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MALI : VANITÉ ET DANGER DE L’OPTION MILITAIRE PRÔNÉE CONJOINTEMENT PAR L’ EXÉCUTIF DE BAMAKO, LES DIRIGEANTS DE LA CEDEAO ET LES AUTORITÉS FRANÇAISES.

jeudi 13 décembre 2012

Le micmac malien
Hocine Belalloufi
La Nation - le 12 Décembre 2012

.../... extraits .../...

... Qui peut sérieusement croire que Paris, Londres et Washington qui ont des principes et des politiques à géométrie variable se préoccupent effectivement de la protection de l’intégrité territoriale des Etats du Sud en général et des Etats africains en particulier ainsi que de la sécurité de leurs peuples ? N’ont-ils pas soutenu la proclamation du nouvel Etat du Sud Soudan ? S’inquiètent-ils réellement de la situation du peuple sahraoui qui revendique depuis près de quarante années maintenant et en totale conformité avec les résolutions onusiennes, un simple droit à l’autodétermination ? Quelle attitude ces capitales ont-elles adoptée lors du génocide rwandais ? Qu’ont-elles fait pour stopper les massacres répétés d’ouvriers des mines sud-africains passant pourtant en boucle sur toutes les télés du monde ? Pourquoi n’interviennent-elles pas militairement ou, à tout le moins, énergiquement pour dissuader Israël de massacrer les Palestiniens et de poursuivre la colonisation de la Palestine entamée il y a 65 ans maintenant ? Que n’arrêtent-elles pas le bras assassin des dictateurs au Yémen, à Bahreïn et au Qatar ? Pourquoi tentent-elles de mobiliser la planète entière contre l’application de la charia à Tombouctou et contre l’oppression des femmes du Nord Mali alors qu’elles soutiennent politiquement, diplomatiquement et financièrement le régime saoudien qui applique des lois identiques dans son pays ? Pourquoi inscrire le Mouvement pour l’Unité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) sur la liste des groupes terroristes et déplier le tapis rouge sous les pieds des membres de la famille royale saoudienne qui oppriment les femmes, les travailleurs immigrés et la minorité chiite et qui coupent la main des voleurs ?

Les véritables motifs de l’intervention projetée

Les vraies raisons d’une intervention militaire étrangère au Mali n’ont rien à voir avec les justifications avancées par les grandes puissances impérialistes au Conseil de sécurité de l’ONU, justifications reprises et diffusées par l’industrie médiatique qui conditionne l’opinion publique de ces pays à l’idée d’une nouvelle guerre.

Ces raisons sont plus prosaïques. Il s’agit d’abord de préserver la possibilité de piller à vil prix les matières premières stratégiques de la région, à commencer par l’uranium que le géant français Areva exploite de manière monopolistique au Niger. Face à une Chine en plein expansion qui cherche à sécuriser son approvisionnement en matières premières (pétrole, gaz…), conquérir des nouveaux marchés (eau, BTPH…), la France tente de conserver un monopole sur son pré-carré. Les vastes étendues du Sahel sont loin d’avoir révélé toutes leurs potentialités énergétiques et minières. Elles disposent même, à l’instar du Niger et du Mali, d’énormes quantités de terres cultivables industriellement que nombre de banques et autres groupes agro-alimentaires du Nord, mais aussi du Sud (Libye de Kadhafi, Qatar…) tentent de s’accaparer au détriment des paysans pauvres qui subsistent grâce à la culture vivrière traditionnelle.
Alors que le capitalisme mondial traverse l’une de ses crises les plus terribles, il s’agit autant d’empêcher la venue de concurrents indésirables (Chine) que d’interdire aux Etats de la région de réunir les conditions d’un développement autocentré qui profite en premier lieu à leurs propres peuples. Fabuleux gisements de matières premières et de produits exotiques, ils doivent en même temps servir de débouchés et de marchés aux marchandises produites au Nord ou dans les grands et petits ateliers du monde (Chine, Vietnam, Inde, Bengladesh…).
Il s’agit enfin de briser toute perspective crédible d’intégration, de coopération et de développement réels des Etats du continent africain.

Absence de conditions pour une intervention militaire étrangère

La volonté quasi-obsessionnelle d’une intervention militaire étrangère au Mali est largement devenue suspecte ces dernières semaines en dépit du battage diplomatique, politique et médiatique réalisé pour vendre ce scénario à l’opinion publique internationale. Même les Etats-Unis, peu suspects de s’intéresser au sort des peuples du monde, considèrent que l’affaire est mal engagée. Washington se démarque quelque peu des va-t-en guerre de l’Elysée et du Quai d’Orsay en recommandant, comme les y incitent les autorités algériennes, à privilégier en premier lieu l’option du dialogue et des négociations en vue d’isoler les irréductibles d’Aqmi et du Mujao. La mise hors d’état de nuire de ces derniers reviendrait alors aux forces armées maliennes, une fois un réel processus de réconciliation mise en œuvre à Bamako.

Or, Paris insiste et pousse les capitales des pays-membres de la Cédéao – à commencer par Bamako – à préparer une intervention militaire alors même que les négociations avec le MNLA et Ançar Eddine, ce mouvement politique islamiste, viennent à peine de démarrer et qu’elles se révèlent très prometteuses, le premier mouvement cité semblant prêt à renoncer à son projet de sécession et de création d’un Etat indépendant de l’Azawed alors que le second semble accepter de ranger son projet d’instauration de la charia dans ses cartons et d’agir dans le cadre d’un Etat malien démocratique et laïc.

Le tout récent renversement du Premier ministre Diarra est venu rappeler, de façon particulièrement spectaculaire, la déliquescence du régime malien. Il n’existe aucun consensus entre forces sociales et politiques quant à la nécessité d’une intervention militaire étrangère dans le Nord du pays. Aucun consensus politique ne semble se dégager sur la reconstruction de l’Etat malien, de son armée en premier lieu, et sur les voies et moyens de sortir de la terrible crise économique et financière qui frappe le pays. Le dialogue inter-malien qui concerne au premier chef les forces politiques et sociales du Sud du pays, celles qui sont à Bamako, n’a même pas encore réussi à commencer. Et le renversement de Diarra illustre comment les contradictions politiques se règlent actuellement. Un climat de défiance extrême règne en maitre sur la scène politique malienne.

Comment, dans de telles conditions, espérer résoudre la terrible crise que traverse ce pays par l’intervention de quelques 3 000 soldats de la Cédéao, mal préparés et peu déterminés au vu des conditions actuelles ? Un tel déploiement serait plutôt perçu comme une occupation du pays et certainement combattu comme tel.

La crise malienne se présente sous les traits d’une contradiction entre un Sud relativement riche et dominateur et un Nord pauvre, délaissé, méprisé et dont les populations sont dominées par le pouvoir central. Mais chacun des aspects de cette contradiction se divise à son tour en deux. Loin d’être uni, le Sud est lui-même partagé en deux camps : celui des partisans d’une intervention militaire étrangère et celui qui y est opposé. Ce dernier camp se dit favorable à une reconstruction de l’Etat malien et une négociation avec le maximum d’acteurs sociaux et politiques du pays pour résoudre la crise.

Le Nord se trouve dans une situation identique avec un camp formé de partisans de la création d’un nouvel Etat (l’Azawed) et un autre constitué de partisans de l’instauration de la charia sur tout le Mali. L’ensemble de ces contradictions étroitement imbriquées les unes aux autres viennent se greffer sur une crise financière, économique et sociale sans précédent.

Toute personne sensée en conclura naturellement que la résolution d’une telle crise nécessite l’élaboration d’une réponse fondamentalement politique qui intègre les questions économiques, sociales, diplomatiques, sécuritaires et militaires. Une telle élaboration ne se réalisera pas au Conseil de sécurité de l’ONU et encore moins dans les bureaux feutrés du Quai d’Orsay, de think tanks et autres officines européens. Elle ne peut voir le jour qu’au Mali, portée par des forces autochtones. Elle nécessite de trouver un consensus afin de devenir hégémonique, c’est-à-dire partagée, et non simplement imposée, par la population de ce pays. Consensus et hégémonie ne signifient pas unanimité, mais dynamique la plus majoritaire possible. Les forces maliennes peuvent diverger, mais c’est leur affaire. Il convient surtout qu’elles parviennent à dégager une solution politique (et éventuellement militaire) qui agrée à la majorité des forces sociales de ce pays.

Les Maliens ont en conséquence besoin de temps et de soutiens : soutiens économique, financier, politique, diplomatique et militaire… Ils n’ont pas besoin que des puissances extra-africaines leur placent un couteau sous la gorge et s’ingèrent grossièrement dans leurs affaires intérieures. Il s’agit là de choses toutes simples que les dirigeants des puissances impérialistes et parfois même encore colonialistes n’arrivent pas toujours à assimiler, en dépit de leur grande… intelligence.


Pour lire l’article en entier
sur le site de La Nation
hebdomadaire algérien en ligne
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Voir en ligne : http://www.lanation.info/Le-micmac-...

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