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DU 8 JUILLET AU 15 JUILLET 2014 : SÉLECTION DE LA SEMAINE

mercredi 16 juillet 2014


ISRAËL ÉLU À LA COMMISSION DE DÉCOLONISATION DE L’ONU : UNE OBSCÉNITÉ - Par Alain Gresh - le 09 juillet 2014 - Le Monde ;


ALGER - 17 JUILLET 2014 - HOMMAGE À HENRI ALLEG ;


EXPLOITATION DU GAZ DE SCHISTE : CE N’EST PAS UNE FATALITÉ - M’hammed Rebah - Reporters.dz - le 15 juillet 2014 ;


LE BARIL, SES USAGES ET MÉSUSAGES - Par Abdelatif Rebah - “Le Soir d’Algérie” - le 12 juillet 2014 ;


L’APPEL DE DÉTRESSE DES MOZABITES - Hafida Ameyar 10 Juillet 2014 ;


AL-FARABI, DE LA PENSÉE MORALE A LA PENSÉE POLITIQUE - Par Inès Aït Mokhtar - publié le 18/12/2013 ;


La chronique de Maurice Tarik Maschino : UNE FATIGUE CHRONIQUE - El Watan - le 10.07.14 ;



ISRAËL ÉLU À LA COMMISSION DE DÉCOLONISATION DE L’ONU :

UNE OBSCÉNITÉ

Par Alain Gresh
le 09 juillet 2014
Le Monde

Demain, le Ku Klux Klan pour combattre le racisme ?
Lire ci-dessous l’article d’Alain Gresh sur le blog du Monde Diplo.

"En juin 1967, dans un texte qui devait devenir célèbre, écrit pour un numéro des Temps modernes, la revue dirigée par Jean-Paul Sartre et consacrée au conflit israélo-arabe, le célèbre orientaliste Maxime Rodinson posait une question iconoclaste résumée par le titre : « Israël, fait colonial ? ».
Il fallait un certain courage pour formuler une telle interrogation, à l’heure où la majorité des médias français se déchaînaient contre le président égyptien Gamal Abdel Nasser et voyaient dans la défaite de celui-ci une revanche de la guerre d’Algérie.
À l’heure, aussi, où l’on discutait doctement du socialisme supposé d’Israël, et où des milliers de jeunes Français, juifs et non juifs, découvraient la vie communautaire dans des kibboutz.

Qu’écrivait Maxime Rodinson en substance ? Que l’immigration juive en Palestine s’inscrivait dans un mouvement bien plus universel de colonisation des terres soi-disant vierges (c’est-à-dire peuplées de barbares), ce que le fondateur du sionisme, Theodor Herzl, reconnaissait volontiers à l’époque.
Quels qu’aient été les discours des pionniers du sionisme installés en Terre sainte, leur but était le même que celui des Français en Algérie ou des Européens en Amérique du Nord : conquérir la terre et en expulser ses habitants, tout cela au nom de la civilisation, bien sûr. J’ai longuement développé cette dimension coloniale dans “De quoi la Palestine est-elle le nom ?” (Les liens qui libèrent, Paris, 2009).
Dans ce livre, j’évoquais également un épisode de la fondation des Nations unies. Lors de sa première présentation, le préambule de la Charte de l’ONU, qui proclamait la foi dans les droits fondamentaux de la personne, fut lu par Jan Smuts, le premier ministre de l’Afrique du Sud, un pays où sévissait la ségrégation raciale.
C’est à un événement du même type mais moins médiatisé que l’on a assisté ce mois-ci. Comme le précise un communiqué du département de l’information de l’ONU :

« Malgré la forte opposition du Groupe des États arabes, M. Mordehai Amohai, d’Israël, a été élu aujourd’hui Vice-Président de la Quatrième Commission de l’Assemblée générale chargée des questions politiques spéciales et de la décolonisation. Les cinq autres “grandes Commissions” ont aussi complété leur bureau pour la soixante-neuvième session de l’Assemblée qui s’ouvrira le 16 septembre prochain. »

Lire Laurence Bernard, « Faillite de l’Union européenne en Palestine », “Le Monde diplomatique”, novembre 2013.
Normalement, les membres des bureaux des commissions sont présentés par les groupes régionaux aux Nations unies et acceptés sans vote. La candidature d’Israël était présentée par le groupe des pays européens auquel ce pays appartient. Selon le communiqué des Nations unies, le représentant de Londres a protesté contre le refus exprimé par plusieurs pays arabes : « Son homologue du Royaume-Uni, au nom du Groupe des États d’Europe occidentale et autres États, a exprimé sa “déception” face à la décision du Groupe des États (arabes) d’appeler à un vote. “Contester une candidature soutenue par un Groupe régional est contraire aux normes et aux pratiques établies et crée un précédent dangereux pour les futures élections”, a-t-il dit. »

Le vote n’a été acquis que par 74 voix et 69 abstentions et, comme l’a précisé le représentant de la Libye :
« C’est une honte pour l’humanité. (…) Pour la première fois dans l’histoire de l’Organisation, une entité occupante a été élue à la vice-présidence d’une commission chargée de mettre fin à la décolonisation. (…). Cette élection a montré clairement la défaite de l’entité israélienne, qui a reçu moins de la moitié des voix. »

« La paix c’est la guerre », proclamait Big Brother dans 1984, le roman de George Orwell. « La colonisation c’est la décolonisation », proclament aujourd’hui les Nations unies (...).

Seule la mobilisation de la société civile est apte, en ce moment, à sanctionner Israël, comme vient de le prouver la décision de l’Eglise presbytérienne, une des plus importantes aux Etats-Unis (1,8 million de membres), de retirer ses investissements de Caterpillar, Hewlett-Packard and Motorola Solutions (« Presbyterian Church votes to divest holdings to sanction Israel », “The Guardian”, 21 juin) pour leurs activités dans les territoires palestiniens occupés.
Comme le rappelle un article du “Monde diplomatique” du mois de juin, c’est cette campagne BDS (boycott, désinvestissement, sanctions) qui provoque des « alarmes israéliennes », et qui permettra de venir à bout du colonialisme de Tel-Aviv.

Sources : blog Monde Diplomatique

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EXPLOITATION DU GAZ DE SCHISTE :

CE N’EST PAS UNE FATALITÉ

Au-delà du débat (comme l’appellent les uns) ou faux débat (selon d’autres) autour de la problématique de l’exploitation du gaz de schiste, le dernier mot pourrait revenir finalement aux populations locales directement concernées.

Le cas du petit village de Zurawlow, dans l’est de la Pologne, est exemplaire. Ses habitants sont parvenus à interdire au pétrolier américain Chevron – 4e plus grande compagnie pétrolière dans le monde – de procéder aux forages pour extraire du gaz de schiste. Durant quatre cents jours, ils ont bloqué l’accès à la parcelle où le géant pétrolier américain s’apprêtait à effectuer des forages pour rechercher du gaz de schiste.
Il y a quelques jours, dans la nuit du 7 au 8 juillet, vers 4 heures, les employés de Chevron ont été contraints d’abandonner la partie et quitter les lieux, emmenant avec eux tous les équipements installés sur les terres agricoles pour effectuer des forages exploratoires pour le gaz de schiste.
À ce jour, aucun puits de gaz n’a été construit dans le village. Selon la presse polonaise, les habitants qui voulaient connaître la composition des liquides utilisés lors de la fracturation hydraulique de la roche, se sont vu répondre par Chevron que c’était « de l’acide citrique, du liquide vaisselle ».
Les villageois ont compris qu’il s’agissait de substances chimiques dangereuses et qu’il fallait empêcher cela. Ils se sont inspirés de l’exemple du mouvement Occupy aux Etats-Unis et ont organisé des barrages.
Le cinéaste Lech Kowalski, qui a tourné un documentaire sur leur lutte, “Holy Field Holy Warest”, sorti en France en mars 2014, explique que « les compagnies sont arrivées très arrogantes dans le village, comme si elles pouvaient faire ce qu’elles voulaient ». Il rapporte qu’« elles n’ont pas été honnêtes avec les agriculteurs, et ont travaillé dans le secret ». Enfin, « contrairement à ce qu’elles clamaient à leur arrivée, ce n’est pas une industrie qui a créé de nombreux emplois : seule une poignée de résidents a trouvé un travail ».
La Pologne, qui était présentée par les médias comme le « Koweït du gaz de schiste » en Europe – l’Agence gouvernementale américaine de l’énergie (EIA) a prétendu que ce pays détiendrait 4,19 milliards de mètres cubes de réserves de gaz de schiste – devait commencer l’exploitation commerciale de ses ressources en gaz de schiste en 2014 et devenir ainsi le troisième pays du monde et le premier européen à commencer l’extraction de cette ressource énergétique.
L’annonce avait été faite le 27 novembre 2013 par le vice-ministre polonais de l’Environnement, Piotr Wozniak.
Le gouvernement polonais, qui avait lancé une première extraction expérimentale en juillet 2013, comptait investir, avant 2020, 12,5 milliards d’euros pour exploiter les gisements de gaz de schiste dont il dispose.
Mais ce choix n’a pas fait l’unanimité en Pologne et ce qui s’est passé dans le village de Zurawlow a valeur de symbole de la résistance des agriculteurs et, plus largement, de tous ceux qui, en Europe, s’opposent à l’exploitation du gaz de schiste, et plus particulièrement par la compagnie pétrolière américaine Chevron.
C’est la victoire des associations environnementales et des agriculteurs qui ont défendu leurs terres, alarmés par les anomalies constatées depuis le début des travaux de fracturation, notamment l’eau courante qui aurait pris une teinte anormalement foncée et serait devenue non potable.

Comme quoi, l’exploitation du gaz de schiste n’est pas une fatalité.

Sources : Reporters.dz


INVITATION

Jeudi 17 juillet 2014, à 22 heures

à la salle de conférences du
Rassemblement Action Jeunesse (RAJ)
17, rue Larbi Ben M’Hidi, Alger
3ème étage (porte droite)

HOMMAGE

À

HENRI ALLEG
Ancien directeur d’Alger républicain
Auteur de “La Question”
décédé le 17 juillet 2013

De la part d’Anciens journalistes d’Alger républicain

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LE BARIL, SES USAGES ET MÉSUSAGES

Par Abdelatif Rebah
“Le Soir d’Algérie”
le 12 juillet 2014

« Semer le pétrole au profit du développement » , la formule est célèbre qui résume le rôle qui était assigné au secteur des hydrocarbures par les pères fondateurs du modèle algérien. Lui faisait écho, le climat d’adhésion populaire qui avait accueilli les nationalisations des hydrocarbures, il y a plus de quatre décennies.

La centralité du pétrole dans l’économie algérienne est, quant à elle, un phénomène qu’on peut qualifier d’hérité, puisqu’il s’est formé, déjà, dans les années qui ont immédiatement précédé l’indépendance.
Dès 1962, la part de l’or noir dans le PIB avait grimpé à 48% contre 14% en 1959, tandis que le brut constituait 59% des exportations globales. En moyenne, 60% de l’investissement productif global réalisé durant la période 1959-1962 relevaient du secteur pétrolier.
Dans le Plan de Constantine (1959-1963), le secteur des hydrocarbures s’était approprié le cinquième de l’investissement total et les industries manufacturières 12%, tandis que la part de l’énergie électrique était de 4,5%.
Le premier plan quadriennal (1970-1973) va confirmer cette prépondérance des hydrocarbures et des industries manufacturières, avec respectivement 16% et 26,6% des investissements et 2,4% pour l’énergie électrique.

Pour mettre en relief le caractère vital et stratégique que cette richesse du sous-sol revêt désormais, le recours à la métaphore devient un passage obligé : « Les hydrocarbures sont la colonne vertébrale de l’économie algérienne, la denrée sur laquelle est assise sa souveraineté » et constituent « le cœur et le sang de l’économie », si bien que, contrôler le secteur hydrocarbures c’est contrôler « la circulation de son propre sang dans son cœur, ses propres facultés de respiration ».
Comme un non-dit, se profilait un objectif de mise en selle, à terme, d’un relais non pétrolier dans l’accumulation, véritable enjeu d’une croissance autoentretenue.
Que restera demain à la place d’un gisement épuisé ou arrêté ? Combien d’usines auront poussé, combien de scientifiques et de techniciens nationaux auront pris la relève de la technique étrangère… ?
Ces interrogations pressantes résument de manière éloquente l’ambition affichée dès le départ par les promoteurs du modèle.
Même si on doit lui reconnaître des contours quelque peu idéalisés, l’image du baril, à la fois combustible du développement national et source d’une prospérité nationale partagée, n’est pas loin de la réalité qui prenait chair dans les réalisations industrielles, économiques, sociales et culturelles pendant les deux premières décennies de l’Algérie indépendante.
Indéniablement. Le paysage énergétique et économique national en fournit, jusqu’à aujourd’hui encore, maintes preuves vivantes. Même le FMI ne peut que relever qu’ « au cours des quelques 25 années qui ont suivi l’accession à l’indépendance en 1962, l’Algérie a fait des progrès notables sur le plan du développement de son capital humain et matériel et a considérablement renforcé et diversifié le secteur des hydrocarbures ».
Ainsi, dans un rapport d’évaluation de la transition à l’économie de marché publié en 1998, après avoir noté que « les inégalités de revenus et de sexe ont été atténuées au profit d’une plus grande cohésion sociale », le document du FMI reconnaît que « cette stratégie a été assez fructueuse » et en énumère les résultats les plus saillants « d’une part, le ratio investissement/PIB a été maintenu au niveau d’environ 45% jusqu’à la fin des années 1970 et l’économie a enregistré un taux de croissance annuelle moyen de plus de 6% en termes réels, contre 3% pour les pays à revenus intermédiaires pris collectivement. La majorité des indicateurs sociaux étaient en forte hausse. En particulier le taux d’alphabétisation de l’Algérie est passé, du milieu des années 1960 au milieu des années 1980, de 25% à plus de 60%. Le taux de mortalité infantile a chuté de 150 pour 1000 à moins de 80 pour 1 000 pendant la même période ». Les Algériens accèdent massivement aux bienfaits de l’éducation, de la santé publique, du progrès social et culturel.

Depuis, entre usages et mésusages, cette image du baril s’est bien dégradée, force est de le constater. Sa physionomie actuelle porte l’empreinte des recompositions qui ont profondément affecté le statut de cette ressource épuisable et non renouvelable dans l’économie du pays. Le modèle s’est métamorphosé. Une lecture rétrospective de variables-clés tant énergétiques qu’économiques permet d’en prendre la mesure à la fois quantitative et qualitative.
Les usages du baril se révèlent être, en effet, un marqueur pertinent et significatif de la nature de ces recompositions. Comment donc ont-ils évolué ?
Deux axes d’évolution s’offrent à nous, dans cet ordre d’idées : celui qui nous renseigne sur les usages de la part exportée du baril ou plus exactement de ses recettes (environ 1 000 milliards de dollars depuis l’indépendance) et celui qui rend compte des usages de la part du baril qui est allée à la consommation interne.

En Algérie, le baril d’hydrocarbures produit est destiné dans des proportions respectives de 70% et de 30%, à l’exportation et à la consommation interne. Ce qui, en substance, correspond aux deux finalités essentielles assignées au secteur des hydrocarbures : source de financement du développement et source d’approvisionnement énergétique à long terme du marché national.

Dans cet article, nous allons nous pencher sur le premier axe d’évolution.

Les métamorphoses du baril-source de financement de l’accumulation productive

Un baril à l’exportation à rendement variable

On estime globalement que depuis l’indépendance, l’Algérie a produit 18 milliards de barils de pétrole brut (soit 2,3 milliards de tonnes), 8 milliards de barils de condensat et GPL (soit 750 millions de tonnes) et 2 700 milliards de mètres cubes de gaz naturel.
D’une manière générale, on peut dire que, durant plus de quatre décennies, le secteur hydrocarbures a joué le rôle de « machine à fabriquer de l’argent » en fournissant, durant toute la période qui nous sépare du 1er plan triennal 1967-1970, la quasi-totalité des recettes en devises de l’Etat, les deux-tiers en moyenne de ses recettes fiscales.
Si on examine le rendement global des exportations de pétrole et de gaz, exprimé à prix courants, on constate au cours des années 1990 une érosion frappante comparativement aux années 1980. On exporte plus à des coûts plus élevés pour un revenu unitaire en baisse constante.
Au cours des années 2000, ce rendement va connaître un net redressement

Légende
Période Revenu US $/TEP exportée
(en dollars courants)
2000-2010 312
1989-1999 116
1978-1988 165

Revenu moyen US $/TEP exportée

Baril-accumulation productive :
des années de l’essor à la déconnexion

Selon l’orientation prédominante donnée à l’emploi de ces ressources, on pourrait distinguer dans cette période quadri-décennale, en gros, une première phase où les hydrocarbures s’affirment comme la source de financement de l’accumulation productive, marquée par des années d’essor suivies de l’inflexion inaugurée par le bilan décennal publié par le Plan en 1980,
à laquelle a succédé une seconde phase, celle du tournant des réformes de 1988 où les ressources hydrocarbures n’ont plus pour finalité le développement mais essentiellement d’honorer les échéances de plus en plus pressantes de la dette extérieure. À l’enjeu central du développement s’est substitué celui de l’ajustement structurel choisi ou subi.
Une troisième phase, celle des années 2000, verra les ressources en hydrocarbures connaître une ère d’expansion sans précédent. Les recettes d’exportation d’hydrocarbures cumulées durant la période 2000-2008, soit 349 milliards de dollars représentent plus du triple de celles enregistrées pendant les années 1990-1999, soit 111 milliards de dollars. Ces ressources seront essentiellement consacrées aux investissements d’infrastructures (dont la composante devises dépasse 70%), à la sphère commerciale d’import-revente en l’état et au soutien de la demande via l’importation, qui mobilisent la quasi-totalité de l’enveloppe.

Les années de l’essor

La disponibilité croissante des revenus pétroliers (et gaziers) va servir à nourrir durant les plans 1967-1970,1970-1974, 1974-1978 et 1980-1984, un effort sans précédent de développement national, accéléré et affranchi des contraintes de profit. De 1969 à 1978, les investissements publics, tous secteurs confondus, avaient été multipliés par 15 et le ratio investissement/PIB avait atteint, au terme de la décennie 1970, le taux de 45%. Selon certaines évaluations, ces investissements auraient représenté environ 10 années d’exportation du pays à raison d’une moyenne de 11 milliards de dollars par an. Les montants des investissements alloués au secteur de l’industrie (y compris les hydrocarbures) ont représenté une moyenne de 60% environ pour l’ensemble de la période allant du 1er plan triennal (1967-1969) à 1979.

1980 : l’inflexion

Cet effort va connaître une première inflexion dès l’élaboration du plan 1980-1984. Décision est prise d’arrêter tous les investissements publics programmés dans la sphère productive, y compris ceux qui avaient pour objet de parachever les projets déjà réalisés. L’impératif de l’industrialisation qui dominait la stratégie de développement national est remis en cause. La part de l’industrie dans l’investissement tombe de 56% en 1980 à 24% en 1984, un recul relatif substantiel au profit des infrastructures dont la part passe de 30% en 1980 à 55% en 1984.
Après avoir connu, en 1980, des pics inespérés, le prix du baril de pétrole brut chute de 40% environ en 1986, les recettes d’exportation des hydrocarbures baissent à 7,26 milliards de dollars contre 12,72 milliards de dollars en 1985, soit un recul de près de 43% en une année. La perte enregistrée est l’équivalent de 91% des recettes de 1978. Le service de la dette extérieure s’aggrave et engloutit en 1986 deux tiers des recettes d’exportation environ. « Le desserrement de la contrainte financière extérieure » est érigé au rang de priorité des priorités.
Mais les recettes d’exportation des hydrocarbures vont recommencer à augmenter dès l’année suivante (+20%). En réalité, la « contrainte extérieure » devient un prétexte, une « argumentation ad hoc » pour justifier la poursuite du changement de cap engagé dès le début des années 1980.
Certes, en décembre 1986, la 4ème Conférence nationale de développement avait bien noté, dans sa résolution de politique industrielle, que « la révision fondamentale des objectifs et du programme industriels, parce que, du fait de la crise économique, nos paiements extérieurs ont été réduits, constituerait une erreur » et qu’« une telle stratégie ne pourrait aller que dans le sens de la stagnation et du renforcement des faiblesses actuelles de l’économie (dépendance et vulnérabilité vis-à-vis de l’extérieur) ».
Mais la cause essentielle qui prévaudra, en définitive, chez les décideurs, ce sont les « dérèglements internes » qui « mettent à nu la crise du modèle de gestion centralement administrée de l’économie » ou du « socialisme d’Etat » et conduisent à sa remise en cause.
Le montant de l’investissement global va connaître une baisse drastique de 52% entre la période 1980-1984 et la période 1985-1989 (il s’agit de l’investissement moyen de chaque période en dinars constants).
Entre le 1er et le 2e plan quinquennal, l’investissement industriel a chuté de 56,5%, la baisse dans le secteur des hydrocarbures est de 68% et dans l’industrie hors hydrocarbures de 46%. L’industrie n’est plus la priorité du développement économique et les investissements réalisés dans ce secteur, au cours de la décennie 1980, ne représentent plus que 24,5 % des investissements globaux dont 40 % environ pour les hydrocarbures.

Le tournant des années de l’ajustement structurel

À partir de 1987, l’Etat ne prend plus directement en charge les investissements productifs. Le gouvernement s’engage dans deux programmes d’ajustement appuyés par le FMI (1989 et 1991) dont la conditionnalité-reine est la libéralisation totale du commerce extérieur. Le fardeau de la dette s’aggravant, est signé en 1994 avec le FMI un accord de rééchelonnement.
Les ressources hydrocarbures ne sont plus, désormais, le moyen d’éviter le rééchelonnement mais celui d’empêcher de tomber dans la spirale sans fin des rééchelonnements.
Selon ses responsables, l’entreprise Sonatrach compte alors exporter durant la période 1995-1999 500 MTEP (millions de tonnes équivalents pétrole) soit, en cinq années, le tiers de ce qui a été exporté durant les 30 dernières années.

L’investissement dans le secteur des hydrocarbures génère, en principe, des richesses qui non seulement permettent de rembourser les dettes contractées pour les réaliser, mais aussi de financer le développement des autres secteurs de l’économie.
Mais depuis la fin des années 1980, ce n’est plus la construction de la base productive du pays ni la mobilisation de son potentiel scientifique et technique qui en profitent. L’investissement industriel a été confronté à la nouvelle donne dominée par le calcul coûts/avantages monétaires. Cette grille a ses priorités : d’abord rétablir les équilibres financiers, ensuite investir. Rentablement. C’est l’immédiateté qui est privilégiée, c’est-à-dire l’horizon de profitabilité le plus proche.
En résulte un découplage entre le rythme de croissance des secteurs de l’énergie (électricité, hydrocarbures) et le reste des secteurs industriels. Ce découplage est attesté par le foisonnement des courbes de l’indice de la production industrielle durant ces vingt dernières années (1990-2010).

C’est le grand écart. Tandis que l’indice des hydrocarbures enregistre un accroissement global de 40% environ et celui de l’énergie électrique de plus de 200%, l’indice de la production industrielle hors hydrocarbures a chuté du quart et celui des industries manufacturières de moitié.

Baril-accumulation productive : la déconnexion

La tendance lourde dans les usages du baril est illustrée par le déclin de l’investissement productif et l’explosion des importations de biens de consommation.
Les revenus pétroliers nourrissent désormais le cycle importation-revente.
Depuis l’entrée en rééchelonnement, en 1994, il est devenu beaucoup plus facile d’importer que d’investir, créer de la richesse et de l’emploi. Les marchés intérieurs de produits aussi importants que les produits alimentaires, le ciment, l’acier, les médicaments, la téléphonie ont été abandonnés indûment aux importateurs. Ceux-ci ont été les principaux bénéficiaires de la convertibilité commerciale du dinar entamée en 1990 avec l’autorisation d’ouverture des comptes devises par des personnes physiques ou morales. Moyennant des placements obligataires, elle permet d’effectuer différents types de transactions avec l’étranger.
À partir de 1991, tout détenteur de registre du commerce peut, sous réserve de domiciliation bancaire, procéder, sans autorisation préalable, à l’importation de tous types de produits de l’étranger.
On importe tout : les produits alimentaires, le blé, la farine, la semoule, le café, la viande, des automobiles, des téléphones mobiles et des équipements… En 1996 déjà, on recensait 5 532 opérateurs dans l’importation parmi lesquels : 33 dans le lait en poudre, 90 dans les céréales, semoules, farines, 147 dans le café, 21 dans le sucre, 47 dans les huiles raffinées, 115 dans le médicament, 30 dans le ciment, 13 dans le rond à béton, 77 dans le bois, 49 dans les semences, 80 dans les produits phytosanitaires. Une dizaine d’importateurs contrôlent le marché de la quincaillerie et de la câblerie, dont le chiffre d’affaires est estimé à 7 milliards de dollars, révèle le directeur général de l’Agence nationale de développement de l’investissement (ANDI).
Alors qu’au début des années 1990, on importait à peu près 7 milliards de dollars de marchandises, surtout des marchandises pour l’équipement des entreprises, la facture des importations va atteindre en deux décennies 40 milliards de dollars.
La part de la population occupée dans l’industrie a chuté de 20,1% en 1987 à 6% en 2011.

En revanche, dans la même période, la population occupée dans le commerce passe de 8,4% à 16,6%. Fin 2012, on enregistrait en Algérie 1 585 284 commerçants soit 1 commerçant pour 24 habitants contre 1 commerçant pour 37 habitants en 1992 ! En vingt ans, leur nombre a été multiplié par 2,26 pendant que l’emploi industriel qui représentait en 1987 l’équivalent de plus d’une fois et demie l’emploi dans la branche du commerce n’en constituait plus que les huit dixièmes, environ, un quart de siècle après (1).
La part de l’investissement public dans le PIB qui était de 34% avant 1986 chute de moitié entre 1986 et 1997, passant de 14,6% à 7,4%, alors que le poids des recettes d’exportation hydrocarbures dans le PIB avait, quant à lui, quasiment triplé durant la même période, se hissant de 7,5% à 21,8%.
Entre 1990 et 2007, la part de l’industrie dans l’investissement public est tombée de 7% à 0%.
Entre 2000 et 2010, l’investissement productif dans les services et l’industrie n’a pas dépassé 2% du PIB, maigre part qui est allée, en fait, dans la téléphonie et le matériel de travaux publics.
Sur les 286 milliards de dollars du plan quinquennal 2010-2014, le 3e programme d’investissements publics depuis 2001, seuls 9,3% vont au secteur industrie-énergie et 4,7% à l’agriculture.

En définitive, la rupture de cohérence des choix stratégiques nationaux survenue au début des années 1980 a entraîné une décomposition de la relation hydrocarbures-développement et une rupture de sens quant à la place et au rôle du baril dans l’économie de notre pays dont témoigne le profil « improductif » et débridé de l’évolution de la structure de la consommation interne.

A. R.

Bibliographie

Marc Ecrement, Indépendance politique et libération économique, OPU/PUG 1984, p.29

Idem ; Cf. également A. Benachenhou, L’expérience algérienne de planification, SNED, 1980, pp.3 et 4.

Algérie : stabilisation et transition à l’économie de marché, FMI, Washington, 1998, p.92.

Rapport FMI 1998

Cf. Nordine Aït Laoussine, communication à la Convention nationale sur l’énergie organisée par le FFS, Alger le 1/1/2013

Cf. Nordine Aït Laoussine, communication à la Convention nationale sur l’énergie organisée par le FFS, Alger le 1/1/2013

Synthèse du Bilan économique et social de la décennie 1967-1978, ministère de la Planification et de l’Aménagement du territoire (MPAT), mai 1980.

7 Les Cahiers de la réforme, cinq volumes, 800 pages.

De 1985 à 2005, l’Algérie a remboursé un montant cumulé de 118 milliards de dollars dont 34 milliards de dollars au titre des seuls intérêts.
Cf. L’Expression du 31/5/09
Source : ministère de l’Energie. Le ministre des Finances, A. Benachenhou, déclare même, à l’occasion de la présentation de la loi de finances 2005 : « Jamais l’Algérie n’a eu autant de possibilités pour son développement qu’aujourd’hui ». Cf. L’Authentique du 24 septembre 2004.

Mahrez Hadjseyed, Industrie algérienne, crise et ajustement, L’Harmattan (p23).

Cf. Mohammed Liassine : De l’indépendance aux années quatre-vingts : les stratégies de développement de l’Algérie, in problèmes économiques n°2844 du 18 février 2004, pp.24 à 32. (Article extrait de Les stratégies de développement de l’Algérie, in informations et commentaires n°124, juillet-septembre 2003).

Source : Banque d’Algérie : principaux indicateurs économiques et financiers.

Ghazi Hidouci, alors ministre des Finances du gouvernement Hamrouche juge qu’« en 1986, c’est une bonne chose pour ce pays que le prix du pétrole ait alors baissé. La bureaucratie n’avait plus alors les moyens d’imposer ses vues, elle était dans l’obligation d’accepter les réformes ».

Intervention au
Club de la presse de l’hebdomadaire Révolution Africaine n°1369, semaine du 24 au 30 mai 1990.

Sous le titre « Genèse, crise et reconversion des espaces industriels en Méditerranée », un article paru sous la signature de A. F. Brunet, A. Clerval, C. Queva et G. Vergnaud dans la revue Tiers Monde, met en exergue le cas du développement industriel de l’Algérie en soulignant que « c’est le caractère devenu structurel de la dépendance financière et technique, vis-à vis des Etats-Unis, du Japon ou encore des pays de l’Europe occidentale qui a joué pour interrompre (ce) développement ».

Mahrez Hadjseyed, Industrie algérienne, crise et ajustement, L’Harmattan (p23)Source : DG des Douanes.

Mahrez Hadjseyed, Industrie algérienne, crise et ajustement, L’Harmattan (p23)

Source ONS.

Mahrez Hadjseyed, Industrie algérienne, crise et ajustement, L’Harmattan.

Cf. El Watan économie du 2/5/11.

Sources : Le Soir d’Algérie

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La chronique de Maurice Tarik Maschino :

UNE FATIGUE CHRONIQUE

le 10.07.14

Individualisme, mépris des valeurs traditionnelles, absence de civisme..., bien d’anciens critiquent le comportement des jeunes, sans se rendre compte que la société, entre-temps, a radicalement changé. Comme le rappelle un philosophe allemand d’origine coréenne, Byung-Chul Han, dans un court et brillant essai, La société de la fatigue(1), le capitalisme a transformé ses méthodes d’exploitation et réussi à faire croire à un grand nombre de ses esclaves qu’ils avaient recouvré leur liberté.

« Composée d’hôpitaux, d’asiles, de prisons, de casernes et d’usines », la société d’hier, rappelle B.-C. Han, était une société de discipline. Où chacun était obligé d’obéir aux maîtres, père, patron, représentants de Dieu et de l’Etat, qui tous lui rappelaient constamment ses devoirs : « Tu dois ! » Refoulement, peur de pécher, honte, structuraient la vie psychique des individus que seul gratifiait le sentiment du devoir accompli. Les échecs étaient nombreux, la société de discipline était une fabrique de névrosés et ceux qui ne l’étaient pas, n’en présentaient pas moins, très souvent, des caractéristiques névrotiques – inhibitions, obsessions, actes manqués, rigidité caractérielle…

Encore prédominante, même si la modernité l’ébranle, dans les pays où sévit le système patriarcal, la société de discipline a fait place, dans les pays industriels, à ce que B.-C. Han appelle la société de la performance. C’est « une société des salles de fitness, des tours de bureaux, des banques, des aéroports, des centres commerciaux et des laboratoires de génétique ». Elle a « démonté massivement les barrières et les interdits qui formaient la société de discipline ». Chacun est, en apparence, son propre maître et doit faire preuve de sa capacité à se dépasser, à faire plus et mieux.

Les individus ne sont plus des sujets obéissants, mais des sujets performants.« Entrepreneurs d’eux-mêmes », ils se croient libres, alors qu’ils subissent une contrainte encore plus forte qu’auparavant : ils ont intériorisé celle d’hier et sont, eux-mêmes, le contremaître, le chef de bureau ou le patron qu’ils subissaient auparavant. Suprême astuce de la société capitaliste : les exploités sont devenus leurs propres exploiteurs, ils ont repris à leur compte les exigences de leurs maîtres et, comble de l’aliénation, ils se croient libres quand ils sont encore plus soumis qu’autrefois. Où qu’ils soient : stade, bureau, usine, école..., ils s’obligent à dépasser les normes, travailler mieux, produire davantage. Chacun est en concurrence avec lui-même : « La société de la performance, écrit B.-C. Han, est une société de l’auto-exploitation ».

La vie psychique s’en trouve profondément modifiée. Exposé à un excès de stimulations et d’informations, l’individu n’est plus capable d’une attention soutenue et approfondie. Obligé d’intégrer très vite des données multiples et complexes, il se disperse, son attention se fixe rapidement sur un objet et passe à un autre. Il « zappe » continuellement et se révèle incapable de cette « attention profonde et contemplative, à laquelle nous devons les productions culturelles de l’humanité, et notamment de la philosophie ». Cette difficulté à se concentrer se manifeste très tôt : les enseignants déplorent l’incapacité des élèves à se fixer longuement sur une question ou à développer un raisonnement. Vide de toute forme de spiritualité, car la vie spirituelle implique qu’on ne se presse pas et, même, qu’on s’ennuie, de cet ennui fécond où s’élaborent à notre insu une pensée nouvelle, des images, une musique, la société de la performance qui isole chacun dans son obsession productiviste, ne permet pas la formation de liens sociaux enrichissants. Il faut du temps pour se connaître et personne n’a jamais le temps.

Les échanges restent superficiels, tout le monde il est gentil, se fait la bise et c’est super ! Privé de gratification, l’individu performant cherche dans les réseaux sociaux, tel Facebook, les « contacts » qu’il ne trouve pas dans sa vie quotidienne. Sans caractère affirmé, puisque le caractère d’un individu est le produit des refoulements qu’il a subis et qu’il n’y a plus de refoulement, cet individu, informe et flexible, à la subjectivité très pauvre, est assurément d’une haute efficacité économique, mais d’une très pauvre humanité. Il n’a pas d’états d’âme, il n’éprouve plus de passion, il ne connaît, tout au plus, que le plaisir — le mot revient constamment dans les conversations —, et il ne se met même plus en colère.

Car « la colère, estime B.-C. Han, remet le présent complètement en question » et permet de le modifier. Aujourd’hui, « elle s’efface de plus en plus au profit de la contrariété ou de l’énervement, qui ne peuvent pas générer de changement radical ». Toujours à la bourre, l’homme performant est constamment fatigué, d’une fatigue qui l’éloigne des autres et le rend souvent dépressif. La dépression est une maladie caractéristique d’une société dont les membres, toujours incités à faire mieux, se sentent rarement à la hauteur.

D’où l’addiction d’un nombre croissant d’individus à l’alcool, à des médicaments euphorisants, aux drogues et, comme pour se prouver qu’ils sont encore des hommes, le passage à des actes fous : courses de vitesse en pleine ville ou sur autoroutes, acrobaties sur une moto, tirs à vue sur des passants, violences dans les couples, vols d’enfants et autres aberrations d’une société qui perd, de plus en plus, toute humanité.

Maurice Tarik Maschino
Sources El Watan

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L’APPEL DE DÉTRESSE DES MOZABITES


Publié par Saoudi Abdelaziz
10 Juillet 2014

"Aidez-nous à asseoir la paix juste, pour tous, et isoler tous ceux qui la sabordent, où qu’ils se trouvent".

Ils prennent à témoin le peuple algérien dans une lettre ouverte

Les Mozabites accusent

Par Hafida Ameyar, 10 juillet 2014

"Peuple d’Algérie : le M’zab aspire profondément à la paix. S’il y a lieu de choisir, la sagesse populaire nous indique de choisir la misère et non la fitna. Aidez-nous à asseoir la paix juste, pour tous, et isoler tous ceux qui la sabordent, où qu’ils se trouvent".

Encore un appel de détresse, mais lancé cette fois à tout le peuple algérien par le Comité de coordination et de suivi de la crise sécuritaire (CCS) de cette région du Sud algérien.
Dans une lettre ouverte publiée dans la presse et intitulée “Peuple algérien : où va le M’zab ?”, ce collectif informe que la situation est très grave dans la vallée du M’zab.

Depuis novembre 2013 à ce jour, cette région “a vécu et vit dans l’horreur et la terreur, le sang et la mort, la désolation et la furie meurtrière”, déclare-t-il, en observant que les violences ont enregistré un nouveau pic et se sont davantage intensifiées depuis la dernière visite à Ghardaïa du Premier ministre, Abdelmalek Sellal.

Le CCS fait état de “raids collectifs menés par des bandits bédouins mercenaires” sur les quartiers, les personnes et les biens des Algériens mozabites, d’“attaques assassines surprises par jets de pierres et autres armes blanches”, causant des “dégâts matériels et corporels graves à des centaines de personnes”, selon lui. Le comité révèle, en outre, que le 29 juin dernier, premier jour de Ramadhan, un lycéen a été “lynché”. Face à ces dépassements, les forces de sécurité, présentes en grand nombre depuis plusieurs mois sur les lieux, auraient fait montre d’une “passivité douteuse”.

Pour le comité de coordination et de suivi, la région du M’zab est bel et bien otage de “l’ordre de la jahilia”, puisque des Algériens, Mozabites, ibadites et kharidjites, sont “torturés” et “massacrés” par d’autres Algériens, pour leurs différences. Après “l’assassinat et le meurtre”, la communauté mozabite, souligne-t-il, fait face à des actes de vandalisme et à “une furie incendiaire” sans précédent. Tout est fait pour semer la “terreur”, instaurer “l’exclusion et la séparation ethnique”. Mais, le plus intrigant et le plus inquiétant pour le CSS, c’est “comment et pourquoi la communauté mozabite a dû subir seule, durant de très longs mois, cet acharnement génocidaire”. Le comité insiste sur l’existence d’un problème communautaire, dans cette région du pays, en dénonçant “ces clans” qui sèment la zizanie et sont à l’origine des “dérives”. “Si l’Algérie tout entière a subi le terrorisme intégriste (…) pour l’agenouiller, l’effrayer et ensuite exploiter à dessein sa peur, le M’zab, puisque immunisé contre l’intégrisme terroriste, devra par conséquent, et en plus, subir le terrorisme communautaire”, indique le CSS. Imputant la responsabilité de cette situation à ces “clans du système” et leurs complices (“certains cercles étroits mais influents de la tribu des Chaambas” et des opportunistes), il soutient qu’ils “ont pris en otage leur communauté, exacerbant les véritables frustrations de leur jeunesse, désignant le Mozabite voisin comme cible et point de fixation”.

Le comité regrette en outre les interventions “inappropriées et tardives” des forces de sécurité, leur “partialité flagrante” et l’ambiance d’impunité qui dure depuis décembre dernier. Comme il dénonce le “mensonge, la calomnie, la désinformation (le rôle d’une certaine presse a été déterminant dans la confusion et les amalgames)”.

Pour le CSS, la fin de ce climat de terreur est “entre les mains des décideurs manipulateurs”, car, le problème au M’zab réside en réalité dans “l’exploitation éhontée et cynique par les décideurs des clans incriminés du système politique”. Aussi, lance-t-il “un SOS solennel au peuple d’Algérie pour (…) que le droit de vivre en paix soit immédiatement appliqué dans sa vallée millénaire” et appelle à un “vrai débat” sur les “droits et devoirs” des parties en conflit. “La force de l’état réside dans le strict respect de la loi, la légalité constitutionnelle et l’ordre républicain. La force de l’état est incompatible avec les positions de neutralité coupable, d’arbitrage trompeur, d’hésitation complice ou de laisser-faire assassin”, témoigne le comité de coordination et de suivi de la crise sécuritaire.

Source : Liberté.com

repris sur le blog algerieinfos-saoudi

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AL-FARABI, DE LA PENSÉE MORALE A LA PENSÉE POLITIQUE

Héritier d’une tradition philosophique qui réfléchit aux conditions morales d’une âme saine, Fârâbî sera le premier à opérer une transition de cette pensée morale à une pensée politique.
Prédécesseur d’Ibn Rushd (Averroès) et d’Ibn Sina (Avicenne), il aura une influence considérable sur leurs pensées respectives.
De même, ses écrits nourriront les réflexions bien plus tardives d’Ibn Khaldûn, qui est perçu comme l’un des ancêtres lointains de la sociologie.

La pensée de la politique présente chez Fârâbî est en effet une pensée de la vie collective et de la communauté. Ses écrits moraux sont indissociables de ses écrits politiques dans la mesure où il envisage l’homme comme un être à la fois moral et politique.

Al-Fârâbî est mort en 950 !

Un précurseur ?

Michel Peyret


PREMIÈRE PARTIE :
AL-FÂRÂBÎ (1) :

LES FONDEMENTS D’UNE PHILOSOPHIE POLITIQUE

Par Inès Aït Mokhtar
publié le 18/12/2013

Al-Fârâbî nait en 872 et meurt à Damas, en 950. Il est l’une des grandes figures de la philosophie médiévale, et a été surnommé le « Second maître » par Ibn Rushd (Averroès), le premier n’étant autre qu’Aristote.

Ceci suffit à témoigner de l’importance qu’il revêt pour la tradition.

L’originalité de sa philosophie tient en très grande partie à l’effort qu’il a manifesté pour introduire le politique et la vie collective dans la pensée philosophique.

Al-Fârâbî et l’héritage éthique

Les deux grands prédécesseurs d’Al-Fârâbî sont Al-Kindî et Al-Râzî, dont les réflexions éthiques demeurent assez éloignées des considérations politiques.

  • Al-Kindî, ainsi, s’attache à commenter l’œuvre d’Aristote, qu’il présente comme dépendant en très grande partie du savoir métaphysique, dont on ignore s’il est accessible aux êtres humains. La seule science qui peut donner une connaissance de ce savoir est en fait une science divine, inaccessible aux être humains, et dépourvue de contenu pratique. En effet, la réflexion d’Al-Kindî vise à nous apporter des moyens de minimiser notre tristesse et notre chagrin, mais elle ne constitue pas du tout une réflexion politique qui dépasserait le niveau individuel.
  • Al-Râzî aura une position légèrement différente en ce que la philosophie consiste selon lui en deux choses essentielles : le savoir et la pratique. Quiconque échoue dans l’un de ces deux domaines ne pourra pas être appelé « philosophe ».
    Toutefois, il établit une hiérarchie entre le savoir et la pratique, dans la mesure où la pratique reste subordonnée au savoir, spécialement lorsqu’elle est pratique politique.

Al-Fârâbî procédera donc à un mouvement original qui prend le contrepied de ces deux grandes figures puisqu’il fait du politique l’un des points cardinaux de sa pensée.

Al-Fârâbî, commentateur de Platon et d’Aristote

Si Fârâbî a lu et commenté Aristote, comme de nombreux penseurs arabes de l’âge médiéval, c’est surtout à Platon qu’il a consacré la plus grande partie de son œuvre de commentateur. Ainsi, la philosophie politique platonicienne aura une importance fondamentale dans la constitution de sa pensée propre.

De la République, et de l’œuvre platonicienne en générale, Fârâbî retiendra avant tout la figure de Socrate, qui sera un modèle permanent de son œuvre. Pour comprendre l’attitude de Fârâbî à l’égard de Platon et d’Aristote, il faut se pencher sur un ouvrage qui a été publié sous le titre « Fusûl Muntaza‘a » , que l’on peut traduire par Aphorismes choisis. Ce dernier se présente comme un ouvrage sur les cités et le meilleur moyen pour les gouverner, ainsi que sur l’influence des Grecs anciens sur la pensée de ces moyens.

Le fondateur de la philosophie politique
dans la tradition islamique médiévale

Bien après sa mort, au XIVe siècle, on trouve de nombreuses références à l’œuvre de Fârâbî dans un autre grand écrit politique, la « Muqaddima » d’Ibn Khaldûn.
Ce dernier entend explicitement s’introduire dans la continuité de l’œuvre de Fârâbî, en employant le terme siyâsa, signifiant « régime ».
Le grand livre de Fârâbî s’intitule ainsi « Kitâb al-siyâsa al-madaniyya, » ou « Le livre du régime politique. »

Dans ses Aphorismes choisis, nous pouvons trouver une comparaison entre la santé de l’âme et la santé du corps. Il y définit l’une et l’autre avant de poser la primauté de la santé de l’âme. Il établit un lien indissoluble entre l’âme et la vertu. Surtout, il s’engage dans une étude détaillée de l’âme, et est conduit, à partir de celle-ci, à s’intéresser au politique.
En effet, l’un de ses objets d’étude fondamentaux est la structure des régimes politiques, dans l’exacte mesure où il convient de trouver un régime politique organisé de telle sorte qu’il permette à l’âme de chacun d’atteindre la perfection.
Fârâbî demeure largement silencieux sur la prophétie, et n’évoque que très peu le « prophète » ou le « législateur ».
De même, le mot « philosophie », bien que présent, ne revient pas très fréquemment dans ses aphorismes.

À l’inverse, il parle constamment de l’homme d’Etat (madanî) ou du roi.
Fârâbî entend donc faire appel aux anciens afin de déterminer l’ordre politique qui permettra l’accomplissement du bonheur humain.
L’individu qui parviendra à comprendre comment une communauté politique doit être organisée pour favoriser ce bonheur fera pour les citoyens ce qu’un médecin fait pour des malades.
Toutefois, ce dernier, qui sera homme d’Etat ou roi, doit connaître l’âme humaine aussi bien que la vie politique.

Âme et politique

Ainsi, selon Fârâbî, le meilleur régime politique est celui dans lequel les âmes de ses habitants sont aussi saines que possible. L’homme d’Etat est ainsi compris comme un guérisseur, qui apportera aux âmes malades leur guérison.

C’est la raison pour laquelle les traités politiques de Fârâbî accordent en général une très grande part à la question de l’âme humaine. Chaque passage qui concerne l’âme humaine est suivi de passages plus directement politiques, qui visent à tirer les conséquences des résultats établis par l’étude de l’âme, sur le régime et son gouvernement.

Bien souvent, les développements de Fârâbî sur l’âme sont précédés de longues comparaisons entre l’âme et le corps, ainsi qu’entre l’âme et le corps politique.

Au début de ses Aphorismes choisis, Fârâbî ne se contente pas de comparer le corps et l’âme, mais il va plus loin en définissant ce qui constitue selon lui la santé et la maladie de l’un et de l’autre.

  • Ainsi, la santé de l’âme consiste en ce qu’elle est telle qu’elle peut toujours choisir de faire ce qui est bien et de mener des actions nobles.
  • À l’inverse, la maladie de l’âme consiste en ce que celle-ci n’est capable que d’actions mauvaises.

Ainsi, nous voyons se dessiner les fondements moraux de la pensée de Fârâbî, puisque celui-ci définit la santé et la maladie de l’âme d’un point de vue avant tout moral.
Il est frappant de voir que la santé et la maladie du corps sont définies dans les mêmes termes, à une exception près, de taille : le corps ne peut rien faire s’il n’a pas été activé par l’âme.
Ainsi, nous retrouvons la primauté de l’âme sur le corps, héritée d’al-Râzî.

Le passage du niveau individuel au niveau collectif

La comparaison qu’établit Fârâbî entre le médecin et l’homme d’Etat va lui permettre de dépasser le niveau individuel.
Il définit la santé du corps comme « l’équilibre de son tempérament », distincte de la santé de la cité, définie comme « l’équilibre des mœurs de son peuple ».
Alors que le médecin s’occupe des individus, l’homme d’Etat est concerné par un peuple, non pas en tant qu’il est une somme d’individus, mais précisément en tant qu’il est une totalité.

Lorsqu’il s’intéresse à la santé de la cité, Fârâbî se détourne volontairement de l’étude de l’âme individuelle.
Il souligne à plusieurs reprises la plus grande importance que revêt à ses yeux l’art de l’homme d’Etat, par rapport à l’art du médecin. C’est bien l’homme d’Etat qui détermine en dernier ressort les fonctions du corps sain qui aura été soigné par le médecin. C’est lui qui prescrit aux citoyens en bonne santé physique et morale leurs actions.

En plus de ces différences de fonctions, qui permettent à Fârâbî d’accorder à l’homme d’Etat (et donc au niveau collectif) la primauté, c’est une considération morale qui différencie ce dernier du médecin. La tâche du médecin est de soigner, sans demander dans quelle direction la santé retrouvée sera employée. À l’inverse, la tâche principale de l’homme d’Etat sera de réfléchir aux bénéfices civiques et collectifs de cette santé.

Cette façon qu’a Fârâbî d’accorder la primauté à l’aspect politique de l’existence est également un moyen pour lui de subordonner la part morale de l’âme à sa part intellectuelle. En effet, l’homme d’Etat qui légifère le fera au moyen de ses facultés intellectuelles.

Héritier d’une tradition philosophique qui réfléchit aux conditions morales d’une âme saine, Fârâbî sera le premier à opérer une transition de cette pensée morale à une pensée politique.
Prédécesseur d’Ibn Rushd (Averroès) et d’Ibn Sina (Avicenne), il aura une influence considérable sur leurs pensées respectives. De même, ses écrits nourriront les réflexions bien plus tardives d’Ibn Khaldûn, qui est perçu comme l’un des ancêtres lointains de la sociologie.
La pensée de la politique présente chez Fârâbî est en effet une pensée de la vie collective et de la communauté.
Ses écrits moraux sont indissociables de ses écrits politiques dans la mesure où il envisage l’homme comme un être à la fois moral et politique.

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DEUXIEME PARTIE :

Al-Fârâbî (2) :
Faire renaître la philosophie

Bibliographie

  • Charles E. Butterworth, « Ethical and political philosophy », in. The Cambridge Companion to arabic philosophy, Cambridge University Press, 2005.
  • Christian Jambet, Qu’est-ce que la philosophie islamique ? Paris, Gallimard, 2011.

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