monde. Sa vie intellectuelle a été d’une extraordinaire richesse et
tous les économistes algériens des générations post-indépendance lui sont
redevables à un titre ou à un autre. Certains ont eu le bonheur de suivre ses
cours en DEA ou en licence d’économie à Alger, où il a enseigné durant trois
années avant la réforme de 1971, d’autres ont soutenu à Grenoble, sous sa
direction, leur thèse de doctorat.

La plupart n’ont pas eu la chance de le
connaître autrement que par ses écrits, en se familiarisant dès la deuxième
année de licence aux théories du commerce international sur le monumental Traité
des relations économiques internationales publié aux éditions Dalloz, qu’il a
hérité de Maurice Byé et qu’il n’a cessé d’enrichir durant de nombreuses années.

C’est dans ce traité que s’amorçait déjà, en la forme d’une critique radicale
des théories orthodoxes, la nouvelle approche de l’économie qui prendra le nom
de « théorie de la régulation » dont Gérard de Bernis fut le précurseur et qui,
aujourd’hui, se développe selon deux tendances aux différences marquées :
l’école dite de Grenoble, menée par de Bernis justement et l’école dite de
Paris, menée par Boyer, Aglietta, etc.
Élève de François Perroux (dont le parcours intellectuel le rattache aux plus illustres économistes du XXe siècle – Joseph Schumpeter fut son directeur de thèse – tout en s’en différenciant par la touche humaniste de sa pensée toute chrétienne), Gérard de Bernis a emprunté au maître l’idée que, en situation de sous-développement, la croissance pouvait
être tirée par des secteurs porteurs animés d’une dynamique propre à même d’exercer des effets d’entraînement sur le reste de l’économie.

La thèse de F. Perroux, partagée par les théoriciens (notamment latino-américains) de
l’économie du développement encore balbutiante dans les années 1940-1950, était on ne peut plus hétérodoxe, puisqu’elle heurtait de front la théorie dominante de l’équilibre général, peu soucieuse de conformer ses hypothèses à la réalité.

De Bernis reprit donc à Perroux l’idée de pôles de croissance en l’adaptant,
selon le principe qui lui était cher de mise en situation de la théorie, à une
réalité nouvelle, à lui offerte par l’accession à l’indépendance politique de
l’Algérie et par la volonté affichée des autorités algériennes de sortir le pays
de la dépendance économique vis-à-vis de l’ancienne métropole et par delà
vis-à-vis de l’impérialisme alors fragilisé par la montée des mouvements de
libération nationale partout dans le monde.

Il fut un observateur attentif des réalités de l’Algérie indépendante. Ayant travaillé avec Sid-Ahmed Ghozali sur la question du pétrole et du gaz, il fut amené à s’intéresser, en qualité de conseiller économique auprès du ministre de l’Industrie, à ce qu’il appelle les
options algériennes.

Il avait su traduire en théorie la stratégie algérienne de développement qu’il avait caractérisée en des termes forts au point de marquer la pensée économique ultérieure sur le développement. Dans un article resté mémorable publié dans la revue Tiers Monde, il ne s’était pas contenté d’énoncer les principes à la base de la stratégie algérienne de développement (SAD) devenue un modèle pour les pays nouvellement indépendants : il en indiquait les présupposés politiques : modifier en profondeur les liens de dépendance à
l’égard de l’extérieur.
Mais c’est sur le plan conceptuel que cet article fondateur était d’un apport original.

L’auteur définissait la cohérence de la structure industrielle à mettre en place comme « une matrice interindustrielle noircie, c’est-à-dire dont les différents secteurs sont interreliés entre eux par leurs inputs et leurs outputs, ce qui implique la production de biens
d’équipement et de produits intermédiaires destinés à une consommation
productive interne » (page 547). En dépit des faiblesses caractérisées de la
stratégie algérienne de développement (SAD) apparue au grand jour dès la fin des
années 1970 (faiblesses qui se manifestaient en particulier dans la non-prise en
compte des infrastructures économiques dont le rail), un système productif a vu
le jour en la forme de grandes entreprises publiques sectorielles, réalisant en
moins de dix ans un noircissement quasi systématique de la matrice
interindustrielle au sens où l’entendait de Bernis.

Bien qu’il n’ait pas eu la possibilité d’entrevoir les effets pervers du financement par les hydrocarbures des projets industriels en grand nombre dans la réalisation desquels le pays
s’était engagé (ces effets ne s’étant manifestés que lors du second choc
pétrolier survenu à la fin des années 1970), de Bernis avait déjà pointé du
doigt les risques de dérive pouvant naître de l’emballement de la dette
extérieure comme source de financement des investissements à long délai de
maturation. Mais ainsi qu’il le dit lui-même dans une de ses conférences à
l’adresse des juristes algériens et français réunis à Nice les 19 et 20 décembre
1998, c’était là l’occasion pour « certains groupes sociaux algériens d’en
profiter pour assurer leur enrichissement personnel ».


photo Rafik Rezine
Ces mêmes groupes sociaux, profitant du décès du président Boumediene, mirent en accusation la stratégie algérienne de développement avant même que celle-ci ait eu le temps de produire ses effets dans « l’entière économie », ainsi que le laissait présager l’analyse de Bernis.
Ils décidèrent d’une restructuration organique et financière des grandes entreprises publiques sectorielles qui n’a pas consisté seulement à les démembrer selon une logique économique nouvelle dont on pouvait comprendre à la rigueur les mobiles (mettre fin au gigantisme de ces entreprises et créer en leurs lieu et place des entreprises à dimension humaine plus faciles à gérer compte tenu de la faiblesse de l’encadrement technique et administratif) : ils prirent sur eux de dissocier les fonctions de production et de commercialisation d’une même entreprise, ouvrant ainsi la voie à la création de rentes d’autant plus importantes qu’ils organisaient les pénuries des produits pour alimenter le
marché parallèle tout en asséchant les finances des unités de production en leur
imposant des prix de cession ne couvrant même pas leurs coûts de production.

Il leur fut aisé, par la suite, d’accuser les entreprises publiques de production
d’être inefficaces – après leur avoir au demeurant imposé de réaliser des
objectifs d’emploi dépassant de loin leurs capacités d’absorption de la
main-d’œuvre.
Plus tard, un ministre de la République toujours en poste n’a pas
trouvé mieux que de qualifier de quincaillerie ce qui restait d’opérationnel des
énormes investissements industriels de toute une décennie. Mais il fut bien
incapable de définir même à grands traits une nouvelle politique industrielle
dont il a organisé à grands frais les assises en 2006, ne sachant à l’évidence
pas que toute politique industrielle s’inscrit dans « un environnement localisé
et daté » (dixit de Bernis).

Aujourd’hui, et après qu’on soit manifestement revenu des dérives d’un libéralisme débridé qui a mis à genou l’économie de l’Algérie en dépit de l’aisance financière du pays, on renoue avec une forme de patriotisme économique de convenance – la survie de l’économie du pays dépendant plus que jamais des importations laissées d’ailleurs à l’initiative d’opérateurs qui ne soucient guère que de « leur enrichissement personnel ».

Il est évidemment trop tard pour revenir à la stratégie industrielle de l’Algérie des années 1970. Même en associant le secteur privé à la réémergence d’un système productif
moribond, l’environnement économique mondial ne se prête plus à la remise au
goût du jour d’une politique de développement autocentrée telle que la concevait
de Bernis et les décideurs de l’Algérie des années 1970.

Mais si l’on prenait soin de conditionner l’enrichissement personnel par la contribution à l’effort productif, peut-être l’Algérie retrouvera-t-elle une place digne dans le concert
des nations qui vivent et se développent sur leur génie créatif.
Le tout est de
savoir prendre la mesure d’un environnement localisé et daté pour parler comme
de Bernis.

Ahcène Amarouche

* Universitaire

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"UN TOUR D’HORIZON GÉOPOLITIQUE MONDIAL"

Entretien au quotidien "LIBERTE"
Samedi 25 Décembre 2010

LE GÉOPOLITICIEN Yves LACOSTE à “ LIBERTÉ ”

“Le trafic de cocaïne depuis l’Amérique latine vers l’Europe passe par le Sahel”

par : Fatma HAOUARI

Le géopoliticien Yves Lacoste revient, dans cet entretien qu’il nous a accordé, sur l’actualité brûlante qui marque la scène politique et sécuritaire internationale en analysant, avec force détails, l’ébullition au Sahel et au Proche-Orient, tout en faisant une projection sur l’avenir immédiat.

  • Liberté : La députée européenne Rachida Dati est venue en Algérie faire un plaidoyer en faveur du projet de l’UPM. À votre avis, ce projet a-t-il des chances d’aboutir un jour et qu’est-ce qui le bloque pour être opérationnel ?

Yves Lacoste : Le projet d’“Union pour la Méditerranée” est séduisant, car il fait espérer que les vieilles tensions entre le nord et le sud de la Méditerranée seraient résolues, tout comme les conflits entre des États voisins situés les uns et les autres au bord de la Méditerranée.
Les tensions entre façade nord et façade sud de la Méditerranée sont progressivement en voie de solution, depuis une cinquantaine d’années, c’est-à-dire la fin des anciennes dominations coloniales.
Au contraire, entre des pays voisins, des conflits sont apparus, certains depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale (Israël-pays arabes), plus récemment encore comme entre le Maroc et l’Algérie (depuis 1975 et l’affaire du Sahara occidental) et plus encore depuis 1991 et l’éclatement de la Yougoslavie, entre Serbes, Croates, Bosniaques, Albanais, etc.
Des tensions situées loin à l’est de la Méditerranée se répercutent sur ses rivages : la guerre d’Irak menée depuis 2003 par les Anglais et les Américains provoque contre ceux-ci la colère des opinions arabes, et l’afflux de nombreux réfugiés dans des pays méditerranéens ; la République islamique d’Iran en conflit avec les Occidentaux joue un rôle croissant au Liban, en soutenant le Hezbollah. La formation d’un État palestinien véritablement indépendant est battue en brèche par la multiplication par les Juifs religieux des “colonies” sionistes.
Tous ces conflits rendent difficile la formation d’une “Unité pour la Méditerranée”, et les pays non méditerranéens de l’Union européenne, qui y est en principe associée, y sont en fait défavorables.
Une entente entre les pays riverains de la Méditerranée se fera un jour, mais ce n’est pas dans un avenir proche.

  • Le Sahel est devenu une plaque tournante du terrorisme, quels sont les réels acteurs qui ont un rôle à jouer dans la lutte contre ce phénomène et ceux qui ont des intérêts dans la région où se situent les vrais enjeux ?

La zone sahélienne s’étend sur 6 000 km au sud du Sahara, depuis les côtes atlantiques jusqu’à la vallée du Nil, au Soudan. Dans cette zone très faiblement peuplée, large de plusieurs centaines de kilomètres où se fait la transition du désert à la steppe, les frontières tracées par les puissances coloniales n’ont guère de signification précise sur le terrain. Elles n’avaient guère de sens pour des peuples de pasteurs plus ou moins nomades, vivant de leurs troupeaux de bovins et de dromadaires et qui relevaient autrefois des mêmes administrations coloniales (françaises depuis la Mauritanie jusqu’au Tchad). Mais la zone sahélienne connaissait depuis des siècles de grands trafics caravaniers, vers le nord, mais aussi d’ouest en est.

Nomades et caravaniers sont aussi des guerriers pour défendre leurs troupeaux et leurs marchandises, ou pour se défendre contre des rivaux.
Depuis une vingtaine d’années, les dromadaires sont remplacés par les 4x4 et les camions qui franchissent rapidement des distances considérables, et le trafic a énormément augmenté : ce sont des dizaines de milliers d’Africains qui sont transportés, moyennant finances, vers les rives de la Méditerranée, d’où ils tenteront de trouver une embarcation vers les côtes d’un pays de l’Union européenne.
Le trafic de cocaïne depuis l’Amérique latine vers l’Europe passe depuis peu par la zone sahélienne, pour déjouer les contrôles, et cela rapporte beaucoup d’argent aux intermédiaires qui sont souvent d’anciens nomades qui connaissent bien les pistes peu surveillées. Ces anciens nomades guerriers ont des kalachnikovs, des 4X4 et leurs chefs ont des téléphones satellites. Cette modernisation des techniques de combat a été favorisée à partir des années 1975 par le conflit du Sahara occidental, et le Front Polisario, basé principalement à Tindouf près de la frontière marocaine et qui dispose de certains moyens financiers, a recruté jusqu’au Soudan des combattants sous contrat pour des périodes déterminées. Ceux-ci, une fois terminé leur engagement avec le Polisario, sont repartis vers leurs régions d’origine, où ils se sont mis au service d’autres causes. Depuis la fin des troubles provoqués dans le nord de l’Algérie (1992-2000) par les groupes islamistes, certains de leurs combattants se sont repliés dans l’extrême Sud algérien ou dans les régions sahéliennes voisines où ils ont fait allégeance à El-QaÏda et où ils se sont branchés sur les trafics internationaux qui s’y développent. La prise d’otages par AQMI, dans le grand centre minier d’Arlit au Niger, fait peut-être aussi l’affaire de grandes firmes chinoises qui cherchent à supplanter le groupe français Areva sur ce grand gisement d’uranium.

  • Le conflit au Proche-Orient est à son comble. Les négociations de paix israélo-palestiniennes, relancées le 2 septembre dernier à Washington, sont bloquées par la poursuite des activités de colonisation israéliennes dans les territoires palestiniens. Le président palestinien, Mahmoud Abbas, dans une récente sortie médiatique, n’a pas exclu une dissolution de l’Autorité nationale palestinienne et du régime d’autonomie. Il a souhaité que les États-Unis coopèrent avec l’Europe, la Chine, le Japon et les Nations unies dans le règlement du problème de la colonisation. Que pensez-vous de cette demande, va-t-on s’attendre à de nouveaux affrontements ou à de nouvelles décisions plus radicales envers Israël ?

Certes, en 2006, une véritable guerre a opposé l’armée israélienne et le Hezbollah au Liban, et à la fin de 2008, les Palestiniens de la bande de Gaza ont été soumis à de véritables opérations de guerre qui ont provoqué une grande émotion internationale. Mais, hormis ces très graves événements, la situation au Proche-Orient se caractérise par le grignotage du futur État palestinien — la Cisjordanie principalement — par l’implantation d’un nombre croissant de petites colonies qui parviennent de différentes façons à acheter des terrains et à faire partir des Palestiniens, pour créer de nouveaux villages, comme s’il s’agissait d’opérations immobilières privées. Mais celles-ci sont protégées par l’armée israélienne, et pour y aller quotidiennement, elles sont desservies par des routes interdites aux Palestiniens. Sous prétexte d’empêcher des infiltrations terroristes en Israël, un mur haut de 8 mètres et long de 500 km (il devait atteindre 700 km) a été construit sur la frontière officielle (celle de 1948) de l’État d’Israël (sauf dans le désert du Neguev).
Mais le tracé de ce mur fait des incursions sur le territoire palestinien pour englober des colonies plus ou moins proches. Mais bien d’autres “colonies” s’implantent loin du mur, notamment aux endroits où des forages permettent de pomper dans les nappes d’eau souterraines pour en priver les Palestiniens. L’implantation de ces colonies est le fait de Juifs fanatiques qui sont désapprouvés par la majorité de la population israélienne.

Ces fanatiques ont été persuadés par des prédicateurs religieux que la reconquête de “la Terre promise aux Hébreux” dont il est question dans la Bible, c’est-à-dire l’actuelle Cisjordanie, serait suivie par le retour du Messie, ce que les Juifs espèrent depuis des siècles. Cette croyance est maintenant partagée par une catégorie particulière de chrétiens, les protestants évangéliques qui sont devenus très influents aux États-Unis, au Brésil et en Afrique. Ils s’opposent à ce que le gouvernement américain fasse vraiment pression sur le gouvernement israélien. La solution du problème israélo-palestinien est donc bloquée. Le président iranien Ahmadinejad, pour accroître son influence dans le monde musulman, menace de lancer des fusées à longue portée (fournies par la Corée du Nord) pour détruire Israël, qui annonce qu’il répliquera ou même qu’il devancera une telle attaque lorsqu’elle semblera imminente. C’est aussi la raison pour laquelle les Occidentaux s’opposent par le blocus presque complet à ce que l’Iran parvienne à se doter de moyens nucléaires. Mais la Russie et la Chine soutiennent plus ou moins l’Iran.

_* Comment voyez-vous le développement des poches de tension en Iran et en Corée du Nord ?

La situation en Iran est très complexe, car de très nombreux Iraniens et d’importants chefs religieux pensent que la réélection d’Ahmadinejad en juin 2009 a résulté de nombreuses fraudes, et pour protester, ils ont manifesté à Téhéran et dans d’autres grandes villes. Ces manifestations ont été durement réprimées.

Les Iraniens n’approuvent pas les discours très violents d’Ahmadinejad qui menace de destruction, par ses fusées à longue portée, non seulement Israël, mais les pays d’Europe occidentale. Les Iraniens subissent les effets du blocus que les puissances occidentales infligent à l’Iran (pénurie paradoxale d’essence, car l’Iran, pourtant grand exportateur de pétrole, n’a plus assez de raffineries pour avoir l’essence dont les Iraniens ont besoin pour leurs voitures). Ahmadinejad s’appuie surtout sur un groupe chiite ultrareligieux (adversaire de la masse des musulmans sunnites) et sur les pasdarans “les gardiens de la révolution”, c’est-à-dire les anciens combattants de la guerre contre l’Irak (1980-88) et surtout sur leurs héritiers. Ceux-ci disposent de nombreux avantages commerciaux et ils peuvent faire de bonnes affaires avec Dubaï de l’autre côté du Golfe persique. Mais tous les Iraniens estiment que l’Iran doit devenir une grande puissance et que leur pays a le droit d’avoir une industrie nucléaire et même des armes nucléaires pour se défendre, contre Israël, mais aussi contre le Pakistan qui ont eux aussi des armes nucléaires. Des tensions graves se développent malheureusement dans le monde musulman entre sunnites et chiites dont l’Iran est le champion.
En Irak, où les chiites forment la moitié de la population, El-Qaïda sunnite a fait commettre depuis 2004 de nombreux attentats contre les chiites, et notamment contre de grands sanctuaires religieux chiites. Il en est de même au Pakistan où les talibans pakistanais commettent des attentats contre la minorité chiite.
Comme l’Iran, la Corée du Nord a des fusées à longue portée et une industrie nucléaire qui cherche à mettre au point des armes nucléaires, et ces deux pays sont l’un et l’autre hostiles aux États-Unis, mais les ressemblances entre ces deux États plus ou moins en contact se limitent à ces trois caractéristiques. Les moyens de la Corée du Nord qui n’a pas de pétrole ont été longtemps fournis par l’URSS et surtout par la Chine de nos jours. Paradoxalement, une grande partie des moyens alimentaires est fournie par les États-Unis et la Corée du Sud, bien que les dirigeants de la Corée du Nord dénoncent ces deux États. Mais, depuis 1945, la Corée est coupée en deux, surtout depuis “la guerre de Corée” (1950-53) qui a opposé le Nord soutenu par les Soviétiques et les communistes chinois au Sud soutenus par les Américains qui maintiennent des troupes au Sud. L’Allemagne qui en 1945 avait été elle aussi coupée en deux a été réunifiée en 1989, mais cela n’a pas été le cas de la Corée. La Corée du Sud, dont le développement économique depuis cinquante ans est considérable, envoie de l’aide à la Corée du Nord, lorsque celle-ci est touchée par la famine, et les Américains en font de même, en espérant convaincre le dirigeants nord-coréens de renoncer aux armes nucléaires. La Corée du Nord est le dernier régime communiste au monde, et, depuis longtemps, c’est un régime communiste très particulier puisque c’est une véritable dynastie : à son fondateur Kim Il Sung a succédé son fils Kim Jung Il auquel va succéder en principe un de ses fils. Ce régime déplaît aux dirigeants communistes chinois, mais ceux-ci n’osent pas l’abandonner, ce que ne souhaite d’ailleurs pas la Corée du Sud qui se demande comment elle pourrait prendre en charge la Corée du Nord. Celle-ci, pour s’assurer du soutien chinois, manifeste son importance par des incidents militaires avec la Corée du Sud qui, comme tout récemment, voit arriver la flotte américaine, ce qui déplaÎt beaucoup aux Chinois qui sont obligés de soutenir le gouvernement nord-coréen.

  • Les révélations de WikiLeaks ont fait l’effet d’un tsunami diplomatique, d’autant plus que ces “fuites” viennent des propres services de renseignements américains. Quelle est votre point de vue concernant ces révélations ? Les États-Unis vont-ils devoir changer de méthode, s’agissant de leur diplomatie, et agir autrement dans le traitement de certains grands dossiers ?

Il ne s’agit pas de fuites dans les services de renseignement américains, mais de pirateries informatiques rendues possibles par des prouesses de hackers qui sont parvenus à entrer dans les réseaux des transmissions de la diplomatie américaine et dans les télégrammes envoyés par les gouvernements étrangers à la Maison-Blanche et au département d’État (ministère des Affaires étrangères). Les Américains mettront en place des systèmes informatiques mieux protégés.
Les “révélations” de WikiLeaks sont surtout la confirmation de tensions qui semblaient probables, mais dont on n’avait pas la preuve formelle. Ainsi, par exemple, on se doutait que les États du Golfe, et notamment l’Arabie Saoudite, craignaient que l’Iran se dote d’armes nucléaires et demandaient plus ou moins au gouvernement américain de détruire les centres nucléaires iraniens. Le texte désormais révélé de dépêches diplomatiques saoudiennes montre que ces demandes contre l’Iran avaient été formulées de façon précise à la Maison-Blanche.

Est-ce le déclin des États-Unis ? Assistons-nous à un nouvel ordre mondial dans lequel les Américains ne seraient plus les seuls maîtres à bord ? Quelles sont les puissances avec lesquelles il faudra désormais composer ?

Les actuelles difficultés économiques des États-Unis ne doivent pas être considérées comme le signe de leur affaiblissement militaire. Ils disposent de forces considérables ultramodernes, mais celles-ci s’avèrent assez inefficaces dans des conflits “dissymétriques”, c’est-à-dire contre des adversaires dissimulés dans de grandes villes (comme en Irak) ou dans des montagnes (comme en Afghanistan). De plus, les États-Unis, qui en 1973, après la guerre du Vietnam, ont aboli le système du service militaire (la conscription obligatoire), ne disposent plus assez d’effectifs, alors ils doivent recruter des mercenaires et recourir à des entreprises privées qui se chargent d’importantes tâches militaires.

Les États-Unis doivent supporter une gigantesque dette extérieure, celle-ci résulte du fait que les dépenses militaires sont considérables, que les gens riches ne paient que fort peu d’impôts (ils transfèrent leurs bénéfices à l’étranger dans des paradis fiscaux) et que les grandes entreprises industrielles américaines ont beaucoup réduit un grand nombre de leurs productions pour importer à bas prix de l’étranger des produits comparables et les revendre cher sur le marché intérieur américain. Mais un grand nombre de travailleurs américains sont sans emploi et beaucoup n’ont plus les moyens de se loger. Une grande partie des importations américaines vient de Chine qui, produisant à très bas prix des produits de qualité, a réalisé d’énormes bénéfices en dollars, si bien que l’essentiel de la dette des États-Unis est détenu par la Chine. La Banque fédérale américaine imprime des dollars dont on devrait récuser la valeur, mais la Chine, le principal créancier, se garde de minimiser la valeur de ces dollars, car elle diminuerait d’autant le stock qu’elle détient.

La Chine connaît depuis trente ans une formidable montée en puissance qui n’a pas été freinée par la crise économique qui s’est déclenchée en 2008 aux États-Unis et en Europe.

La Chine, qui a récemment supplanté le Japon, est devenue la deuxième puissance économique mondiale, et au rythme de sa croissance actuelle (12% en moyenne, 5% pour les États-Unis), les experts estiment qu’elle pourrait devenir, d’ici vingt ans, la première puissance mondiale. Les grandes compagnies pétrolières américaines doivent désormais faire face, dans de nombreux pays, à la rivalité de très grandes compagnies chinoises. La Chine développe rapidement ses moyens militaires et elle veut se doter d’une grande marine de guerre ; elle dispose déjà d’une grande flotte de commerce. Certains experts estiment qu’au plan mondial, les rivalités géopolitiques, c’est-à-dire les compétitions entre puissances pour la conquête ou le contrôle de territoires, vont être supplantées par des rivalités géoéconomiques dont les enjeux ne sont plus territoriaux mais financiers ou pour le contrôle de telle ou telle matière première plus ou moins rare. De nombreuses rivalités géoéconomiques se développent entre les États-Unis (300 millions d’habitants) et la Chine (1,4 milliard d’habitants, mais désormais en croissance lente). Il faut aussi tenir compte de l’Union indienne (1,3 milliard encore en croissance rapide) qui connaît elle aussi un très grand développement économique. Elle va bientôt compter autant d’habitants que la Chine dont elle est plus ou moins rivale. Le monde musulman compte lui aussi près d’un milliard et demi d’hommes et de femmes, mais il est divisé en près d’une quarantaine d’États pour la plupart de langues différentes (plus de 250 millions parlent arabe).

L’Union européenne (500 millions d’habitants, 27 États eux aussi de langues différentes) a actuellement à peu près le même poids économique (produit intérieur brut) que les États-Unis, mais sa croissance est plus lente, elle n’a guère de poids militaire et, à l’exception de la France, elle est en déclin démographique.

Le déclin démographique est surtout le cas de la Russie (natalité basse, mortalité forte) qui fut au temps de la guerre froide la seconde superpuissance, mais qui ne parvient pas à surmonter les dégâts matériels et moraux accumulés par 70 ans de socialisme. La Russie est devenue exportatrice de pétrole et de gaz, mais les bénéfices sont en grande partie détournés par une oligarchie qui les transfère à l’étranger. La Russie est encore une puissance militaire, car elle a conservé d’importants moyens nucléaires. Bien que sa croissance soit médiocre, ses dirigeants disent qu’elle fait partie de ces “nouveaux pays émergents”, les BRIC que sont le Brésil, la Russie, I’Inde, la Chine. Il est à mon avis assez inutile de parler d’un “nouvel ordre mondial”. Mieux vaut parler de la montée de nouvelles très grandes puissances.

“Entretien”
Samedi 25 Décembre 2010

par : Fatma HAOUARI

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« DEMAIN SE LÈVERA LE JOUR »,
Livre de FERHAT ABBAS

Un surgelé de haine de classe !

Présenté comme le bestseller de la rentrée, et record des ventes par
la presse algérienne le livre de FERHAT ABBAS « Demain se lèvera le
jour »paru a la fin de novembre dernier, ouvrage inédit ?

Il a été publié a titre posthume, dans la “collection études et
documents
” aux éditions ALGER LIVRES.

D’emblée son fils ABDELHALIM nous averti en page07 que le manuscrit lui a été remis par son père avec la consigne « que le livre ne soit publié que lorsque un système
vraiment démocratique sera installé en ALGERIE et que le mot liberté
ait pris tout son sens »

Mr Abbas junior a estimé « que l’heureest donc venue de tenir cette promesse » et nous annonce que lesidées de son père sont le reflet d’une clairvoyance prémonitoire et
les tragiques évènements qui ont traumatisé notre pays lui auraient donné
raison !
rien que ça ! Pour ceux qui ont le moindre doute, nous sommes
en pleine démocratie d’après le « fils » et la liberté a pris tout
son sens ! Pourquoi sa parution aujourd’hui ?, pourquoi pas plus tôt,
ou plus tard !

Mme LEILA BENMENSOUR viendra dans la préface pour éclairer notre
lanterne et nous annoncer « Que le manifeste des libertés de FERHAT
ABBAS est une véritable carte d’identité nationale
, dixit le président
ABDELLAZIZ BOUTEFLIKA, et nous présente Mr FERHAT ABBAS comme l’homme
providentiel que l’ALGERIE avait raté au sortir de la nuit coloniale.

Nous découvrons au fur et à mesure de notre lecture un chapelet de
haine surgelée ! Une haine de classe que Mr Ferhat Abbas assène à son
peuple et au lecteur que je suis !

Aux yeux de l’auteur a l’indépendance notre population est restée au
stade de l’enfance, les citoyens sont revenus a leurs servilité comme
l’âne à son bât, en 1962 nous nous sommes comportés comme un peuple
primitif !

Nous étions un appendice de démocratie socialiste, marxiste et
collectiviste, que l’ALGERIE était musulmane comme CUBA était
marxiste, que tout changement ne viendra que d’institutions libérales !
Il se demandait si les communistes algériens finiront ils par adopter
le libéralisme de leurs voisins ?

EN 1984 il aurait parlé des changements de tout le personnel de
direction des entreprises nationales à chaque changement de P.D.G
alors que ces dernières n’avaient pas encore de conseils
d’administrations, donc pas de PDG mais des directeurs généraux
D.G, (être plus visionnaire que cela tu dois repasser !)

Mr Abbas proposait pour le développement de notre agriculture,
l’introduction de l’avocatier (agrumes) pour sortir de la dépendance
alimentaire

Il nous révèle que le socialisme est une colonisation nouvelle, que
tout ce qui se faisait en ALGERIE était dirigé contre l’islam, que le
Sahara occidental est l’œuvre du communisme international

Il déplore que la ligue arabe n’ait pas remis l’ALGERIE à l’ordre dans
son conflit (du SAHARA OCCIDENTAL) avec le Maroc Mr Abbas a estimé
que « n’est colonisable que celui qui veut être Colonisé », que ANNOUAR ESSADATE est un homme de paix, pour preuve
c’est le premier homme musulman à qui l’opinion occidentale a rendu
justice.

Au fur et a mesure de la lecture il nous apprend que
l’hitlérisme et le socialisme stalinien c’est du pareil au même.

Que le peuple algérien a été plus traumatisé par le socialisme que
par les sept années de guerre !

Que dire de cette restitution haineuse de classe par ce docteur de
première classe ?

Qui a cherché son peuple et l’ALGERIE et il ne les a jamais trouvés ! Par contre ce peuple et l’Algérie ont fait de lui un président qui
s’est accommodé de l’idée du parti unique(en devenant par la suite
président de l’assemblée)
FERHAT ABBAS défenseur de la démocratie, que veut-on tromper ?

Alors qu’il était président de cette dernière, une délégation a été le
voir après les menaces contre le PCA et ensuite son interdiction vers
fin novembre1962, il s’est dérobé a une intervention quelconque et
s’agenouillait déjà devant l’idée du parti unique (il n’existait pas
encore juridiquement), alors que AIT AHMED, a exprimé une position
d’homme de principe dans une intervention officielle, bien qu’il
était encore membre du FLN
Mr F, ABBAS n’a quitté l’assemblée nationale que parce que le rapport
de force ne lui était favorable.

Les années soixante, au moment où il se rendait libre a l’étranger,
les communistes étaient emprisonnés et affreusement torturés par le
régime de l’époque, il a été a son tour mis arbitrairement en
résidence surveillé par Boumediene celui avec lequel il s’est allié
contre BENYOUCEF BENKHEDA peu lui importait alors que ce dernier était
un “libéral” comme lui, il a plutôt frayé avec BOUMEDIENNE ET AUTRES
qui se disaient proches de CASTRO et de FANON
Le chemin vers les sommets.

Les historiens révèlent que la maladie du zaimisme cher aux partis du
mouvement national était une pratique systématique chez Mr ABBAS, et
que son parti n’était vraiment pas un modèle du genre

Au fait de quoi rêvait FERHAT ABBAS ?
D’un pouvoir néolibéral arrimé aux multinationales, aux mains d’une
seule classe, la sienne pour s’allier comme il l’a fait en 1975, avec
ceux qui ont préparé la venue des mutants …il aurait préparé
l’anarchie qui allait emporter le pays, l’anarchie et la misère
néolibérale. Voila qu’on nous exhume maintenant cette haine surgelée
au moment ou le tout libéral, le tout néocolonial cher a FERHAT ABBAS
a échoué !

En lisant ce livre, moi lecteur qui n’a pas connu Mr Ferhat Abbas à
l’époque de son apogée, où il nous a toujours été présenté comme un
révolutionnaire, bourgeois éclairé, grand esprit, patriote unitaire,
homme de grande culture ! je le découvre s’écroulant de ce piédestal
pour rejoindre les travers de sa classe, la bourgeoisie néolibérale
capable de se réfugier derrière la religion ou derrière les puissants
du moment, avec les féodaux, pour mieux faire passer son rejet d’une
politique de progrès, de justice sociale.

FATEH AGRANE

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Francois HOUTART : DEBOUT LES JEUNES !
par CAMILA CAMPUSANO, le 16 décembre 2010,
www.michelcollon.info.

François Houtart a cette petite flamme qui l’anime et lui a donné la force d’agir.
Cet homme est prêtre, sociologue, professeur universitaire, fondateur du CETRI [1] et surtout il a consacré sa vie à la justice sociale et aux gens.
Nous avons rencontré ce grand monsieur qui nous parle de son combat, de sa vision de la société et du message qu’il délivre aux jeunes générations.


Vous avez plus de 80 ans. Et vous avez mené une vie de luttes.
Pour les gens qui ne vous connaissent pas, comment expliqueriez le combat que vous avez mené ?
Quelles sont, pour vous, les causes les plus emblématiques que vous ayez défendues ?

La situation dans le monde est telle qu’il y a malheureusement beaucoup de causes à défendre. Une des premières questions dans lesquelles je me suis investi est l’opposition à la Guerre du Vietnam et aux crimes perpétrés par l’agression des Etats-Unis. Ensuite, je me suis tourné vers les colonies portugaises et l’Apartheid, la région de l’Afrique Australe, la Guinée et le Cap Vert. Je me suis également fortement impliqué dans la révolution sandiniste au Nicaragua. J’ai soutenu Cuba et tout ce que l’île pouvait représenter en termes de transformations en profondeur de la société. Dans la même lignée, j’appuie le Venezuela avec sa révolution bolivarienne, la Bolivie ou l’Equateur.

Les causes que vous défendez pourraient être qualifiées d’altermondialistes. Pourtant vous venez d’un milieu plutôt aisé, vous avez choisi de devenir prêtre et vous avez accumulé les diplômes. Comment se fait-il que vous ayez décidé de vous engager dans cette voie-là ?

C’est assez simple. Mon engagement comme prêtre était orienté vers l’aspect de justice sociale qu’on retrouve dans l’évangile, et cette référence à un dieu de justice et d’amour, ainsi que les contradictions dans le monde tel qu’il existe. Cela a pris forme lorsque j’ai rejoint les JOC, Jeunesses Ouvrières Chrétiennes. C’était le mouvement le plus progressiste à l’intérieur de l’Eglise. J’y ai découvert la réalité de la classe ouvrière et notamment des jeunes travailleurs. Cela m’a amené, quand j’ai été ordonné prêtre, à demander de faire des études sociales. C’est pourquoi après mes études à Chicago, je me suis rendu en Amérique Latine. Pendant plus de 6 mois, j’ai visité la JOC dans les différents pays latino-américains. C’était une manière de connaitre le continent par le bas. J’ai été profondément frappé par tout ce que j’y ai découvert. Après cela, j’ai voulu approfondir mes études pour acquérir les instruments qui permettent de comprendre les sociétés. C’est comme ça que j’ai fait des recherches en Amérique Latine, en Asie et mon doctorat sur la sociologie du bouddhisme au Sri-lanka.

J’ai découvert les grandes causes, telles que le Vietnam, les colonies portugaises, les mouvements de libération en Amérique Latine, parce que j’y ai été directement confronté. Je me rappelle que j’avais été invité à Khartoum, à une réunion de solidarité Asie-Afrique avec les luttes des colonies portugaises et d’Afrique du Sud. Et là je me suis demandé si mon rôle de prêtre était compatible avec un engagement dans des affaires aussi politiques. En réfléchissant, je me suis dit que si le fait d’être prêtre m’empêchait de défendre les valeurs de l’évangile, ça n’aurait pas beaucoup de sens. Cela ne m’a pas facilité le travail. Mais pour moi, ce n’est pas possible de faire autrement.

Quel est votre fer de lance actuellement ?

La cause des agrocarburants et de l’énergie me tient particulièrement à cœur. C’est une thématique emblématique de la logique capitaliste face à un besoin réel. Le discours dominant présente les agrocarburants comme la solution alors que c’est une fausse solution. En réalité, cette proposition détruit la biodiversité. Elle demande des millions d’hectares au Sud pour produire de l’énergie, soi-disant verte, pour le Nord. Cela engendre des destructions épouvantables sur le plan écologique et social, en expulsant les petits paysans de leurs terres.

Vous avez fait des recherches et du travail de terrain. D’après vous qu’est-ce qu’il faut concrètement pour défendre des idées telles que les vôtres ?

Il faut une certaine motivation, alliée à une bonne analyse des phénomènes. Sans quoi on peut se faire tromper par des slogans et des informations incorrectes, utilisée comme une arme par les adversaires.

Il faut aussi ne pas rester purement dans la théorie. Il faut toujours confronter la pensée théorique à la réalité. Cette combinaison est essentielle.

Ajoutons à cela, le travail avec les mouvements sociaux. Ils sont les forces sociales qui essaient de porter soit une résistance, soit une proposition d’alternative. Il faut donc rester constamment en contact avec ces mouvements. D’une part, on peut apporter en les aidant dans l’analyse et la réflexion sur leur propre action. D’autre part, ce sont eux qui nous nourrissent car ce sont eux qui vivent cette réalité et ses contradictions. Travailler dans son bureau peut être intéressant mais cela n’a finalement que peu d’impact. C’est pour cela que je continue à voyager et à m’investir sur le terrain.

Vous faites aussi des conférences, vous participez à des cours universitaires, vous avez un pied dans le CETRI aussi. Qu’est-ce qui vous occupe d’autre actuellement ?

Oui, c’est ce que je fais… Je crois que tant qu’il y a moyen de faire une multitude d’activités, il faut le faire. Je remplis mon rôle de prêtre aussi, j’accompagne des gens, je célèbre des baptêmes et des mariages ou je préside des cérémonies d’enterrement. Je cherche à donner un sens à la vie des gens, indépendamment de leurs croyances religieuses.

Vous avez reçu le prix Unesco pour la tolérance et l’action non violente en 2009. Qu’en avez-vous pensé ?

Quand on m’a annoncé que j’étais nominé pour le prix Unesco, je n’y croyais pas beaucoup mais finalement je l’ai obtenu. Aussi étonnant que ça puisse paraitre, c’est en fait le gouvernement cubain qui m’a proposé comme leur candidat. Cela a marché.

Le prix récompense « la tolérance et l’action non violente » mais il m’a été accordé pour mon action sociale dans les différentes parties du monde. Dans mon speech lors de la réception du prix, j’ai précisé que j’étais en faveur de la tolérance et l’action non violente. Mais il existe des situations intolérables et une violence est présente dans l’organisation des sociétés. Alors je voulais bien définir le sens de ce prix là pour moi. Et en réalité, ce genre de prix représente l’occasion de remettre en valeur toutes les idées de l’altermondialisme et des luttes sociales d’aujourd’hui, face aux crises dans lesquelles nous nous trouvons et face au défi énorme devant lequel se trouve l’humanité dans son ensemble.

Quel serait le message que vous auriez envie de faire passer aux jeunes générations ?

Les jeunes devraient prendre conscience des mécanismes qui définissent la société. Ils construisent ou vont construire la société de demain, sans vraiment connaitre les fondements du monde qui les entoure. La mémoire historique est également indispensable. Ce sont des outils fondamentaux pour mener une lutte pour un changement de la société. Il ne faut pas suivre les pistes d’évasions qui réduiraient à néant toute possibilité de transformation des sociétés. Or tout est mis en œuvre pour qu’on n’ait pas les instruments d’analyse nécessaires, notamment via l’éducation. Cela demande donc un effort considérable de la part des jeunes. Ils ne doivent surtout pas perdre leur énergie transformatrice et s’endormir avec toute une série de gadgets et d’activités. Les grands pouvoirs économiques et politiques, qui orientent le monde, ne demandent qu’une seule chose, que les gens restent passifs.

Il faut donc une jeunesse informée, consciente et qui se bouge pour transformer la société en quelque chose de mieux. C’est l’adage de toutes les générations, à condition d’avoir tous les instruments qu’il faut pour comprendre la société et la volonté qu’il faut pour s’engager efficacement.

J’ajouterais qu’il est très important d’avoir une référence solide pour tous les engagements qu’on prend. J’entends par référence solide, une base de convictions fondamentales. Cette base de convictions peut être la foi religieuse. Pour moi, c’est une base très importante parce qu’elle est l’affirmation des valeurs de justice, d’égalité entre les être humains, en référence à un transcendant. Cette base de référence peut aussi être un humanisme profond, comme on l’a connu chez Marx, par exemple. Sans base fondamentale, on peut partir dans toutes les directions. J’ai vu tellement de gens de la gauche radicale devenir, avec le temps, les meilleurs néolibéraux qui soient.

Source : www.michelcollon.info

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[1Le CETRI est une ONG. C’est un centre d’étude, de publication, de documentation et d’éducation permanente sur le développement et les rapports Nord-Sud. Le CETRI a pour objectif de faire entendre des points de vue du Sud et de contribuer à une réflexion critique sur les conceptions et les pratiques dominantes du développement à l’heure de la mondialisation néolibérale. http://www.cetri.be/

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