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DAVID HARVEY, LES CRISES DU CAPITALISME ET LE "RETOUR" DE MARX

jeudi 22 août 2013

David Harvey : le retour du marxisme

Il y a un paradoxe David Harvey, qui nous renseigne à la fois sur l’œuvre de Harvey, et sur la situation de la critique théorique et politique contemporaine [1]. David Harvey est à l’heure actuelle l’un des théoriciens critiques – il est géographe à l’origine – les plus connus. Ses ouvrages sont traduits en de multiples langues, ses théories sont discutées aux quatre coins du monde, outre la géographie, l’influence de ses travaux s’est fait ressentir dans de nombreuses disciplines, comme la sociologie urbaine, l’histoire sociale, ou encore l’économie politique.

Pourtant, Harvey appartient à un courant aujourd’hui minoritaire dans les pensées critiques contemporaines, à savoir le marxisme. Après son premier ouvrage consacré à l’épistémologie de la géographie ( “Explanation in Geography” , 1969), dans lequel il défend une perspective « positiviste », Harvey n’a cessé d’affirmer sa volonté de poursuivre en l’actualisant la « critique de l’économie politique » de Marx. En témoigne de la manière la plus éclatante l’imposant livre intitulé “Limits to Capital” , paru en 1982 (non traduit en français).
On peut d’ailleurs remarquer au passage que Harvey dialogue pour l’essentiel dans son œuvre avec Marx lui-même, avec le Friedrich Engels de “La situation de la classe laborieuse en Angleterre”, mais non avec la tradition marxiste qui a suivi. Lénine, Gramsci, Boukharine, Trotski... sont relativement peu présents dans son œuvre.
À cet égard, la référence à Rosa Luxembourg et à sa conception de l’accumulation du capital dans “Le nouvel impérialisme” (2003), lorsque Harvey élabore sa théorie de l’« accumulation par dépossession », fait figure d’exception.

Le constat dont on peut partir est donc le suivant : l’un des penseurs critiques les plus discutés et célébrés à l’heure actuelle appartient à un courant minoritaire des pensées critiques contemporaines. Comment comprendre ce fait ?

…extraits/…

"...Alors, comment expliquer que dans un contexte dominé par ce syncrétisme poststructuraliste, l’œuvre de Harvey compte malgré tout parmi l’une des plus reconnues et débattues ? Comment comprendre qu’une œuvre si éloignée de ce syncrétisme ait autant circulé ?

On peut formuler deux hypothèses à ce propos.

  • La première est que, tout en ancrant fermement son travail dans le sillage de Marx, Harvey s’est aventuré sur le terrain de problématiques typiquement poststructuralistes ou « postmodernes ».
    C’est particulièrement le cas dans l’un de ses livres les plus importants, “The Condition of Postmodernity” (1990, non traduit). À la lecture de ce livre, on est frappé à la fois par la proximité thématique avec d’autres théories de la postmodernité (celle de Jean-François Lyotard par exemple), mais aussi par le fait que Harvey ne laisse pas ces problématiques intactes, il les reconfigure de sorte à les adapter à ses options théoriques marxistes.
    L’idée de « compressions spatio-temporelles » (« space-time compressions ») qu’il élabore cherche ainsi à saisir certains des traits essentiels de la culture postmoderne.
    Harvey ne manque cependant pas de mettre ces traits en rapport avec une caractéristique fondamentale du système productif capitaliste, à savoir l’accélération constante de la « vitesse de circulation des marchandises » (l’expression est de Marx) qu’il nécessite.
  • Une seconde hypothèse est que l’attrait pour les travaux de Harvey préfigure une évolution à venir dans les pensées critiques, qui est le retour au marxisme.
    Quels que soient les mérites de Foucault, Deleuze, Derrida, et de leurs héritiers poststructuralistes contemporaines, la faiblesse de ces auteurs se trouve dans le fait qu’ils ne disent rien, ou pas grand-chose, sur le capitalisme comme tel. Plus précisément, ils ne disent rien ou pas grand-chose sur une caractéristique du capitalisme qui nous concerne au premier chef, qui est sa propension récurrente à traverser de violentes crises.
    Depuis la crise des subprimes de 2007-2008, nous sommes entrés dans une crise profonde du système, qui est la manifestation d’une crise larvée de longue durée apparue dans les années 1970, et dont on peut dire que le néolibéralisme a été une tentative infructueuse de la résoudre.
    La crise financière s’est transmise dans un premier temps à l’économie dite « réelle », et cette crise économique est elle-même en passe aujourd’hui de contaminer le champ politique dans son ensemble, comme on le constate par exemple avec la crise européenne.
    Nous sommes clairement entrés dans ce que Gramsci aurait appelé une « crise organique » , ou « crise de l’État dans son ensemble ».

Or Harvey n’a justement cessé, depuis les années 1970, avec d’autres marxistes contemporains, de s’interroger sur les crises du capitalisme.
Son concept de « spatial fix » , développé notamment dans “Spaces of Capital” (2001) n’est autre qu’une façon d’essayer de comprendre comment le capitalisme dépasse provisoirement ses crises.
Le capitalisme, dit Harvey, ne peut jamais véritablement résoudre ses crises. Il peut seulement les déplacer dans l’espace, en relançant l’accumulation du capital dans des régions où les rapports capitalistes sont encore à l’état embryonnaire – jusqu’à l’arrivée de la prochaine crise.
On serait d’ailleurs tenté de demander à Harvey ce qu’il pense de la crise de ce « spatial fix » très particulier – parce qu’il s’accompagne d’une construction politique historiquement inédite – qu’est la crise de l’Union Européenne.

Quoi qu’il en soit, que l’œuvre de Harvey renferme une théorie des crises sophistiquée est ce qui la rend plus actuelle que jamais, et on peut faire l’hypothèse que les débats qui l’entourent iront en s’approfondissant dans les années qui viennent, à mesure que s’approfondira la crise du capitalisme...."

pour lire l’article en entier cliquer sur le lien (…)



Voir en ligne : http://alainindependant.canalblog.c...


[1Ce texte est la version écrite de l’introduction à une conférence de David Harvey à l’université de Nanterre organisée le 21 novembre 2011 par la revue “Justice sociale/Social Justice” et le pôle interdisciplinaire sur la ville de cette université.

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