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À L’APPROCHE DU 24 FÉVRIER

UN DÉBAT NÉCESSAIRE AUTOUR DU THÈME DE L’INDUSTRIALISATION BRISÉE DEPUIS LES ANNÉES 80

SIDÉRURGIE D’EL HADJAR - SONATRACH

samedi 16 février 2013

Pour alimenter ce débat autour d’un thème capital, Socialgerie indiquera les liens qu’il a consacrés dans le passé à cette question, ainsi que les nouveaux échos et avis qui lui parviendront.


“L’ ALGÉRIE ET L’INDUSTRIALISATION BRISÉE DEPUIS LES ANNÉES 80”
quelques uns des liens disponibles sur socialgerie
autour du débat sur ce thème
Lire brève 645 ;


SONATRACH : À L’APPROCHE DU 24 FÉVRIER - KHADDAMINE.com présente une - PLATE FORME SOCIALE ET DE REDRESSEMENT NATIONAL... - par Kamel Daoud - Le Quotidie d’Oran du 16 février 2013 ;


LE "PEUPLE MORT", LAKHSMI MITTAL ET ABED CHAREF - par Saoudi Abdelaziz - le 14 février 2013 ;


L’ ALGÉRIE NATIONALISE TOUT, Y COMPRIS LES PROBLÈMES - Abed Charef - 13 Février 2013 ;


SONATRACH : À L’APPROCHE DU 24 FÉVRIER
KHADDAMINE.com
présente une

PLATE FORME SOCIALE ET DE REDRESSEMENT NATIONAL...

par Kamel Daoud
Le Quotidie d’Oran
le 16 février 2013

repris sur algérieinfos
le 16 février 2013
Kamal Daoud, avec les travailleurs de Sonatrach

L’effet Khellil. L’effet Meziane. L’effet Belmokhtar. L’effet In Aménas. L’effet départs massifs. Sonatrach va mal : on le sait par sa réputation internationale mise à mal par ses rumeurs de couloirs, la grogne de ses travailleurs et la colère des chômeurs qui l’entourent et l’assiègent. Pour ce prochain 24 février, certains demandent sa « renationalisation », d’autres annoncent une grève.

Rencontre dans un café discret d’Oran, dans les nouvelles cités-pétrole de la décennie. Deux cadres de l’un des GNL d’Arzew. Il fallait être discret car Sonatrach est une mère qui n’aime pas l’inquisition des journalistes : le budget de la Com’ y est énorme, mais reste cantonné à la culture du publi-reportage et de la revue de groupe. Pour faire part de leurs doléances et de leur monde fermé, les travailleurs de la société mère de l’Algérie et de son pain, usent soit de leurs contacts avec les journaux, soit d’Internet. Le site Khaddamine.com y a désormais le poids d’une véritable plate-forme sociale où on peut lire ce que pensent les travailleurs du sud, ce qui se passe dans ces zones off-shore en plein désert, ce qui se décide et ce qui s’y fait. Le net va là où la presse ne peut pas aller sans escortes, autorisations, contacts et permis. D’ailleurs, c’est sur le net qu’on peut lire le communiqué des délégués des travailleurs du sud annonçant une grève pour le 24 du mois prochain. Les causes ? On y reviendra.

L’effet Belmokhtar. Dans le café, l’un des cadres qui prépare sa retraite, la cinquantaine entamée, nous explique : « cela dure depuis fin janvier : c’est le calvaire pour aller travailler ». La raison ? Benmokhtar : son groupe a été décimé à In Aménas, mais l’effet papillon est lourd sur le nord : les mesures de sécurité y ont été poussées aux formules strictes d’un état de siège militaire. Fouilles aux corps des dizaines de milliers des travailleurs des pôles d’Arzew, interdiction d’user des véhicules particuliers, mise à l’écart des sociétés de gardiennage et de sécurité. « Et lorsqu’on compte plus de 30.000 employés, cela donne des heures de retards et un embouteillage monstre ». Les travailleurs seront d’ailleurs surpris par les nouvelles mesures « car nous n’avons même pas été informés : le jour J, je suis arrivé avec ma voiture et je me suis vu signifier l’interdiction d’entrer. Je suis revenu chez moi » nous dit Larbi (prénom imaginaire). Lui comme les milliers d’autres. À Arzew, ils sont autant employés de Sonatrach qu’employés des sociétés de sous-traitance qui y assurent chantiers et services. « On doit désormais prendre le bus à partir de chez nous, debout et écrasés les uns contre les autres, descendre au poste de contrôle, y être fouillé puis remonter de l’autre côté du poste. Le problème est que le parc de transport de Sonatrach est insuffisant pour assurer une telle opération et la navette est devenue un calvaire journalier. Quant aux travailleurs sous-traitants dans la zone de GNL3, ils doivent faire les kilomètres à pied ».

Les premières semaines se concluront d’ailleurs par un taux d’absentéisme record et des sit-in de travailleurs en colère. Ceux titulaires et ceux assimilés. « Par la suite, les privés ont été autorisés à entrer selon leurs moyens et convenances et nous non » nous dit Ahmed, le cadre sur le point de partir en retraite. « On doit faire presque un kilomètres à pied entre le poste de contrôle et le poste de travail parce que nos voitures sont désormais interdites ». Le sujet est d’ailleurs traité sous l’écran de l’émotion « ce ne sont pas nous qui allons faire exploser notre gagne-pain. On nous impose ce que nous n’avons même pas subi durant la décennie 90 » après la prise d’otage d’in Aménas.
Depuis le 26 janvier dernier, les grèves se suivent à l’entrée des GNL d’Arzew et Sonatrach ne semble pas avoir trouvé la bonne formule entre impératif sécuritaire et obligation de gestion de son personnel et de ses accès. « La direction nous avoue que cela la dépasse et que ce n’est pas elle qui commande » nous affirme Ahmed. Sur place, l’autorité est actuellement dévolue à la police et aux militaires : les anciens agents de sécurité et leurs sociétés sont mis à l’écart. « En attenant ». « L’effet In Aménas est donc là : sous l’impératif sécuritaire, « on cherche à oublier nos revendications. Nous, nous allons profiter de cette conjoncture pour faire entendre notre voix. C’est l’occasion ou jamais » nous affirment nos deux interlocuteurs.

L’effet Khellil. « Que va devenir Sonatrach ? Khellil nous a laissé un goût amer après son mandat » nous dira un jour un autre cadre de GLN à Arzew. À tort ou à raison, l’ex-ministre semble avoir laissé le souvenir d’une oligarchie régionaliste et d’une véritable maffia familiale dans les esprits. Le scepticisme sera réactivé avec les récentes révélations de journaux italiens et que la presse algérienne reprend, sur les pots-de-vin sur les gros contrats stratégiques et qui voient revenir le nom de l’ex-ministre de l’énergie et de ses intermédiaires favoris. Le monde discret de la méga-entreprise grouille d’anecdotes sur le mandat de l’ex-golden-old-boy devenu Vip international puis Khalifagate en puissance. « Pour le moment, ce qui nous importe ce sont nos salaires et nos carrières » corrige un peu Larbi. « À chaque fois que nos délégués concluent un accord sur nos vieilles revendications, un PDG s’en va et le suivant met l’accord en veilleuse. De Meziane à l’actuel, on n’a eu que des miettes. Dommage que vous ne pouvez pas venir voir dans quelles conditions on travaille. Voir nos salles d’opérations avec des sièges rafistolés au fil de fer et voir le personnel que l’on habille comme des clowns quand il y a des délégations étrangères ». Les rumeurs sur un faux-vrai départ de Abd El Hamid Zerguine, ces deux dernières semaines, auront un lourd impact sur les esprits. « On ne croit même plus au démenti de l’intéressé car on sait comment cela se passe. Maintenant, il faut penser à l’avenir » nous murmure Ahmed penché sur son thé. La formule : « celle de la retraite ». Les départs en retraite sont désormais massifs dans cette entreprise. Fausse retraite cependant : le retraité quitte Sonatrach « et se fait recruter juste à côté, par une société étrangère installée en Algérie, qui travaille dans la même zone et pour un salaire double ou triple ». Les « étrangers » pompent en effet à la louche dans la ressource humaine de Sonatrach depuis une décennie : les Qataris en tête de liste mais aussi les Français et les autres British. « Je fais le même travail qu’un Philippin et il gagne le triple de mon salaire » lance Ahmed presque en colère. « Je dois penser à moi-même puisque personne ne le fait ».

Et cette saignée ne semble pas inquiéter les états-majors du groupe : la coupure de communication et de relation est nette entre les travailleurs, un syndicat « unique », l’UGTA, absolument décrédibilisé et les états-majors paralysés par les successions de dossiers, enquêtes et rumeurs. « Personne n’ose acheter un stylo à Sonatrach : tout doit remonter vers Alger et les gens d’Alger tremblent dans leurs pantalons depuis des mois. Personne ne veut prendre la responsabilité ni la décision » nous confirment nos sources. L’effet des enquêtes paralyse la société depuis la chute de Khellil et de l’ex-PDG Mezaine et des siens. Un chiffre qui fait le buzz sur le net : la production du secteur des hydrocarbures qui enregistre, « une croissance négative depuis 7 ans » et qui « aurait même reculé de 20% depuis 2005 ». Et c’est l’ex-ministre des Finances, Abd El Latif Benachenhou qui l’aurait affirmé récemment à Alger.

Khaddamine de Sonatrach. Il n’y pas que les chômeurs du Sud qui demandent la « renationalisation » de Sonatrach, perçue comme une société privée sous emprise d’une gestion contrôlée par certains. Il y a aussi les travailleurs.
Le mot khaddamine, dans la culture algérienne, a charge de « peine à vivre », un soupçon d’exploités néocoloniaux, une aura de prolétaires face à des exploitants mauvais. C’est peut-être ainsi que les travailleurs de cette société se voient.
Le site Khaddamine est donc une véritable mine d’or pour ceux qui veulent un peu s’intéresser à l’univers Sonatrach, ses forums, ses primes, ses attentes et ses rémunérations et ses débats.
C’est ici qu’on peut lire la nouvelle plateforme de revendications annonçant la grève du prochain 24 février.
« Oui on le sait » nous confirme Larbi. « Mes amis m’ont dit qu’ils demandent maintenant 50% d’augmentation de salaire. Une fois pour toutes » justifie Ahmed, en souriant. On précise d’ailleurs, à l’intitulé du communiqué, que la revendication se fait « sans le partenaire sociale l’UGTA », un syndicat qui ne semble plus contrôler le monde Sonatrach, ni ses grèves et mouvements sociaux depuis des années. Le communiqué est d’ailleurs clos sur une pointe d’humour : « tout le monde est en grève pourquoi pas Sonatrach ».
L’effet printemps « arabe » ? Oui, car s’il n’y a pas eu de révolution en Algérie, il y a eu des augmentations et les travailleurs de « l’Etat dans l’Etat » veulent aussi leur part.
Le ton est celui de l’époque des révoltes. Sur la liste, on lira l’essentiel de ce que revendiquent les travailleurs.

  • D’abord, un calcul des primes sur la base du nouveau salaire de base et pas sur l’ancien car là on se fait arnaquer : le salaire de base change mais l’indice des primes est maintenu selon l’ancien salaire » nous affirme Ahmed.
  • La plate-forme exige aussi la dissolution de l’UGTA au sein de Sonatrach. « Syndicat national « dégage » y lit-on.
  • Les travailleurs demandent aussi L’application « du système de rémunération ou retour sur l’ancien système catégoriel.
  • Le calcul de l’ITP, Nuisance et toutes les indemnités sur le salaire de base actuel. Le calcul des IZCV sur le SNMG sur 18 000 DA et non pas sur 15 000 DA.
  • L’amélioration des conditions de vie sur les bases et chantiers SH (restauration, sport, loisirs … wifi...).
  • L’augmentation du salaire de base 50 % rappel 2008.
  • La généralisation du système de travail 4x4 pour l’ensemble des travailleurs, en application de la circulaire Réf : snes/sg./n°19/11 du 21-12-2011…
  • L’augmentation des primes (annuelle, PRC / PRC….).
  • La liste insiste, et à dessein sur la formation et stage pour les travailleurs et le turn-over des responsables (directions/régions) pas « plus de 3 ans dans le poste même structure ».
  • On peut aussi y retenir les demandes d’application des circulaires pour les prêts divers, l’augmentation des frais de mission et des primes de risque liés à la sécurité ou au terrorisme.
  • On notera aussi cette demande de « lutte contre le gaspillage - (abus des dépenses aux réceptions - Abus des missions à l’étranger….).

La liste des revendications semble être toutefois encore ouverte à l’enrichissement comme on peut le lire sur le site des concernés. Effet Internet et Facebook oblige, là où autrefois l’UGTA avait l’absolu monopole.
Exagéré ? « À peine, si on calcule que sur un simple contrat certains peuvent s’offrir 200 millions de dollars de pots-de-vin » nous dit un cadre.

Indice majeur sur le mal-être Sonatrach depuis une décennie. L’entreprise la plus sérieuse d’Algérie aura beaucoup de mal à restaurer son image : à l’internationale ou auprès de ses Khaddamine.

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LE "PEUPLE MORT", LAKHSMI MITTAL ET ABED CHAREF

par Saoudi Abdelaziz
le 14 février 2013

« Le peuple algérien est mort » semblent dire des chroniqueurs algériens. Pousser un âne mort, Tabä fi hmar miyat ? C’est usant, mais les chroniqueurs ne reculent pas devant cette besogne ingrate ! Les esprits forts qui commentent pour nous le monde comme il va, l’écrivent, puis le réécrivent interminablement, tendant au « peuple » un miroir où il n’est vraiment pas beau à voir.

Le « peuple » algérien est houspillé parce qu’il n’a pas voulu envahir les rues et crier dégage ! On se rappelle le flop de la place du Premier mai, il y a deux ans, jour pour jour. Ensuite, les chroniqueurs ont quand même laissé au peuple une autre chance, expliquant, avec le concours de Benjamin Stora, l’échec de l’appel à la révolution : traumatisés par la décennie noire, les Algériens ne veulent pas prendre de risque. Patients, les chroniqueurs le sont, mais trop c’est trop. Aujourd’hui, le peuple vraiment incorrigible, ne veut pas sortir hurler sa colère, comme un seul homme, après les révélations italiennes sur les turpitudes de Khelil et du neveu de Bedjaoui.

Le peuple algérien ne vaut décidément rien : voilà ce que savent dorénavant avec certitude les chroniqueurs qui l’observent depuis de longues années. Ils disent : à quoi bon rentrer dans les détails pour analyser la société, en haut il y a les décideurs avec corrompus et privilégiés qui gravitent autour d’eux, en bas, « regardant toujours sous les balcons », « un peuple brimé, assisté, qui passe son temps à regarder son ventre et à penser à plus bas que son ventre ». C’est le constat amer de Moncef Ouafi qui relève ce matin Kamal Daoud dans la rubrique raïnaraïkoum du Quotidien d’Oran.

Les ouvriers du complexe sidérurgique d’El Hadjar qui triment sur les laminoirs « pensent plus bas que leurs ventres » semble aussi dire Abed Charef dans “La Nation.” Dénonçant la prise de contrôle éventuelle du complexe sidérurgique d’El Hadjar par le holding public Sider, il balaie d’un revers ironique l’accueil favorable à cette mesure exprimé par les salariés. « L’Algérie est donc prête à mettre de l’argent, sous les applaudissements du syndicat de l’entreprise ». Il nous donne le scoop : « Pour ces « représentants des travailleurs », le complexe doit continuer à tourner, y compris à perte. Et puisque le géant de l’acier ne veut pas mettre de l’argent pour moderniser les équipements, payer les salaires, et garantir une rente de situation, c’est l’Etat algérien, à travers SIDER, qui va le faire ».

Les salaires des ouvriers qui triment dans les hauts fourneaux deviendraient-ils des rentes à garantir à perte ? Le journaliste semble croire que tout ressort patriotique créateur a disparu parmi les ouvriers et les cadres qui ont bâti la sidérurie algérienne. Les motivations d’une prise de contrôle publique ? La réponse est évidente : « Cela évitera aux gouvernants de faire l’effort nécessaire qui s’impose : accompagner ArcelorMittal, le pousser à terminer les mutations nécessaires pour faire du complexe d’El-Hadjar un ensemble moderne et rentable, d’opérer les restructurations nécessaires et d’introduire les nouvelles techniques requises. »

Car le problème que doit affronter le pauvre Lakshmi Mittal, entreprenant capitaliste fourvoyé dans le pays de la rente, c’est qu’ « il a hérité d’une entreprise en état de sureffectif » et qu’on ne le laisse moderniser, alors que « le seul souci des autorités est de préserver la paix sociale, quel qu’en soit le prix ».

Puisque Abed Charef nous plonge dans la science des comportements et des motivations, pourquoi ne pas voir aussi ce qui fait courir Lakshmi Mittal ? Lisons ce que dit de lui le professeur Philippe Lukacs (Le Monde.fr) qui enseigne le management de l’innovation à l’Ecole centrale de Paris :

« La famille Mittal fait partie de cet ensemble de lignées toutes originaires du Rajasthan et que l’on appelle Marwari. Elles constituent une communauté d’intérêts. Ce sont des lignées de commerçants et de prêteurs (…). Leur dharma, leur devoir, leur "vocation", est de s’enrichir. Quels que soient les moyens utilisés.
Ce sont eux qui, en Inde, prêtent à des taux particulièrement usuraires et sont, à juste titre, la terreur des paysans.
Un petit nombre d’entre elles (les Birla et Jindal, avec les Mittal) contrôlent trois des cinq majors steel companies (grandes entreprises sidérurgiques), une grande partie de l’industrie manufacturière et du commerce du thé et des textiles ».

Saoudi Abdelaziz, 14 février 2013

Sources : algerieinfos-saoudi.com

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L’ ALGÉRIE NATIONALISE TOUT, Y COMPRIS LES PROBLÈMES
Abed Charef
La Nation
le 13 Février 2013

Nationaliser El-Hadjar ? L’idée est dans l’air, malgré les dénégations d’ArcelorMittal. Elle va faire exploser le « wataniomètre ». Mais nationaliser pourquoi faire ? Pour subventionner encore et encore, pendant des décennies ?

L’opération est lancée. L’Algérie veut acheter un nouveau problème. Ou, plutôt, le racheter. Une nationalisation héroïque, réalisée grâce au droit de préemption et à la fameuse règle du 51/49. Pour y arriver, l’Algérie va débourser près de 200 millions de dollars.

La mobilisation est ainsi décrétée, et le pays va déployer les grands moyens pour reprendre possession d’un problème dont il s’était momentanément débarrassé. Des ministres et des experts, de grands patrons d’entreprises et des banquiers sont mis à contribution, pour boucler rapidement l’opération, qui consiste à redevenir majoritaire au complexe sidérurgique d’El-Hadjar.

Malgré le démenti d’ArcelorMittal, qui affirme sa volonté de rester en Algérie, des informations font état de démarches engagées par l’entreprise Sider pour mener l’opération. Sider bénéficie de l’appui du ministère de tutelle -en fait, elle applique les ordres reçus-, ainsi que du concours de la Banque Extérieure d’Algérie, qui a elle aussi reçu l’ordre de financer l’opération, sans savoir où elle va la mener.

Officiellement, l’opération est présentée comme un sauvetage. Le géant ArcelorMittal, qui détient 70% des parts du complexe d’El-Hadjar, a des difficultés à faire face à une situation délicate : faible productivité, rentabilité aléatoire, mauvaise spécialisation, équipements obsolètes, chute du marché de l’acier, etc. Ces problèmes ont débouché sur une instabilité chronique, qui provoque des grèves à répétition, avec un syndicat qui s’accroche encore à la culture GSE, en voulant imposer des investissements, des choix économiques et technologiques à une entreprise qui demeure tout de même un leader mondial dans son domaine.

Quelle est la stratégie d’ArcelorMittal face à une telle situation ? Calmer le jeu, et maintenir ses positions, en tirant le maximum de profits. A-t-il envisagé de se désengager discrètement ? Peut-être. Car si le marché algérien est prometteur, le géant mondial de l’acier fait ses calculs : il a hérité d’une entreprise en sureffectif, en sérieuse difficulté, dans un pays qui voulait assainir son économie. Il se retrouve dans un pays où le seul souci des autorités est de préserver la paix sociale, quel qu’en soit le prix. Visiblement, c’est un choix qui n’intéresse pas ArcelorMittal.

L’Algérie est donc prête à mettre de l’argent, sous les applaudissements du syndicat de l’entreprise. Pour ces « représentants des travailleurs », le complexe doit continuer à tourner, y compris à perte. Et puisque le géant de l’acier ne veut pas mettre de l’argent pour moderniser les équipements, payer les salaires, et garantir une rente de situation, c’est l’Etat algérien, à travers SIDER, qui va le faire.

La combine est assez simple. L’Etat algérien prendrait en charge un crédit à court terme de 122 millions de dollars, ainsi que les intérêts qui en découlent. Il faudra ensuite avancer l’argent nécessaire pour payer les salaires et les frais de fonctionnement, car le complexe est virtuellement en état de cessation de paiement. Ensuite, l’Etat algérien, par le biais de SIDER, va avancer 200 millions de dollars pour moderniser certains équipements. Tout ceci pour revenir au point de départ : l’Algérie va disposer d’un complexe sidérurgique qu’elle n’a pas su gérer dans le passé, qu’elle ne saura pas gérer à l’avenir. Mais comme, cette fois-ci, elle a de l’argent, elle se sent en mesure de jeter quelques centaines de millions de dollars pour pouvoir appliquer le droit de préemption.

Que va gagner l’Etat algérien ? Il va se réapproprier un problème qu’il avait réussi à refiler momentanément à ArcelorMittal. Le géant indien de la sidérurgie avait entamé le travail de réorganisation et de modernisation du complexe d’El-Hadjar, selon une vision purement financière. Il ne pouvait en être autrement : il a pris possession du complexe au moment où l’Algérie appliquait avec zèle les recommandations du FMI relatives à la privatisation. Mais ArcelorMittal n’est pas allé au bout de sa logique. Il n’a pas achevé la mutation du complexe, pour de multiples raisons. À cause de la crise, mais aussi à cause de l’embellie financière qu’a connue l’Algérie, et qui lui a permis de redécouvrir le « patriotisme économique » et la rente.

Partenaire indésirable

Aujourd’hui, le gouvernement algérien pense que la présence d’ArcelorMittal n’est plus indispensable. Elle est même gênante. Ce partenaire étranger peut repartir. Il est temps de reprendre la bonne vieille tradition de la gestion algérienne, celle de la subvention, de la production à perte, de la paix sociale à tout prix. Pourquoi s’embarrasser de partenaires étrangers quand l’argent du pétrole permet de tout régler ?

En fait, le gouvernement a fait le choix qu’il fallait à tout prix éviter. L’éviter non par dogmatisme, par refus de l’économie étatique, par un rejet du patriotisme économique, ou par une quelconque préférence systématique à l’investissement privé étranger. Mais par simple bon sens : SIDER n’a pas su gérer le complexe hier, elle ne saura pas le gérer demain. Elle ne pourra pas en faire un ensemble performant. Les mêmes méthodes bureaucratiques qui ont dominé hier s’imposeront demain, et El-Hadjar sera de nouveau un centre de distribution de la rente au lieu de devenir un lieu de création de richesse.

Mais pour le les gouvernants algériens, ce choix, le plus ruineux, est évidemment le plus facile. Il suffit de signer une décision, et de signer ensuite des chèques. Pas de production, pas de modernisation, pas de grève, pas de menace contre la paix sociale. Cela évitera aux gouvernants de faire l’effort nécessaire qui s’impose : accompagner ArcelorMittal, le pousser à terminer les mutations nécessaires pour faire du complexe d’El-Hadjar un ensemble moderne et rentable, d’opérer les restructurations nécessaires et d’introduire les nouvelles techniques requises.
Au lieu de cela, les gouvernants algériens se complaisent dans un discours supposé nationaliste, mais en réalité un discours creux, qui cache une incompétence totale et une incapacité à aller vers une gestion dynamique, moderne que requiert l’économie du nouveau siècle. Un discours qui, au final, prive l’Algérie d’une place à sa mesure dans le monde économique d’aujourd’hui, et la condamne à demeurer un exportateur d’hydrocarbures et un importateur-de-tout.

Sources : La Nation

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